Déclaration de M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire, sur la nécessité d'accroître l'embauche des handicapés dans la fonction publique, Lille le 7 novembre 2003.

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Circonstance : 6ème colloque régional de l'année européenne des personnes handicapées "Travailler ensemble" dans le cadre de l'année européenne des handicapés, à Lille le 7 novembre 2003

Texte intégral

I. Réflexions préalables
Notre société doit modifier le regard qu'elle porte sur le handicap.
Je me permets de vous raconter une anecdote tirée d'un récent déplacement aux Comores. Mes échanges avec la population locale, très défavorisée, et les dirigeants, m'ont donné l'occasion de réaliser à quel point la société des Comores est intégrée et solidaire : les différences et le handicap n'y sont pas facteurs d'exclusion. A l'opposé, les sociétés occidentales constituent certes des océans de richesse matérielle, mais les individus y ont peut-être perdu de leur richesse personnelle et de leur humanité.
Le thème du colloque concerne l'ensemble des acteurs politiques, économiques, sociaux et associatifs. Nous devons réfléchir à une répartition efficace des compétences, à une contractualisation des actions et à l'évaluation des politiques menées.
L'intégration des personnes handicapées dans le travail est nécessaire pour effacer les différences mais elle passe par une acceptation des différences, en matière de performance notamment.
La question du travail implique aussi de réfléchir aux problématiques de l'autonomie, des déplacements et de l'adaptation des conditions de travail.
II. Les fonctions publiques comme employeurs de personnes handicapées
1. Un constat mitigé
En tant que Ministre de la fonction publique, je suis particulièrement attentif à notre qualité d'employeur en tant qu'Etat, secteur hospitalier et collectivités locales.
En 1987, le législateur a fixé une obligation d'embaucher 6 % de travailleurs handicapés. Compte tenu de la diversité des entreprises, la pertinence de ce taux mériterait d'être discutée.
Les trois fonctions publiques sont loin d'être exemplaires.
Dans la fonction publique d'Etat, le taux de fonctionnaires handicapés est passé de 4,29 % en 2000 à 4,33 % en 2001. Dans la fonction publique territoriale et la fonction publique hospitalière, il s'établissait respectivement à 5,1 % et à 5,6 % en 2001.
2. Un fort mouvement de mobilisation a porté ses fruits
La mise en place d'outils facilitant l'embauche de travailleurs handicapés a permis d'augmenter les recrutements de 54 % entre 2001 et 2002.
Un protocole d'accord sur l'emploi des travailleurs handicapés a été signé en octobre 2001.
La procédure de recrutement a été simplifiée depuis 1995.
Une Convention passée avec l'Office Nationale des Anciens Combattants et des Victimes de Guerre prévoit l'accompagnement des personnes handicapées souhaitant passer des concours.
Les examens d'accès aux emplois réservés, dont l'efficacité est contestée, ont été suspendus et devraient bientôt être abrogés.
3. Des actions à venir
Le fonctionnement des COTOREP (Commissions Techniques d'Orientation et de Reclassement Professionnel) sera bientôt rationalisé. Ainsi, le traitement des demandes d'entrée dans la fonction publique sera assuré par la COTOREP siégeant en formation de droit commun, et non plus par une commission spéciale.
La loi de finances 2003 prévoit des crédits de 6,56 millions d'euros pour le cofinancement d'équipements, d'aménagement de postes de travail et d'actions de formation en faveur des personnes handicapées.
Par ailleurs, nous réfléchissons à l'opportunité de financer un fonds mutualisé pour les trois fonctions publiques, destiné à l'adaptation des postes de travail. Enfin, un réseau de référents a été constitué au sein des fonctions publiques. L'accent est mis sur l'échange d'expériences en matière d'accueil de travailleurs handicapés.
D'autres chantiers sont en cours.
Nous souhaitons améliorer nos méthodes et fiabiliser nos outils de recensement des travailleurs handicapés. Un plan de recueil des données statistiques est mis en place dans l'Education nationale. La CNIL (Commission Nationale Informatique et Liberté) a été saisie d'un projet d'automatisation, au sein des administrations de l'Etat, de l'enquête annuelle sur le nombre de bénéficiaires de l'obligation d'emploi. Après avis de la CNIL, nous pourrons intégrer des éléments relatifs aux personnes handicapées dans les systèmes de ressources humaines.
Nous devons réfléchir à la problématique de la formation : celle des travailleurs handicapés mais aussi celle des fonctionnaires chargés de les accueillir. A cet égard, nous pouvons saluer le travail de certaines administrations telles que les Assedic et les CAF (Caisses d'allocations familiales) qui ont formé leurs personnels à l'accueil des personnes handicapées.
Nous pourrons sans doute améliorer le taux d'emploi des personnes handicapées en considérant que leur embauche ne nuit pas à l'efficacité du service mais apporte au contraire des bénéfices.
J'attire votre attention sur l'importance de la prévention dans nos services : il faut éviter le plus possible les situations de travail générant un handicap.
Nous devons donc faire preuve plus que jamais de volontarisme, mais aussi de solidarité. L'insertion des personnes handicapées passe par la mise en place d'une solidarité collective. Elle passe aussi par le retour aux solidarités individuelles.
Je vous remercie d'avoir choisi le thème travailler ensemble, qui signifie apprendre ou réapprendre à vivre ensemble.
(source http://www.handicap.gouv.fr, le 15 décembre 2003)