Interview de M. Bernard Accoyer, président du groupe parlementaire UMP à l'Assemblée nationale, à LCI le 25 janvier 2005, sur le débat au sein de la majorité sur le référendum pour la Constitution européenne et sur le contrôle parlementaire des actes européens.

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Texte intégral

Q- Vous avez suivi, vous avez écouté F. Bayrou au cours du Congrès de l'UDF ; estimez-vous aujourd'hui que F. Bayrou est dans l'opposition ?
R- La question que je me pose n'est pas exactement celle-ci. La question que je me pose, c'est : F. Bayrou et ses proches, souhaitent-ils vraiment la victoire du "oui" au référendum ? Et si tel n'était pas le cas, cela voudrait dire que les petits calculs politiciens ont remplacé la priorité européenne de son parti.
Q- Lorsque vous avez présenté vos voeux à la presse, vous aviez déjà dit que F. Bayrou méritait "un carton rouge". Aujourd'hui, estimez-vous qu'il a franchi la ligne jaune ?
R- Je crois, encore une fois, que l'important n'est pas là. L'important, c'est que le oui l'emporte. Alors, F. Bayrou poursuit un objectif qui reste difficile à définir, même s'il apparaît très personnel. Et l'important est que l'on ne s'égare pas, que l'on ne cède pas à cette confusion qui me semble, malgré tout, être mise en place avec une certaine imprudence, voire un dessein inquiétant, et que l'on garde l'objectif de faire gagner le "oui" à ce référendum, qui est le problème pour les Français,
l'objectif.
Q- Quand vous l'écoutez dire trois fois "oui" au référendum, mais en même temps, trois fois "non" au Gouvernement, le soupçonnez-vous, peut-être, de souhaiter l'échec du référendum ?
R- On peut se poser la question quand même. Je crois que nous sommes nombreux désormais, je connais beaucoup d'élus UDF, je connais beaucoup d'électeurs de l'UDF, qui s'interrogent. Ils se disent : mais où va-t-on ? Où allons-nous ? Comment cela va-t-il se terminer ? Je crois qu'il faut que F. Bayrou se ressaisisse, qu'il dise la vérité. S'il est véritablement pour le "oui", alors il fait une campagne pour le oui ; s'il a des hésitations, des états d'âme, s'il a d'autres desseins qui lui sont plus prioritaires, qu'il l'avoue, qu'il le dise. Il faut clarifier la situation.
Q- C'est extraordinaire parce que l'on se trouve dans une situation où ce sont les socialistes qui viennent en renfort du président de la République. Ici même, hier matin, J.-C. Cambadélis dénonçait précisément "ce détournement" de F. Bayrou, en estimant qu'il menaçait le oui. Êtes-vous heureux, étonné de ces soutiens ?
R- Non, cela ne m'étonne pas. Parce que ce référendum n'est pas un référendum politique, ce n'est pas un plébiscite, ce n'est pas une question de politique intérieure, c'est une question d'intérêt général pour notre pays et pour l'Europe, pour notre avenir, l'avenir des jeunes. Il est tout à fait normal que cette question, sa réponse, transcende complètement les clivages politiques et on le constate effectivement.
Q- Tout à l'heure vous allez vous retrouver à l'Assemblée puisque les députés vont avoir la charge de modifier la Constitution française, de telle sorte qu'elle - ou la "réviser" disons - soit conforme à la Constitution européenne qui sera donnée à ratification au printemps prochain. Il y a le problème de l'amendement, que l'on a appelé "l'amendement Balladur", puisque c'est lui qui l'a déposé, souhaitant davantage de contrôle des parlementaires sur les actes de l'Union européenne. Cet amendement a été recalé en commission des lois, mais on prête à E. Balladur l'intention de le représenter en séance, avec, sans doute, le soutien de l'UDF, voire le soutien d'un bon nombre de députés socialistes. Qu'êtes-vous prêt, vous, à accepter ?
R- Je crois que le Gouvernement et E. Balladur ont travaillé sur le débat qui a été ouvert par E. Balladur et qui est un débat qui est important, que les Français comprennent, car ils ont souvent le sentiment, nos compatriotes, que l'Europe se fait un peu sur leur dos, sans qu'ils décident suffisamment de ce qui va être établi, dicté par l'Europe. Et donc, qu'il y ait un meilleur travail entre le Parlement européen, le Parlement français, qu'il y ait un meilleur travail entre l'Europe et les différentes institutions qui composent le pays, c'est effectivement, non seulement un débat mais c'est une nécessité.
Q- Très concrètement, êtes-vous prêt à accepter que tous les actes européens, qui ont une portée législative, autrement dit, qui ont des répercussions sur la loi française, soient obligatoirement présentés aux débats du Parlement français par le Gouvernement ?
R- C'est une solution qui est envisageable, oui. A l'inverse, au début, lorsque l'amendement auquel vous faites allusion a été présenté, il y avait une confusion entre le rôle de l'exécutif, qui négocie les traités, et le rôle du législatif qui les ratifie, ou bien le peuple qui les ratifie. Si l'on propose, comme vous le dites, que chacun reste dans son domaine mais en allant plus loin pour plus d'efficacité, alors là oui. Ce serait, pourquoi pas, une porte de sortie intéressante, et je pense que le débat permettra certainement d'avancer sur ce point.
Q- Il y a une autre proposition que devraient faire les députés UDF, qui serait que, avant chaque Conseil européen, il y ait obligatoirement un débat au Parlement français. En seriez-vous d'accord ?
R- Je crois qu'il ne faut pas tenir, encore une fois, l'exécutif car nous reviendrions d'une certaine façon à ce qui existait sous la Ivème République. Sous la IVème République, l'exécutif, lorsqu'il avait une négociation internationale, devait revenir devant le Parlement français, avoir oui ou non, son accord. Pendant ce temps-là, les autres nations avançaient pendant que la France faisait du sur place. Donc, c'est pour cela qu'il y a eu la Vème République notamment, et c'est pour cela qu'il faut rester attaché à ce principe qui est un gage d'efficacité pour la place de la France dans le monde et son poids dans le monde.
Q- Vous êtes pour un compromis mais limité, si j'ai bien compris...
R- Équilibré, respectant les institutions.
.Q- ..Vous allez bientôt partir avec le président de l'Assemblée nationale et vos homologues, présidents de groupes, en la Turquie, si je ne me trompe ?
R- C'est exact.
Q- Quel est votre sentiment, vous, personnellement, sur l'adhésion future, peut-être, de la Turquie à l'Union européenne ? La souhaitez-vous ?
R- J'ai répété à plusieurs reprises : à l'heure actuelle, je suis tout à fait dans la ligne qui a été votée par l'UMP, à son Congrès national, le 9 mai 2004...
Q- Par 71,8 % des militants.
R- Voilà. Nous sommes pour un partenariat privilégié. Pour autant, qui peut dire ce que sera dans une quinzaine d'années la Turquie ? Et donc, ce déplacement que nous allons faire avec le président de l'Assemblée et les présidents des groupes, cela fait partie de ce qui s'ouvre maintenant pendant quinze ans, d'abord voir ce qu'est exactement la Turquie aujourd'hui, comment elle va se transformer ? Savoir si elle va pouvoir franchir le très long chemin et très long défi de l'accès aux droits, et d'un fonctionnement démocratique tout à fait satisfaisant. Il y a beaucoup d'obstacles encore.
Q- N. Sarkozy souhaitait que l'on revote sur ce sujet, finalement il a renoncé. Mais vous voterez, je crois au début du mois de mars...
R- Oui.
Q- ...A la fois, le "oui" à la Constitution, et en même temps, avec un paragraphe sur le problème de la Turquie. Est-ce encore une manière, pour N. Sarkozy, de provoquer le chef de l'Etat ?
R- Non, je ne crois pas. Je pense que N. Sarkozy, qui avait fait au départ une proposition, a abouti à une solution qui est une solution équilibrée, qui va rappeler quelle a été la position de l'UMP l'année dernière, et qui, dans le même temps, va affirmer très fort, son "oui" au référendum constitutionnel.
Q- Êtes-vous convaincu que N. Sarkozy, lui, veut absolument le "oui"
au référendum ?
R- Oui, bien sûr.
Q- Deux questions rapides. N. Sarkozy a relancé, comme l'a fait d'ailleurs E.-A. Seillière de son côté, l'idée d'un nécessaire service minimum, accusant, pour E.-A. Seillière, le Gouvernement de "manquer de courage". Estimez-vous que le Gouvernement manque de courage ?
R- Non, le Gouvernement ne manque pas de courage, il fait ce qu'il a dit : on préfère la négociation à la loi, on fera tout pour que cela passe par les négociations. Si cela échoue, il faudra légiférer.
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 26 janvier 2005)