Déclaration de Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable, sur la réforme de la politique de l'eau, au CNIT de Paris-La Défense le 16 décembre 2003.

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Circonstance : Clôture des Assises nationales de l'eau au CNIT de Paris-La Défense le 16 décembre 2003

Texte intégral

Mesdames, Messieurs,
Je vous ai écoutés attentivement depuis ce matin. J'ai pris note de nos accords et de vos attentes, de vos idées, qui sont nombreuses, et aussi de nos nuances, qui sur quelques sujets persistent et après tout, c'est bien normal. Je vais essayer de faire un large tour d'horizon de ces idées, y compris de celles qui font encore débat. Nous ne sommes pas ici aujourd'hui pour nous cacher quoi que ce soit. C'est en confrontant nos idées que nous avancerons. Mais qu'il soit bien entendu entre nous que cet après-midi, nous restons dans la configuration d'un débat et que les pistes que je vais évoquer devant vous doivent être considérées comme telles et non comme les termes figés et intangibles d'un texte gouvernemental qui de toute manière ne sera examiné par le Conseil des Ministres qu'en juin 2004.
Mais d'abord, je voudrais de nouveau, comme ce matin, vous remercier. Tous. Sans exclusive. Tous, depuis un an, vous avez contribué à alimenter la réflexion collective sur la politique de l'eau. Élus, représentants des organisations socioprofessionnelles, membres des associations de consommateurs et de protection de l'environnement, tous, vous vous êtes appropriés ce débat. Ce débat est le vôtre. Plus de 18.000 citoyens ont donné leur point de vue sur la politique de l'eau, dont 10.000 sur notre site internet. La politique de mon ministère s'inspirera de ses résultats en s'appuyant sur quelques mots d'ordre simples et forts : la solidarité, la responsabilité, l'efficacité, la participation, la transparence.
La gestion de l'eau n'est pas une affaire simple. Elle met en cause de nombreux acteurs, des élus aux agriculteurs en passant par les citoyens, qui doivent rester sans cesse au centre de notre débat. Nous en reparlerons.
L'eau n'épouse pas les frontières administratives, ni politiques. Et cette particularité, qui ne vous a pas échappé, ne facilite pas toujours nos travaux. Nous en reparlerons aussi.
La politique de l'eau, si elle est spécifique, ne peut pas non plus être isolée d'autres politiques publiques, notamment celle de l'aménagement du territoire.
Je voudrais évoquer maintenant les principales réflexions que m'inspire le grand débat national et les travaux de conclusions que vous avez conduits aujourd'hui. Ce sont ces réflexions que je me propose de soumettre à votre examen avant de les discuter avec mes collègues du gouvernement dans le cadre du débat interministériel normal préalable à toute décision gouvernementale.
J'appelle donc votre attention sur le travail que nous aurons à conduire pour les finaliser.
Les éléments que je vais vous communiquer se situent dans un contexte. Ils viennent d'abord compléter les décisions importantes qui ont déjà pris place dans la loi sur les risques du 30 juillet 2003, ou celles qui seront intégrées dans les lois sur la santé ou sur le développement des territoires ruraux.
Ils s'inscrivent dans un cadre ambitieux qui, vous le savez, me tient particulièrement à cur: je veux parler de la charte de l'environnement, qui a été adoptée par le Conseil des ministres le 25 juin 2003, et qui sera adossée à la Constitution. Ainsi l'engagement du Président de la République de donner une place éminente à une écologie pour l'homme sera-t-il tenu. Notre pays va donc donner à la protection de l'environnement et à la promotion du développement durable un cadre juridique fort et solennel.
C'est aussi l'une des grandes préoccupations du quinquennat de Jacques Chirac.
L'eau, donc. A l'issue de ce débat, il me semble que les sujets de consensus sont nombreux.
L'eau potable, tout d'abord. C'est un enjeu majeur pour nos concitoyens. Je constate qu'un consensus très fort apparaît sur la nécessité de privilégier les politiques de prévention.
Contre les pollutions ponctuelles, il est clair que doit être améliorée la protection des captages d'eau potable. Les périmètres de protection sont centrés sur cet objectif. Leur mise en uvre en serait facilitée.
Nous pourrions traiter la pollution diffuse dans le cadre de programmes d'actions de modifications des pratiques agricoles, comme la mise en place de bandes enherbées ou la replantation de haies. En fonction des enjeux, ces actions aussi pourraient être rendues obligatoires. Elles pourraient recevoir des aides financières.
Contre les nouvelles formes de pollution, nous devons accroître les recherches sur les impacts et sur le niveau de contamination : qu'il s'agisse des perturbateurs endocriniens, des substances médicamenteuses, des toxines algales ou des agents infectieux non conventionnels.
Je souhaite rendre plus transparent le fonctionnement des services publics de l'eau et de l'assainissement. Au plan national, on peut imaginer qu'un Observatoire des services publics de l'eau et de l'assainissement, rattaché au Comité national de l'eau, puisse recueillir et transmettre des données relatives, par exemple, aux caractéristiques des services, aux pratiques de tarification, aux prix et à la qualité du service. Nous aurions, avec cet Observatoire, un vrai lieu de concertation, sans volonté de régulation de sanction.
Les élus locaux ont, dans ce domaine comme dans beaucoup d'autres, un rôle essentiel à jouer : les modalités et le niveau de la tarification de l'eau doivent rester une responsabilité locale. Les élus pourraient même disposer d'une plus grande souplesse en matière de tarification sociale ou progressive.
Après une période consacrée au premier équipement, notre pays doit entrer maintenant dans une phase de renouvellement des réseaux.
A ce sujet, permettez- moi une parenthèse : il faut prendre du recul par rapport aux discours catastrophistes sur le plan financier, concernant par exemple le plomb. Un colloque consacré au sujet par le Cercle français de l'eau l'a parfaitement démontré : l'investissement à réaliser dans les prochaines années est du même ordre de grandeur que celui de la décennie qui vient de s'écouler. Nous ne sommes donc pas à la veille d'une augmentation forte du prix de l'eau comme cela a été le cas dans les années 90.
Cependant, il faudra bien poser la question du financement de ces réseaux, et pour cela, je note l'idée de favoriser la constitution de fonds spécialisés de placement des sommes perçues à fin de renouvellement. En cas de délégation, ces sommes perçues par le délégataire devront être identifiées, correspondre à un programme de travaux prévisionnel, et celles qui ne seraient pas engagées au terme du contrat devraient être reversées à la collectivité.
Autre sujet de consensus, et je m'en réjouis : la lutte contre les pollutions domestiques ou industrielles, que nous traitons depuis 40 ans.
Les élus locaux ont exprimé au cours du débat, la demande que soit facilitée l'intervention des communes dans la réhabilitation des dispositifs d'assainissement non collectif défectueux. Cela serait possible avec l'aide des agences de l'eau.
Des efforts particuliers devraient également être entrepris en direction de l'artisanat et des petites et moyennes entreprises, par un meilleur contrôle de la qualité des raccordements aux réseaux d'assainissement.
Comme l'a recommandé le rapport Flory, il faut réfléchir à l'abandon du système de la contre-valeur de pollution domestique. Dans ce cas, l'autorité publique responsable de l'assainissement, qu'il soit collectif ou non collectif, devra être le redevable sur la pollution nette apportée par le système d'assainissement au milieu aquatique récepteur.
Le recyclage en agriculture des boues résiduaires urbaines représente un bon compromis écologique et économique. Dans la mesure où la réglementation est respectée, et elle doit évidemment l'être, ce recyclage ne pose pas de problème sanitaire. Ce n'est pas toujours, j'en conviens, la meilleure solution : ainsi, dans les grosses agglomérations, l'incinération peut être écologiquement meilleure. Mais ce recyclage demeure une solution particulièrement bien adaptée dans la majorité des cas.
Nous devrons donc encourager cette filière, notamment à travers une politique renforcée de contrôle, ou par la mise en place d'une politique de communication et d'information des élus et des citoyens sur les enjeux de la politique de gestion des sous-produits de l'assainissement.
Et les risques, me direz-vous ? Ce sont les risques classiques d'un incident technique, entraînant une non-application de la réglementation. Ce sont des risques assurables comme ceux qui sont liés à n'importe quelle activité. Cela étant dit, nous devrons mener une réflexion spécifique avec les assureurs et les élus locaux, pour améliorer les dispositifs actuels d'assurance.
Il est vrai que le risque d'apparition de phénomènes inconnus aujourd'hui existe. Je comprends, à ce sujet, les craintes du monde agricole. Il y a été sévèrement confronté lors de la crise de la vache folle.
Aussi, afin de sécuriser la filière et de rassurer les acteurs, je souhaite que soit mis en place un dispositif de garantie financière destiné à prémunir les agriculteurs contre d'éventuels dommages non assurables liés à l'utilisation de boues.
Autre sujet où les convergences sont fortes: celui de la réforme des polices de l'eau et de la pêche. Je pense qu'il serait opportun de confier l'instruction des dossiers réglementaires à une structure unique de l'Etat au plan départemental, désignée et organisée par le Préfet.
Je vous l'ai dit en préambule : nous ne sommes pas d'accord sur tout. Je ne vous dirai pas que je m'en félicite, pour ne pas sembler trop provocatrice Mais je ne m'en formalise pas. Je vais donc aborder maintenant des sujets pour lesquels le débat a permis de progresser, notamment sur le diagnostic, mais pour lesquels les solutions ne nous ont pas (ou pas encore ?) conduits à une convergence forte et dont il nous faudra encore débattre.
D'abord, les pollutions d'origine agricoles.
La politique agricole commune demeure le levier essentiel de l'activité agricole. Le développement de l'écoconditionnalité et des mesures agro-environnementales constituera ainsi l'outil le plus efficace de reconquête de la ressource en eau.
Les agriculteurs ont fait part de leur souhait d'entrer dans le système de solidarité des agences de l'eau. J'en prends acte. Mais malgré les efforts qu'ils font déjà dans le registre de la qualité de l'eau, et l'élue locale que je suis ne peut oublier ces efforts, leur contribution ne peut pas être symbolique.
Je m'explique : le rapport actuel entre les redevances payées et les aides reçues est de l'ordre de 1 à 7. Il me semble que ce ratio doit évoluer. Le rapport Flory propose de tendre vers un rapport de 1 à 2. En tout état de cause, ma préférence personnelle va vers un dispositif simple de redevance, reposant sur une comptabilité de l'azote acheté à travers les engrais et les aliments du bétail. Ce système se substituerait ainsi à l'actuelle redevance élevage. Il pourrait prendre en compte les pratiques favorables à la qualité de l'eau, certifiées par un organisme approprié.
Ce dispositif se traduirait par l'élargissement des interventions financières des agences de l'eau en faveur des pratiques agricoles nécessaires à la préservation de ressources en eau et présentant un intérêt particulier pour les collectivités. Dans certaines zones en fort excédent d'azote, je n'exclus pas qu'il faille arriver à une politique de quotas.
Les produits phytosanitaires contiennent des molécules qui peuvent présenter un risque pour l'homme et les écosystèmes. Nous devrons améliorer la connaissance de ces produits et de leur présence dans le milieu, améliorer leur traçabilité ainsi que les critères de leur homologation. Nous devrons agir sur les pratiques agricoles ainsi que sur l'information et la prévention à travers les emballages, ou la certification des distributeurs.
À cet égard, je salue les nombreuses propositions du rapport de la mission " HERTH- RAMONET", dont je compte largement m'inspirer. Les agences de l'eau seront également invitées à mettre en place une politique d'aide.
La profession agricole a su montrer sa capacité à gérer collectivement les problèmes de production. Je souhaite que cette formidable efficacité soit également mise au service de la préservation des ressources en eau, à travers la mise en uvre de plans d'action concertés sur des bassins versants stratégiques, que ce soit pour préserver des captages d'eau potable ou des milieux particulièrement fragiles. Je précise qu'à l'image de la mesure que j'ai introduite dans la loi-risques pour les problèmes d'érosion, certaines de ces actions pourraient être rendue obligatoires.
Deuxième sujet délicat, qui est parfois source de désaccord et de polémique : la maîtrise de la demande en eau et la mobilisation de ressources nouvelles.
Certains acteurs ont fortement insisté sur leur souhait d'une nouvelle politique de mobilisation de ressources nouvelles, par le biais de constitution de réserves. De nombreuses ressources en eau sont en situation de déséquilibre chronique : les prélèvements qui y sont effectués empêchent un renouvellement pérenne de la ressource, ainsi qu'une contribution suffisante à l'alimentation des milieux aquatiques.
Dans les zones en déséquilibre, pour améliorer la gestion collective de la ressource, il faudrait avoir recours aux quotas, à l'image de ce qui a été mis en uvre, de façon volontaire, dans la nappe de Beauce, système dont je salue l'efficacité. Le cas échéant, ces dispositions pourraient être rendues obligatoires en fonction des résultats du volontariat et selon des modalités d'extension de règles que connaissent bien les agriculteurs. Les redevances des agences de l'eau devraient être également modulées en fonction de l'état de la ressource.
Je n'ai aucun a- priori contre la création de ressources nouvelles, à condition qu'il s'agisse d'une solution durable pour la gestion des milieux, et que cela n'entraîne pas une fuite en avant de la demande en eau. À cet égard, il est souhaitable d'encourager la polyvalence des fonctions des ouvrages existants, ainsi que la gestion collective de l'irrigation. Et je veux préciser que, selon moi, la création d'une ressource nouvelle ne devrait être envisagée que lorsque le déséquilibre est tel que toutes les autres solutions se seront avérées insuffisantes pour le résorber.
La création de petites retenues de substitution ou "retenues collinaires" est probablement une solution moins agressive sur le plan environnemental, à trois conditions : que l'impact en soit apprécié globalement à l'échelle du bassin versant ; que la gestion en soit collective; et enfin que ces projets s'accompagnent d'une politique d'économie d'eau et de pratiques agricoles adaptées et économiquement viables.
En résumé : il s'agit d'apporter des réponses graduées adaptées aux besoins réels, aux conditions écologiques et économiques de la réalisation des ouvrages.
Indépendamment de cette recherche d'un équilibre général entre les prélèvements et les ressources en eau, nous devrons savoir faire face à des périodes exceptionnellement sèches ou chaudes, comme celle que nous venons de vivre. Après avoir évalué la manière dont a été gérée la crise climatique de cet été, j'ai décidé de lancer, dès le début de l'année 2004, un plan d'amélioration du dispositif de gestion de crise.
Je voudrais maintenant vous parler de l'entretien des rivières, et des inondations.
Je pense fermement que la reconquête de la morphologie des milieux aquatiques est tout aussi stratégique que la reconquête de la qualité de l'eau. Les deux doivent aller de pair. Nous devrons coupler cette volonté avec un objectif de bon entretien des rivières, indispensable pour une prévention efficace des inondations. Sans pour autant remettre en cause le rôle des riverains, il importe que les collectivités s'y impliquent très fortement.
Les événements que nous venons de vivre dans le sud de la France nous rappellent la nécessité de développer la prévention. Dans un premier temps, le gouvernement a décidé de débloquer des fonds exceptionnels pour remettre en état des digues endommagées. Mais dans un second temps, nous devrons, très vite, structurer la maîtrise d'ouvrage, de façon à agir de façon globale, coordonnée et efficace.
Au-delà, il me semble également indispensable de donner un sérieux coup d'accélérateur à la mise en uvre des plans de prévention des risques. Mais pas seulement : je souhaite que nous nous orientions vers une plus grande sévérité en matière de non-constructibilité et des actions insuffisantes sur les bâtiments existants.
Les événements récents nous ont montré à quel point un risque résiduel existe derrière les digues, et que l'on ne peut s'y considérer comme totalement protégé.
La réorganisation de notre dispositif de prévision des crues a déjà commencé à porter ses fruits. Je voudrais remercier, pour leur travail et leurs efforts, tous les services de prévision des crues à cette occasion.
Autre enjeu extrêmement important, pour lequel nous ne partageons pas forcément le même diagnostic : la gestion des ouvrages en rivière.
Oui, il faut développer des formes d'énergie renouvelable non contributive à l'effet de serre. Mais attention : il ne faut pas pour autant faire oublier les risques liés à un développement anarchique de l'hydroélectricité, en particulier le cloisonnement des cours d'eau.
Une solution, pour éviter cet écueil : les SAGE pourraient instaurer des modalités de gestion pour les petits ouvrages au fil de l'eau. Avantage ? Faciliter le transit sédimentaire et la circulation des espèces, et, le cas échéant, donner l'alternative de la suppression de l'ouvrage. La remise en état des lieux à l'échéance des titres administratifs pourrait être rendue obligatoire.
Le " débit réservé " à l'aval des ouvrages pourrait être modulé dans le temps. Et ce pour tenir compte des contraintes écologiques tout en recherchant une meilleure valorisation économique de l'eau.
Nous devrons enfin réformer le dispositif des redevances "ressources" des agences de l'eau, avec un souci très clair : celui d'une meilleure harmonisation nationale, respectueuse des situations locales. Le taux de la redevance portant sur les prélèvements et consommations d'eau pourrait ainsi être différencié en fonction de l'usage de l'eau et de l'équilibre de la ressource en eau. Les agences pourraient également percevoir des redevances sur les ouvrages situés sur les cours d'eau.
J'en arrive maintenant à la "gouvernance" de l'eau, à l'organisation institutionnelle et la réforme des circuits de financement.
Dans ce domaine, gare à ne pas brouiller le message : il y a, d'un côté, l'impératif de rendre constitutionnelles les ressources des agences (comme d'ailleurs la taxe piscicole) mais de l'autre l'organisation de la politique de l'eau, qui doit continuer à reposer sur le triptyque de base : communes, bassins et Etat .
Le système doit évoluer en conservant les principes mis en uvre depuis 1964. Ces principes sont bons. Ils ont fait leurs preuves. Ils sortent confortés de la DCE, ce qui n'exclut pas, dans un souci d'efficacité, l'implication d'autres acteurs motivés et porteurs de solidarités territoriales ou de complémentarités opérationnelles.
. D'abord, les communes et bien sûr leurs groupements : leurs compétences en matière de services publics de l'eau et de l'assainissement pourraient non seulement être confortées mais également étendues au domaine de l'assainissement non collectif, selon des modalités qui restent à préciser. Les regroupements seront encouragés.
Les départements devraient pouvoir continuer à jouer leur rôle traditionnel d'appui technique et financier de proximité aux communes. C'est vrai notamment en milieu rural, et lorsque l'intercommunalité n'apporte pas d'avantages déterminants pour la résolution des problèmes locaux.
. Les Bassins hydrographiques doivent, eux, être confortés comme le lieu de l'élaboration des politiques opérationnelles de l'eau et des milieux aquatiques.
Le Comité de bassin doit voir ses compétences renforcées, dans le cadre général des orientations fixées par le Parlement, pour la fixation des montants des redevances selon les divers usages ou bénéficiaires, mais aussi pour le vote des programmes que lui proposeront les agences.
Je suis disposée à réfléchir aussi à l'élargissement des missions des agences, en particulier à la prévention des inondations et à la valorisation des milieux aquatiques et de la faune piscicole, en parallèle avec la recherche d'autres ressources.
Et les régions, me direz-vous ? Leurs compétences en matière d'aménagement du territoire et de planification territoriale, en font des interlocuteurs naturels et incontournables dans l'élaboration des politiques locales de l'eau.
Même si toutes les Régions n'ont pas des limites cohérentes avec les logiques de bassin, il me paraît judicieux de les associer activement à la vie des comités de bassin . Pour certaines régions, dont les limites administratives coïncident assez largement avec les bassins, et qui de ce fait sont très volontaristes, je souhaite pouvoir débattre avec elles d'une expérimentation de décentralisation de tout ou partie de la fonction d'autorité compétente au sens de la DCE. Il va de soi que ces tests devront intégrer le partage des responsabilités qui en découlent avec l'Etat notamment vis-à-vis de l'Europe.
La procédure des SAGE, dont le rôle est jugé par tous comme essentiel dans la mise en uvre des politiques, sera adaptée dans le sens d'une plus grande efficacité et d'un maniement facilité. Le projet de loi de transposition de la DCE a d'ores et déjà prévu des mesures spécifiques; je pense que la possibilité de rendre certaines de leurs dispositions opposables au tiers devrait être examinée.
Les EPTB deviendraient en particulier des outils privilégiés sous le contrôle des commissions locales de l'eau.
. Le rôle de l'Etat et du niveau national, enfin, fait l'objet, je le sais bien, de nombreuses controverses.
À mon sens, et ce serait une nouveauté, le Parlement devrait se prononcer sur les grandes orientations de la politique de l'eau, sur les assiettes des redevances, sur un encadrement des taux de redevance et des coefficients d'usage.
Comme l'ont suggéré le rapport Flory et ce matin même Patrick OLLIER, un encadrement pluriannuel mérite d'être étudié.
Mais au-delà de cet encadrement, et indépendamment des missions régaliennes de l'Etat (autorité compétente au sens de la DCE, polices, tutelle des agences de l'eau, représentation de la France) c'est, à mon sens, l'efficacité et la subsidiarité qui doivent prévaloir. Ainsi, les interventions financières menées au niveau national seront recentrées sur ce qui est strictement nécessaire, notamment eu égard aux obligations européennes : des missions de coordination inter-agences, d'études générales et de développement de la recherche, de développement de systèmes d'information et d'évaluation, actions à l'international, ainsi que de communication ou de sensibilisation voire de lancement de politiques expérimentales ou spécifiques.
Dans l'esprit d'association des usagers et des collectivités qui prévaut dans les bassins, je pense qu'il faut que nous réfléchissions à l'idée que l'Etat n'assume pas directement ces missions, pour s'appuyer sur une structure qui pourrait prendre la forme d'un établissement public national. Il pourrait notamment reprendre les attributions du CSP, tant en matière de connaissance des milieux aquatiques que pour les missions de police.
Le Comité National de l'Eau serait réformé. Il accueillerait en son sein des représentants du Parlement.
Parallèlement, la structure associative de la pêche serait renforcée, avec le maintien de l'obligation d'adhésion à une association de pêche et l'obligation pour les fédérations d'adhérer à une structure nationale. Un échelon national serait structuré à partir de l'Union Nationale des Pêcheurs de France (UNPF) dont les missions et les moyens seraient élargis. Nous pourrions encourager et aider financièrement des actions de promotion de la pêche par l'UNFP et les associations de pêche.
J'ai noté avec intérêt que les pêcheurs étaient plutôt favorables à cette évolution.
Une organisation similaire serait proposée pour les pêcheurs amateurs aux engins et pour les pêcheurs professionnels.
Il faudra que ce schéma soit validé par le Parlement.
Je voudrais maintenant, rapidement malgré l'importance du sujet, vous parler de la solidarité internationale.
Nous en avons eu la confirmation grâce à la consultation du public, menée dans le cadre de ce débat national sur la politique de l'eau : les citoyens aspirent à davantage de solidarité au plan international.
Une très intéressante proposition de loi déposée par le sénateur OUDIN permettrait aux services de l'eau potable et de l'assainissement, sur la base du volontariat, de mener des opérations de solidarité. Ce type d'opération, permettant à des habitants de pays riches de contribuer à l'alimentation en eau potable d'habitants de pays pauvres, dans la limite de quelques centimes d'euros/m3 consommé, me paraît être à encourager vigoureusement.
La coopération internationale est également prévue pour les agences de l'eau. Dans le domaine de l'aide humanitaire, elles pourraient par exemple accompagner des opérations de coopération décentralisée.
Je suis, et j'insiste sur ce point, particulièrement favorable à cette initiative qui se situe pleinement dans l'esprit des déclarations du Président de la République lors du Sommet mondial du développement durable de JOHANNESBOURG et de son message lors de l'ouverture du Forum mondial de l'eau de KYOTO.
L'année 2003 avait été déclarée année mondiale de l'eau par l'ONU. L'année 2004 sera, en France, celle de la réforme de la politique de l'eau.
J'ai énuméré devant vous un certain nombre de pistes de travail. Ces pistes pourraient constituer la base d'une communication que je proposerai au Président de la République en Conseil des ministres, d'ici quelques semaines.
Les milliers de citoyens qui ont participé au premier forum sur l'eau nous prouvent que ce débat était nécessaire. Et je crois que l'ensemble du monde de l'eau sortira apaisé de cette période de concertation intense et fructueuse.
Je souhaite aussi que les comités de bassin et le Comité national de l'eau puissent également débattre à leur convenance et me fassent connaître leurs observations avant la fin du mois de février.
Mon objectif est de faire adopter par le Conseil des ministres un projet de loi réformant notre politique de l'eau avant la fin du mois de juin 2004. Grâce à vous tous, grâce aux citoyens qui se sont mobilisés autour du débat sur l'eau, essentiel à notre avenir et à l'avenir de la planète, ce projet de loi sera celui de tous.
Je vous remercie.
(source http://www.environnement.gouv.fr, le 17 décembre 2003)