Texte intégral
Interneto - Madame la ministre, bonjour. Nous sommes ensemble pour une heure de dialogue en direct avec les internautes, à l'occasion du 15e anniversaire de la Convention internationale des droits de l'enfant.
Marie-Josée Roig : Cette Convention internationale des droits de l'enfant, nous la fêtons tous les ans. Je suis heureuse d'être là, presque en ce jour anniversaire - ce sera le 20 novembre prochain. Je pense qu'il y aura beaucoup de questions sur ce texte. Mais ce que je veux dire aujourd'hui, c'est que cette Convention, parce qu'elle existe, a replacé les enfants là où est leur place, c'est-à-dire au centre du monde.
Donut : Ajouter les droits fondamentaux des enfants à ceux de l'homme, n'est-ce pas surabondant ? Au surplus, n'est-ce pas une défaite de la protection pénale des mineurs ?
Marie-Josée Roig : Je ne pense pas que ce soit surabondant. Au contraire, aujourd'hui, l'enfant est devenu un sujet. Les droits de l'enfant ne font que compléter les droits de l'homme. Dans notre histoire, on a peu laissé la parole aux enfants. Aujourd'hui, on reconnaît le fait que les enfants ont des droits. Cette convention, c'est considérer qu'il y a des droits spécifiques pour les mineurs, qui ne peuvent pas s'exprimer comme les adultes. On peut seulement déplorer parfois qu'il n'y ait pas la traduction immédiate de ce texte dans les lois de notre pays.
En matière de protection de l'enfance, tout n'est pas parfait. Des événements récents ont prouvé qu'il y avait des failles. Mais pour autant, il y a tout ce qu'il faut en France pour que les enfants soient protégés. Beaucoup de choses sont en place, il faut s'assurer qu'elles fonctionnent bien ensemble. C'est la coordination entre tout ce qui a été mis en place au cours de ces dernières années qui peut améliorer les choses.
Gauthier : Soyons francs, de nombreux points de la Convention des droits de l'enfant ne sont pas appliqués en France au jour d'aujourd'hui : quels sont les projets concrets, immédiats, de législation de la part du gouvernement pour se rapprocher d'un respect complet de la Convention ?
Marie-Josée Roig : On ne peut pas parler d'une application de la Convention tant qu'elle n'est pas entièrement passée dans les textes. Il y a des points qui existaient déjà pratiquement dans la loi, auxquels on peut se référer en matière de jugement. Mais il y a encore beaucoup à faire pour qu'au fur et à mesure, on inscrive ces textes dans la loi. On se réfère déjà fréquemment à eux dans la jurisprudence.
Laurent de Nantes : La convention des droits de l'enfant a-t-elle été ratifiée par tous les pays ? Si oui, on n'a pas l'impression qu'elle soit franchement appliquée partout... Les textes, c'est bien, mais il reste beaucoup à faire !
Marie-Josée Roig : Je suis d'accord qu'il reste beaucoup à faire, mais le texte est très bien. La convention a été acceptée par presque tous les pays. Un grand pays, que je nommerai pas car il faut essayer de les convaincre plutôt que les mettre à l'index, ne l'a pas encore ratifiée.
Marco75 : Et le droit des pères ? Aujourd'hui, en cas de divorce qui se passe mal, de plus en plus de femmes accusent leurs maris de maltraitance ou d'inceste sur leurs enfants pour en obtenir la garde...
Marie-Josée Roig : Beaucoup de choses ont été faites pour les pères. La récente réforme du divorce devrait faire en sorte que les enfants souffrent moins, même si c'est toujours un arrachement. Le divorce va être pacifié. La mise en place d'une médiation familiale fait que le divorce sera une épreuve moins dure pour les enfants. Les pères pourront mieux faire entendre leur voix au travers de cette médiation familiale.
Quant aux accusations abusives de maltraitance, on rencontre certains cas, c'est vrai, mais je ne crois pas que ce soit en train de s'ériger en système. Un divorce, c'est toujours un échec, quand on souffre, on veut parfois faire souffrir l'autre, mais ce sont heureusement des exceptions.
Barnum : On parle beaucoup du travail des enfants dans le tiers-monde, mais chez nous, certains patrons font travailler leurs jeunes apprentis sans respecter la loi (dépassement d'heures, heures supplémentaires non payées...). Comment comptez-vous agir sur cette question ?
Marie-Josée Roig : Il y a une loi en France qui réglemente le travail des mineurs et sur les apprentis. S'il y a des patrons abusifs, les enfants ou leurs parents peuvent se plaindre et ont des recours. Oui, la loi existe là-dessus !
France Delage : Bonjour Madame la Ministre. Je souhaiterais me pencher sur les problèmes qui touchent nos petites têtes blondes et brunes lorsqu'elles sont impliquées dans la séparation de leurs parents... Elles ne peuvent dire leurs souffrances... J'ai très envie de me pencher sur ce problème... Mais où. ? Avec qui ? Je suis prête aussi à créer une association dans ce sens... un lieu d'échanges pour tous... Qui pourrais-je rencontrer ? Merci de me faire un signe...
Marie-Josée Roig : Je vais lui faire un signe ! Créer une association, cela peut être une très bonne chose, mais il y a déjà beaucoup d'associations existantes et il y a aussi les réseaux d'écoute, auxquels France Delage peut recourir. Beaucoup de personnes dans sa situation se sentent un peu désemparées. Elle doit se rapprocher de tous ces dispositifs associatifs. Il y a infiniment de personnes efficaces et formées dans ces structures.
Avi-gnon : Franchement, faut-il des ministres pour tous les dossiers ? Le ministère de la Famille ne pourrait-il pas être un volet de la politique sociale ? J'imagine toutes les dépenses que ça crée et je me dis que ce serait mieux de limiter le nombre des ministres.
Marie-Josée Roig : La famille a une telle importance qu'elle peut avoir un ministre ! Mais c'est bien entendu un ministère social. La gestion de tous les dossiers qui traitent de l'enfance et qui ne sont pas seulement du ressort de l'éducation ou de la justice, tous ceux là ont besoin de gens. Il faut que des gens se penchent sur les problèmes des enfants, pas seulement sur ce qui est interdit ou permis, mais sur leur avenir et sur ce que sont leurs véritables droits. Les enfants ont des droits qui dépassent les droits écrits : le droit d'être aimé, de sourire, de rêver, de mentir parfois, d'être écoutés... Et tout cela mérite bien un ministère !
Sark Vador : Marie-Josée, vous êtes ministre de la Famille. Est-ce possible de cumuler ces fonctions avec celle de maire ? N'est-ce pas trop dur ?
Marie-Josée Roig : Oui c'est dur, mais je pense qu'il y a une habitude de l'écoute et de la proximité lorsque l'on est maire.
Gérardgosse59981 : Bonjour Madame. Dans un divorce, pourquoi ne prend-on pas en compte le fait que les enfants du divorce ont des grands-parents qui ont normalement un droit de visite ? Il faut par la suite, en cas de refus des parents, en demander le rétablissement devant le tribunal familial, avec l'aide d'un avocat. Faites inclure dans le divorce, les desiderata des petits- enfants et grands-parents, de ne pas voir briser ce lien privilégié qu'ils ont entre eux.
Marie-Josée Roig : Je suis moi-même grand-mère, je ne peux pas vous dire autre chose. Les grands-parents doivent aussi avoir des droits qui doivent être reconnus. Les petits-enfants le souhaitent aussi. Car les grands-parents seront à un moment donné garants du lien familial.
Kero : Au jour où les châtiments corporels (à l'inverse de 11 pays européens) sont encore légaux dans les familles, où la punition collective vient d'être remise au goût du jour dans l'Education Nationale, où le principe même de minorité vient limiter la liberté d'expression, de culte, etc., où les enfants n'ont même pas droit à leur intégrité physique avec aucune législation venant punir la circoncision en tant que mutilation génitale, n'est-il pas un peu hypocrite de parler des droits de l'enfant ? Que proposez-vous pour supprimer ces problèmes contraires aux droits de l'enfant ?
Marie-Josée Roig : Les châtiments corporels sont interdits. Jusqu'au début du XXe siècle, la maltraitance, c'était les enfants battus. Mais aujourd'hui les violences faites aux enfants ne sont pas toujours physiques. Il y a des maltraitances beaucoup plus insidieuses qu'il faut prendre en compte et qui existent dans toutes les classes de la société. La maltraitance physique, selon les derniers chiffres, est tout à fait en recul. Il faut que l'on s'accroche à cette Convention sur les droits de l'enfant, la faire connaître aux enfants, diffuser l'information dans les écoles. Un enfant en danger doit pouvoir appeler le 119 à n'importe quel moment, 24h/24, avec des personnes formées pour les écouter. La convention n'est pas surabondante, il faut au contraire mieux la faire connaître. C'est un numéro gratuit avec des écoutants de qualité.
Feydeau : Où en est-on de la réforme de la prime à l'adoption : combien ? quand ? à quelles conditions ?
Marie-Josée Roig : La prime à l'adoption a été étendue aux parents adoptants et elle vient d'être doublée pour passer à 1 600 euros. Mais ceux qui vont adopter à l'étranger doivent souvent effectuer des démarches longues et coûteuses. Une réforme de l'adoption internationale est en cours, pour faciliter la constitution des dossiers et améliorer l'accueil des parents à l'étranger. Elle devrait voir le jour à la fin du premier semestre 2005. Nous travaillons beaucoup dessus.
Bibi : Je suis révoltée par toutes les affaires de viol ou d'enlèvement d'enfants, surtout qu'on voit souvent des criminels qui viennent de sortir de prison ou relâchés par erreur. Comment protéger nos enfants ? Que fait la justice ?
Marie-Josée Roig : Elle essaie de dénouer les affaires le plus rapidement possible. Bien sûr, je suis aussi révoltée. C'est vrai qu'il y a de plus en plus d'affaires. Il faut donc essayer d'avoir une justice rapide et efficace. En cas de viol à répétition, sur des mineurs ou des majeurs, nous pouvons essayer de tester la castration chimique. Il y a quelques années, les sujets de la maltraitance sexuelle des enfants étaient tabous. Aujourd'hui, les enfants ont appris à parler et il faut écouter cette parole, tout en évitant de multiplier les interrogatoires.
Régine : Pour qu'un enfant téléphone au 119, il faut qu'il soit rassuré sur les conséquences de son appel, il est pris dans un conflit de loyauté avec ses parents même si ceux-ci le maltraitent. Il préfère souvent se taire que de risquer de briser les liens, même si ceux-ci lui sont néfastes.
Marie-Josée Roig : C'est pourquoi il faut savoir écouter les enfants. Les enfants qui appellent sont des enfants qui hésitent. Ils appellent et rappellent plusieurs fois. Je le dis aux enfants : rassurez-vous, les appels n'apparaissent pas, même sur les factures détaillées de téléphone, ces appels sont anonymes. Je tiens à rassurer les enfants et les parents. Il faut savoir déceler les soupçons de maltraitance. Il est inscrit dans la loi que les personnes en danger ont besoin que l'on s'intéresse à eux. Dire que peut-être sur le palier au-dessus ou au-dessous un enfant est maltraité, ça n'est pas de la dénonciation, mais de l'aide à un mineur en danger. C'est essentiel.
Régine : Savez-vous combien de temps une personne peut rester en attente au numéro de maltraitance ?
Marie-Josée Roig : En général les choses vont très vite... Les écoutants du 119 se relaient et ne raccrochent jamais. Il y a suffisamment d'écoutants et ce, 24 heures sur 24.
Le-coudray : La violence des films, en particulier des films américains peut être un facteur déclenchant vers la délinquance. Le mineur est en droit d'être protégé par ces violences répétées sur les chaînes de télé !
Marie-Josée Roig : Il y a là un vaste débat. Les images violentes des films troublent les enfants mais aussi celles des jeux, qui sont souvent d'une rare violence. Je pense qu'il faut aussi que les parents sachent qu'on ne laisse pas un enfant seul devant un écran de télévision. J'étais effarée d'apprendre qu'un enfant passait autant de temps devant la télé qu'à l'école. Il faut aussi être prudent face aux dangers d'Internet. Nous travaillons en réseau avec les autres pays européens qui ont les mêmes problèmes que nous.
Koko : Bonjour, ne vous semble-t-il pas que le langage et les comportements des enfants ont beaucoup évolué récemment - je pense notamment à la relation des pré-ados aux choses du sexe ? Pensez-vous que leur "légèreté" de ton est épisodique, ou qu'il faut faire quelque chose ? Ou bien les parents (et les éducateurs) doivent-ils accompagner ce mouvement de génération ?
Marie-Josée Roig : Je pense que la légèreté de ton ne recouvre pas forcément une légèreté de l'âme. Quelquefois même, au contraire, elle recouvre des interrogations qu'ils n'osent pas se poser. Nous vivons, dans nos sociétés occidentales, d'une manière qui fait que les adolescents sont peu préparés à entrer dans la vie adulte. Face à ces adolescents qui prolongent souvent leur adolescence, les parents ont une responsabilité. Nous devons retrouver le goût du rite initiatique.
Francois14 : Allez-vous mettre en place des programmes de sensibilisation à la violence dès les petites écoles ?
Marie-Josée Roig : Je pense que, de toute façon, les enseignants ont déjà cette pratique. Dans les cours de récréation, on ne laisse pas les enfants jouer à la guerre. Je pense que la sensibilisation se fait déjà, et il faut continuer à expliquer que la violence, ça fait mal. Que la violence, ça tue, que ce n'est pas un jeu. Que le sport, parfois, amène des chutes, mais que frapper son petit camarade, c'est grave. C'est vrai, je reviens à la question précédente, comment combiner le fait qu'on va dire à ces jeunes qu'il ne faut pas frapper son camarade et le laisser ensuite face à la télé sur laquelle il voit des meurtres en série ? Je pense que les parents ont à échanger entre eux. Là aussi, il y a des écoles de parents, des associations qui regroupent les parents pour échanger des idées de bonnes pratiques.
Joel : On parle beaucoup de la protection des enfants en France, mais qu'en est-il de la coopération internationale dans ce domaine ? Un représentant de l'ONU ne devrait-il pas être nommé sur ce thème ?
Marie-Josée Roig : Il y a des relations internationales en la matière. Je suis allée en juin dernier devant les Nations unies pour faire un rapport disant comment la France avait appliqué la Convention des droits de l'enfant. Je veillerai à ce que ce rapport soit fait annuellement, et présenté tous les cinq ans devant les Nations unies. Nous avons des relations avec d'autres pays : l'Allemagne, etc. Nous travaillons en réseau sur Internet, bien entendu. Dans la mesure où nous rendons compte de ce qui se pratique dans chaque pays, chaque pays fait son rapport, qui est jugé dans l'assemblée dans Nations Unies. Chaque pays défend les droits de l'enfant.
Regine : Les parents ont besoin d'être soutenus dans leurs fonctions. La fonction de parents ne va pas du tout de soi dans une société en mutation. Qui peut les aider ?
Marie-Josée Roig : La fonction de parent n'est jamais allée de soi. Sauf que les parents qui ne se sentaient pas parents à la naissance de l'enfant se sont considérés comme des monstres pendant des siècles. On s'aperçoit aujourd'hui qu'apprendre à être parents, ça se déclenche. On apprend à être digne de son enfant ! Il y a des écoles de parents, des réseaux, pour aider les parents qui se sentent en difficulté. Et même si l'on se sent parent, quand l'enfant est en difficulté, les parents culpabilisent et pensent que ce sont eux qui doivent se remettre en question. Bien entendu, il faut pouvoir se remettre en question, mais les parents doivent savoir qu'ils ne sont pas coupables de tout.
Jay : Et Internet ? Pensez-vous qu'il représente un danger pour les enfants (pédophiles...) ? Quelle action menez-vous dans ce domaine ?
Marie-Josée Roig : C'est un réel danger, personne ne le nie. J'ai attiré l'attention des parents qui ne doivent pas laisser leurs enfants naviguer sur Internet sans surveillance. Il faut demander que des systèmes adaptables sur les ordinateurs soient installés automatiquement, pour que les parents n'aient pas à penser à le mettre en place. Je pense que ces appareils doivent pouvoir être sécurisés par les parents.
Driquert : Les vendeurs multimédia se préoccupent peu de l'âge du client, mais sur la boîte du jeu, souvent, il est écrit "interdit aux moins de 16ans". Comptez-vous faire des contrôles surprises, si ça n'est pas déjà mis en place ?
Marie-Josée Roig : Il n'y a pas de contrôle surprise qui soit mis en place. Je pense que là aussi, les vendeurs peuvent se préoccuper de l'âge de la personne qui achète. Mais une fois qu'il est dans la maison, c'est l'age de l'utilisateur qui est important. Aux parents d'en contrôler l'usage.
Regine : Les écoles de parents sont parisiennes, qu'en est-il pour les gens des provinces ? Des banlieues ? Marie-Josée Roig : Il y a des écoles de parents en banlieue, et même en province, des réseaux d'écoute et de soutien à la " parentalité ". Je conseille que tous les parents qui ont des questions à poser se tournent vers eux.
Marie : Les équipes de prévention sont insuffisantes...
Marie-Josée Roig : Les équipes de prévention de la maltraitance, je suppose... Je ne sais pas si elles sont suffisantes. Il faut s'interroger quand on découvre un cas de maltraitance. Les travailleurs sociaux font un travail difficile et épuisant. Il faut savoir aussi que, dans un département, en moins de neuf ans, la totalité des travailleurs sociaux sont changés. Ce qu'il faut faire, c'est travailler au plus près. Les équipes ne sont pas insuffisantes, mais lorsque des équipes vont frapper à une porte parce qu'elles soupçonnent quelque chose, il faut pouvoir pénétrer dans la famille. Evidemment, on ne se fait pas accompagner par la police, mais il faut arriver à créer des liens. Quelqu'un parlait de relations de voisinage et de solidarité de voisinage. C'est vrai que c'est important. Il faut que les travailleurs sociaux soient connus dans les quartiers et les communes. Il faut qu'une liaison de proximité se soit établie pour qu'on puisse entrer directement dans les foyers où l'on pense que quelque chose se passe. Quand on ne le peut pas, si on a besoin d'avoir recours à d'autres moyens pour ouvrir une porte derrière laquelle un enfant est en souffrance, il faut le faire.
Motivy : Pourquoi tous les enfants n'ont-ils pas les mêmes droits ? Pourquoi faut-ils qu'ils soient "normalisés" pour avoir droit à la même éducation scolaire ?
Marie-Josée Roig : Je pense qu'il y a effectivement des enfants pour lesquels il faut faire en sorte qu'ils aient les mêmes droits. C'est vrai qu'il est difficile de faire accepter les enfants handicapés dans une école qui n'est pas forcément faite pour cela, avec des maîtres qui sont parfois perturbés. Pour faire accepter un enfant différent, il faut beaucoup de préparation. Il faut des équipes formées le plus tôt possible. Quand il y a des enfants porteurs de handicap avec des enfants non porteurs de handicap, il y a un travail de préparation. C'est un travail de proximité et de solidarité. Il faut aussi former les enseignants à l'accueil de ces enfants différents.
JAGRAW : En cas de séparation, les enfants peuvent-ils donner leur avis sur le choix du père ou de la mère ? Si oui, à partir de quel âge ?
Marie-Josée Roig : Il est toujours difficile de demander à des enfants de choisir. Déjà, c'est une chose qu'il faut éviter. C'est la question qu'on trouve tous stupide, surtout quand on a cinq ans : tu préfères papa ou maman ? Donc quand il y a des conséquences à cette question, c'est effroyable. Naturellement, les enfants sont confiés à la mère, mais il y a maintenant la prise en compte du droit des pères. Puis il y a cet accord sur la réforme du divorce pour que l'enfant ne soit plus un enjeu.
Eric56 : Des équipes formées, oui, mais par qui et comment ?
Joelle : En attendant les enfants handicapés se voient souvent fermer les portes de l'école...
Marie-Josée Roig : Cela arrive encore trop souvent. Mais il y a des équipes formées. Formées par des associations, par des collectivités. Les centres de formation existent. On peut espérer avoir le plus rapidement des personnels plus nombreux formés à ces accueils.
Ohruh : Qu'en est-il des droits des papas en divorce et du droit a l'école ordinaire des enfants handicapés ? Je suis papa d'une fille handicapée et souhaite pour ma fille une intégration partielle à l'école ordinaire avec les aides appropriées et soutien du CNED, plus une rééducation en milieu familial avec intervenant de professionnels libéraux à domicile, qui a déjà démontré ses preuves. La maman veut mettre ma fille en institution...
Marie-Josée Roig : Ce sont des questions qu'on a déjà évoquées. Je pense que, effectivement, l'école ordinaire, c'est la meilleure solution pour les enfants porteurs de handicap. Il faut qu'ils puissent être mêlés aux autres enfants. Des associations sont prêtes à indiquer à ce papa vers quelles écoles il peut se tourner. Je sais bien qu'il y a encore des papas en souffrance, mais je pense que c'est un phénomène qui est en voie de régression. Je dis encore une fois l'espoir que je porte sur les conditions de divorce qui ne seraient plus un combat, mais une séparation qui constate un échec.
Francois14 : Après l'histoire de l'agression de la petite fille de 3 ans dans son école, allez-vous renforcer la sécurité dans les écoles et les maternelles ?
Marie-Josée Roig : Dans les communes, les écoles sont surveillées, bien entendu, à la sortie et à l'entrée. Le plus souvent, on met en place des personnels qui sont là pour faire traverser la rue. La protection des enfants dans une école relève des enseignants. Il est hors de question d'envoyer la police dans les écoles. Elle est plutôt à l'extérieur, pour les problèmes de sortie scolaire pour les très jeunes enfants, et pour une prévention contre certains dealers à la sortie des collèges et des lycées.
Galinette : Quand la loi concernant les assistantes maternelles va-t-elle être enfin votée ?
Marie-Josée Roig : Normalement, les 21 et 22 décembre prochains. Elle est déjà passée au Sénat, et revient à l'Assemblée les 21 et 22 décembre. C'est une excellente loi, et c'est une excellente réforme qui est en cours. Car enfin, ce métier d'assistant maternel et familiaux va enfin être reconnu pour ce qu'il est, c'est-à-dire un métier à part entière avec une formation, avec des congés, avec une validation des acquis. C'était un besoin. Il y a une attente chez les jeunes parents de pouvoir trouver des assistantes maternelles. Il en manque infiniment. Je pense que c'est dans ces métiers là, d'accompagnement à la famille, que se trouvent les plus grandes réserves d'emplois aujourd'hui.
Ptitevalie : Bonjour, ce qui m'inquiète c'est la violence à l'école, la différence entre le privé et le public. Mon fils doit entrer en 6e l'année qui vient, et je me pose franchement la question de le mettre en public car les enfants sont très violents. Qu'envisage le gouvernement pour la sécurité à l'école ? Etant assistante maternelle de surcroît, les violences enfantines me touchent particulièrement.
Marie-Josée Roig : Je crois que les violences enfantines touchent tout le monde. Que les enfants soient de plus en plus violents, c'est une réalité. On a évoqué l'influence de la télévision, l'influence de l'actualité, c'est vrai que la violence se développe. Comment protéger les écoles ? Y a-t-il une différence entre le public et le privé dans le domaine de l'encadrement ? Il y a parfois des différences géographiques, mais je pense qu'il faut s'assurer de ce qu'est un enfant. Chaque enfant a son système de défense. Il faut savoir si l'enfant de Petitevalie est un grand costaud ou un petit garçon qu'il faut protéger... De toute façon l'enfant doit être préparé, quand il part à l'école, surtout quand il entre en 6e, il faut que sa mère lui parle et qu'elle sache s'il a déjà peur d'aller dans certaines écoles. Je pense que le travail qui est fait aujourd'hui autour de l'école et de sa sécurisation est de nature à porter ses fruits. Il n'est pas question d'envoyer la police dans les écoles.
Galinette : Comment faire lorsque le feeling ne passe pas avec la puéricultrice et que l'on pense tout de même être motivée et capable pour ce métier ?
Marie-Josée Roig : J'ai un petit peu de mal sur cette question. C'est la question de l'agrément de la puéricultrice ? Je pense qu'il faut quand même se fier à son feeling. Je pense que confier un enfant est un choix important, donc il faut le faire en toute confiance et en toute tranquillité.
Bob : Si la mère elle-même a eu du mal à l'école, comment peut-elle rassurer son enfant sans lui communiquer ses angoisses ?
Marie-Josée Roig : La compétence, elle la trouvera toujours ailleurs. Oui, c'est toujours la difficulté de ne pas communiquer ses angoisses aux enfants mais de les prévenir quand même qu'il peut y avoir des choses désagréables. Il faut qu'elle se rappelle pourquoi elle avait des angoisses à l'école. Il faut, au contraire, dire à son enfant : moi, j'ai craint ceci ou cela, et ça ne s'est jamais produit. Il faudra que tu me parles des problèmes que tu rencontres à l'école, et c'est par le dialogue, en voyant ensemble comment résoudre ces problèmes, qu'on y arrivera.
Bob : La parentalité a besoin de beaucoup plus de soutien. Les enseignants ne sont pas là pour ça en pratique.
Marie-Josée Roig : Il y a autre chose que l'école. L'enseignant est là pour beaucoup de choses, mais il est là quand même pour transmettre un savoir avant tout.
Ptitevalie : Mon enfant est grand costaud, mais doux à l'intérieur... Mais je l'ai préparé à entrer dans la jungle du collège. Pour en revenir au statut des assistantes maternelles, pourquoi sommes-nous si mal renseignées concernant notre métier, pourquoi devons-nous nous renseigner par nous-mêmes comme sur le site du syndicat des " assmat " ? Les puéricultrices ne savent pas nos droits, on doit se débrouiller, alors ensuite comment établir de bonnes relations avec les parents ?
Marie-Josée Roig : Aujourd'hui, la réforme du statut des assistantes maternelles prévoit qu'elles reçoivent une formation avant l'accueil du premier enfant. Je comprends cette angoisse, car le fait d'être parent soi-même n'est pas suffisant pour vous sentir capable d'accueillir d'autres enfants. Donc un des points importants de cette réforme, c'est qu'il y aura une formation préalable, qui rassurera les assistantes maternelles, mais qui rassurera aussi les parents.
bob : La conscience de ses propres difficultés ne vient pas forcément de soi chez des gens peu habiles avec le langage...
Marie-Josée Roig : Oui, mais je pense que s'il y a une confiance, l'exemple n'a pas forcément besoin d'être traduit par des mots à ce moment-là.
Bob : Saviez-vous que le salaire des assistantes maternelles ne peut pas entrer en ligne de compte lors d'une demande de crédit ?
Marie-Josée Roig : Je ne vois pas pourquoi le salaire d'une assistante maternelle ne pourrait pas être considéré comme un salaire. Dès lors que c'est un salaire régulièrement versé, il ne peut pas ne pas être pris en compte par les banques. Je voudrais remercier tout le monde. J'ai été étonnée de la quantité de questions, et surtout de cette quantité d'amour que renferment ces questions, car toutes s'attachaient à rendre les enfants moins malheureux. Est-ce la preuve que la famille, ça compte quand même pour notre pays ? Je le crois.
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 19 novembre 2004)
Marie-Josée Roig : Cette Convention internationale des droits de l'enfant, nous la fêtons tous les ans. Je suis heureuse d'être là, presque en ce jour anniversaire - ce sera le 20 novembre prochain. Je pense qu'il y aura beaucoup de questions sur ce texte. Mais ce que je veux dire aujourd'hui, c'est que cette Convention, parce qu'elle existe, a replacé les enfants là où est leur place, c'est-à-dire au centre du monde.
Donut : Ajouter les droits fondamentaux des enfants à ceux de l'homme, n'est-ce pas surabondant ? Au surplus, n'est-ce pas une défaite de la protection pénale des mineurs ?
Marie-Josée Roig : Je ne pense pas que ce soit surabondant. Au contraire, aujourd'hui, l'enfant est devenu un sujet. Les droits de l'enfant ne font que compléter les droits de l'homme. Dans notre histoire, on a peu laissé la parole aux enfants. Aujourd'hui, on reconnaît le fait que les enfants ont des droits. Cette convention, c'est considérer qu'il y a des droits spécifiques pour les mineurs, qui ne peuvent pas s'exprimer comme les adultes. On peut seulement déplorer parfois qu'il n'y ait pas la traduction immédiate de ce texte dans les lois de notre pays.
En matière de protection de l'enfance, tout n'est pas parfait. Des événements récents ont prouvé qu'il y avait des failles. Mais pour autant, il y a tout ce qu'il faut en France pour que les enfants soient protégés. Beaucoup de choses sont en place, il faut s'assurer qu'elles fonctionnent bien ensemble. C'est la coordination entre tout ce qui a été mis en place au cours de ces dernières années qui peut améliorer les choses.
Gauthier : Soyons francs, de nombreux points de la Convention des droits de l'enfant ne sont pas appliqués en France au jour d'aujourd'hui : quels sont les projets concrets, immédiats, de législation de la part du gouvernement pour se rapprocher d'un respect complet de la Convention ?
Marie-Josée Roig : On ne peut pas parler d'une application de la Convention tant qu'elle n'est pas entièrement passée dans les textes. Il y a des points qui existaient déjà pratiquement dans la loi, auxquels on peut se référer en matière de jugement. Mais il y a encore beaucoup à faire pour qu'au fur et à mesure, on inscrive ces textes dans la loi. On se réfère déjà fréquemment à eux dans la jurisprudence.
Laurent de Nantes : La convention des droits de l'enfant a-t-elle été ratifiée par tous les pays ? Si oui, on n'a pas l'impression qu'elle soit franchement appliquée partout... Les textes, c'est bien, mais il reste beaucoup à faire !
Marie-Josée Roig : Je suis d'accord qu'il reste beaucoup à faire, mais le texte est très bien. La convention a été acceptée par presque tous les pays. Un grand pays, que je nommerai pas car il faut essayer de les convaincre plutôt que les mettre à l'index, ne l'a pas encore ratifiée.
Marco75 : Et le droit des pères ? Aujourd'hui, en cas de divorce qui se passe mal, de plus en plus de femmes accusent leurs maris de maltraitance ou d'inceste sur leurs enfants pour en obtenir la garde...
Marie-Josée Roig : Beaucoup de choses ont été faites pour les pères. La récente réforme du divorce devrait faire en sorte que les enfants souffrent moins, même si c'est toujours un arrachement. Le divorce va être pacifié. La mise en place d'une médiation familiale fait que le divorce sera une épreuve moins dure pour les enfants. Les pères pourront mieux faire entendre leur voix au travers de cette médiation familiale.
Quant aux accusations abusives de maltraitance, on rencontre certains cas, c'est vrai, mais je ne crois pas que ce soit en train de s'ériger en système. Un divorce, c'est toujours un échec, quand on souffre, on veut parfois faire souffrir l'autre, mais ce sont heureusement des exceptions.
Barnum : On parle beaucoup du travail des enfants dans le tiers-monde, mais chez nous, certains patrons font travailler leurs jeunes apprentis sans respecter la loi (dépassement d'heures, heures supplémentaires non payées...). Comment comptez-vous agir sur cette question ?
Marie-Josée Roig : Il y a une loi en France qui réglemente le travail des mineurs et sur les apprentis. S'il y a des patrons abusifs, les enfants ou leurs parents peuvent se plaindre et ont des recours. Oui, la loi existe là-dessus !
France Delage : Bonjour Madame la Ministre. Je souhaiterais me pencher sur les problèmes qui touchent nos petites têtes blondes et brunes lorsqu'elles sont impliquées dans la séparation de leurs parents... Elles ne peuvent dire leurs souffrances... J'ai très envie de me pencher sur ce problème... Mais où. ? Avec qui ? Je suis prête aussi à créer une association dans ce sens... un lieu d'échanges pour tous... Qui pourrais-je rencontrer ? Merci de me faire un signe...
Marie-Josée Roig : Je vais lui faire un signe ! Créer une association, cela peut être une très bonne chose, mais il y a déjà beaucoup d'associations existantes et il y a aussi les réseaux d'écoute, auxquels France Delage peut recourir. Beaucoup de personnes dans sa situation se sentent un peu désemparées. Elle doit se rapprocher de tous ces dispositifs associatifs. Il y a infiniment de personnes efficaces et formées dans ces structures.
Avi-gnon : Franchement, faut-il des ministres pour tous les dossiers ? Le ministère de la Famille ne pourrait-il pas être un volet de la politique sociale ? J'imagine toutes les dépenses que ça crée et je me dis que ce serait mieux de limiter le nombre des ministres.
Marie-Josée Roig : La famille a une telle importance qu'elle peut avoir un ministre ! Mais c'est bien entendu un ministère social. La gestion de tous les dossiers qui traitent de l'enfance et qui ne sont pas seulement du ressort de l'éducation ou de la justice, tous ceux là ont besoin de gens. Il faut que des gens se penchent sur les problèmes des enfants, pas seulement sur ce qui est interdit ou permis, mais sur leur avenir et sur ce que sont leurs véritables droits. Les enfants ont des droits qui dépassent les droits écrits : le droit d'être aimé, de sourire, de rêver, de mentir parfois, d'être écoutés... Et tout cela mérite bien un ministère !
Sark Vador : Marie-Josée, vous êtes ministre de la Famille. Est-ce possible de cumuler ces fonctions avec celle de maire ? N'est-ce pas trop dur ?
Marie-Josée Roig : Oui c'est dur, mais je pense qu'il y a une habitude de l'écoute et de la proximité lorsque l'on est maire.
Gérardgosse59981 : Bonjour Madame. Dans un divorce, pourquoi ne prend-on pas en compte le fait que les enfants du divorce ont des grands-parents qui ont normalement un droit de visite ? Il faut par la suite, en cas de refus des parents, en demander le rétablissement devant le tribunal familial, avec l'aide d'un avocat. Faites inclure dans le divorce, les desiderata des petits- enfants et grands-parents, de ne pas voir briser ce lien privilégié qu'ils ont entre eux.
Marie-Josée Roig : Je suis moi-même grand-mère, je ne peux pas vous dire autre chose. Les grands-parents doivent aussi avoir des droits qui doivent être reconnus. Les petits-enfants le souhaitent aussi. Car les grands-parents seront à un moment donné garants du lien familial.
Kero : Au jour où les châtiments corporels (à l'inverse de 11 pays européens) sont encore légaux dans les familles, où la punition collective vient d'être remise au goût du jour dans l'Education Nationale, où le principe même de minorité vient limiter la liberté d'expression, de culte, etc., où les enfants n'ont même pas droit à leur intégrité physique avec aucune législation venant punir la circoncision en tant que mutilation génitale, n'est-il pas un peu hypocrite de parler des droits de l'enfant ? Que proposez-vous pour supprimer ces problèmes contraires aux droits de l'enfant ?
Marie-Josée Roig : Les châtiments corporels sont interdits. Jusqu'au début du XXe siècle, la maltraitance, c'était les enfants battus. Mais aujourd'hui les violences faites aux enfants ne sont pas toujours physiques. Il y a des maltraitances beaucoup plus insidieuses qu'il faut prendre en compte et qui existent dans toutes les classes de la société. La maltraitance physique, selon les derniers chiffres, est tout à fait en recul. Il faut que l'on s'accroche à cette Convention sur les droits de l'enfant, la faire connaître aux enfants, diffuser l'information dans les écoles. Un enfant en danger doit pouvoir appeler le 119 à n'importe quel moment, 24h/24, avec des personnes formées pour les écouter. La convention n'est pas surabondante, il faut au contraire mieux la faire connaître. C'est un numéro gratuit avec des écoutants de qualité.
Feydeau : Où en est-on de la réforme de la prime à l'adoption : combien ? quand ? à quelles conditions ?
Marie-Josée Roig : La prime à l'adoption a été étendue aux parents adoptants et elle vient d'être doublée pour passer à 1 600 euros. Mais ceux qui vont adopter à l'étranger doivent souvent effectuer des démarches longues et coûteuses. Une réforme de l'adoption internationale est en cours, pour faciliter la constitution des dossiers et améliorer l'accueil des parents à l'étranger. Elle devrait voir le jour à la fin du premier semestre 2005. Nous travaillons beaucoup dessus.
Bibi : Je suis révoltée par toutes les affaires de viol ou d'enlèvement d'enfants, surtout qu'on voit souvent des criminels qui viennent de sortir de prison ou relâchés par erreur. Comment protéger nos enfants ? Que fait la justice ?
Marie-Josée Roig : Elle essaie de dénouer les affaires le plus rapidement possible. Bien sûr, je suis aussi révoltée. C'est vrai qu'il y a de plus en plus d'affaires. Il faut donc essayer d'avoir une justice rapide et efficace. En cas de viol à répétition, sur des mineurs ou des majeurs, nous pouvons essayer de tester la castration chimique. Il y a quelques années, les sujets de la maltraitance sexuelle des enfants étaient tabous. Aujourd'hui, les enfants ont appris à parler et il faut écouter cette parole, tout en évitant de multiplier les interrogatoires.
Régine : Pour qu'un enfant téléphone au 119, il faut qu'il soit rassuré sur les conséquences de son appel, il est pris dans un conflit de loyauté avec ses parents même si ceux-ci le maltraitent. Il préfère souvent se taire que de risquer de briser les liens, même si ceux-ci lui sont néfastes.
Marie-Josée Roig : C'est pourquoi il faut savoir écouter les enfants. Les enfants qui appellent sont des enfants qui hésitent. Ils appellent et rappellent plusieurs fois. Je le dis aux enfants : rassurez-vous, les appels n'apparaissent pas, même sur les factures détaillées de téléphone, ces appels sont anonymes. Je tiens à rassurer les enfants et les parents. Il faut savoir déceler les soupçons de maltraitance. Il est inscrit dans la loi que les personnes en danger ont besoin que l'on s'intéresse à eux. Dire que peut-être sur le palier au-dessus ou au-dessous un enfant est maltraité, ça n'est pas de la dénonciation, mais de l'aide à un mineur en danger. C'est essentiel.
Régine : Savez-vous combien de temps une personne peut rester en attente au numéro de maltraitance ?
Marie-Josée Roig : En général les choses vont très vite... Les écoutants du 119 se relaient et ne raccrochent jamais. Il y a suffisamment d'écoutants et ce, 24 heures sur 24.
Le-coudray : La violence des films, en particulier des films américains peut être un facteur déclenchant vers la délinquance. Le mineur est en droit d'être protégé par ces violences répétées sur les chaînes de télé !
Marie-Josée Roig : Il y a là un vaste débat. Les images violentes des films troublent les enfants mais aussi celles des jeux, qui sont souvent d'une rare violence. Je pense qu'il faut aussi que les parents sachent qu'on ne laisse pas un enfant seul devant un écran de télévision. J'étais effarée d'apprendre qu'un enfant passait autant de temps devant la télé qu'à l'école. Il faut aussi être prudent face aux dangers d'Internet. Nous travaillons en réseau avec les autres pays européens qui ont les mêmes problèmes que nous.
Koko : Bonjour, ne vous semble-t-il pas que le langage et les comportements des enfants ont beaucoup évolué récemment - je pense notamment à la relation des pré-ados aux choses du sexe ? Pensez-vous que leur "légèreté" de ton est épisodique, ou qu'il faut faire quelque chose ? Ou bien les parents (et les éducateurs) doivent-ils accompagner ce mouvement de génération ?
Marie-Josée Roig : Je pense que la légèreté de ton ne recouvre pas forcément une légèreté de l'âme. Quelquefois même, au contraire, elle recouvre des interrogations qu'ils n'osent pas se poser. Nous vivons, dans nos sociétés occidentales, d'une manière qui fait que les adolescents sont peu préparés à entrer dans la vie adulte. Face à ces adolescents qui prolongent souvent leur adolescence, les parents ont une responsabilité. Nous devons retrouver le goût du rite initiatique.
Francois14 : Allez-vous mettre en place des programmes de sensibilisation à la violence dès les petites écoles ?
Marie-Josée Roig : Je pense que, de toute façon, les enseignants ont déjà cette pratique. Dans les cours de récréation, on ne laisse pas les enfants jouer à la guerre. Je pense que la sensibilisation se fait déjà, et il faut continuer à expliquer que la violence, ça fait mal. Que la violence, ça tue, que ce n'est pas un jeu. Que le sport, parfois, amène des chutes, mais que frapper son petit camarade, c'est grave. C'est vrai, je reviens à la question précédente, comment combiner le fait qu'on va dire à ces jeunes qu'il ne faut pas frapper son camarade et le laisser ensuite face à la télé sur laquelle il voit des meurtres en série ? Je pense que les parents ont à échanger entre eux. Là aussi, il y a des écoles de parents, des associations qui regroupent les parents pour échanger des idées de bonnes pratiques.
Joel : On parle beaucoup de la protection des enfants en France, mais qu'en est-il de la coopération internationale dans ce domaine ? Un représentant de l'ONU ne devrait-il pas être nommé sur ce thème ?
Marie-Josée Roig : Il y a des relations internationales en la matière. Je suis allée en juin dernier devant les Nations unies pour faire un rapport disant comment la France avait appliqué la Convention des droits de l'enfant. Je veillerai à ce que ce rapport soit fait annuellement, et présenté tous les cinq ans devant les Nations unies. Nous avons des relations avec d'autres pays : l'Allemagne, etc. Nous travaillons en réseau sur Internet, bien entendu. Dans la mesure où nous rendons compte de ce qui se pratique dans chaque pays, chaque pays fait son rapport, qui est jugé dans l'assemblée dans Nations Unies. Chaque pays défend les droits de l'enfant.
Regine : Les parents ont besoin d'être soutenus dans leurs fonctions. La fonction de parents ne va pas du tout de soi dans une société en mutation. Qui peut les aider ?
Marie-Josée Roig : La fonction de parent n'est jamais allée de soi. Sauf que les parents qui ne se sentaient pas parents à la naissance de l'enfant se sont considérés comme des monstres pendant des siècles. On s'aperçoit aujourd'hui qu'apprendre à être parents, ça se déclenche. On apprend à être digne de son enfant ! Il y a des écoles de parents, des réseaux, pour aider les parents qui se sentent en difficulté. Et même si l'on se sent parent, quand l'enfant est en difficulté, les parents culpabilisent et pensent que ce sont eux qui doivent se remettre en question. Bien entendu, il faut pouvoir se remettre en question, mais les parents doivent savoir qu'ils ne sont pas coupables de tout.
Jay : Et Internet ? Pensez-vous qu'il représente un danger pour les enfants (pédophiles...) ? Quelle action menez-vous dans ce domaine ?
Marie-Josée Roig : C'est un réel danger, personne ne le nie. J'ai attiré l'attention des parents qui ne doivent pas laisser leurs enfants naviguer sur Internet sans surveillance. Il faut demander que des systèmes adaptables sur les ordinateurs soient installés automatiquement, pour que les parents n'aient pas à penser à le mettre en place. Je pense que ces appareils doivent pouvoir être sécurisés par les parents.
Driquert : Les vendeurs multimédia se préoccupent peu de l'âge du client, mais sur la boîte du jeu, souvent, il est écrit "interdit aux moins de 16ans". Comptez-vous faire des contrôles surprises, si ça n'est pas déjà mis en place ?
Marie-Josée Roig : Il n'y a pas de contrôle surprise qui soit mis en place. Je pense que là aussi, les vendeurs peuvent se préoccuper de l'âge de la personne qui achète. Mais une fois qu'il est dans la maison, c'est l'age de l'utilisateur qui est important. Aux parents d'en contrôler l'usage.
Regine : Les écoles de parents sont parisiennes, qu'en est-il pour les gens des provinces ? Des banlieues ? Marie-Josée Roig : Il y a des écoles de parents en banlieue, et même en province, des réseaux d'écoute et de soutien à la " parentalité ". Je conseille que tous les parents qui ont des questions à poser se tournent vers eux.
Marie : Les équipes de prévention sont insuffisantes...
Marie-Josée Roig : Les équipes de prévention de la maltraitance, je suppose... Je ne sais pas si elles sont suffisantes. Il faut s'interroger quand on découvre un cas de maltraitance. Les travailleurs sociaux font un travail difficile et épuisant. Il faut savoir aussi que, dans un département, en moins de neuf ans, la totalité des travailleurs sociaux sont changés. Ce qu'il faut faire, c'est travailler au plus près. Les équipes ne sont pas insuffisantes, mais lorsque des équipes vont frapper à une porte parce qu'elles soupçonnent quelque chose, il faut pouvoir pénétrer dans la famille. Evidemment, on ne se fait pas accompagner par la police, mais il faut arriver à créer des liens. Quelqu'un parlait de relations de voisinage et de solidarité de voisinage. C'est vrai que c'est important. Il faut que les travailleurs sociaux soient connus dans les quartiers et les communes. Il faut qu'une liaison de proximité se soit établie pour qu'on puisse entrer directement dans les foyers où l'on pense que quelque chose se passe. Quand on ne le peut pas, si on a besoin d'avoir recours à d'autres moyens pour ouvrir une porte derrière laquelle un enfant est en souffrance, il faut le faire.
Motivy : Pourquoi tous les enfants n'ont-ils pas les mêmes droits ? Pourquoi faut-ils qu'ils soient "normalisés" pour avoir droit à la même éducation scolaire ?
Marie-Josée Roig : Je pense qu'il y a effectivement des enfants pour lesquels il faut faire en sorte qu'ils aient les mêmes droits. C'est vrai qu'il est difficile de faire accepter les enfants handicapés dans une école qui n'est pas forcément faite pour cela, avec des maîtres qui sont parfois perturbés. Pour faire accepter un enfant différent, il faut beaucoup de préparation. Il faut des équipes formées le plus tôt possible. Quand il y a des enfants porteurs de handicap avec des enfants non porteurs de handicap, il y a un travail de préparation. C'est un travail de proximité et de solidarité. Il faut aussi former les enseignants à l'accueil de ces enfants différents.
JAGRAW : En cas de séparation, les enfants peuvent-ils donner leur avis sur le choix du père ou de la mère ? Si oui, à partir de quel âge ?
Marie-Josée Roig : Il est toujours difficile de demander à des enfants de choisir. Déjà, c'est une chose qu'il faut éviter. C'est la question qu'on trouve tous stupide, surtout quand on a cinq ans : tu préfères papa ou maman ? Donc quand il y a des conséquences à cette question, c'est effroyable. Naturellement, les enfants sont confiés à la mère, mais il y a maintenant la prise en compte du droit des pères. Puis il y a cet accord sur la réforme du divorce pour que l'enfant ne soit plus un enjeu.
Eric56 : Des équipes formées, oui, mais par qui et comment ?
Joelle : En attendant les enfants handicapés se voient souvent fermer les portes de l'école...
Marie-Josée Roig : Cela arrive encore trop souvent. Mais il y a des équipes formées. Formées par des associations, par des collectivités. Les centres de formation existent. On peut espérer avoir le plus rapidement des personnels plus nombreux formés à ces accueils.
Ohruh : Qu'en est-il des droits des papas en divorce et du droit a l'école ordinaire des enfants handicapés ? Je suis papa d'une fille handicapée et souhaite pour ma fille une intégration partielle à l'école ordinaire avec les aides appropriées et soutien du CNED, plus une rééducation en milieu familial avec intervenant de professionnels libéraux à domicile, qui a déjà démontré ses preuves. La maman veut mettre ma fille en institution...
Marie-Josée Roig : Ce sont des questions qu'on a déjà évoquées. Je pense que, effectivement, l'école ordinaire, c'est la meilleure solution pour les enfants porteurs de handicap. Il faut qu'ils puissent être mêlés aux autres enfants. Des associations sont prêtes à indiquer à ce papa vers quelles écoles il peut se tourner. Je sais bien qu'il y a encore des papas en souffrance, mais je pense que c'est un phénomène qui est en voie de régression. Je dis encore une fois l'espoir que je porte sur les conditions de divorce qui ne seraient plus un combat, mais une séparation qui constate un échec.
Francois14 : Après l'histoire de l'agression de la petite fille de 3 ans dans son école, allez-vous renforcer la sécurité dans les écoles et les maternelles ?
Marie-Josée Roig : Dans les communes, les écoles sont surveillées, bien entendu, à la sortie et à l'entrée. Le plus souvent, on met en place des personnels qui sont là pour faire traverser la rue. La protection des enfants dans une école relève des enseignants. Il est hors de question d'envoyer la police dans les écoles. Elle est plutôt à l'extérieur, pour les problèmes de sortie scolaire pour les très jeunes enfants, et pour une prévention contre certains dealers à la sortie des collèges et des lycées.
Galinette : Quand la loi concernant les assistantes maternelles va-t-elle être enfin votée ?
Marie-Josée Roig : Normalement, les 21 et 22 décembre prochains. Elle est déjà passée au Sénat, et revient à l'Assemblée les 21 et 22 décembre. C'est une excellente loi, et c'est une excellente réforme qui est en cours. Car enfin, ce métier d'assistant maternel et familiaux va enfin être reconnu pour ce qu'il est, c'est-à-dire un métier à part entière avec une formation, avec des congés, avec une validation des acquis. C'était un besoin. Il y a une attente chez les jeunes parents de pouvoir trouver des assistantes maternelles. Il en manque infiniment. Je pense que c'est dans ces métiers là, d'accompagnement à la famille, que se trouvent les plus grandes réserves d'emplois aujourd'hui.
Ptitevalie : Bonjour, ce qui m'inquiète c'est la violence à l'école, la différence entre le privé et le public. Mon fils doit entrer en 6e l'année qui vient, et je me pose franchement la question de le mettre en public car les enfants sont très violents. Qu'envisage le gouvernement pour la sécurité à l'école ? Etant assistante maternelle de surcroît, les violences enfantines me touchent particulièrement.
Marie-Josée Roig : Je crois que les violences enfantines touchent tout le monde. Que les enfants soient de plus en plus violents, c'est une réalité. On a évoqué l'influence de la télévision, l'influence de l'actualité, c'est vrai que la violence se développe. Comment protéger les écoles ? Y a-t-il une différence entre le public et le privé dans le domaine de l'encadrement ? Il y a parfois des différences géographiques, mais je pense qu'il faut s'assurer de ce qu'est un enfant. Chaque enfant a son système de défense. Il faut savoir si l'enfant de Petitevalie est un grand costaud ou un petit garçon qu'il faut protéger... De toute façon l'enfant doit être préparé, quand il part à l'école, surtout quand il entre en 6e, il faut que sa mère lui parle et qu'elle sache s'il a déjà peur d'aller dans certaines écoles. Je pense que le travail qui est fait aujourd'hui autour de l'école et de sa sécurisation est de nature à porter ses fruits. Il n'est pas question d'envoyer la police dans les écoles.
Galinette : Comment faire lorsque le feeling ne passe pas avec la puéricultrice et que l'on pense tout de même être motivée et capable pour ce métier ?
Marie-Josée Roig : J'ai un petit peu de mal sur cette question. C'est la question de l'agrément de la puéricultrice ? Je pense qu'il faut quand même se fier à son feeling. Je pense que confier un enfant est un choix important, donc il faut le faire en toute confiance et en toute tranquillité.
Bob : Si la mère elle-même a eu du mal à l'école, comment peut-elle rassurer son enfant sans lui communiquer ses angoisses ?
Marie-Josée Roig : La compétence, elle la trouvera toujours ailleurs. Oui, c'est toujours la difficulté de ne pas communiquer ses angoisses aux enfants mais de les prévenir quand même qu'il peut y avoir des choses désagréables. Il faut qu'elle se rappelle pourquoi elle avait des angoisses à l'école. Il faut, au contraire, dire à son enfant : moi, j'ai craint ceci ou cela, et ça ne s'est jamais produit. Il faudra que tu me parles des problèmes que tu rencontres à l'école, et c'est par le dialogue, en voyant ensemble comment résoudre ces problèmes, qu'on y arrivera.
Bob : La parentalité a besoin de beaucoup plus de soutien. Les enseignants ne sont pas là pour ça en pratique.
Marie-Josée Roig : Il y a autre chose que l'école. L'enseignant est là pour beaucoup de choses, mais il est là quand même pour transmettre un savoir avant tout.
Ptitevalie : Mon enfant est grand costaud, mais doux à l'intérieur... Mais je l'ai préparé à entrer dans la jungle du collège. Pour en revenir au statut des assistantes maternelles, pourquoi sommes-nous si mal renseignées concernant notre métier, pourquoi devons-nous nous renseigner par nous-mêmes comme sur le site du syndicat des " assmat " ? Les puéricultrices ne savent pas nos droits, on doit se débrouiller, alors ensuite comment établir de bonnes relations avec les parents ?
Marie-Josée Roig : Aujourd'hui, la réforme du statut des assistantes maternelles prévoit qu'elles reçoivent une formation avant l'accueil du premier enfant. Je comprends cette angoisse, car le fait d'être parent soi-même n'est pas suffisant pour vous sentir capable d'accueillir d'autres enfants. Donc un des points importants de cette réforme, c'est qu'il y aura une formation préalable, qui rassurera les assistantes maternelles, mais qui rassurera aussi les parents.
bob : La conscience de ses propres difficultés ne vient pas forcément de soi chez des gens peu habiles avec le langage...
Marie-Josée Roig : Oui, mais je pense que s'il y a une confiance, l'exemple n'a pas forcément besoin d'être traduit par des mots à ce moment-là.
Bob : Saviez-vous que le salaire des assistantes maternelles ne peut pas entrer en ligne de compte lors d'une demande de crédit ?
Marie-Josée Roig : Je ne vois pas pourquoi le salaire d'une assistante maternelle ne pourrait pas être considéré comme un salaire. Dès lors que c'est un salaire régulièrement versé, il ne peut pas ne pas être pris en compte par les banques. Je voudrais remercier tout le monde. J'ai été étonnée de la quantité de questions, et surtout de cette quantité d'amour que renferment ces questions, car toutes s'attachaient à rendre les enfants moins malheureux. Est-ce la preuve que la famille, ça compte quand même pour notre pays ? Je le crois.
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 19 novembre 2004)