Texte intégral
Monsieur le président,
Monsieur le Rapporteur,
Mesdames et messieurs les Sénateurs,
Nous sommes très heureux et fiers, avec Xavier Bertrand, de venir devant vous présenter le projet de loi relatif à l'assurance maladie.
Conformément au souhait du Président de la République, le Gouvernement engage ainsi, un an après la réforme des retraites, la modernisation du pilier majeur de notre système de protection sociale que constitue l'assurance maladie. Cela montre tout l'attachement que le Gouvernement accorde à ce système public et solidaire.
Cette réforme est attendue par les Français. Je crois qu'elle peut les rassurer sur l'avenir de leur système d'assurance maladie qui est préservé et consolidé.
Nous entrons dans une nouvelle étape de cette grande réforme, celle du débat au Parlement. C'est une étape majeure qui nous permettra de faire évoluer le projet du Gouvernement. Les premiers amendements des députés ont été déposés hier soir. Tout montre que le débat sera riche. Je sais qu'il le sera aussi au Sénat.
Ce débat que nous aurons au Parlement fera suite à une phase de concertation très intense que Xavier Bertrand et moi avons menée avec l'ensemble des acteurs du monde de la santé et de l'assurance maladie. Nous n'avons pas, je crois, ménagé notre peine et j'ai le sentiment que cette concertation a permis d'aboutir à un projet qui va faire évoluer en profondeur notre système de santé et d'assurance maladie.
J'ai le sentiment que peu de réformes ont donné lieu à autant de rencontres, d'échanges et de débats. Depuis plus de deux mois, nous avons été avec Xavier Bertrand en contact permanent avec les partenaires sociaux, les représentants des professionnels de santé et des patients, les représentants des organismes d'assurance maladie de base et complémentaire. Nous avons mené plus d'une centaine d'entretiens avec l'ensemble des partenaires de cette réforme.
Cela venait après le diagnostic partagé établi par le Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie et la première phase de concertation menée par Jean-François Mattei.
Tous les acteurs de l'assurance maladie se sont, eux aussi, investis " à fond " dans cette concertation. Ils nous ont fait remonter leur vision de la situation, leurs propositions, leurs inquiétudes. Je tiens ici à leur rendre hommage.
1-Après le temps du dialogue et de la concertation est venu le temps de l'action
Face à l'accumulation des déficits, il était en effet indispensable de stopper la dérive des comptes et d'entamer le retour vers l'équilibre.
J'ai réuni la semaine dernière la commission des comptes de la sécurité sociale de printemps. Celle-ci nous a rappelé l'ampleur des déséquilibres actuels.
Le déficit devrait atteindre près de 12,9 milliards d'euros. Ce résultat s'explique d'abord par la faible croissance des recettes. La croissance de 1,9 % de la masse salariale en 2003 a été la plus basse qu'ait connu notre pays depuis 1993 et les prévisions actualisées pour 2004, soit 2,9 %, demeurent relativement faibles. La croissance montre des signes de reprise mais qui demeurent encore trop modestes pour avoir un impact sur les recettes. Nous souhaitons tous voir cette tendance s'accélérer. Nous verrons à l'automne si c'est le cas, ce que, bien évidemment, nous souhaitons tous.
Cette atonie conjoncturelle des recettes se conjugue avec un dynamisme des dépenses de l'assurance maladie qui ne se dément pas encore.
J'y reviendrai tout à l'heure mais l'ensemble des travaux récents, qu'il s'agisse du rapport du Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie ou du rapport de la commission des comptes, nous montre bien la continuité des évolutions dans ce domaine depuis 1997. Depuis cette date, le déficit structurel de l'assurance maladie, c'est-à-dire corrigé des variations conjoncturelles, a crû continûment.
Nous sommes bien, ici, face à une tendance de fond relative aux dépenses de santé.
Une croissance exceptionnelle des recettes en 2000 et 2001, liée à une conjoncture économique internationale très particulière, a masqué ce dynamisme des dépenses. Une fois cette évolution favorable des recettes passée, le ralentissement de la croissance a brusquement fait ressortir le déficit cumulé. Une telle vivacité des dépenses fait peser une menace sur l'équilibre des comptes de l'assurance maladie.
Les années 2002 et 2003 ont été aussi marquées par des mesures ponctuelles qui ont contribué à entretenir ce dynamisme des dépenses en particulier la mise en place des 35h. 3,4 milliards d'euros, c'est le coût des 35h à l'hôpital. C'est évidemment considérable et cela continue de peser en 2004 sur l'évolution des dépenses hospitalières.
Il y a néanmoins des signes positifs lorsque l'on regarde très attentivement l'évolution très récente de l'assurance maladie : l'année 2003 marque une première décélération de la croissance des dépenses de l'assurance maladie par rapport à 2002 qui était de 7,2 %. Ensuite, le dépassement de l'ONDAM (objectif national des dépenses d'assurance maladie), même s'il reste important, se réduit substantiellement par rapport aux années antérieures : il ne sera que de 1,2 milliards d'euros en 2003, contre plus de 3 milliards d'euros en 2001 et presque 4 Milliards en 2002.
Les premiers chiffres pour 2004 confirment cette nouvelle tendance même s'il convient de rester prudent. Bien évidemment, ces évolutions ne nous permettront pas de revenir à l'équilibre mais elles évitent une plus forte dégradation des comptes.
Face à l'ampleur de ces déséquilibres, il était donc nécessaire d'agir et d'entamer ce "redressement par la qualité" qu'appelait de ses vux le Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie. C'est l'objet même du projet de loi que nous vous présentons aujourd'hui et dont nous souhaitons vous donner les principales lignes de force.
2- Organiser notre système de soins est la priorité du Gouvernement. C'est le cur du projet de loi.
Premier élément de cohérence du système de soins, le dossier médical personnel.
Chaque Français doit pouvoir disposer, d'ici 2007, de ce dossier médical, qu'il partagera avec son médecin traitant et, le cas échéant, avec l'ensemble des professionnels de santé avec qui il est en contact. Ce dossier répond à une demande d'information médicale de la part de nos concitoyens, et à un droit que leur donne la loi du 4 mars 2002 sur l'accès aux données de santé.
Ce dossier sera obligatoire et, à terme, l'accès au dossier conditionnera le remboursement des soins.
L'ensemble des partenaires gagnera à la mise en place rapide d'un dossier médical: le médecin pour un meilleur suivi de son patient grâce à l'information en temps réel sur son patient ; le patient pour une garantie de qualité de soins et un accès unifié à l'information le concernant, trop souvent éparse ; l'assurance-maladie par la limitation des soins inutiles ou dangereux.
L'organisation de l'offre de soins suppose aussi de construire de véritables parcours de soins au bénéfice du malade qui ne doit plus être laissé face à une organisation qu'il ne comprend pas toujours et dans laquelle, parfois, il se perd. Nous avons par ailleurs tous en tête des exemples personnels ou parmi nos proches de cas d'examens ou de consultations répétés parce qu'on est mal renseigné ou parce que tout simplement on ne sait pas précisément à qui s'adresser.
Il nous faut remettre de la cohérence dans un système de soins qui est parmi les plus performants du monde dans ce que les experts appellent le " curatif individuel " mais qui s'épuise, simplement parce qu'il manque de repères et d'organisation.
C'est évidemment tout le sens de la mise en place du médecin traitant. Porte d'entrée pour le malade, ce médecin qu'il soit spécialiste ou généraliste, sera librement choisi par le malade car la liberté est au cur de notre système. Aucun Français ne se verra imposer son médecin car ce n'est pas notre modèle.
Le médecin traitant orientera le patient dans le système de santé afin de l'aider à construire le parcours de soins que j'évoquais à l'instant. Un certain nombre de spécialistes resteront évidemment en accès direct, je pense par exemple aux ophtalmologistes ou aux gynécologues.
Nous ne souhaitons pas que la loi ou des décrets fixent un cadre rigide à ce médecin traitant car cela relève de la responsabilité des partenaires conventionnels, c'est-à-dire des caisses d'assurance maladie et des professionnels de santé.
Dernier point sur lequel je souhaitais insister dans cette nouvelle organisation de l'offre de soins, c'est la nécessité de renforcer le lien entre la médecine de ville et l'hôpital.
Il n'y a pas d'un côté une réforme de l'assurance maladie et de l'autre une réforme de l'hôpital. Il y a bien une réforme de l'organisation des soins qui vise au décloisonnement, au développement des réseaux, à l'élaboration d'une véritable stratégie d'offre de soins sur un territoire donné. Il faut que nous soyons tous très clairs sur ce point.
C'est notamment pour mettre en uvre ces décloisonnements que le projet de loi prévoit un rapprochement entre les URCAM (Unions régionales des caisses d'assurance maladie) et les ARH (agences régionales de l'hospitalisation). Ces deux institutions devront travailler ensemble sur toute une série de sujets comme la répartition de l'offre de soins, la permanence des soins, le développement des réseaux. Le rapprochement entre la ville et l'hôpital est une exigence.
Il passe aussi par un même respect par les professionnels de santé des référentiels de bonne pratique, la même adhésion aux démarches d'évaluation, le même engagement en faveur de la qualité des soins. En tant que médecin hospitalier, je suis certain de l'adhésion de mes confrères à une démarche qui met le patient au cur de nos préoccupations.
Pour accompagner cette organisation de l'offre de soins, il nous est apparu indispensable de mieux définir les compétences de l'ensemble des acteurs qui participent à ce que les experts appellent la régulation du système, son pilotage.
C'est le sens tout d'abord de la nouvelle gouvernance de l'assurance maladie. Sans doute, avons-nous trop tendance à ne parler de cette gouvernance qu'en termes d'institutions et de pouvoirs. Ayons bien en tête, encore une fois, qu'il s'agit avant tout de mettre notre système d'assurance maladie au service du malade et d'une offre de soins plus efficace et mieux organisée.
La délégation de nouvelles compétences au bénéfice des caisses d'assurance maladie et le partenariat entre régimes de base et organismes complémentaires doivent permettre aux gestionnaires de l'assurance maladie de mener une politique globale du risque maladie, sur la base des objectifs de santé publique et des principes généraux dont l'Etat reste garant. Sur le médicament et la gestion de l'hôpital, l'assurance maladie sera très étroitement associée aux décisions, au travers de sa participation au comité économique des produits de santé, dont les compétences sont élargies, et au comité de l'hospitalisation qui va se mettre en place.
De la même façon, le renforcement de la coopération entre les différents régimes d'assurance maladie via l'UNCAM (Union nationale des caisses d'assurance maladie) et la réforme des instances dirigeantes des caisses nationales et locales doivent donner plus de lisibilité et d'efficacité à notre système.
Cela passe aussi par un dialogue conventionnel rénové et, je l'espère, pacifié entre les caisses d'assurance maladie et les professionnels de santé. Il nous faut retrouver confiance dans les relations conventionnelles. Là encore, la loi donne des outils grâce à l'arbitrage pour régler les éventuels différents et consolide les accords grâce au droit d'opposition donné aux syndicats majoritaires. C'est aux acteurs du système de santé et d'assurance maladie qu'il revient de faire vivre cette négociation conventionnelle dans un esprit de dialogue et d'ouverture.
3- La deuxième ligne de force de ce projet, c'est la promotion de la qualité des soins.
La nécessité d'une évaluation de l'utilité médicale fondée sur des critères réellement scientifiques était un des messages forts du rapport du Haut Conseil. Notre système s'épuise, d'une certaine façon, à vouloir tout financer, sans hiérarchie ni visibilité. C'est la raison pour laquelle il faut redonner une cohérence aux choix que nous sommes amenés à faire et nous donner les moyens de rembourser les médicaments et les traitements innovants qui constituent la médecine de demain.
Nous ne disposons pas aujourd'hui des outils nous permettant d'évaluer l'utilité médicale d'un acte lorsqu'une demande d'admission au remboursement est faite, alors que la démarche existe pour le médicament. C'est évidemment une lacune très importante à laquelle il fallait remédier. La Haute autorité de santé devra émettre un avis sur l'utilité médicale des produits et des actes avant l'admission au remboursement. Elle pourra également être sollicitée par différents acteurs, l'assurance maladie, l'Etat, les professionnels de santé, les représentants des usagers pour réévaluer l'efficacité de certains traitements si cela s'avère nécessaire.
La Haute autorité se verra confier une deuxième mission toute aussi centrale dans le nouveau dispositif : celle de veiller à l'élaboration et à la diffusion des référentiels de bonne pratique. Sur ce sujet, il nous faut passer à la vitesse supérieure et surtout diffuser des référentiels qui soient effectivement applicables dans la vie quotidienne des professionnels de santé.
La qualité des soins passe aussi par un engagement plus fort qu'aujourd'hui des professionnels de santé dans des démarches de formation continue et d'évaluation. J'ai confiance, je l'ai dit, dans la capacité des professionnels de santé à être les acteurs de la réforme, à relever avec nous le défi de la qualité.
Le projet de loi prévoit un certain nombre de dispositions qui vont dans ce sens. Cet engagement doit concerner les professionnels libéraux comme ceux qui exercent à l'hôpital. C'est un point auquel nous sommes extrêmement attachés. Je souligne aussi que nous faisons rentrer cette logique de qualité des soins à l'hôpital au travers d'accords de bon usage des soins qui pourront être signés au niveau national entre l'Etat, les fédérations hospitalières et l'assurance maladie, puis déclinés au niveau local.
[PRISE DE PAROLE XAVIER BERTRAND]
4-Troisième axe de ce projet, le redressement financier de l'assurance maladie.
Comme Philippe Douste-Blazy l'a rappelé au début de son intervention, la situation financière de l'assurance maladie est grave et il était urgent d'agir. En présentant un plan de redressement de 15 milliards d'euros, le Gouvernement répond à ce défi.
15 milliards d'euros, c'est évidemment considérable. Il y a eu un temps où les plans de réforme de la sécurité sociale étaient sur ces ordres de grandeur, mais en francs et non en euros. C'est donc un plan ambitieux et structurant pour l'avenir.
Il repose d'abord sur 10 milliards d'euros de moindres dépenses et non d'économies comme, par un raccourci trompeur, on a trop souvent tendance à le dire. Oui, nous dépenserons en 2007 beaucoup plus pour notre santé qu'en 2004.
Les dépenses de santé continueront de croître car c'est légitime. Il n'y a pas et il n'y aura pas de rationnement des soins, de quelque nature que ce soit. Cependant, nous mettons tout en uvre pour que chaque euro investi dans notre système de soins le soit à bon escient.
Cela passe tout d'abord, à hauteur de 3,5 milliards par la mise en oeuvre des mesures de maîtrise médicalisée des dépenses, notamment le dossier médical personnel, le médecin traitant et la promotion du bon usage du médicament. La diffusion effective de référentiels de bonne pratique sous l'égide de la Haute autorité de santé constitue aussi un volet essentiel de cette maîtrise médicalisée des dépenses.
J'entends des interrogations sur les moyens d'atteindre ces objectifs. Or, la CNAMTS vient de nous expliquer dans une étude qui date de quelques semaines qu'en réalité, les dépenses inutiles se montaient à près de 5 à 6 milliards, ce qui représente l'équivalent de près de 15 % des prescriptions de biens et de soins médicaux. Cela signifie qu'il y a des marges de manuvres considérables dans la promotion des bonnes pratiques médicales, le renforcement de la coordination des soins autour du malade. Soigner mieux et dépenser mieux, ce n'est pas un slogan, cela peut et cela va devenir une réalité.
La politique du médicament, au travers notamment d'un développement rapide du médicament générique constitue le deuxième volet de ce plan, à hauteur de 2,3 milliards d'euros. Nous sommes en train de construire ce volet en lien avec l'industrie du médicament afin de concilier les exigences d'économies avec la nécessaire valorisation de la recherche et de l'innovation. Soigner mieux en dépensant mieux doit aussi s'appliquer à la filière des produits de santé.
C'est tout le sens de cette politique du médicament que je souhaite développer dans les années qui viennent. Si le développement du générique constitue l'axe principal de ce plan, d'autres mesures y contribueront:
- d'une part, une meilleure adaptation des conditionnements aux prescriptions, par exemple, en permettant la délivrance de boîtes de 3 mois aux malades chroniques ;
- d'autre part, une plus grande maîtrise du processus de rétrocession des médicaments de l'hôpital vers la ville qui est à l'origine d'une forte progression des dépenses ;
- enfin, un relèvement mesuré des taxes applicables aux industries du médicament, au travers de la reconduction de la taxe sur le chiffre d'affaires des laboratoires pharmaceutiques instaurée par la loi de financement pour 2004 et l'augmentation de la taxe sur les dépenses de promotion. Je rappelle que nous consommons en moyenne une boîte de médicaments par personne et par semaine, soit 1,5 fois plus que les Allemands et les Espagnols.
La promotion contribue indéniablement à cette situation même si ça n'est pas la seule explication. Le projet de loi prévoit aussi la mise en place d'une charte de qualité de la visite médicale entre les industriels et le comité économique des produits de santé.
Cela devra aussi permettre de favoriser une diffusion de l'information d'une meilleure qualité sur le médicament.
Parce qu'il contribue à près de la moitié des dépenses d'assurance maladie, il était légitime que la modernisation de la gestion de l'hôpital participe à la réforme de l'assurance maladie. C'est principalement grâce à une rationalisation de la politique d'achat que l'hôpital contribuera à ces 10 milliards d'euros, à hauteur d'1,6 milliards. La mission d'étude et d'analyse hospitalière a souligné la très grande hétérogénéité des coûts d'achats à l'hôpital, qui vont pour certains produits de 1 à 5. Ce n'est évidemment pas satisfaisant et il y a là des marges de progrès très importantes.
Le renforcement du contrôle des arrêts de travail au travers de procédures plus simples et plus efficaces, dans le respect des droits des professionnels comme des patients devrait permettre d'économiser 800 millions d'euros dans ce domaine d'ici à 2007. Je l'ai dit à plusieurs reprises, il ne s'agit pas de culpabiliser les uns ou les autres. Il s'agit simplement de s'assurer de la réalité de la justification médicale de l'arrêt de travail et de décourager les abus.
Nous savons qu'il y a des abus : de certaines entreprises, de certains médecins, de certains patients. Ils sont, toujours, très minoritaires mais pour préserver ce système des arrêts de travail qui est historiquement l'un des fondements de notre système d'assurance maladie, il faut veiller à ce qu'il ne soit pas détourné. Encore une fois, rien ne peut raisonnablement justifier qu'on consomme trois fois plus d'arrêts de travail dans un département par rapport à un autre. Cela n'a, à l'évidence, rien à voir avec un quelconque besoin de santé de la population.
L'économie des frais financiers liés au transfert de la dette à la CADES (Caisse d'amortissement de la dette sociale) et la modernisation de la gestion du réseau des caisses d'assurance maladie contribueront également à ce plan, respectivement pour 1,1 et 0,2 milliards d'euros.
Pour compléter ces 10 milliards d'euros d'économies ou de moindres dépenses, le plan du Gouvernement prévoit 5 milliards d'euros qui se déclinent de la façon suivante :
* 1 milliard d'euros au titre de la participation des usagers, au travers de la contribution de 1 euro et de l'augmentation du forfait journalier,
* 4 milliards d'euros de recettes supplémentaires via un ensemble de mesures dont je souhaiterais souligner deux éléments qui me semblent majeurs.
D'une part, la contribution d'un milliard de l'Etat au travers d'une fraction plus importante des droits tabacs donnée à l'assurance maladie. Votre commission a, à de nombreuses reprises, souligné la complexité des liens financiers entre l'Etat et la sécurité sociale et la nécessité de clarifier les choses.
Nous avions déjà entamé la clarification en supprimant le FOREC (Fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale) et en affectant une part croissance des droits tabacs à l'assurance maladie depuis 2002.
Avec la réforme de l'assurance maladie, nous faisons un pas de plus en opérant ce transfert d'un milliards d'euros des droits tabacs. J'ai le sentiment que ce transfert de l'Etat est un geste très fort, dans un contexte financier difficile pour les finances de l'Etat, et une réponse très concrète au débat sur les charges indues. Je crois, au surplus, qu'une telle affectation des droits tabacs à l'assurance maladie repose sur une logique forte de santé publique.
Le texte prévoit aussi que tout transfert de charge entre l'Etat et l'assurance maladie devra être compensé. Sur ce point également, j'ai le sentiment que nous empruntons une voie qu'avait tracé à différentes reprises votre commission et plus particulièrement le rapporteur pour le PLFSS Alain Vasselle.
Deuxième point que je souhaitais souligner, c'est le souci de justice et d'équité qui a animé le Gouvernement dans le choix de ces mesures de recettes. C'est un effort partagé, des entreprises, des actifs, des retraités, à chaque fois dans des limites qui me semblent acceptables.
L'augmentation de la CSG sur les retraités ne s'applique qu'aux retraités imposables. Elle est limitée puisqu'elle se monte à 0,4 point, ce qui laisse un écart important, 0,9 points, avec la CSG payée par les actifs. Alors qu'une politique très ambitieuse de prise en charge de la dépendance se met en place, il nous a semblé possible que les retraités contribuent à l'effort de redressement de l'assurance maladie. L'augmentation de l'assiette de la CSG sur les revenus d'activités nous a semblé justifiée après la réforme des frais professionnels intervenue fin 2002.
Le taux de CSG sur les revenus du patrimoine et de placement sera par ailleurs relevé de 0,7 point. Compte tenu du prélèvement déjà prévu au profit de la CNSA (0,3 point au 1er juillet 2004), le taux de CSG sur les revenus financiers et du patrimoine sera porté à 8,5 %. Enfin, la CSG sur le produit des jeux sera quant à elle relevée de 2 points et passera à 9,5 %.
S'agissant des entreprises, le projet de loi prévoit une augmentation de 0,03 pt de la contribution spécifique de solidarité sur les sociétés. Il était, je crois, logique que les entreprises participent à l'effort de redressement des comptes de l'assurance maladie. Elles le font dans des proportions qui, là encore, sont raisonnables.
Ambition, cohérence, équité, voilà, je crois, les mots qui définissent le mieux notre projet de réforme de l'assurance maladie. En deux ans, ce Gouvernement aura engagé la consolidation de deux piliers majeurs de notre pacte républicain que sont nos systèmes de retraite et d'assurance maladie. C'est tout à fait considérable. Je souhaite que le débat parlementaire nous permette de confirmer cette consolidation.
(Source http://www.assurancemaladie.sante.gouv.fr, le 5 juillet 2004)
Monsieur le Rapporteur,
Mesdames et messieurs les Sénateurs,
Nous sommes très heureux et fiers, avec Xavier Bertrand, de venir devant vous présenter le projet de loi relatif à l'assurance maladie.
Conformément au souhait du Président de la République, le Gouvernement engage ainsi, un an après la réforme des retraites, la modernisation du pilier majeur de notre système de protection sociale que constitue l'assurance maladie. Cela montre tout l'attachement que le Gouvernement accorde à ce système public et solidaire.
Cette réforme est attendue par les Français. Je crois qu'elle peut les rassurer sur l'avenir de leur système d'assurance maladie qui est préservé et consolidé.
Nous entrons dans une nouvelle étape de cette grande réforme, celle du débat au Parlement. C'est une étape majeure qui nous permettra de faire évoluer le projet du Gouvernement. Les premiers amendements des députés ont été déposés hier soir. Tout montre que le débat sera riche. Je sais qu'il le sera aussi au Sénat.
Ce débat que nous aurons au Parlement fera suite à une phase de concertation très intense que Xavier Bertrand et moi avons menée avec l'ensemble des acteurs du monde de la santé et de l'assurance maladie. Nous n'avons pas, je crois, ménagé notre peine et j'ai le sentiment que cette concertation a permis d'aboutir à un projet qui va faire évoluer en profondeur notre système de santé et d'assurance maladie.
J'ai le sentiment que peu de réformes ont donné lieu à autant de rencontres, d'échanges et de débats. Depuis plus de deux mois, nous avons été avec Xavier Bertrand en contact permanent avec les partenaires sociaux, les représentants des professionnels de santé et des patients, les représentants des organismes d'assurance maladie de base et complémentaire. Nous avons mené plus d'une centaine d'entretiens avec l'ensemble des partenaires de cette réforme.
Cela venait après le diagnostic partagé établi par le Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie et la première phase de concertation menée par Jean-François Mattei.
Tous les acteurs de l'assurance maladie se sont, eux aussi, investis " à fond " dans cette concertation. Ils nous ont fait remonter leur vision de la situation, leurs propositions, leurs inquiétudes. Je tiens ici à leur rendre hommage.
1-Après le temps du dialogue et de la concertation est venu le temps de l'action
Face à l'accumulation des déficits, il était en effet indispensable de stopper la dérive des comptes et d'entamer le retour vers l'équilibre.
J'ai réuni la semaine dernière la commission des comptes de la sécurité sociale de printemps. Celle-ci nous a rappelé l'ampleur des déséquilibres actuels.
Le déficit devrait atteindre près de 12,9 milliards d'euros. Ce résultat s'explique d'abord par la faible croissance des recettes. La croissance de 1,9 % de la masse salariale en 2003 a été la plus basse qu'ait connu notre pays depuis 1993 et les prévisions actualisées pour 2004, soit 2,9 %, demeurent relativement faibles. La croissance montre des signes de reprise mais qui demeurent encore trop modestes pour avoir un impact sur les recettes. Nous souhaitons tous voir cette tendance s'accélérer. Nous verrons à l'automne si c'est le cas, ce que, bien évidemment, nous souhaitons tous.
Cette atonie conjoncturelle des recettes se conjugue avec un dynamisme des dépenses de l'assurance maladie qui ne se dément pas encore.
J'y reviendrai tout à l'heure mais l'ensemble des travaux récents, qu'il s'agisse du rapport du Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie ou du rapport de la commission des comptes, nous montre bien la continuité des évolutions dans ce domaine depuis 1997. Depuis cette date, le déficit structurel de l'assurance maladie, c'est-à-dire corrigé des variations conjoncturelles, a crû continûment.
Nous sommes bien, ici, face à une tendance de fond relative aux dépenses de santé.
Une croissance exceptionnelle des recettes en 2000 et 2001, liée à une conjoncture économique internationale très particulière, a masqué ce dynamisme des dépenses. Une fois cette évolution favorable des recettes passée, le ralentissement de la croissance a brusquement fait ressortir le déficit cumulé. Une telle vivacité des dépenses fait peser une menace sur l'équilibre des comptes de l'assurance maladie.
Les années 2002 et 2003 ont été aussi marquées par des mesures ponctuelles qui ont contribué à entretenir ce dynamisme des dépenses en particulier la mise en place des 35h. 3,4 milliards d'euros, c'est le coût des 35h à l'hôpital. C'est évidemment considérable et cela continue de peser en 2004 sur l'évolution des dépenses hospitalières.
Il y a néanmoins des signes positifs lorsque l'on regarde très attentivement l'évolution très récente de l'assurance maladie : l'année 2003 marque une première décélération de la croissance des dépenses de l'assurance maladie par rapport à 2002 qui était de 7,2 %. Ensuite, le dépassement de l'ONDAM (objectif national des dépenses d'assurance maladie), même s'il reste important, se réduit substantiellement par rapport aux années antérieures : il ne sera que de 1,2 milliards d'euros en 2003, contre plus de 3 milliards d'euros en 2001 et presque 4 Milliards en 2002.
Les premiers chiffres pour 2004 confirment cette nouvelle tendance même s'il convient de rester prudent. Bien évidemment, ces évolutions ne nous permettront pas de revenir à l'équilibre mais elles évitent une plus forte dégradation des comptes.
Face à l'ampleur de ces déséquilibres, il était donc nécessaire d'agir et d'entamer ce "redressement par la qualité" qu'appelait de ses vux le Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie. C'est l'objet même du projet de loi que nous vous présentons aujourd'hui et dont nous souhaitons vous donner les principales lignes de force.
2- Organiser notre système de soins est la priorité du Gouvernement. C'est le cur du projet de loi.
Premier élément de cohérence du système de soins, le dossier médical personnel.
Chaque Français doit pouvoir disposer, d'ici 2007, de ce dossier médical, qu'il partagera avec son médecin traitant et, le cas échéant, avec l'ensemble des professionnels de santé avec qui il est en contact. Ce dossier répond à une demande d'information médicale de la part de nos concitoyens, et à un droit que leur donne la loi du 4 mars 2002 sur l'accès aux données de santé.
Ce dossier sera obligatoire et, à terme, l'accès au dossier conditionnera le remboursement des soins.
L'ensemble des partenaires gagnera à la mise en place rapide d'un dossier médical: le médecin pour un meilleur suivi de son patient grâce à l'information en temps réel sur son patient ; le patient pour une garantie de qualité de soins et un accès unifié à l'information le concernant, trop souvent éparse ; l'assurance-maladie par la limitation des soins inutiles ou dangereux.
L'organisation de l'offre de soins suppose aussi de construire de véritables parcours de soins au bénéfice du malade qui ne doit plus être laissé face à une organisation qu'il ne comprend pas toujours et dans laquelle, parfois, il se perd. Nous avons par ailleurs tous en tête des exemples personnels ou parmi nos proches de cas d'examens ou de consultations répétés parce qu'on est mal renseigné ou parce que tout simplement on ne sait pas précisément à qui s'adresser.
Il nous faut remettre de la cohérence dans un système de soins qui est parmi les plus performants du monde dans ce que les experts appellent le " curatif individuel " mais qui s'épuise, simplement parce qu'il manque de repères et d'organisation.
C'est évidemment tout le sens de la mise en place du médecin traitant. Porte d'entrée pour le malade, ce médecin qu'il soit spécialiste ou généraliste, sera librement choisi par le malade car la liberté est au cur de notre système. Aucun Français ne se verra imposer son médecin car ce n'est pas notre modèle.
Le médecin traitant orientera le patient dans le système de santé afin de l'aider à construire le parcours de soins que j'évoquais à l'instant. Un certain nombre de spécialistes resteront évidemment en accès direct, je pense par exemple aux ophtalmologistes ou aux gynécologues.
Nous ne souhaitons pas que la loi ou des décrets fixent un cadre rigide à ce médecin traitant car cela relève de la responsabilité des partenaires conventionnels, c'est-à-dire des caisses d'assurance maladie et des professionnels de santé.
Dernier point sur lequel je souhaitais insister dans cette nouvelle organisation de l'offre de soins, c'est la nécessité de renforcer le lien entre la médecine de ville et l'hôpital.
Il n'y a pas d'un côté une réforme de l'assurance maladie et de l'autre une réforme de l'hôpital. Il y a bien une réforme de l'organisation des soins qui vise au décloisonnement, au développement des réseaux, à l'élaboration d'une véritable stratégie d'offre de soins sur un territoire donné. Il faut que nous soyons tous très clairs sur ce point.
C'est notamment pour mettre en uvre ces décloisonnements que le projet de loi prévoit un rapprochement entre les URCAM (Unions régionales des caisses d'assurance maladie) et les ARH (agences régionales de l'hospitalisation). Ces deux institutions devront travailler ensemble sur toute une série de sujets comme la répartition de l'offre de soins, la permanence des soins, le développement des réseaux. Le rapprochement entre la ville et l'hôpital est une exigence.
Il passe aussi par un même respect par les professionnels de santé des référentiels de bonne pratique, la même adhésion aux démarches d'évaluation, le même engagement en faveur de la qualité des soins. En tant que médecin hospitalier, je suis certain de l'adhésion de mes confrères à une démarche qui met le patient au cur de nos préoccupations.
Pour accompagner cette organisation de l'offre de soins, il nous est apparu indispensable de mieux définir les compétences de l'ensemble des acteurs qui participent à ce que les experts appellent la régulation du système, son pilotage.
C'est le sens tout d'abord de la nouvelle gouvernance de l'assurance maladie. Sans doute, avons-nous trop tendance à ne parler de cette gouvernance qu'en termes d'institutions et de pouvoirs. Ayons bien en tête, encore une fois, qu'il s'agit avant tout de mettre notre système d'assurance maladie au service du malade et d'une offre de soins plus efficace et mieux organisée.
La délégation de nouvelles compétences au bénéfice des caisses d'assurance maladie et le partenariat entre régimes de base et organismes complémentaires doivent permettre aux gestionnaires de l'assurance maladie de mener une politique globale du risque maladie, sur la base des objectifs de santé publique et des principes généraux dont l'Etat reste garant. Sur le médicament et la gestion de l'hôpital, l'assurance maladie sera très étroitement associée aux décisions, au travers de sa participation au comité économique des produits de santé, dont les compétences sont élargies, et au comité de l'hospitalisation qui va se mettre en place.
De la même façon, le renforcement de la coopération entre les différents régimes d'assurance maladie via l'UNCAM (Union nationale des caisses d'assurance maladie) et la réforme des instances dirigeantes des caisses nationales et locales doivent donner plus de lisibilité et d'efficacité à notre système.
Cela passe aussi par un dialogue conventionnel rénové et, je l'espère, pacifié entre les caisses d'assurance maladie et les professionnels de santé. Il nous faut retrouver confiance dans les relations conventionnelles. Là encore, la loi donne des outils grâce à l'arbitrage pour régler les éventuels différents et consolide les accords grâce au droit d'opposition donné aux syndicats majoritaires. C'est aux acteurs du système de santé et d'assurance maladie qu'il revient de faire vivre cette négociation conventionnelle dans un esprit de dialogue et d'ouverture.
3- La deuxième ligne de force de ce projet, c'est la promotion de la qualité des soins.
La nécessité d'une évaluation de l'utilité médicale fondée sur des critères réellement scientifiques était un des messages forts du rapport du Haut Conseil. Notre système s'épuise, d'une certaine façon, à vouloir tout financer, sans hiérarchie ni visibilité. C'est la raison pour laquelle il faut redonner une cohérence aux choix que nous sommes amenés à faire et nous donner les moyens de rembourser les médicaments et les traitements innovants qui constituent la médecine de demain.
Nous ne disposons pas aujourd'hui des outils nous permettant d'évaluer l'utilité médicale d'un acte lorsqu'une demande d'admission au remboursement est faite, alors que la démarche existe pour le médicament. C'est évidemment une lacune très importante à laquelle il fallait remédier. La Haute autorité de santé devra émettre un avis sur l'utilité médicale des produits et des actes avant l'admission au remboursement. Elle pourra également être sollicitée par différents acteurs, l'assurance maladie, l'Etat, les professionnels de santé, les représentants des usagers pour réévaluer l'efficacité de certains traitements si cela s'avère nécessaire.
La Haute autorité se verra confier une deuxième mission toute aussi centrale dans le nouveau dispositif : celle de veiller à l'élaboration et à la diffusion des référentiels de bonne pratique. Sur ce sujet, il nous faut passer à la vitesse supérieure et surtout diffuser des référentiels qui soient effectivement applicables dans la vie quotidienne des professionnels de santé.
La qualité des soins passe aussi par un engagement plus fort qu'aujourd'hui des professionnels de santé dans des démarches de formation continue et d'évaluation. J'ai confiance, je l'ai dit, dans la capacité des professionnels de santé à être les acteurs de la réforme, à relever avec nous le défi de la qualité.
Le projet de loi prévoit un certain nombre de dispositions qui vont dans ce sens. Cet engagement doit concerner les professionnels libéraux comme ceux qui exercent à l'hôpital. C'est un point auquel nous sommes extrêmement attachés. Je souligne aussi que nous faisons rentrer cette logique de qualité des soins à l'hôpital au travers d'accords de bon usage des soins qui pourront être signés au niveau national entre l'Etat, les fédérations hospitalières et l'assurance maladie, puis déclinés au niveau local.
[PRISE DE PAROLE XAVIER BERTRAND]
4-Troisième axe de ce projet, le redressement financier de l'assurance maladie.
Comme Philippe Douste-Blazy l'a rappelé au début de son intervention, la situation financière de l'assurance maladie est grave et il était urgent d'agir. En présentant un plan de redressement de 15 milliards d'euros, le Gouvernement répond à ce défi.
15 milliards d'euros, c'est évidemment considérable. Il y a eu un temps où les plans de réforme de la sécurité sociale étaient sur ces ordres de grandeur, mais en francs et non en euros. C'est donc un plan ambitieux et structurant pour l'avenir.
Il repose d'abord sur 10 milliards d'euros de moindres dépenses et non d'économies comme, par un raccourci trompeur, on a trop souvent tendance à le dire. Oui, nous dépenserons en 2007 beaucoup plus pour notre santé qu'en 2004.
Les dépenses de santé continueront de croître car c'est légitime. Il n'y a pas et il n'y aura pas de rationnement des soins, de quelque nature que ce soit. Cependant, nous mettons tout en uvre pour que chaque euro investi dans notre système de soins le soit à bon escient.
Cela passe tout d'abord, à hauteur de 3,5 milliards par la mise en oeuvre des mesures de maîtrise médicalisée des dépenses, notamment le dossier médical personnel, le médecin traitant et la promotion du bon usage du médicament. La diffusion effective de référentiels de bonne pratique sous l'égide de la Haute autorité de santé constitue aussi un volet essentiel de cette maîtrise médicalisée des dépenses.
J'entends des interrogations sur les moyens d'atteindre ces objectifs. Or, la CNAMTS vient de nous expliquer dans une étude qui date de quelques semaines qu'en réalité, les dépenses inutiles se montaient à près de 5 à 6 milliards, ce qui représente l'équivalent de près de 15 % des prescriptions de biens et de soins médicaux. Cela signifie qu'il y a des marges de manuvres considérables dans la promotion des bonnes pratiques médicales, le renforcement de la coordination des soins autour du malade. Soigner mieux et dépenser mieux, ce n'est pas un slogan, cela peut et cela va devenir une réalité.
La politique du médicament, au travers notamment d'un développement rapide du médicament générique constitue le deuxième volet de ce plan, à hauteur de 2,3 milliards d'euros. Nous sommes en train de construire ce volet en lien avec l'industrie du médicament afin de concilier les exigences d'économies avec la nécessaire valorisation de la recherche et de l'innovation. Soigner mieux en dépensant mieux doit aussi s'appliquer à la filière des produits de santé.
C'est tout le sens de cette politique du médicament que je souhaite développer dans les années qui viennent. Si le développement du générique constitue l'axe principal de ce plan, d'autres mesures y contribueront:
- d'une part, une meilleure adaptation des conditionnements aux prescriptions, par exemple, en permettant la délivrance de boîtes de 3 mois aux malades chroniques ;
- d'autre part, une plus grande maîtrise du processus de rétrocession des médicaments de l'hôpital vers la ville qui est à l'origine d'une forte progression des dépenses ;
- enfin, un relèvement mesuré des taxes applicables aux industries du médicament, au travers de la reconduction de la taxe sur le chiffre d'affaires des laboratoires pharmaceutiques instaurée par la loi de financement pour 2004 et l'augmentation de la taxe sur les dépenses de promotion. Je rappelle que nous consommons en moyenne une boîte de médicaments par personne et par semaine, soit 1,5 fois plus que les Allemands et les Espagnols.
La promotion contribue indéniablement à cette situation même si ça n'est pas la seule explication. Le projet de loi prévoit aussi la mise en place d'une charte de qualité de la visite médicale entre les industriels et le comité économique des produits de santé.
Cela devra aussi permettre de favoriser une diffusion de l'information d'une meilleure qualité sur le médicament.
Parce qu'il contribue à près de la moitié des dépenses d'assurance maladie, il était légitime que la modernisation de la gestion de l'hôpital participe à la réforme de l'assurance maladie. C'est principalement grâce à une rationalisation de la politique d'achat que l'hôpital contribuera à ces 10 milliards d'euros, à hauteur d'1,6 milliards. La mission d'étude et d'analyse hospitalière a souligné la très grande hétérogénéité des coûts d'achats à l'hôpital, qui vont pour certains produits de 1 à 5. Ce n'est évidemment pas satisfaisant et il y a là des marges de progrès très importantes.
Le renforcement du contrôle des arrêts de travail au travers de procédures plus simples et plus efficaces, dans le respect des droits des professionnels comme des patients devrait permettre d'économiser 800 millions d'euros dans ce domaine d'ici à 2007. Je l'ai dit à plusieurs reprises, il ne s'agit pas de culpabiliser les uns ou les autres. Il s'agit simplement de s'assurer de la réalité de la justification médicale de l'arrêt de travail et de décourager les abus.
Nous savons qu'il y a des abus : de certaines entreprises, de certains médecins, de certains patients. Ils sont, toujours, très minoritaires mais pour préserver ce système des arrêts de travail qui est historiquement l'un des fondements de notre système d'assurance maladie, il faut veiller à ce qu'il ne soit pas détourné. Encore une fois, rien ne peut raisonnablement justifier qu'on consomme trois fois plus d'arrêts de travail dans un département par rapport à un autre. Cela n'a, à l'évidence, rien à voir avec un quelconque besoin de santé de la population.
L'économie des frais financiers liés au transfert de la dette à la CADES (Caisse d'amortissement de la dette sociale) et la modernisation de la gestion du réseau des caisses d'assurance maladie contribueront également à ce plan, respectivement pour 1,1 et 0,2 milliards d'euros.
Pour compléter ces 10 milliards d'euros d'économies ou de moindres dépenses, le plan du Gouvernement prévoit 5 milliards d'euros qui se déclinent de la façon suivante :
* 1 milliard d'euros au titre de la participation des usagers, au travers de la contribution de 1 euro et de l'augmentation du forfait journalier,
* 4 milliards d'euros de recettes supplémentaires via un ensemble de mesures dont je souhaiterais souligner deux éléments qui me semblent majeurs.
D'une part, la contribution d'un milliard de l'Etat au travers d'une fraction plus importante des droits tabacs donnée à l'assurance maladie. Votre commission a, à de nombreuses reprises, souligné la complexité des liens financiers entre l'Etat et la sécurité sociale et la nécessité de clarifier les choses.
Nous avions déjà entamé la clarification en supprimant le FOREC (Fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale) et en affectant une part croissance des droits tabacs à l'assurance maladie depuis 2002.
Avec la réforme de l'assurance maladie, nous faisons un pas de plus en opérant ce transfert d'un milliards d'euros des droits tabacs. J'ai le sentiment que ce transfert de l'Etat est un geste très fort, dans un contexte financier difficile pour les finances de l'Etat, et une réponse très concrète au débat sur les charges indues. Je crois, au surplus, qu'une telle affectation des droits tabacs à l'assurance maladie repose sur une logique forte de santé publique.
Le texte prévoit aussi que tout transfert de charge entre l'Etat et l'assurance maladie devra être compensé. Sur ce point également, j'ai le sentiment que nous empruntons une voie qu'avait tracé à différentes reprises votre commission et plus particulièrement le rapporteur pour le PLFSS Alain Vasselle.
Deuxième point que je souhaitais souligner, c'est le souci de justice et d'équité qui a animé le Gouvernement dans le choix de ces mesures de recettes. C'est un effort partagé, des entreprises, des actifs, des retraités, à chaque fois dans des limites qui me semblent acceptables.
L'augmentation de la CSG sur les retraités ne s'applique qu'aux retraités imposables. Elle est limitée puisqu'elle se monte à 0,4 point, ce qui laisse un écart important, 0,9 points, avec la CSG payée par les actifs. Alors qu'une politique très ambitieuse de prise en charge de la dépendance se met en place, il nous a semblé possible que les retraités contribuent à l'effort de redressement de l'assurance maladie. L'augmentation de l'assiette de la CSG sur les revenus d'activités nous a semblé justifiée après la réforme des frais professionnels intervenue fin 2002.
Le taux de CSG sur les revenus du patrimoine et de placement sera par ailleurs relevé de 0,7 point. Compte tenu du prélèvement déjà prévu au profit de la CNSA (0,3 point au 1er juillet 2004), le taux de CSG sur les revenus financiers et du patrimoine sera porté à 8,5 %. Enfin, la CSG sur le produit des jeux sera quant à elle relevée de 2 points et passera à 9,5 %.
S'agissant des entreprises, le projet de loi prévoit une augmentation de 0,03 pt de la contribution spécifique de solidarité sur les sociétés. Il était, je crois, logique que les entreprises participent à l'effort de redressement des comptes de l'assurance maladie. Elles le font dans des proportions qui, là encore, sont raisonnables.
Ambition, cohérence, équité, voilà, je crois, les mots qui définissent le mieux notre projet de réforme de l'assurance maladie. En deux ans, ce Gouvernement aura engagé la consolidation de deux piliers majeurs de notre pacte républicain que sont nos systèmes de retraite et d'assurance maladie. C'est tout à fait considérable. Je souhaite que le débat parlementaire nous permette de confirmer cette consolidation.
(Source http://www.assurancemaladie.sante.gouv.fr, le 5 juillet 2004)