Discours de M. Nicolas Forissier, secrétaire d'Etat à l'agriculture, à l'alimentation, à la pêche et aux affaires rurales, sur le rôle des ADASEA (Association départementale pour l'Aménagement des structures des exploitations agricoles), Clermont-Ferrand le 28 octobre 2004.

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Circonstance : Journées nationales CNASEA-ADASEA à Clermont-Ferrand les 27 et 28 octobre 2004

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Présidents et Directeurs,
Je suis heureux d'être parmi vous cet après midi, pour la clôture des journées nationales des ADASEA. Le réseau qu'elles constituent avec le CNASEA et l'appui qu'ils offrent, jouent un rôle important dans le monde agricole et rural. Je tiens à rendre hommage aujourd'hui à toutes celles et ceux qui mettent quotidiennement leurs compétences et leur passion au service de notre agriculture et des territoires ruraux.
Je tiens aussi à vous dire ma confiance, celle du gouvernement, dans le dynamisme de ce monde rural auquel nous sommes tous attachés, dans sa capacité de projets. Et cette confiance, cette conviction, s'appuient sur des faits. Sait-on ainsi que le monde rural a regagné de la population -500 000 habitants- ces dix dernières années ? Elle s'appuie aussi sur des actes. Le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin a en effet engagé, depuis deux ans et demi, une vaste réflexion sur l'avenir de nos territoires ruraux, en mettant en place une palette d'outils concrets. C'est un formidable défi que nous devons relever, afin de tracer ce que j'appelle volontiers une " nouvelle frontière ", c'est à dire de donner des perspectives, de fixer des objectifs ambitieux, de créer les outils de cette nouvelle dynamique. Et c'est ensemble, pouvoirs publics et acteurs du monde agricole et rural, que nous devons agir. Avec pour but une meilleure utilisation de notre territoire national, un meilleur équilibre entre zones urbaines et rurales, un développement harmonieux des terroirs, une croissance active du monde rural en termes économiques et sociaux, culturels et touristiques.
Dans ce monde en mouvement, vos journées d'échanges prennent donc une importance évidente, et contribuent à la cohésion du réseau : le rôle des ADASEA doit être redéfini, de manière constructive. Et ceci alors que la mise en oeuvre de la réforme de la PAC est engagée, que les propositions communautaires pour un nouveau règlement de développement rural ont été présentées, alors que nous avons lancé, Hervé Gaymard et moi-même, les débats " Agriculture, territoires et société " préalables à la future grande loi agricole, alors enfin que la discussion au Parlement du projet de loi relatif au développement des territoires ruraux va s'achever au début de l'année prochaine. Je sais que vos travaux ont, tout naturellement, intégré ces thèmes.
Les ADASEA ont su développer des activités de prestations de services, complémentaires de leur mission de service public, à destination des agriculteurs et des collectivités locales ou organismes intervenant dans le développement territorial ou l'environnement. Ces activités ont permis de générer des recettes propres. L'activité de service public, conventionnée avec le CNASEA, représentait quant à elle 53 % de l'activité totale des ADASEA en 2003 et reste donc déterminante pour le réseau. Hervé Gaymard et moi-même, nous en sommes conscients.
Nous connaissons la réalité de la contribution apportée par les ADASEA, au cours des années passées, à la modernisation de l'agriculture. Celle-ci vit aujourd'hui une troisième mutation, après l'avènement de la PAC et la réforme de 1992. Ce qui suscite naturellement des incertitudes et des interrogations. Les chantiers ouverts vont en effet faire évoluer le rôle des ADASEA, mettant en débat certaines attributions mais ouvrant aussi d'autres perspectives.
L'évolution de notre environnement communautaire donne, à cet égard, un éclairage nécessaire.
1 - L'évolution du contexte communautaire : la réforme de la PAC et le nouveau règlement de développement rural
1.1 - La réforme de la PAC
Les grandes options retenues pour la mise en oeuvre de l'accord de Luxembourg sont connues.
Le découplage des aides, partiel, sera mis en oeuvre à compter de 2006 sur la base des références historiques de chaque exploitation, afin que le niveau des aides dont bénéficie chaque exploitation ne soit pas altéré. Pour cela, 2005 sera une année de simulation essentielle, pour préétablir le montant des droits auxquels chaque agriculteur pourra prétendre en 2006 en tenant compte des évolutions structurelles de son exploitation sur la période de référence.
La réforme de la PAC prévoit également un volet conditionnalité visant à légitimer et préserver les aides du secteur agricole, en répondant mieux aux attentes de la société en matière d'environnement. Il comporte trois points :
· L'application progressive sur trois ans de 19 directives et règlements existants et transposés en droit national,
· Le respect dès 2005 des bonnes conditions agricoles et environnementales définies par chaque Etat membre. Celles ci ont été définies avec un double objectif d'efficacité environnementale, et de faisabilité par les agriculteurs qui ne doivent pas voir leur capacité à travailler dans des conditions favorables, remise en cause.
· La préservation des pâturages permanents, dès 2005 également.
Cette évolution majeure implique bien évidemment un effort d'explication : une campagne d'information a été lancée, qui doit être complétée par l'envoi à chaque agriculteur de documents présentant les principaux dispositifs. Mais la mise en oeuvre des nouvelles règles, qu'il s'agisse de l'établissement des références individuelles ou de l'application de la conditionnalité, nécessite la mobilisation de tous les acteurs du conseil au monde agricole. Le réseau des ADASEA comporte toutes les compétences requises pour participer à cette mission d'appui.
Votre réseau a par ailleurs fait connaître - et Gérard Moreau et André Barbaroux ont relayé cette démarche -, le rôle qu'il est en mesure de jouer dans la mise en oeuvre et la gestion du droit à paiement unique, dans la phase d'initialisation du dispositif comme en régime de croisière. Les modalités n'en sont pas arrêtées, à ce stade. Je tiens néanmoins à vous dire que la réflexion reste ouverte.
12 - Le nouveau règlement de développement rural
Dans le cadre de la prochaine programmation financière 2007-2013 pour l'Union européenne, la Commission a déposé le 14 juillet 2004 une proposition de règlement qui refonde le dispositif régissant le " second pilier ".
J'en rappelle brièvement les principales évolutions :
· Modalités de financement harmonisées, le FEADER prenant le relais du FEOGA Garantie et du FEOGA Orientation,
· Substitution d'une stratégie nationale déclinée dans le cadre d'une programmation nationale ou régionale, à des objectifs indicatifs d'une stratégie européenne,
· Articulation des mesures autour de trois axes : amélioration de la compétitivité des secteurs agricoles et forestiers, espace et environnement, diversification de l'économie rurale et qualité de vie en milieu rural,
· Approche méthodologique de type LEADER,
· Encadrement moindre de chaque mesure mais infléchissement de certaines d'entre elles (jeunes agriculteurs, forêts, IAA, zones défavorisées, Natura 20000 notamment..)
· Suivi et évaluation renforcés.
Cette proposition de la Commission comporte de réelles avancées. Le retour à un fonds unique, répondant davantage à une logique structurelle que le FEOGA garantie, dont nous avons vu les limites, en est une. Mais elle recèle également quelques difficultés. Sous l'actuelle présidence néerlandaise, nous nous attachons à déterminer les points positifs et les difficultés de cette proposition, avant le Conseil des ministres européen du 22 novembre prochain. La présidence luxembourgeoise du premier semestre 2005 donnera lieu, quant à elle, à un ajustement du règlement, lié aux perspectives financières. Si elle n'aboutit pas à une conclusion, on pourrait voir l'adoption du projet de règlement sous la présidence britannique du second semestre 2005.
Au-delà de la négociation même du règlement, il conviendra de le mettre en oeuvre et notamment de redéfinir le niveau pertinent de la programmation. La Commission, dans sa proposition, supprime la possibilité de faire coexister deux types de programmation, l'une nationale et l'autre régionale, pour renforcer la lisibilité et l'efficacité des soutiens.
Si ce cadre était adopté par le Conseil, la France devrait engager une réflexion sur une organisation permettant à la fois l'application de mesures dont le cadre serait défini strictement au niveau national, et la prise en compte de spécificités territoriales pour lesquelles une mobilisation des collectivités locales est bienvenue. La connaissance approfondie et l'expérience du réseau CNASEA - ADASEA dans le domaine des prestations aux collectivités, lui conférerait alors une légitimité réelle.
Enfin, dans la gestion quotidienne des dispositifs d'aides du second pilier, la période actuelle nous a montré l'importance d'une bonne information des producteurs sur les engagements pris, leur responsabilité de chef d'entreprise étant engagée. Compte tenu des montants en jeu, il est nécessaire que l'attribution des aides donne lieu à vérification de ces engagements. Vous avez su, en relation avec le CNASEA, développer pour la gestion des contrats d'agriculture durable, des outils d'accompagnement de l'agriculteur sur la durée de ses engagements. Ce type d'outils présente un intérêt indéniable, dans la mesure où il réduit les risques de difficultés lors du paiement des aides.
L'intervention des ADASEA dans le second pilier de la PAC reste donc légitime et elle est attendue. Parallèlement, vous êtes impliqués dans les mutations qui interviennent au niveau national.
2 - Les chantiers nationaux : le projet de loi sur le développement des territoires ruraux et le projet de loi de modernisation agricole
2.1 - Le projet de loi relatif au développement des territoires ruraux
Vous le savez, un récent rapport de la DATAR a souligné la diversité du monde rural, avec la coexistence de trois campagnes (campagnes des villes, campagnes fragiles et nouvelles campagnes), et des problématiques différentes auxquelles il nous faut répondre par des outils adaptés. C'est tout l'objet, notamment, du projet de loi relatif au développement des territoires ruraux, qui va permettre de libérer les énergies, les capacités d'initiative.
Ce texte vous concerne. Tout d'abord parce qu'il conforte l'assise juridique des missions du CNASEA, dans le domaine de la participation des collectivités locales aux programmes d'aides gérés par lui ou du service public de l'équarrissage. Cette clarification confirme également la pertinence et l'efficacité des interventions du CNASEA et de son réseau dans les territoires ruraux. Je dois souligner que la préparation et l'adoption de cette mesure n'ont pas été faciles. Elle a en effet suscité des inquiétudes, notamment des chambres consulaires, sur l'étendue de l'exclusivité du CNASEA pour la participation des collectivités locales aux programmes qu'il gère. L'engagement du ministère de l'Agriculture et le travail des parlementaires ont permis de trouver un équilibre satisfaisant, lors de la discussion à l'Assemblée Nationale. Cela illustre sans doute la nécessité de mieux communiquer sur le rôle du CNASEA.
La 2ème lecture vient de s'achever à l'Assemblée nationale et devrait intervenir au Sénat début 2005. Il nous faudra ensuite assurer le " service après-vote " de la loi sur le terrain, la faire vivre auprès des élus et acteurs du monde rural. Je m'y impliquerai personnellement.
A cet égard, vous avez un rôle à jouer d'animation, d'appui aux porteurs de projets, voire de facilitation en matière de coordination dans un domaine où les attentes vont croissant, ceci au-delà de votre mission conventionnelle de service public. Car vous avez su développer des partenariats avec les collectivités, les parcs naturels régionaux, ou encore les associations de protection de la nature et de l'environnement.
Je voudrais ainsi mettre l'accent sur les initiatives prises, notamment en Auvergne, dans l'accueil d'actifs. Forts de votre expérience dans l'installation de jeunes agriculteurs, vous avez contribué à enrichir la réflexion des différents partenaires locaux sur des démarches de " projet de territoire ". L'existence d'un maillage intersectoriel fondé, en particulier sur un partenariat avec les chambres consulaires pour le commerce et l'artisanat, est de nature à favoriser l'encadrement des projets d'installation et par-là même leur réussite. La multiplication d'initiatives de ce type participe à la redynamisation des territoires, en particulier dans les zones les plus difficiles.
Je sais que vous en avez discuté lors d'une table ronde. Je crois que cette réflexion mérite d'être poursuivie. Le monde rural doit être encore plus attractif. Pour y parvenir, il doit intégrer les motivations, les attentes ou les incompréhensions des candidats à l'installation, qui recherchent des conseils pratiques et personnalisés. Je crois donc qu'il existe un besoin de médiation très concret dans l'accompagnement des nouveaux actifs. Le réseau des ADASEA peut y contribuer.
2.2 - La future loi agricole, pour dresser les perspectives de notre agriculture
Je vous l'ai dit : le gouvernement a engagé une démarche de fond, cohérente,en faveur du monde rural. L'agriculture y conserve bien évidemment une fonction centrale. Mais les interrogations des agriculteurs, comme les attentes de la société, sont différentes. Dans la voie tracée par le Président de la République - et tout récemment encore, dans le Cantal -, le gouvernement entend redonner à notre agriculture une ambition et des perspectives.
Au travers de cinq grands thèmes de réflexion :
· Les règles de l'organisation économique, de la gestion des marchés et des risques, des relations commerciales entre partenaires de la filière
· L'évolution de notre modèle agricole à la diversité croissante des formes de l'agriculture, par l'adaptation de la notion d'exploitant et des exploitations
· Les régimes d'accès au foncier et de l'évolution du bail rural, avec la prise en compte de la réforme de la PAC et notamment du découplage,
· Le renouvellement des relations institutionnelles, sujet ouvert au sein même de la profession agricole, qui concerne le réseau CNASEA - ADASEA comme les autres structures d'appui.
· L'élaboration d'une vision partagée entre l'agriculture et la société, en abordant les questions d'emploi, d'occupation du territoire, d'exportation, de recherche et développement, ou d'alimentation.
Notre objectif est une présentation du projet de loi en Conseil des ministres avant la fin du premier semestre 2005.
Je reviiens sur le renouvellement des relations institutionnelles car vous en avez fait l'un des axes de votre réflexion. Le constat d'ores et déjà dressé par la Commission nationale d'orientation du débat est celui " d'une organisation complexe et peu lisible " des structures d'accompagnement agricole en raison de leur multiplicité, de la nécessité de clarifier les rôles respectifs de l'Etat et des organisations professionnelles. La commission observe également les évolutions intervenues, dans un contexte socioéconomique marqué par un renforcement de la place des collectivités territoriales et du niveau régional en matière d'intervention économique. Ce constat suscite évidemment de nouvelles questions :
· Quelle est la meilleure réponse aux besoins des agriculteurs ?
· Quels doivent être le rôle et les responsabilités des acteurs institutionnels : définition du champ des compétences de l'Etat et de leur délégation, place de la Commission Départementale d'Orientation Agricole, optimisation des structures départementales, rôle des collectivités et définition des partenariats,
· Quel pilotage pour les changements nécessaires ?
Vous le voyez, le projet est ambitieux. C'est pourquoi je vous invite à y apporter votre contribution, naturellement légitime et attendue. La commission nationale pour l'orientation du débat en région a d'ailleurs souhaité entendre le président du comité de liaison des ADASEA (en novembre prochain) et je sais que le Président Henry BIES PERE, avec son expérience nationale et départementale, saura souligner l'intérêt des démarches partenariales engagées par les ADASEA.
Monsieur le Président, Mesdames et messieurs les Présidents et Directeurs, je crois que les ADASEA ont fait la preuve de leur efficacité et de leur réactivité. Le réseau a su s'interroger sur son fonctionnement, avec la réalisation d'un audit stratégique. Il en a tiré des conclusions opérationnelles en se fixant des objectifs ambitieux en termes de qualité, transparence et neutralité, démontrant sa préoccupation en matière de déontologie, avec l'adoption de la charte nationale d'éthique. Vos réflexions au cours de ces Journées nationales ont permis de synthétiser vos propositions pour l'avenir. Et je prends acte de votre mobilisation.
Mais dans un monde rural en mutation, ce travail de réflexion doit se poursuivre, en fonction des orientations communautaires, comme en fonction de la politique menée au plan national en faveur de l'agriculture et des territoires ruraux. Je crois que les ADASEA peuvent prendre toute leur place dans ce nouveau paysage, d'autant plus qu'elles sauront s'adapter, avec le soutien du CNASEA et du ministère. C'est ainsi qu'elles resteront des acteurs du dynamisme du monde agricole et rural.
Je vous remercie.
(Source http://www.agriculture.gouv.fr, le 2 novembre 2004)