Déclaration de M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie, sur les similitudes et les diversités dans les modes de fonctionnement des registres du commerce européens, Paris le 1er octobre 2004.

Prononcé le 1er octobre 2004

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Circonstance : 7ème Conférence du Forum des registres européens du commerce à Paris le 1er octobre 2004

Texte intégral

Mesdames, Messieurs,
Je suis très heureux d'être présent parmi vous au moment où s'achèvent les travaux de votre 7ème forum à Paris.
Ce forum a été l'occasion pour les autorités chargées des registres du commerce que vous êtes d'échanger des expériences et des réflexions. Dans ces échanges, vous avez aussi bénéficié des contributions d'universitaires, de magistrats, de représentants des ministères ou des instances européennes. Cette diversité d'approches est naturellement très appréciable.
Mais, dans ce domaine comme dans d'autres, il faut d'abord veiller à ce que les réglementations assurent aux entreprises la sécurité nécessaire. Nous devons y être spécialement attentifs à l'heure où l'Union européenne fait de la compétitivité de nos entreprises une priorité majeure. C'est pourquoi je me félicite que vous ayez donné la parole aux entreprises, qui sont vos interlocuteurs privilégiés, pour qu'elles vous fassent part de leurs attentes.
La France est aussi très honorée d'accueillir cette année votre forum après l'élargissement de l'Union européenne. Le gouvernement français attache, en effet, une grande importance au développement du marché intérieur, socle essentiel de la construction européenne, qui implique transparence et fiabilité juridique.
Or, le registre du commerce est un instrument indispensable pour assurer la transparence économique et tout doit être mis en uvre pour permettre aux entreprises de se développer dans un climat de saine compétitivité.
Au moment de clôturer vos travaux, je crois nécessaire de souligner que la diversité des modes de fonctionnement des registres du commerce dans nos Etats constitue une richesse (I), mais qu'elle n'est pas inconciliable avec la recherche d'une nécessaire harmonisation (II).
I. La diversités des modes de fonctionnement dans nos Etats est incontestablement une richesse
1. Votre forum a bien mis en évidence cette diversité
Vous avez, à travers des exemples, fait le point sur les similitudes mais aussi sur les caractères propres des différents systèmes : différences d'organisation, de niveau de contrôle, de culture juridique et économique.
Ces différences ne sont pas sans conséquences concrètes pour la vie des affaires : délai pour prendre en compte et publier une formalité, coût, complexité, transparence, autant d'occasions de faciliter ou au contraire de contrarier la vie de l'entreprise.
La confrontation d'expériences à laquelle vous avez procédé n'a pas seulement un intérêt intellectuel : elle est surtout utile pour dégager les voies d'une évolution vers de meilleures pratiques.
2. Dans le contexte européen, le système français, qui vous a été présenté hier, comporte deux originalités que je veux souligner
a) La première consiste à associer les greffiers des tribunaux statuant commercialement au niveau local avec une institution publique nationale - l'Institut national de la propriété industrielle.
Les greffiers assurent le contrôle de légalité : ils contrôlent la régularité de chaque demande d'immatriculation et vérifient la concordance des dépôts avec les pièces et actes déposés. Ils s'assurent de la régularité de la constitution des sociétés. Ce choix de la complémentarité permet au registre français de compter parmi les plus fiables.
b) La seconde originalité réside dans le fait que le législateur a confié à une même institution, l'INPI, la centralisation et la diffusion du registre du commerce et des sociétés au niveau national, et la propriété industrielle (brevets, marques, dessins et modèles).
Le paradoxe n'est qu'apparent. L'un et l'autre répondent à deux besoins de la vie des affaires : la sécurité juridique et la transparence.
L'objectif est commun : conforter les entreprises tant au moment de leur création que dans leur développement. L'information économique issue du registre du commerce est une composante essentielle de " l'intelligence économique ", venant en complément des autres sources scientifiques, techniques et commerciales que constitue notamment la propriété industrielle.
L'intelligence économique est aujourd'hui au cur des préoccupations des entreprises et apparaît comme le nerf de la compétitivité. Dans ce contexte, c'est l'un des atouts du système français que de croiser, dans les bases de données de l'INPI, l'information économique et l'information en propriété industrielle et d'offrir ainsi un outil de veille stratégique particulièrement efficace.
3. Notre objectif commun d'assurer la transparence des informations économiques peut dans une large mesure se conjuguer avec le respect de la richesse des traditions et des cultures de nos Etats
Il me paraît donc essentiel de conserver cette diversité, en la conjuguant naturellement avec la définition de standards communs qui facilitent non seulement l'échange des informations dont disposent les différents registres nationaux sur les entreprises mais aussi la fluidité de la circulation des opérateurs économiques sur notre grand marché.
II. Mais, dans le même temps, la transparence exige un minimum d'harmonisation qui permette de retrouver facilement les informations et de comparer les entreprises entre elles
1. Les réalisations dans ce domaine au niveau européen doivent être soulignées
Elles ont tout d'abord procédé d'une directive spécifique qui a entrepris de fixer un contenu minimal pour les registres.
Puis d'autres directives ont été prises. Intéressant le droit des sociétés, le droit comptable, ou le droit de la communication et des publications, elles ont poursuivi ce même objectif d'harmonisation, sans aboutir pour autant à l'uniformité.
Un pas supplémentaire a été franchi avec l'offre, après celle des Groupements européens d'intérêt économique, d'une structure juridique nouvelle directement créée au niveau communautaire : la " société européenne ", dont vous avez pu constater à quel point elle suscitait des réactions contrastées.
Avec la modification récente de la première directive en juillet 2003 c'est cette fois l'harmonisation des techniques de transmission des informations qui est en cause avec un calendrier exigeant pour 2007.
Une conjonction de facteurs fait en effet franchir à ces techniques une nouvelle étape : développement de la signature électronique, généralisation du haut débit chez les particuliers et les petites entreprises et développement d'outils nouveaux de communication entre les systèmes informatiques.
2. Au-delà de ces avancées au plan communautaire, vous avez choisi d'aller plus loin, dans le domaine de la diffusion en particulier, en adoptant une démarche pragmatique
a) Tout d'abord, en créant le forum des registres européens du commerce
Vos études comparatives et vos propositions constituent une stimulante base de réflexion. Vous avez pu ainsi apporter votre contribution au rapport d'experts en droit des sociétés. Vos conférences annuelles sont aussi un lieu de rencontres sans équivalent dans vos métiers, qui permettent une information mutuelle tant technique que juridique.
Il vous revient d'approfondir encore davantage la voie de la coopération, afin de valoriser les différentes expériences non seulement auprès des nouveaux pays entrés dans l'Union européenne, ou des pays candidats soucieux d'en profiter, mais aussi au-delà des frontières de l'Europe.
b) Vous avez également procédé de manière pragmatique en créant, dès 1991, avec l'aide de la commission, EBR (European Business Register)
Prenant acte de ce qu'il n'était guère envisageable à court terme de mettre en place un véritable registre unique, vous avez interconnecté 16 registres nationaux, facilitant ainsi, dans un cadre à vocation commerciale, l'accès aux données sur les entreprises pour les utilisateurs à travers l'Europe. EBR n'a cessé de s'améliorer et devrait offrir dès l'an prochain de nouveaux services.
c) Cette initiative mérite d'être développée
En effet, l'environnement juridique et technique nouveau créé par l'émergence d'Internet va contribuer dans les deux prochaines années à inciter vos organisations à " forcer l'allure ". Elles y auraient été contraintes plus profondément par l'accroissement de votre rôle dans l'univers économique.
Toutes les entreprises participent désormais d'une manière ou d'une autre de la dimension européenne, et la concurrence, y compris sur les marchés publics, ignore désormais les frontières.
Dans ce contexte, il est impératif de développer les systèmes d'information au niveau européen afin de renforcer la compétitivité des entreprises et de les armer face à la concurrence.
Une harmonisation des règles qui assurent la transparence est indispensable afin que les informations disponibles à la consultation dans les différents pays soient identiques et que l'on évite que les pays qui " jouent le jeu " se retrouvent désavantagés.
Il nous faut harmoniser par le haut, au niveau de l'Union Européenne, les conditions d'une concurrence loyale fondée sur l'information et la confiance.
Les portails informatiques des registres qui étaient utilisés comme outils de diffusion de l'information deviennent la source même des registres. Les dépôts en ligne, déjà possibles dans quelques pays, permettront tout à la fois de gagner en rapidité dans les déclarations et les mises en ligne, d'abandonner des saisies et une numérisation coûteuses en argent comme en temps, de limiter le taux d'erreurs.
3. Dans tous ces domaines, la France a une expérience qu'elle souhaite faire partager à ses partenaires
a) En matière de publicité électronique puisque c'est dès 1982 que l'INPI et les Greffes ont proposé des informations en ligne grâce à l'innovation que constituait alors le minitel français, relayé depuis par l'Internet.
b) Dans le domaine de la numérisation des comptes annuels, réalisée dès 1994, et des actes de sociétés à partir de 1995. Sans oublier la mise en place du " guichet unique " pour simplifier la vie des entreprises.
c) Au delà, l'administration française vise, d'ici à 2006, à faire en sorte que l'ensemble des démarches administratives puissent être réalisées par téléphone ou par internet : Dès lors que l'administration sait se montrer innovante, le succès des nouvelles procédures est acquis.
Même si dans ce domaine d'autres pays ont pris les devants, les dépôts électroniques vont devenir une réalité dans notre pays.
A ce titre, je me félicite de l'accord intervenu entre l'INPI et les greffes qui travaillent à l'élaboration d'un portail commun de formalités en ligne pour le registre du commerce.
Ce partenariat va en effet dans le sens de l'amélioration des services aux entreprises qui est l'une de leur vocation commune.
4. De nouveaux chantiers doivent être entrepris au niveau européen
Comment ? En respectant, me semble-t-il, deux conditions :
a) Il nous faut d'abord rester fidèle au principe d'équilibre qui concourt à la sécurité
Les évolutions techniques ne sauraient remplacer vos savoir-faire. Il vous faut conjuguer précision dans le recueil de l'information et simplicité dans le dépôt. Il ne faut en effet jamais perdre de vue la nécessité de simplifier les formalités des entreprises et tout particulièrement pour celles qui souhaitent utiliser l'ensemble du marché intérieur.
Votre tâche n'est pas, à cet égard, la plus facile car si les formalités administratives et les contrôles qui les accompagnent n'ont pas bonne presse, on ne pardonne pas une information lacunaire ou inexacte. L'équilibre s'impose en la matière.
b) Il nous faut également privilégier le pragmatisme
Je l'ai déjà souligné : la diversité des solutions mises en uvre au niveau européen est une richesse qu'il faut préserver.
C'est en approfondissant l'approche de coopération, que vous avez initiée depuis une dizaine d'années, que vous pourrez, me semble-t-il, franchir au plus vite les étapes à venir :
- Reconnaissance d'un niveau minimum de contrôle des inscriptions (carte d'identité européenne) ;
- Développement d'un cadre commun d'échanges entre registres ;
- Interconnexion des registres.
Pour conclure, je veux souligner une nouvelle fois que le développement économique de l'Europe passe par une meilleure compétitivité de ses entreprises. Pour ce faire, nous devons faciliter leur implantation intra-communautaire, notamment en simplifiant les formalités et leur circuit. Vos travaux vont dans ce sens et je vous en félicite.
Je ne doute pas que vos gouvernements vous accompagneront dans vos efforts.
Je vous souhaite, Mesdames, Messieurs, une bonne fin de séjour à Paris et d'ores et déjà, puisque ce forum s'achève, un plein succès l'an prochain à Dublin.
(Source http://www.industrie.gouv.fr, le 4 octobre 2004)