Déclaration de Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer, sur les dispositions prises en matière de sécurité pour Saint-Martin et sur la lutte l'immigration clandestine et le trafic de stupéfiants, Saint-Martin le 2 juillet 2004.

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Circonstance : Déplacement du ministre de l'outre-mer, Brigitte Girardin, à Saint-Martin et à Saint-Barthélémy du 2 au 5 juillet 2004 : inauguration de la nouvelle gendarmerie à Saint-Martin

Texte intégral

L'inauguration d'une nouvelle gendarmerie, ici à Saint-Martin, est pour moi l'occasion de réaffirmer les principes qui fondent la compétence régalienne de l'État dans toutes les collectivités de la République.
L'évolution statutaire de la commune de Saint-Martin vers une collectivité soumise à la spécialité législative, n'a pas pour effet de priver l'État de ses compétences.
La Constitution révisée par la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 s'y oppose d'ailleurs formellement. Je rappelle que le champ des compétences conservées par l'État est clairement défini et qu'aucun transfert, aucune délégation de compétence ne peut notamment porter sur la défense, la sécurité, l'ordre public, la monnaie, le crédit et le droit pénal.
A Saint-Martin, comme sur l'ensemble du territoire de la République, ce Gouvernement a consenti, dans un contexte budgétaire difficile, des efforts importants pour lutter contre la délinquance.
Depuis juin 2002, les forces de sécurité ont été dotées de nouveaux moyens juridiques par la loi de Sécurité Intérieure et par la loi pénale dite " Perben II ".
Des dispositions particulières ont d'ailleurs été prises pour Saint-Martin. Le caractère non suspensif des recours contre les arrêtés de reconduite à la frontière pris par le préfet a été instauré, sans limite de durée, alors qu'il était initialement prévu pour une durée de 5 ans.
Par ailleurs les moyens des forces de sécurité ont été remis à niveau.
La Gendarmerie nationale assure ici à Saint-Martin la responsabilité de la sécurité générale. Pour lui permettre de faire face plus efficacement à sa mission, deux dispositions ont été prises.
Un peloton de surveillance et d'intervention de la gendarmerie (PSIG) a été effectivement créé. Cette unité, composée de 14 militaires, vient conforter au quotidien l'action des brigades territoriales. Compétente sur l'ensemble du ressort territorial de la compagnie, elle offre une capacité d'intervention rapide et ciblée, grâce à sa mobilité.
Dans les projets du Gouvernement précédent, il était envisagé de retirer de Saint-Martin les effectifs de la gendarmerie mobile, une fois le PSIG créé. Je me suis personnellement opposée à cette évolution. C'est pourquoi Saint-Martin bénéficie aujourd'hui en permanence d'un détachement de deux pelotons de gendarmes mobiles (38). Ils constituent un renfort précieux pour les 74 gendarmes territoriaux.
Au total Saint-Martin peut, en permanence, compter sur 112 gendarmes. Entre 2002 et aujourd'hui, les effectifs de la gendarmerie se sont accrus de près de 10 %.
Les chiffres d'évolution de la délinquance démontrent la qualité du travail accompli et je tiens à rendre l'hommage qu'ils méritent aux forces de sécurité, dont tous les membres se sont pleinement investis dans cette mission essentielle. Alors que la délinquance était en permanente progression jusqu'en 2002, on assiste depuis à une véritable inversion des tendances.
La délinquance générale a baissé de 14,57 % en 2003. Les services de la gendarmerie ont enregistré une baisse de plus de 400 faits en 1 an, 2 433 contre 2 848 en 2002.
La délinquance de voie publique, particulièrement insupportable pour nos concitoyens, connaît une régression encore plus significative puisqu'elle baisse de - 32,29 % entre 2002 et 2003. Plus de 500 faits en moins ont été relevés d'une année sur l'autre.
Je note avec satisfaction que depuis le début de l'année 2004 la délinquance violente se réduit (- 20 %), ainsi que les vols à main armée (- 45 %).
Au-delà de l'action de lutte quotidienne contre la délinquance, il est essentiel de relever le défi de la lutte contre l'immigration clandestine et son corollaire, le travail illégal.
La lutte contre l'immigration clandestine est par nature le domaine de la Police aux Frontières (PAF). Ce service a également vu ses effectifs confortés de 25 à 30 fonctionnaires, soit une augmentation de 20 % entre 2002 et 2004. L'existence d'une brigade mobile de recherche (BMR) est un outil utile et performant au service de la lutte contre l'immigration clandestine.
Ce service a pu procéder à 269 reconduites à la frontière en 2003. Depuis le début de l'année, au cours du seul premier trimestre 2004, les reconduites à la frontière sont passées de 39 à 70.
Mais je mesure bien les difficultés auxquelles se heurtent les fonctionnaires chargés de cette action. L'absence de Centre de Rétention Administrative (CRA) à Saint-Martin pose un problème logistique permanent. En effet il faut systématiquement transférer les étrangers en situation irrégulière à Pointe-à-Pitre en avion et leur affecter une escorte nécessairement indisponible pour le service quotidien durant plusieurs heures. La création d'un centre de rétention administrative à Saint-Martin est une nécessité.
Par ailleurs, la perméabilité de la frontière avec Sint-Marteen est un autre obstacle. Un effort diplomatique important est donc engagé pour aboutir à une coopération renforcée avec les autorités néerlandaises. Le 10 juin dernier une délégation française s'est rendue à la Haye. A l'occasion de ces entretiens, l'intérêt d'une ratification rapide par la partie néerlandaise de l'accord de coopération policière signé en 1994 une nouvelle fois a été souligné. Un contrôle conjoint avec la PAF française des arrivées à l'aéroport international Juliana de Sint-Marteen est un point essentiel par lequel passe nécessairement le développement de la coopération entre les deux parties de l'île. Dans le même temps, la convention douanière conclue avec les Pays-Bas a été soumise au Conseil d'État en vue de sa ratification par la France.
La lutte contre l'immigration illégale s'articule nécessairement avec la lutte contre le travail clandestin. Il faut bien comprendre qu'on ne peut pas dénoncer l'immigration clandestine un jour et attirer des clandestins en offrant des emplois sous rémunérés et illégaux le lendemain.
C'est pourquoi j'ai demandé au préfet de la Guadeloupe d'engager une action particulièrement forte dans ce domaine. Sous son autorité, la commission départementale de lutte contre le travail illégal de Guadeloupe (CDLTI) a adopté le 26 mai 2004 un plan d'action renforcé contre le travail illégal.
Un programme précis est maintenant adopté. Il s'articule autour de deux volets. Le premier vise à garantir aux salariés le respect des droits, à informer les entrepreneurs des allégements de charges dont ils peuvent bénéficier en application de la loi de programme du 21 juillet 2003.
D'autre part, un programme d'actions ciblées doit permettre de lutter plus efficacement contre le travail illégal dans les secteurs du bâtiment et travaux publics, du tourisme, de l'hôtellerie et restauration, de la réparation et du commerce automobile, de l'agriculture.
Un tableau de bord régulier sera établi. Les résultats des actions menées seront rendus publics.
Je souhaite que les infractions soient systématiquement relevées et transmises aux autorités judiciaires, afin que des sanctions soient prises. Il est souhaitable que chaque fois que les éléments constitutifs seront réunis, les sanctions prévues par le code pénal pour aide à l'immigration irrégulière puissent être prononcées.
Parmi les missions régaliennes qui relèvent de l'État, la lutte contre les trafics illicites est également un axe majeur. Nul n'ignore la place particulière que tient l'arc Caraïbe dans les trafics de drogue. Les saisies de stupéfiants à Saint-Martin et à l'arrivée à Charles-de-Gaulle des vols en provenance de Juliana sont en augmentation. Sur 390 kilos de cocaïne provenant des Antilles saisis dans les aéroports français en 2003, 162,5 kilos provenaient de Saint-Martin. Je rappelle que les services des douanes de Saint-Martin ont saisi 151 kilos de cocaïne en 2003. Le 10 juin dernier, les douanes ont arrêté un ressortissant de Saint-Domingue à l'aéroport de Grand Case avec 1,2 kilos de cocaïne.
J'ai réuni la semaine dernière à Fort-de-France l'ensemble des services de l'État qui luttent contre les trafics de stupéfiants dans l'ensemble des Antilles françaises. J'ai demandé à ces services de porter une particulière attention à Saint-Martin.
L'association des moyens d'action de l'État en mer, des forces de police et de gendarmerie, des autorités judiciaires et des services spécialisés de la police judiciaire permettront d'apporter une réponse mieux adaptée aux filières de trafic de drogue. Il faut en effet mieux appréhender les différents échelons du trafic. La recherche et l'exploitation de renseignements, l'intervention coordonnée, le démantèlement des réseaux financiers sont autant de points sur lesquels doit s'appuyer l'action de l'État.
Les services de police judiciaire implantés depuis plusieurs années à Saint-Martin travaillent activement dans ce domaine où la dimension financière est souvent essentielle ainsi que le démontre les signalements TRACFIN effectués par les banques françaises implantées à Saint-Martin. La création à Fort-de-France d'un des 8 pôles judiciaires français contribuera à cette lutte contre les trafics de drogue et les réseaux de l'économie souterraine qui y sont souvent associés.
L'évolution statutaire de la commune de Saint-Martin n'a aucun rapport avec l'exercice par l'État des missions prioritaires qui lui incombent, et qui ne saurait, en aucun, favoriser la création d'un paradis fiscal ou d'une zone de non-droit.
Les résultats obtenus depuis 2 ans dans la lutte contre la délinquance, l'immigration clandestine, le renforcement des moyens de lutte contre le travail illégal ou le trafic de stupéfiants sont autant de réponses concrètes dont le Gouvernement auquel j'appartiens peut se prévaloir, pour lutter contre les fléaux qui rongent cette île.

(Source http://www.outre-mer.gouv.fr, le 29 juillet 2004)