Texte intégral
Monsieur le Président, Cher Philippe Herzog,
Mesdames, Messieurs,
Je voudrais d'abord remercier l'association Confrontations Europe de m'avoir conviée à ce débat. Je tiens à en féliciter les organisateurs. Vous savez en effet combien il est important que des Français puissent s'investir dans ce type de débats, dans ces "think tanks" qui sont assurément l'une des clefs de l'influence à Bruxelles et en Europe. Je souhaite à cet égard apporter mon appui et mes encouragements les plus chaleureux à l'action menée par Confrontations Europe.
Vous avez choisi aujourd'hui un thème qui nous est cher en France. Les services publics, les services dits "d'intérêt général" (SIG), sont en effet l'un des fondements de notre modèle de société, et du modèle européen de société. Ils répondent à des besoins essentiels et constituent un élément de notre citoyenneté européenne. Tous les sondages montrent par exemple combien les Français continuent d'y être attachés. Ils constituent aussi un élément primordial de solidarité, de cohésion sociale et territoriale en Europe. Ils sont enfin un élément de notre attractivité et de notre compétitivité, notamment par la qualité des infrastructures et des services de réseaux qui caractérise l'Europe, et cela mérite d'être souligné alors que s'amorcent les discussions sur la révision à mi-parcours de la stratégie de Lisbonne, au printemps 2005.
Vous le savez, la France souhaite pour ces raisons que le cadre communautaire sur les SIG s'enrichisse et se clarifie.
Des avancées positives ont déjà eu lieu et je tenais à les rappeler ici :
- le livre vert de la commission sur les SIG avait permis d'ouvrir le débat, notamment au Parlement européen. L'adoption d'une résolution à ce sujet en janvier 2004 a permis de noter des convergences de vues au niveau du Parlement européen et d'avancer des propositions intéressantes. Le Parlement a notamment souhaité être associé aux décisions à venir sur ce sujet. Il faut là saluer le travail de M. Philippe Herzog ;
- le livre blanc de la commission a proposé une approche positive des SIG, et a posé les principaux enjeux de cette question. Il a souligné en particulier la primauté des services publics sur d'autres préoccupations, ce dont il faut se réjouir. Il a relevé les principales questions à l'ordre du jour sur ce sujet, sans toutefois apporter de réponses définitives, et appelle donc un suivi attentif ;
- la commission a préparé une série de textes sur le financement des services d'intérêt économique général (SIEG) (le "paquet Monti") afin de clarifier le cadre juridique après l'arrêt Altmark de la Cour de justice ;
- enfin, le projet de traité constitutionnel apporte un élément très positif pour les SIEG. Il va clairement au-delà des traités actuels en reconnaissant la valeur ajoutée de ces services pour le modèle européen de société. Il donne ainsi une base légale nouvelle pour garantir les services publics en Europe, et introduit notamment la cohésion territoriale, aux côtés de la cohésion sociale, comme objectifs auxquels les SIEG contribuent. C'est une avancée très importante, je crois qu'il faut le reconnaître.
Je tenais également à rappeler l'importance dans ce domaine du principe de subsidiarité, auquel nous devons veiller très attentivement. Ce que nous devons rechercher avant tout pour beaucoup de services, et je pense notamment aux services locaux ou encore aux services de sociaux ou de santé, c'est bien de laisser aux États la possibilité et la liberté d'organiser, de financer, de définir les services qu'ils qualifient de SIEG et qu'ils entendent fournir pour répondre aux besoins des citoyens, besoins qui peuvent d'ailleurs varier d'un pays à l'autre ou d'une région à l'autre en fonction des particularités culturelles, géographiques par exemple. Ainsi les services publics locaux revêtent un caractère essentiel pour la cohésion territoriale : les États membres et leurs collectivités locales doivent pouvoir continuer à définir les obligations de service public et choisir les modes de financement appropriés, les modes de prestation de services - et en particulier l'auto-prestation par des collectivités -, qui sont dans la pratique d'une grande diversité.
Vous avez discuté cet après-midi de l'avenir, des priorités d'actions. Je pense que vos débats ont permis de dégager des propositions, des lignes d'action. Je n'ai pas pu assister à la totalité des tables rondes, mais je serai bien sûr très attentive aux résultats que vous pourrez me communiquer. Je voudrais simplement en conclusion, vous délivrer quelques messages sur les principaux sujets qui nous occupent, ou nous préoccupent actuellement :
D'abord, au sujet de la directive sur les services. L'analyse de ce texte transversal est en cours au niveau français. C'est un texte très large, très important et sa discussion sera certainement longue, elle ne pourra s'achever qu'à la fin 2005 ou même plus probablement en 2006. Mon approche est double :
- d'une part, je crois qu'il faut accueillir favorablement cette initiative. C'est une initiative positive pour le marché intérieur, pour les entreprises de services - et notamment les entreprises françaises de services qui y ont des intérêts offensifs évidents pour conquérir d'autres marchés en Europe -, c'est une initiative positive pour le dynamisme économique de l'Union. Vous le savez, la France a un déficit d'emplois dans le secteur des services : on ne peut pas à la fois dénoncer cela et ne pas accepter qu'on améliore le fonctionnement du marché des services, qu'on cherche à libérer les énergies.
- D'autre part, je pense qu'il faut améliorer le texte, dans une approche très concrète. Le marché intérieur est compatible avec d'autres exigences, comme la protection des consommateurs ou les services publics par exemple. Nous devons donc proposer les articulations qui sont nécessaires, pointer les difficultés concrètes qui peuvent se poser et proposer des solutions. Je crois en effet qu'il y a trop de dogmatisme sur ce texte, trop de pétitions de principe, tant des partisans d'une libéralisation totale du marché, que de ses opposants. Il ne s'agit pas d'un débat théorique, mais bien de réfléchir ensemble à la meilleure façon de faire fonctionner le marché intérieur des services. Je sais qu'il y a des préoccupations graves, comme celle des services de santé, dont vous savez que la France souhaite l'exclusion, car leur organisation relève des États membres. S'agissant des SIEG, nous souhaitons aussi qu'une véritable articulation soit prévue, que leurs spécificités soient prises en compte.
Pour ces raisons, je serai très attentive aux débats, aux discussions qui ont lieu, au Parlement, parmi la société civile, au niveau politique. J'en attends beaucoup pour progresser sur ce texte dans les discussions au conseil.
Deuxième grande question, les règles de financement des SIEG. J'ai pu assister pour partie à vos débats lors de cette table ronde. Je crois qu'il s'agit en effet d'une question prioritaire, sur laquelle nous devons travailler rapidement avec la Commission. Des textes ont été préparés qui répondent globalement à notre préoccupation de voir le financement des SIEG sécurisé à la suite de l'arrêt Altmark. La France a répondu officiellement à la Commission sur ces textes, en proposant une série d'ajustements. Il s'agit en particulier de s'assurer que les services qui relèvent des critères de l'arrêt Altmark seront bien exemptés de notification : il ne faut pas revenir en arrière sur cette jurisprudence. Il s'agit également que la Commission donne un niveau suffisant de précision sur l'application des critères, notamment ceux qui permettent d'évaluer les compensations de service public, avec une approche pragmatique et applicable aux cas concrets. Enfin, la France a rappelé que le Parlement avait souhaité des textes adoptés en co-décision.
On ne peut pas parler des SIEG sans évoquer les grands services en réseaux - transports, énergie, télécoms, postes -. Ils présentent souvent une forte dimension communautaire et ont été dotés de cadres réglementaires aptes à garantir la fourniture durable de services de qualité accessibles à tous. Le cadre juridique est globalement satisfaisant, sous réserve d'actions régulières qui permettent de garantir une bonne adaptation aux mutations technologiques et aux nouveaux objectifs susceptibles d'être assignés au service universel. Ces réseaux sont un élément moteur de l'attractivité de nos économies. Il faut que l'Union européenne continue à mobiliser des moyens pour mettre à niveau ses infrastructures : dans le cadre des projets qui peuvent être cofinancés par les fonds structurels, dans le cadre des projets RTE - réseaux transeuropéens - également, qui doivent en particulier permettre d'améliorer l'accès à ces réseaux dans les régions les plus isolées, ainsi que dans les nouveaux États membres. Je pense par exemple à cet égard à l'introduction de l'accès au haut débit dans le périmètre du service universel des télécoms : alors que ce marché a mûri, alors que les besoins s'expriment très largement, cela pourrait être une initiative très utile.
Enfin, une réflexion est engagée par la commission sur les services sociaux d'intérêt général, que la France soutient activement. Je souhaite que l'ensemble de la sphère sociale puisse s'exprimer dans le cadre des consultations qui sont engagées. Il s'agit d'un secteur important en France qui est composé très largement d'établissements et d'associations à but non lucratif. Ces opérateurs ont souvent des caractéristiques particulières, la société civile y assure des missions essentielles par exemple, ils participent à des objectifs collectifs plus larges et ne peuvent donc se résumer à une simple prestation de services. La démarche de la Commission, soutenue par la présidence, devrait permettre d'aboutir à une vision partagée en Europe des caractéristiques d'intérêt général de ces services, et d'identifier les problématiques qui sont rencontrées dans l'application notamment des règles de concurrence et de marché intérieur. Les services sociaux illustrent en particulier le problème de la distinction entre services économiques et services non économiques, dont le flou fragilise un certain nombre de services d'intérêt général. Il est souhaitable à cet égard que des avancées concrètes soient faites sur ce sujet dans le cadre de cette réflexion.
La question de l'évaluation des services d'intérêt économique général doit également être traitée. Les travaux sur ce sujet pourraient en particulier faciliter l'application des critères de l'arrêt Altmark, notamment sur la question de l'efficacité des services, qui ne peut être mesurée de façon purement comptable.
Voici donc quelques messages que je voulais vous faire partager en conclusion de ces débats.
Pour préciser les conditions d'exercice des SIEG dans le respect du principe de subsidiarité, la France souhaite que l'Union se dote, conformément aux dispositions du traité constitutionnel, d'une "loi européenne" c'est-à-dire d'un outil juridique transversal. Sur ce sujet, je souhaite que les prochains mois permettent de préciser concrètement le contenu d'un tel outil. Il est utile à cet égard que vos débats puissent contribuer à avancer des propositions, sur la base notamment des pistes avancées par la résolution du Parlement européen.
Il serait souhaitable que la réflexion sur cet outil transversal puisse avancer parallèlement aux échanges avec les États membres sur les textes destinés à encadrer les aides d'État aux SIEG, de façon à ce que d'ici fin 2005 les États membres et le Parlement puissent disposer d'un "paquet" reflétant une approche équilibrée.
La France a un rôle particulier à jouer sur ces questions vis-à-vis de ses partenaires, qui vous le savez ne sont pas toujours convaincus par nos discours sur les services publics. Dans le même temps, et je le vois bien lors de mes déplacements dans les nouveaux États membres, ils sont très soucieux de développer des infrastructures de qualité, de réformer leurs systèmes de protection sociale face au poids démographique, de donner accès à des réseaux d'information à un plus grand nombre de citoyens. Je crois que c'est cette approche concrète que nous devons promouvoir.
Je terminerai par un mot sur la Constitution, que j'évoquais au début de mon propos. Sur les SIEG comme sur beaucoup d'autres sujets, ce texte apporte des évolutions décisives. Évidemment, elles ne sont pas toujours très visibles pour le grand public, pour lequel nos discussions sur le financement des SIEG reste évidemment d'une très grande complexité. Je crois donc qu'il nous appartient, qu'il vous appartient, d'expliquer le texte de la Constitution, d'en faire la pédagogie en expliquant ce qui peut changer, en expliquant en quoi il répond mieux aux attentes des citoyens européens, en quoi aussi son rejet fragiliserait par exemple considérablement les services publics en Europe. Je ferai moi-même ce travail d'explication dans les régions françaises. Je compte sur vous pour cette action essentielle.
Je vous remercie.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 26 octobre 2004)
Mesdames, Messieurs,
Je voudrais d'abord remercier l'association Confrontations Europe de m'avoir conviée à ce débat. Je tiens à en féliciter les organisateurs. Vous savez en effet combien il est important que des Français puissent s'investir dans ce type de débats, dans ces "think tanks" qui sont assurément l'une des clefs de l'influence à Bruxelles et en Europe. Je souhaite à cet égard apporter mon appui et mes encouragements les plus chaleureux à l'action menée par Confrontations Europe.
Vous avez choisi aujourd'hui un thème qui nous est cher en France. Les services publics, les services dits "d'intérêt général" (SIG), sont en effet l'un des fondements de notre modèle de société, et du modèle européen de société. Ils répondent à des besoins essentiels et constituent un élément de notre citoyenneté européenne. Tous les sondages montrent par exemple combien les Français continuent d'y être attachés. Ils constituent aussi un élément primordial de solidarité, de cohésion sociale et territoriale en Europe. Ils sont enfin un élément de notre attractivité et de notre compétitivité, notamment par la qualité des infrastructures et des services de réseaux qui caractérise l'Europe, et cela mérite d'être souligné alors que s'amorcent les discussions sur la révision à mi-parcours de la stratégie de Lisbonne, au printemps 2005.
Vous le savez, la France souhaite pour ces raisons que le cadre communautaire sur les SIG s'enrichisse et se clarifie.
Des avancées positives ont déjà eu lieu et je tenais à les rappeler ici :
- le livre vert de la commission sur les SIG avait permis d'ouvrir le débat, notamment au Parlement européen. L'adoption d'une résolution à ce sujet en janvier 2004 a permis de noter des convergences de vues au niveau du Parlement européen et d'avancer des propositions intéressantes. Le Parlement a notamment souhaité être associé aux décisions à venir sur ce sujet. Il faut là saluer le travail de M. Philippe Herzog ;
- le livre blanc de la commission a proposé une approche positive des SIG, et a posé les principaux enjeux de cette question. Il a souligné en particulier la primauté des services publics sur d'autres préoccupations, ce dont il faut se réjouir. Il a relevé les principales questions à l'ordre du jour sur ce sujet, sans toutefois apporter de réponses définitives, et appelle donc un suivi attentif ;
- la commission a préparé une série de textes sur le financement des services d'intérêt économique général (SIEG) (le "paquet Monti") afin de clarifier le cadre juridique après l'arrêt Altmark de la Cour de justice ;
- enfin, le projet de traité constitutionnel apporte un élément très positif pour les SIEG. Il va clairement au-delà des traités actuels en reconnaissant la valeur ajoutée de ces services pour le modèle européen de société. Il donne ainsi une base légale nouvelle pour garantir les services publics en Europe, et introduit notamment la cohésion territoriale, aux côtés de la cohésion sociale, comme objectifs auxquels les SIEG contribuent. C'est une avancée très importante, je crois qu'il faut le reconnaître.
Je tenais également à rappeler l'importance dans ce domaine du principe de subsidiarité, auquel nous devons veiller très attentivement. Ce que nous devons rechercher avant tout pour beaucoup de services, et je pense notamment aux services locaux ou encore aux services de sociaux ou de santé, c'est bien de laisser aux États la possibilité et la liberté d'organiser, de financer, de définir les services qu'ils qualifient de SIEG et qu'ils entendent fournir pour répondre aux besoins des citoyens, besoins qui peuvent d'ailleurs varier d'un pays à l'autre ou d'une région à l'autre en fonction des particularités culturelles, géographiques par exemple. Ainsi les services publics locaux revêtent un caractère essentiel pour la cohésion territoriale : les États membres et leurs collectivités locales doivent pouvoir continuer à définir les obligations de service public et choisir les modes de financement appropriés, les modes de prestation de services - et en particulier l'auto-prestation par des collectivités -, qui sont dans la pratique d'une grande diversité.
Vous avez discuté cet après-midi de l'avenir, des priorités d'actions. Je pense que vos débats ont permis de dégager des propositions, des lignes d'action. Je n'ai pas pu assister à la totalité des tables rondes, mais je serai bien sûr très attentive aux résultats que vous pourrez me communiquer. Je voudrais simplement en conclusion, vous délivrer quelques messages sur les principaux sujets qui nous occupent, ou nous préoccupent actuellement :
D'abord, au sujet de la directive sur les services. L'analyse de ce texte transversal est en cours au niveau français. C'est un texte très large, très important et sa discussion sera certainement longue, elle ne pourra s'achever qu'à la fin 2005 ou même plus probablement en 2006. Mon approche est double :
- d'une part, je crois qu'il faut accueillir favorablement cette initiative. C'est une initiative positive pour le marché intérieur, pour les entreprises de services - et notamment les entreprises françaises de services qui y ont des intérêts offensifs évidents pour conquérir d'autres marchés en Europe -, c'est une initiative positive pour le dynamisme économique de l'Union. Vous le savez, la France a un déficit d'emplois dans le secteur des services : on ne peut pas à la fois dénoncer cela et ne pas accepter qu'on améliore le fonctionnement du marché des services, qu'on cherche à libérer les énergies.
- D'autre part, je pense qu'il faut améliorer le texte, dans une approche très concrète. Le marché intérieur est compatible avec d'autres exigences, comme la protection des consommateurs ou les services publics par exemple. Nous devons donc proposer les articulations qui sont nécessaires, pointer les difficultés concrètes qui peuvent se poser et proposer des solutions. Je crois en effet qu'il y a trop de dogmatisme sur ce texte, trop de pétitions de principe, tant des partisans d'une libéralisation totale du marché, que de ses opposants. Il ne s'agit pas d'un débat théorique, mais bien de réfléchir ensemble à la meilleure façon de faire fonctionner le marché intérieur des services. Je sais qu'il y a des préoccupations graves, comme celle des services de santé, dont vous savez que la France souhaite l'exclusion, car leur organisation relève des États membres. S'agissant des SIEG, nous souhaitons aussi qu'une véritable articulation soit prévue, que leurs spécificités soient prises en compte.
Pour ces raisons, je serai très attentive aux débats, aux discussions qui ont lieu, au Parlement, parmi la société civile, au niveau politique. J'en attends beaucoup pour progresser sur ce texte dans les discussions au conseil.
Deuxième grande question, les règles de financement des SIEG. J'ai pu assister pour partie à vos débats lors de cette table ronde. Je crois qu'il s'agit en effet d'une question prioritaire, sur laquelle nous devons travailler rapidement avec la Commission. Des textes ont été préparés qui répondent globalement à notre préoccupation de voir le financement des SIEG sécurisé à la suite de l'arrêt Altmark. La France a répondu officiellement à la Commission sur ces textes, en proposant une série d'ajustements. Il s'agit en particulier de s'assurer que les services qui relèvent des critères de l'arrêt Altmark seront bien exemptés de notification : il ne faut pas revenir en arrière sur cette jurisprudence. Il s'agit également que la Commission donne un niveau suffisant de précision sur l'application des critères, notamment ceux qui permettent d'évaluer les compensations de service public, avec une approche pragmatique et applicable aux cas concrets. Enfin, la France a rappelé que le Parlement avait souhaité des textes adoptés en co-décision.
On ne peut pas parler des SIEG sans évoquer les grands services en réseaux - transports, énergie, télécoms, postes -. Ils présentent souvent une forte dimension communautaire et ont été dotés de cadres réglementaires aptes à garantir la fourniture durable de services de qualité accessibles à tous. Le cadre juridique est globalement satisfaisant, sous réserve d'actions régulières qui permettent de garantir une bonne adaptation aux mutations technologiques et aux nouveaux objectifs susceptibles d'être assignés au service universel. Ces réseaux sont un élément moteur de l'attractivité de nos économies. Il faut que l'Union européenne continue à mobiliser des moyens pour mettre à niveau ses infrastructures : dans le cadre des projets qui peuvent être cofinancés par les fonds structurels, dans le cadre des projets RTE - réseaux transeuropéens - également, qui doivent en particulier permettre d'améliorer l'accès à ces réseaux dans les régions les plus isolées, ainsi que dans les nouveaux États membres. Je pense par exemple à cet égard à l'introduction de l'accès au haut débit dans le périmètre du service universel des télécoms : alors que ce marché a mûri, alors que les besoins s'expriment très largement, cela pourrait être une initiative très utile.
Enfin, une réflexion est engagée par la commission sur les services sociaux d'intérêt général, que la France soutient activement. Je souhaite que l'ensemble de la sphère sociale puisse s'exprimer dans le cadre des consultations qui sont engagées. Il s'agit d'un secteur important en France qui est composé très largement d'établissements et d'associations à but non lucratif. Ces opérateurs ont souvent des caractéristiques particulières, la société civile y assure des missions essentielles par exemple, ils participent à des objectifs collectifs plus larges et ne peuvent donc se résumer à une simple prestation de services. La démarche de la Commission, soutenue par la présidence, devrait permettre d'aboutir à une vision partagée en Europe des caractéristiques d'intérêt général de ces services, et d'identifier les problématiques qui sont rencontrées dans l'application notamment des règles de concurrence et de marché intérieur. Les services sociaux illustrent en particulier le problème de la distinction entre services économiques et services non économiques, dont le flou fragilise un certain nombre de services d'intérêt général. Il est souhaitable à cet égard que des avancées concrètes soient faites sur ce sujet dans le cadre de cette réflexion.
La question de l'évaluation des services d'intérêt économique général doit également être traitée. Les travaux sur ce sujet pourraient en particulier faciliter l'application des critères de l'arrêt Altmark, notamment sur la question de l'efficacité des services, qui ne peut être mesurée de façon purement comptable.
Voici donc quelques messages que je voulais vous faire partager en conclusion de ces débats.
Pour préciser les conditions d'exercice des SIEG dans le respect du principe de subsidiarité, la France souhaite que l'Union se dote, conformément aux dispositions du traité constitutionnel, d'une "loi européenne" c'est-à-dire d'un outil juridique transversal. Sur ce sujet, je souhaite que les prochains mois permettent de préciser concrètement le contenu d'un tel outil. Il est utile à cet égard que vos débats puissent contribuer à avancer des propositions, sur la base notamment des pistes avancées par la résolution du Parlement européen.
Il serait souhaitable que la réflexion sur cet outil transversal puisse avancer parallèlement aux échanges avec les États membres sur les textes destinés à encadrer les aides d'État aux SIEG, de façon à ce que d'ici fin 2005 les États membres et le Parlement puissent disposer d'un "paquet" reflétant une approche équilibrée.
La France a un rôle particulier à jouer sur ces questions vis-à-vis de ses partenaires, qui vous le savez ne sont pas toujours convaincus par nos discours sur les services publics. Dans le même temps, et je le vois bien lors de mes déplacements dans les nouveaux États membres, ils sont très soucieux de développer des infrastructures de qualité, de réformer leurs systèmes de protection sociale face au poids démographique, de donner accès à des réseaux d'information à un plus grand nombre de citoyens. Je crois que c'est cette approche concrète que nous devons promouvoir.
Je terminerai par un mot sur la Constitution, que j'évoquais au début de mon propos. Sur les SIEG comme sur beaucoup d'autres sujets, ce texte apporte des évolutions décisives. Évidemment, elles ne sont pas toujours très visibles pour le grand public, pour lequel nos discussions sur le financement des SIEG reste évidemment d'une très grande complexité. Je crois donc qu'il nous appartient, qu'il vous appartient, d'expliquer le texte de la Constitution, d'en faire la pédagogie en expliquant ce qui peut changer, en expliquant en quoi il répond mieux aux attentes des citoyens européens, en quoi aussi son rejet fragiliserait par exemple considérablement les services publics en Europe. Je ferai moi-même ce travail d'explication dans les régions françaises. Je compte sur vous pour cette action essentielle.
Je vous remercie.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 26 octobre 2004)