Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Conseillers,
Votre conseil qui regroupe et représente les forces vives de la nation a souhaité se saisir et émettre un avis sur le rapport de la DATAR 'la France, puissance industrielle". Avec Frédéric de SAINT-SERNIN qui m'accompagne aujourd'hui nous nous en réjouissons car il n'est probablement pas d'assemblée plus appropriée et plus pertinente pour examiner un sujet aussi directement lié à l'emploi et à l'activité économique.
Depuis quelques années se répand une forme de discours sur le déclin des pays d'Europe de l'ouest et notamment de la France. Ces pays n'auraient qu'un passé glorieux et pratiquement pas d'avenir économique et encore moins industriel.
Le rapport que vous examinez aujourd'hui montre que de telles affirmations, de telles allégations devrai-je dire, sont, d'abord et avant tout, fausses. Je tiens ici à saluer la qualité du travail d'analyse et de prospective qu'ont effectué Nicolas JACQUET et l'ensemble des services de la DATAR pour élaborer un tel rapport.
Que nous dit ce rapport ?
Que la production industrielle a cru en volume de près de 2,5 % par an depuis plus de vingt ans. Elle continue à représenter environ 20% du Produit Intérieur Brut de notre pays comme au début des années 80.
Ces chiffres montrent que notre industrie n'a rien perdu de son poids dans notre économie et que la France reste l'une des toutes premières puissances industrielles du monde.
Néanmoins, l'emploi dans le secteur industriel a, c'est vrai, baissé, au cours des dernières années. Cette évolution est le résultat d'un double phénomène, que nous devons bien analyser.
D'abord, les entreprises se sont beaucoup recentrées sur leur coeur de métier préférant confier un certain nombre de fonctions à des entreprises de service spécialisées. Ces emplois sont alors comptabilisés, et c'est normal, comme des emplois de service. Ainsi, on constate, au plan national, que les emplois de service aux entreprises ont doublé en vingt ans.
L'évolution de l'emploi industriel est donc fortement marqué par ce choix stratégique de nos entrepreneurs. En fait, je ne suis pas sûr qu'en comparant l'emploi industriel en 1980 et l'emploi industriel d'aujourd'hui on compare des choses qui soient exactement comparables.
Ensuite et surtout, l'évolution de l'emploi industriel est aussi le résultat des gains de productivité réalisés par les entreprises et d'abord par leurs salariés. En vingt ans, et ce n'est pas votre conseil qui me contredira, notre industrie s'est profondément transformée pour pouvoir s'adapter à des conditions de marché de plus en plus concurrentielles dans une économie de plus en plus mondiale. C'était la condition indispensable à sa survie et à son développement. Elle a su, les hommes et les femmes qu'elle emploie ont su relever ce défi.
Je suis ainsi toujours ébloui par la transformation en vingt ans de notre industrie automobile.
Il y a vingt ans, bien des experts annonçaient sa disparition ou a minima son absorption par l'un des cinq groupes automobiles mondiaux qui à terme devaient dominer le marché. Aujourd'hui, notre industrie automobile avec ses constructeurs et l'ensemble de leurs sous-traitants est devenue l'une des plus performantes et l'une des plus innovantes au monde.
Devons-nous pour autant nous endormir sur ces lauriers. Certainement pas.
D'abord, parce que rien n'est jamais acquis surtout dans un tel domaine. Les récentes délocalisations d'entreprises vers des pays où le coût de production et notamment le coût de la main d'oeuvre est moindre sont là pour nous le rappeler si cela était nécessaire.
Ensuite parce que si la France conserve une réelle puissance industrielle, je suis convaincu qu'elle pourrait faire encore mieux. Notamment en fédérant ses forces localement comme l'ont fait de nombreux pays voisins.
Qu'il s'agisse des districts industriels du Nord de l'Italie, des "clusters" au Danemark ou en Norvège, des réseaux de compétence allemands ou bien des systèmes productifs locaux brésiliens, tous les grands pays industriels ont développé une logique de coopération locale d'une part entre les entreprises travaillant dans un même secteur d'activité, d'autre part entre ces entreprises et les laboratoires de recherche et de développement publics et para-publics.
La coopération est plus ou moins étroite, mais l'esprit est toujours le même : deux entreprises sont plus fortes ensemble que séparées. Dans la compétition économique mondiale, 1 + 1 peut, avec de la bonne volonté, faire beaucoup plus que 2.
Récemment en déplacement au Danemark, j'ai demandé à mon collègue danois de pouvoir visiter la Medicon Valley située des deux coté de la frontière et couvrant donc à la fois le grand Copenhague et la région Skäne en Suède.
Ce n'est pas l'État qui est l'origine de ce projet. L'initiative en revient à des industriels locaux et notamment à cinq firmes pharmaceutiques majeures qui ont su allier leurs propres centres de recherche avec celui de l'Université de Copenhague.
Aujourd'hui, après quelques années d'existence, ce réseau regroupe, sur la base du volontariat, 12 universités, 40 000 étudiants, 5 000 chercheurs, 3 parcs scientifiques, 26 hôpitaux qui travaillent en commun. Elle a accueilli 73 Start-up sur la période 1995-2002. Elle ambitionne de devenir en 2010 la première région européenne en matière de bio-technologie. Un tel exemple fait rêver.
Qu'ont fait les États dans un tel projet ?
Eh bien, ils ne sont pas restés les bras croisés sans pour autant chercher à tout régenter, à tout organiser.
Ils ont d'abord permis la participation au mouvement de leurs laboratoires de recherche. Ils ont aussi joué leur rôle essentiel en réalisant le pont sur l'Öresund pour permettre aux deux pôles de part et d'autre de la frontière de travailler ensemble, pour qu'ils ne deviennent plus qu'un, plus fort, plus attractif, incontournable.
Qu'en est-il en France de cette logique de pôle de compétitivité ?
Aujourd'hui, nombre de nos territoires sont déjà des pôles d'excellence nationaux voire européens voire mondiaux.
Il s'agit bien sûr par exemple du pôle aéronautique de Bordeaux-Toulouse mais aussi du pole électronique qui s'est développé depuis des années à Nice et à Sophia-Antipolis ou de l'ensemble de la Bretagne dans les technologies de l'information et de la communication.
Mais, il peut aussi s'agir de territoires plus modestes intervenant sur des secteurs d'activité plus ciblés. Je pense par exemple à la coutellerie à Thiers ou bien au secteur du Vimeu en Picardie, qui est l'un des leaders européens dans le domaine de la robinetterie.
Enfin, il s'agit aussi, dans mon esprit de l'agglomération parisienne qui est, avec Londres, l'une des deux villes européennes d'échelle réellement mondiale. Sa concentration de sièges sociaux internationaux, de chercheurs et d'étudiants, d'artistes, sa capacité à attirer des touristes venant de tous les horizons en font une formidable force pour notre pays et son économie, un pôle d'excellence européen voire mondial dans bien des domaines.
La situation et la compétitivité de ces territoires doivent être confortées en s'appuyant sur leurs compétences, sur leurs énergies, sur leur excellence, sur ce que j'appelle leur génie local.
Il ne s'agit bien évidemment pas pour l'État de décréter ce qui doit être fait et comment cela doit être réalisé. Une telle démarche qui a, peut-être, fonctionné à une époque ne marcherait plus aujourd'hui.
Bien au contraire, je voudrais que ces territoires trouvent eux même des pistes de travail en commun, se constituent en réseau, mutualisent des actions, des sites de production, des démarches de recherche. C'est comme cela que ces entreprises deviendront plus fortes, plus compétitives et pourront ainsi, puisque c'est notre premier objectif recruter de nouveaux collaborateurs.
Ainsi, nous renforcerons la croissance de notre pays et nous développerons l'emploi. Bien plus, la valeur immatérielle que représentent ces réseaux de compétence existants ou potentiels constitue l'un des meilleurs remparts à la délocalisation des activités. Délocaliser une entreprise ce n'est pas toujours facile. Délocaliser un réseau performant, c'est, je pense, pratiquement impossible.
Je me permets d'insister sur ce point ; l'économie, ce n'est pas des chiffres, des taux d'intérêt, des taux de croissance, ... c'est avant tout, une réalité concrète, matérielle, physique. Ce sont des hommes et des femmes qui se dépensent sans compter pour leur entreprise.
Permettre à ces tissus économiques de se renforcer en particulier en développant les synergies entre le secteur public et le secteur privé ou bien en les aidant lorsqu'ils en expriment le besoin à travailler ensemble constituera l'une de nos priorités à Frédéric de SAINT-SERNIN et à moi-même.
Concrètement que fera l'État ?
Il doit d'abord donner à chaque territoire, ce que j'appellerais, le droit à la compétitivité. Aujourd'hui, une partie de notre territoire national ne peut participer à ce formidable défi de l'ouverture de notre pays à l'Europe et au monde.
Elle ne peut pas y participer parce que les infrastructures de transports ou de télécommunication qu'il s'agisse d'Internet haut débit ou de téléphonie mobile ne le lui permettent pas.
Le Comité Interministériel de l'Aménagement Durable du Territoire du 18 décembre 2003 a décidé de mettre en place les outils nécessaires au financement de grands projets d'infrastructures de transports. Il nous faut maintenant mettre en oeuvre ces décisions, pour véritablement désenclaver l'ensemble du territoire national, pour que rejoindre un aéroport international ne soit pas plus long que voler de cet aéroport jusqu'à New York. C'est pour le ministre des transports et de l'aménagement du territoire une priorité absolue.
De même, avec Frédéric de SAINT-SERNIN, nous souhaitons que l'accès au haut débit se généralise le plus rapidement possible comme le Président de la République nous l'a récemment demandé. Nous serons, bien évidemment aidés par les révolutions technologiques permanentes qui nous permettent d'envisager aujourd'hui ce qui hier nous paraissait inconcevable techniquement et financièrement. Mais, s'il le faut, l'État saura faire son devoir de solidarité nationale sur ce sujet essentiel.
Accéder au haut débit est devenue une condition indispensable de ce droit à la compétitivité, aussi indispensable que d'avoir des autoroutes ou des TGV.
Garantir ce droit à la compétitivité de chaque territoire constitue pour Frédéric de SAINT-SERNIN et moi le premier axe de l'action de l'État.
Mais, l'État est aussi un acteur essentiel de la recherche scientifique qui peut constituer un atout essentiel de futurs pôles d'excellence.
C'est dans cette logique qu'avec mes collègues du gouvernement nous aborderons la question de la régionalisation, (avant l'expression consacrée était délocalisation, mais personnellement je préfère parler de régionalisation), des emplois publics. Je ne crois pas à des régionalisations qui ne s'appuient pas autour d'un vrai projet, qui ne comportent pas de véritables synergies avec le tissu administratif et économique local.
C'est donc en recherchant ces partenariats potentiels que nous décideront des prochaines implantations de services publics qu'ils soient administratifs, d'enseignement ou de recherche que très clairement, je souhaite relancer avant la fin de l'année.
La DATAR nous a montrés à quel point développer de véritables pôles d'excellence d'échelle locale, nationale, européenne ou mondiale constitue un formidable enjeu pour notre pays et plus largement pour l'ensemble de l'Europe. Le gouvernement en est conscient et se donnera les moyens d'accompagner les forces vives des territoires dans leurs projets pour permettre à leur génie local de pleinement s'épanouir.
Je vous remercie de votre attention et suis avec Frédéric de SAINT-SERNIN et Nicolas JACQUET pour échanger avec vous sur ce sujet et répondre à vos questions.
(source http://www.equipement.gouv.fr, le 16 juin 2004)
Mesdames et Messieurs les Conseillers,
Votre conseil qui regroupe et représente les forces vives de la nation a souhaité se saisir et émettre un avis sur le rapport de la DATAR 'la France, puissance industrielle". Avec Frédéric de SAINT-SERNIN qui m'accompagne aujourd'hui nous nous en réjouissons car il n'est probablement pas d'assemblée plus appropriée et plus pertinente pour examiner un sujet aussi directement lié à l'emploi et à l'activité économique.
Depuis quelques années se répand une forme de discours sur le déclin des pays d'Europe de l'ouest et notamment de la France. Ces pays n'auraient qu'un passé glorieux et pratiquement pas d'avenir économique et encore moins industriel.
Le rapport que vous examinez aujourd'hui montre que de telles affirmations, de telles allégations devrai-je dire, sont, d'abord et avant tout, fausses. Je tiens ici à saluer la qualité du travail d'analyse et de prospective qu'ont effectué Nicolas JACQUET et l'ensemble des services de la DATAR pour élaborer un tel rapport.
Que nous dit ce rapport ?
Que la production industrielle a cru en volume de près de 2,5 % par an depuis plus de vingt ans. Elle continue à représenter environ 20% du Produit Intérieur Brut de notre pays comme au début des années 80.
Ces chiffres montrent que notre industrie n'a rien perdu de son poids dans notre économie et que la France reste l'une des toutes premières puissances industrielles du monde.
Néanmoins, l'emploi dans le secteur industriel a, c'est vrai, baissé, au cours des dernières années. Cette évolution est le résultat d'un double phénomène, que nous devons bien analyser.
D'abord, les entreprises se sont beaucoup recentrées sur leur coeur de métier préférant confier un certain nombre de fonctions à des entreprises de service spécialisées. Ces emplois sont alors comptabilisés, et c'est normal, comme des emplois de service. Ainsi, on constate, au plan national, que les emplois de service aux entreprises ont doublé en vingt ans.
L'évolution de l'emploi industriel est donc fortement marqué par ce choix stratégique de nos entrepreneurs. En fait, je ne suis pas sûr qu'en comparant l'emploi industriel en 1980 et l'emploi industriel d'aujourd'hui on compare des choses qui soient exactement comparables.
Ensuite et surtout, l'évolution de l'emploi industriel est aussi le résultat des gains de productivité réalisés par les entreprises et d'abord par leurs salariés. En vingt ans, et ce n'est pas votre conseil qui me contredira, notre industrie s'est profondément transformée pour pouvoir s'adapter à des conditions de marché de plus en plus concurrentielles dans une économie de plus en plus mondiale. C'était la condition indispensable à sa survie et à son développement. Elle a su, les hommes et les femmes qu'elle emploie ont su relever ce défi.
Je suis ainsi toujours ébloui par la transformation en vingt ans de notre industrie automobile.
Il y a vingt ans, bien des experts annonçaient sa disparition ou a minima son absorption par l'un des cinq groupes automobiles mondiaux qui à terme devaient dominer le marché. Aujourd'hui, notre industrie automobile avec ses constructeurs et l'ensemble de leurs sous-traitants est devenue l'une des plus performantes et l'une des plus innovantes au monde.
Devons-nous pour autant nous endormir sur ces lauriers. Certainement pas.
D'abord, parce que rien n'est jamais acquis surtout dans un tel domaine. Les récentes délocalisations d'entreprises vers des pays où le coût de production et notamment le coût de la main d'oeuvre est moindre sont là pour nous le rappeler si cela était nécessaire.
Ensuite parce que si la France conserve une réelle puissance industrielle, je suis convaincu qu'elle pourrait faire encore mieux. Notamment en fédérant ses forces localement comme l'ont fait de nombreux pays voisins.
Qu'il s'agisse des districts industriels du Nord de l'Italie, des "clusters" au Danemark ou en Norvège, des réseaux de compétence allemands ou bien des systèmes productifs locaux brésiliens, tous les grands pays industriels ont développé une logique de coopération locale d'une part entre les entreprises travaillant dans un même secteur d'activité, d'autre part entre ces entreprises et les laboratoires de recherche et de développement publics et para-publics.
La coopération est plus ou moins étroite, mais l'esprit est toujours le même : deux entreprises sont plus fortes ensemble que séparées. Dans la compétition économique mondiale, 1 + 1 peut, avec de la bonne volonté, faire beaucoup plus que 2.
Récemment en déplacement au Danemark, j'ai demandé à mon collègue danois de pouvoir visiter la Medicon Valley située des deux coté de la frontière et couvrant donc à la fois le grand Copenhague et la région Skäne en Suède.
Ce n'est pas l'État qui est l'origine de ce projet. L'initiative en revient à des industriels locaux et notamment à cinq firmes pharmaceutiques majeures qui ont su allier leurs propres centres de recherche avec celui de l'Université de Copenhague.
Aujourd'hui, après quelques années d'existence, ce réseau regroupe, sur la base du volontariat, 12 universités, 40 000 étudiants, 5 000 chercheurs, 3 parcs scientifiques, 26 hôpitaux qui travaillent en commun. Elle a accueilli 73 Start-up sur la période 1995-2002. Elle ambitionne de devenir en 2010 la première région européenne en matière de bio-technologie. Un tel exemple fait rêver.
Qu'ont fait les États dans un tel projet ?
Eh bien, ils ne sont pas restés les bras croisés sans pour autant chercher à tout régenter, à tout organiser.
Ils ont d'abord permis la participation au mouvement de leurs laboratoires de recherche. Ils ont aussi joué leur rôle essentiel en réalisant le pont sur l'Öresund pour permettre aux deux pôles de part et d'autre de la frontière de travailler ensemble, pour qu'ils ne deviennent plus qu'un, plus fort, plus attractif, incontournable.
Qu'en est-il en France de cette logique de pôle de compétitivité ?
Aujourd'hui, nombre de nos territoires sont déjà des pôles d'excellence nationaux voire européens voire mondiaux.
Il s'agit bien sûr par exemple du pôle aéronautique de Bordeaux-Toulouse mais aussi du pole électronique qui s'est développé depuis des années à Nice et à Sophia-Antipolis ou de l'ensemble de la Bretagne dans les technologies de l'information et de la communication.
Mais, il peut aussi s'agir de territoires plus modestes intervenant sur des secteurs d'activité plus ciblés. Je pense par exemple à la coutellerie à Thiers ou bien au secteur du Vimeu en Picardie, qui est l'un des leaders européens dans le domaine de la robinetterie.
Enfin, il s'agit aussi, dans mon esprit de l'agglomération parisienne qui est, avec Londres, l'une des deux villes européennes d'échelle réellement mondiale. Sa concentration de sièges sociaux internationaux, de chercheurs et d'étudiants, d'artistes, sa capacité à attirer des touristes venant de tous les horizons en font une formidable force pour notre pays et son économie, un pôle d'excellence européen voire mondial dans bien des domaines.
La situation et la compétitivité de ces territoires doivent être confortées en s'appuyant sur leurs compétences, sur leurs énergies, sur leur excellence, sur ce que j'appelle leur génie local.
Il ne s'agit bien évidemment pas pour l'État de décréter ce qui doit être fait et comment cela doit être réalisé. Une telle démarche qui a, peut-être, fonctionné à une époque ne marcherait plus aujourd'hui.
Bien au contraire, je voudrais que ces territoires trouvent eux même des pistes de travail en commun, se constituent en réseau, mutualisent des actions, des sites de production, des démarches de recherche. C'est comme cela que ces entreprises deviendront plus fortes, plus compétitives et pourront ainsi, puisque c'est notre premier objectif recruter de nouveaux collaborateurs.
Ainsi, nous renforcerons la croissance de notre pays et nous développerons l'emploi. Bien plus, la valeur immatérielle que représentent ces réseaux de compétence existants ou potentiels constitue l'un des meilleurs remparts à la délocalisation des activités. Délocaliser une entreprise ce n'est pas toujours facile. Délocaliser un réseau performant, c'est, je pense, pratiquement impossible.
Je me permets d'insister sur ce point ; l'économie, ce n'est pas des chiffres, des taux d'intérêt, des taux de croissance, ... c'est avant tout, une réalité concrète, matérielle, physique. Ce sont des hommes et des femmes qui se dépensent sans compter pour leur entreprise.
Permettre à ces tissus économiques de se renforcer en particulier en développant les synergies entre le secteur public et le secteur privé ou bien en les aidant lorsqu'ils en expriment le besoin à travailler ensemble constituera l'une de nos priorités à Frédéric de SAINT-SERNIN et à moi-même.
Concrètement que fera l'État ?
Il doit d'abord donner à chaque territoire, ce que j'appellerais, le droit à la compétitivité. Aujourd'hui, une partie de notre territoire national ne peut participer à ce formidable défi de l'ouverture de notre pays à l'Europe et au monde.
Elle ne peut pas y participer parce que les infrastructures de transports ou de télécommunication qu'il s'agisse d'Internet haut débit ou de téléphonie mobile ne le lui permettent pas.
Le Comité Interministériel de l'Aménagement Durable du Territoire du 18 décembre 2003 a décidé de mettre en place les outils nécessaires au financement de grands projets d'infrastructures de transports. Il nous faut maintenant mettre en oeuvre ces décisions, pour véritablement désenclaver l'ensemble du territoire national, pour que rejoindre un aéroport international ne soit pas plus long que voler de cet aéroport jusqu'à New York. C'est pour le ministre des transports et de l'aménagement du territoire une priorité absolue.
De même, avec Frédéric de SAINT-SERNIN, nous souhaitons que l'accès au haut débit se généralise le plus rapidement possible comme le Président de la République nous l'a récemment demandé. Nous serons, bien évidemment aidés par les révolutions technologiques permanentes qui nous permettent d'envisager aujourd'hui ce qui hier nous paraissait inconcevable techniquement et financièrement. Mais, s'il le faut, l'État saura faire son devoir de solidarité nationale sur ce sujet essentiel.
Accéder au haut débit est devenue une condition indispensable de ce droit à la compétitivité, aussi indispensable que d'avoir des autoroutes ou des TGV.
Garantir ce droit à la compétitivité de chaque territoire constitue pour Frédéric de SAINT-SERNIN et moi le premier axe de l'action de l'État.
Mais, l'État est aussi un acteur essentiel de la recherche scientifique qui peut constituer un atout essentiel de futurs pôles d'excellence.
C'est dans cette logique qu'avec mes collègues du gouvernement nous aborderons la question de la régionalisation, (avant l'expression consacrée était délocalisation, mais personnellement je préfère parler de régionalisation), des emplois publics. Je ne crois pas à des régionalisations qui ne s'appuient pas autour d'un vrai projet, qui ne comportent pas de véritables synergies avec le tissu administratif et économique local.
C'est donc en recherchant ces partenariats potentiels que nous décideront des prochaines implantations de services publics qu'ils soient administratifs, d'enseignement ou de recherche que très clairement, je souhaite relancer avant la fin de l'année.
La DATAR nous a montrés à quel point développer de véritables pôles d'excellence d'échelle locale, nationale, européenne ou mondiale constitue un formidable enjeu pour notre pays et plus largement pour l'ensemble de l'Europe. Le gouvernement en est conscient et se donnera les moyens d'accompagner les forces vives des territoires dans leurs projets pour permettre à leur génie local de pleinement s'épanouir.
Je vous remercie de votre attention et suis avec Frédéric de SAINT-SERNIN et Nicolas JACQUET pour échanger avec vous sur ce sujet et répondre à vos questions.
(source http://www.equipement.gouv.fr, le 16 juin 2004)