Interview de M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat au budget et à la réforme budgétaire, à "France 2" le 21 septembre 2004, sur le projet de budget 2005, et notamment les mesures de lutte contre les délocalisations et en faveur de l'emploi, ou encore sur la réforme de la redevance de la télévision, les exonérations fiscales pour les emplois à domicile, la réforme du prêt à taux zéro, la prime pour l'emploi.

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Média : France 2 - Télévision

Texte intégral

Q- Le budget sera présenté demain en Conseil des ministres par N. Sarkozy. Mais d'ores et déjà, on sait pas mal de choses sur ce budget.
R- On en a beaucoup parlé, la presse s'en est fait l'écho. N. Sarkozy et moi-même avons annoncé quelques mesures, le Premier ministre également. Donc, demain matin, en effet, nous le présenterons en Conseil des ministres et aussi également aux deux commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat, ainsi qu'à la presse l'après-midi. Et ensuite, naturellement, chaque ministre présentera le budget de son propre département ministériel.
Q- Revenons sur les dispositions de ce budget dont on a déjà parlées. Et puis vous nous direz s'il y en a quelques autres - il y aura quand même quelques surprises. Pour les entreprises, on ne va pas s'étaler, mais rappelons tout de même qu'il y a des allégements de charges pour compenser certaines suppressions, il y a une orientation de l'épargne vers les petites entreprises qui font de l'innovation, des mesures pour l'apprentissage, un plan antidélocalisation. C'est à peu près l'ensemble du dispositif ?
R- Oui, c'est ce que le Premier ministre a appelé l'agenda et le "contrat 2005". Tout est au service de l'emploi, et en dehors de ce que vous avez indiqué, qui va faciliter la vie des entreprises et permettre, nous le souhaitons, des embauches, il y a des mesures pour lutter contre la délocalisation, avec un certain nombre de mesures sur la taxe professionnelle...
Q- On va taxer ceux qui veulent se délocaliser...
R- Oui, on va faire un crédit de taxe professionnelle pour éviter des délocalisations dans certains bassins difficiles et, à l'inverse, pour permettre des relocalisations d'entreprises parties à l'étranger dans ces dernières années, un crédit d'impôt pour faciliter la relocalisation. On fera également toute une politique autour des pôles de compétitivité où l'on mettra des entreprises innovantes, de l'université, de la formation et de la recherche pour créer des emplois, dans la région de Grenoble ou ailleurs, dans les endroits où il y a de la richesse intellectuelle et des possibilités de développement d'emplois dans les années à venir.
Q- Passons au volet "ménage", "particulier". Première disposition - je ne les prends pas par ordre d'importance - : la redevance de la télévision est réformée, on ne va payer qu'une seule redevance par foyer fiscal ; elle sera adossée sur la taxe d'habitation. Comment cela va-t-il se faire, parce que tout le monde ne paie pas la taxe, tout le monde ne paie pas la redevance.

actuellement, parce qu'ils avaient oublié de donner la bonne adresse... Il
y avait également ceux qui ne la payaient pas dans leur résidence secondaire, pensant qu'ils ne devaient pas la payer, or on doit la payer. Donc, on va simplifier tout cela. Chaque famille française qui a un appartement ou une maison, on considère qu'elle a une télévision. Si elle n'a pas de télévision, elle le dit dans sa déclaration d'impôts, sur l'honneur : "je n'ai pas de télévision". Et on payera une redevance audiovisuelle par foyer, quel que soit le nombre de télévision, le nombre de maisons, etc. Les personnes qui naturellement étaient exonérées, soit de la redevance, soit de la taxe d'habitation - personnes âgées, personnes en difficulté, Rmistes, etc. - ne la paieront pas. Cela va nous permettre de la baisser d'un cran.
Q- Cela veut dire qu'il y aura davantage de personnes exonérées de la redevance ?
R- Cela veut dire que pour l'audiovisuel public, puisque nous sommes sur France 2, il y aura plus d'argent, parce que nous allons mieux percevoir la redevance, il y aura moins d'injustice dans le paiement. Cela sera plus simple : vous recevrez un jour votre taxe d'habitation, comme chaque année, vous aurez votre redevance dessus, vous ferez un seul TIP ou un seul chèque. Ce sera plus simple, cela coûtera moins cher et cela rapportera plus d'argent à l'audiovisuel public en simplifiant la vie des Français.
Q- Pour ceux qui sont exonérés, cela ne change rien ?
R- Cela ne changera rien, au contraire, on va même légèrement l'augmenter parce que l'on va cumuler les exonérations de la redevance et celle de la taxe d'habitation, pendant un certain nombre d'années.
Q- Emplois à domicile : là aussi, exonération. On passe de 10 à 15.000 euros d'exonération dans la déclaration, et cela fait jusqu'à 7.500 euros en baisses d'impôts. P. Méhaignerie lui-même dit que c'est beaucoup, que c'est trop, que c'est peut-être excessif.
R- On va en parler, naturellement, avec le président de la commission des finances et les députés et sénateurs de notre majorité ; on en parlera à l'Assemblée nationale et au Sénat. L'idée, c'est que beaucoup de familles, où l'homme et la femme travaillent, ont besoin de quelqu'un pour le ménage, pour les enfants, pour des tâches quotidiennes, et que jusqu'à la création de cette mesure il y a dix ans, tout cela était souvent dans l'économie noire, on n'avait pas envie de faire une déclaration à l'Urssaf etc. On a simplifié par le chèque-emploi service. Mais aujourd'hui, comme il y a plus de demandes et qu'il y a encore des gens, qui, pour partie, payent en chèque-emploi service et pour partie paient de la main à la main, on essaye de simplifier en mettant une mesure unique pour les familles.
Q- Alors pourquoi P. Méhaignerie trouve que c'est trop ? Il n'a pas d'employé de maison...
R- Vous lui poserez la question. Simplement, le niveau se discute. On passe de 10.000 + 5.000, cela fait donc 15.000 euros que l'on divise par deux, ce qui fait 7.500 de réductions d'impôts. On peut discuter du niveau, cela fait partie de la discussion parlementaire. C'est une prise de position du Gouvernement favorable aux familles et le Premier ministre l'a rappelé également récemment.
Q- Rien dans le budget sur l'ISF. Est-ce que cela veut dire que vous laissez un peu de grain à moudre pour les députés ? Est-ce que les députés vont présenter forcément des amendements ? Quelle est votre préférence : baisser le plafond, exonérer la résidence principale de l'impôt sur la fortune ?
R- Si le Gouvernement avait eu une préférence, nous aurions, avec N. Sarkozy proposé une mesure. Nous n'en proposons pas. Si les sénateurs et les députés en proposent, nous les étudierons, mais nous estimons que dans le cadre de ce projet de loi qui est assez difficile, où il faut tenir la dépense - je vous rappelle que c'est la troisième année que les dépenses de l'Etat n'augmenteront pas, tout en permettant l'accomplissement des politiques que nous souhaitons. Dans ce cadrelà, qui est contraint, nous n'avons pas proposé de mesures sur l'ISF.
Q- Mais 720.000 euros de plafond pour l'ISF, cela concerne un certain nombre de familles qui ont acheté un appartement, une maison...
R- C'est tout le débat qui a déjà été posé...
Q- Ce ne sont pas forcément des immenses fortunes.
R- Quand on est quelqu'un qui a la chance de posséder un appartement à Paris, qui est cadre, par exemple, qui a un salaire correct et convenable, on entre assez rapidement dans l'ISF. Mais cela, c'est un débat...
Q- Mais même à la campagne dans des petites coins où l'immobilier flambe parce que cela devient à la mode...
R- Partout en France. On entre dans l'ISF, surtout par l'achat ou la possession d'un bien immobilier qui acquiert une certaine valeur. Donc, c'est vrai que dans les périodes où l'immobilier a flambé, plus de Français sont entrés récemment dans l'ISF.
Q- Est-ce que ce n'est pas aussi parce que politiquement, c'est plus facile de faire passer la mesure si elle vient de l'Assemblée nationale que si elle est prise par le Gouvernement ?
R- Le Gouvernement, dans cette affaire, ne souhaite pas modifier la règle du jeu. Mais nous allons entamer un débat parlementaire de trois mois entre les deux chambres. Ce sera l'occasion d'en reparler et je pense que les questions que vous posez ce matin seront posées par beaucoup de députés et de sénateurs.
Q- En revanche, la règle du jeu que vous avez changée, c'est celle du prêt à taux zéro. Là, c'était pour les ménages les plus modestes. Il y a des voix qui s'élèvent en disant que ce n'est pas bien, que cela permettait à beaucoup de gens d'accéder à la propriété.
R- On aurait dû mieux l'expliquer : le prêt à taux zéro, c'est quand l'Etat prend en charge des intérêts d'une partie d'un emprunt pour acheter une maison - la première maison. On élargit le système non seulement à l'achat de neuf mais à l'achat d'ancien, on élargit également les couches de population qui pourront en profiter. L'idée est donc de doubler le nombre de "primo-accédants", comme on les appelle, grâce à notre nouvelle mesure - c'est un peu technique - qui est un crédit d'impôt qui remplace le taux à prêt zéro...
Q- Vous prenez en charge la mise de base ?
R- Oui, c'est-à-dire que grosso modo, il y a un crédit d'impôt pendant sept ans et l'Etat va tout de suite sortir ces sept années de crédit d'impôt pour les mettre sur le livret de la personne qui aura le crédit d'impôt et cela permettra tout de suite de procéder à l'acquisition d'un logement dans les meilleurs délais.
Q- - Là aussi, pour les ménages les plus modestes, la Prime pour l'emploi : vous la revalorisez de 4 %. Ici même à Télé Matin, F. Chérèque, je crois, nous expliquait que cela faisant 20 euros par an, et qu'il n'y avait pas de quoi s'ébaudir...
R- Il y a d'abord l'inflation qui est de 1,7 % + 2,3, donc cela fait 4 %. La question que nous nous posons sur la Prime pour l'emploi, c'est est-ce qu'elle est bien comprise par les Français ?
Q- La réponse est "non" !
R- Je vous remercie de le dire ! Donc, il faut bien qu'on l'explique que c'est quelque chose qui vient en complément du Smic, pour quelqu'un qui n'est plus au RMI, qui reprend un emploi. On avait tenté un acompte, les Français n'en ont pas demandé ou quasiment pas. Donc, je souhaite travailler, pendant les mois à venir, sur une réforme de cette PPE, pour mieux la faire comprendre et mieux l'adapter au retour à l'emploi. Nous ferons cela dans le cadre du plan de cohésion sociale de J.-L. Borloo.
Q- Un mot de politique : vous être ministre du Budget. On sait que le locataire de Matignon, qui est un de vos proches, va changer de ministre de l'Economie et des Finances. Vous allez rester, quel que soit le nouveau ministre de l'Economie ?
R- Il y a une élection à l'UMP ; si le président de l'UMP est le ministre de l'Economie et des Finances, il devra quitter le Gouvernement, comme l'a indiqué le Président. Ensuite, il y aura un renouvellement du Gouvernement. Il appartient au Président et au Premier ministre de choisir les membres du Gouvernement.
Q- Et vous restez au Gouvernement ?
R- Je n'en sais rien aujourd'hui, mais si vous avez une bonne à me donner, je l'accepterai avec plaisir !
Q- Dernière question : si jamais on voit que le "non" doit l'emporter en France, est-ce qu'il faut garder la date du référendum ou faut-il le reculer ?
R- Il faut tout faire pour que le "oui" l'emporte. Ce serait une catastrophe pour l'Europe et pour notre pays. Il ne faut pas être défaitiste, il faut se battre pour le "oui". C'est vrai que L. Fabius ne nous y aide pas, mais il y a d'autres voix d'hommes d'Etat dans notre pays qui se feront entendre en faveur du "oui".
Q- Mais peut-on décaler le référendum, peut-on le faire plus tard ?
R- Le président de la République n'a jamais indiqué à quel moment aurait lieu le référendum ; c'est sa décision. Le président de la République a le sens des responsabilités, de l'Etat et de la parole donnée. Donc, nous pouvons lui faire confiance pour que les règles du jeu soient clairement posées le moment venu.
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 21 septembre 2004)