Interview de M. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire, à "LCI" le 19 décembre 2003, sur l'adoption définitive du budget 2004, sur la décision du gouvernement de ne pas privatiser les autoroutes.

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Média : La Chaîne Info - Télévision

Texte intégral


A. Hausser-. Le budget a été définitivement adopté hier soir. La navette entre le Sénat et l'Assemblée est terminée. C'est un budget qui prévoit un déficit légèrement inférieur à celui de 2003, mais qui nous vaut quand même de sévères mises en garde et les rappels à l'ordre de Bruxelles. Le Premier ministre a dit hier que les baisses d'impôts allaient continuer cependant. Est-ce que l'on va continuer de baisser l'impôt sur le revenu et d'augmenter les impôts indirects ?
- "Baisser les impôts, c'est rendre aux Français la part de leur travail qu'on leur prélève en trop. Et donc le message du budget pour 2004, c'est : nous croyons au travail des Français pour favoriser le développement de la France et la création des emplois. Donc le programme de baisse d'impôts se poursuivra, à mesure naturellement des marges de manoeuvre que nous pourrons gagner dans la construction des budgets, année après année."
Pour favoriser l'emploi ? Vous voulez dire que c'est plutôt la baisse des charges que vous allez favoriser ?
- "Nous ferons les deux : baisse de l'impôt sur le revenu, baisse des charges, amélioration du pouvoir d'achat des familles - puisqu'il y a eu un relèvement important du Smic. Je pense d'ailleurs que la reprise, qui maintenant est confirmée, dont on parlera peut-être dans un instant, est la preuve que la politique que le Gouvernement a menée est réussie. L'enjeu était d'encourager le travail, de redonner du pouvoir d'achat aux Français, afin qu'ils puissent consommer, accompagner la reprise, la renforcer. Et on voit bien que la reprise est là."
La reprise est là : quand on dit "reprise", on dit aussi "rentrées fiscales supplémentaires". Je me souviens d'une fameuse affaire de la cagnotte. Est-ce que la cagnotte qui pourrait se former l'année prochaine sera affectée à des dépenses ou à la résorption du déficit ?
- "Je ne sais pas si nous pourrions avoir une cagnotte. En tout cas, si nous avons des plus-values fiscales - appelons-les comme cela -, naturellement, comme ce seraient de bonnes surprises, ces bonnes surprises seraient entièrement consacrées à la résorption du déficit. Puisque nous avons envoyé à Bruxelles un programme de stabilité qui est d'une clarté totale, nous nous sommes engagés sur la maîtrise des dépenses et sur une évolution "zéro volume" - c'est-à-dire exclusivement l'inflation -, sur des dépenses de l'Etat sur la totalité de la législature."
Et le geste de bonne volonté serait celui-là ?
- "Ce n'est pas un geste de bonne volonté, c'est un geste de bonne gestion. Et nous avons d'ailleurs voulu toujours montrer à nos partenaires européens que nous étions attachés à la bonne gestion de la France. Ce que nous n'avons pas voulu faire, c'était la précipiter dans la récession. Nous avons eu d'ailleurs la chance de ne pas être en récession. Aujourd'hui, la politique que nous avons menée porte ses fruits, puisque nous voyons bien que la reprise revient. Et ceci montre que les choix que nous avions fait étaient les plus sages."
Bruxelles sanctionne aussi sévèrement la France : il y a une grosse amende pour EDF, il y a le refus de baisser la TVA pour la restauration. Pour le bâtiment, c'est confirmé ?
- "Il y a une bonne nouvelle - c'est un scoop d'ailleurs ! : la TVA au taux réduit pour le bâtiment, c'est maintenant certain, puisque le COREPER, qui est l'organe qui réunit tous les représentants permanents des Etats, a adopté cette poursuite du taux réduit. Donc, lors du prochain Conseil des ministres, ce sera adopté. Tout le monde peut donc être sûr maintenant que cette reconduction de la TVA à taux réduit sur le bâtiment est assurée."
En revanche, pour la restauration, il faudra attendre les temps meilleurs ?
- "Il faut continuer à travailler, pour convaincre nos partenaires européens, puisqu'il nous faut l'unanimité."
Pourquoi cette unanimité est-elle difficile à obtenir ?
- "Tous les pays ne sont pas d'accord sur ce sujet..."
Notamment nos grands amis ?
- "Oui, l'Allemagne par exemple, qui est un pays avec lequel nous travaillons de manière très confiante, n'est pas favorable à cette baisse de la TVA sur la restauration. Mais naturellement, nous ne nous résignons pas. Nous parlons avec l'Allemagne, nous essayons de la convaincre de partager cette volonté. Nous y croyons beaucoup pour l'emploi."
Est-ce que vous parlez aussi beaucoup avec votre majorité ? Parce qu'au début de la session parlementaire, les parlementaires UMP avaient mis l'accent sur l'incohérence qui existait, selon eux, de vouloir baisser l'impôt sur le revenu et d'augmenter le gazole. Ils n'ont pas été entendu. L'UDF en a tiré les conséquences et s'est abstenue dans ce budget. Les Sénateurs ont voté ; les députés, eux, n'ont pas voté le budget. Est-ce que, de ce côté-là, vous prenez des engagements ?
- "Je sors de deux mois de débats parlementaires, tous les jours ! Et je peux donc vous dire que la confiance avec la majorité est totale. Je crois leur avoir donné des explications sur l'ensemble des choix du Gouvernement, je pense les avoir convaincus. Je pense vraiment que tous les choix de baisses d'impôts, d'encouragement au travail ont été compris. S'agissant de l'UDF, je connais l'UDF, c'est la famille démocrate-chrétienne, c'est ma famille..."
Mais vous n'y êtes plus ?
- "On reste toujours attaché à sa famille. Mais ce que je peux vous dire, c'est qu'il n'y a pas de divergences de vues. Il y a peut-être des divergences sur les moyens pour y parvenir. Mais ce que je veux dire à l'UDF, c'est travaillons en confiance, tous ensemble. C'est ce que les Français attendent de nous. Ils veulent que nous modernisions la France. Et pour y parvenir, il faut absolument que nous soyons unis et solidaires, pour faire passer ces réformes de modernisation, qui sont nécessaires pour la réussite de la France."
Mais ils disent que vous ne les écoutez pas ?
- "Bien sûr que si..."
C'est de la gesticulation ?
- "Vous le savez, la politique, c'est aussi naturellement la parole. Et la parole, parfois, va plus vite que la pensée. Mais, en tout état de cause, sur les sujets fondamentaux, je n'ai pas constaté, en deux mois, qu'il y avait des divergences de fond entre le point de vue de l'UMP et celui de l'UDF."
Et comment expliquez-vous cette abstention au final ?
- "Cela n'a pas été le cas au Sénat. Cela montre donc qu'il y a des sensibilités peut-être un peu plus aiguës à l'Assemblée nationale. Ce que les Français doivent savoir, ce qu'ils veulent, eux, c'est savoir ce que cela va changer pour eux, et non pas les éventuelles discordes ou disputes entre les partis politiques. Ce qu'ils doivent savoir, c'est que tout est fait pour qu'il soit fait le meilleur usage possible du fruit de leur travail, que les impôts qui leur sont prélevés soient utilisés pour financer les actions de l'Etat au moindre coût pour eux et au maximum d'efficacité pour eux. Et ils doivent savoir aussi que la reprise, dont on leur a tant parlé arrive, et que c'est le meilleur moyen de revoir l'emploi repartir."
Est-ce une bonne chose de ne pas privatiser les autoroutes ; on dit que Bercy a perdu une bataille ?
- "Non, c'est le choix du Premier ministre qui est le mieux placé pour faire le meilleur choix. Et Bercy, naturellement, a toujours obéi au Premier ministre."
Vous auriez peut-être souhaité une privatisation ?
- "Nous avons fait nos propositions..."
Elles n'ont pas été retenues.
- "Mais la décision du Premier ministre est toujours la bonne."
Très bien, on vous aura compris... Le Quai d'Orsay fait grève, c'est quand même une grande nouveauté. Ce n'est pas votre ministère, mais vous avez dit que le Quai d'Orsay avait assez de moyens.
- "Globalement, le Quai d'Orsay a absolument assez de moyens..."
Il y a trop de monde alors ?
- "Non, il a tous les moyens qu'il lui faut pour mener son action à l'extérieur de la France."
Quand même, des ambassades fermées, on ne voit pas cela tous les jours !
- "D'accord, mais des ambassadeurs en grève peuvent peut-être aussi révéler leur salaire, ce serait une bonne information pour les Français. En tout état de cause, pour ce qui nous concerne, je considère que c'est une question d'organisation interne. Je trouve d'ailleurs que D. de Villepin a été très courageux, il a adopté une réforme nécessaire qui consiste, en effet, à rééquilibrer les rémunérations de ceux qui sont à l'extérieur et de ceux qui sont dans les administrations centrales. C'est nécessaire pour le bon accomplissement des missions des Affaires étrangères et je crois qu'il faut savoir raison garder."
(Source :premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 19 décembre 2003)