Texte intégral
Mesdames et Messieurs,
Dès ma déclaration de politique générale devant le Parlement, le 19 juin 1997, j'ai affirmé la volonté de défendre les retraites des Français et, pour cela, de garantir les régimes par répartition.
Pour le gouvernement que je venais de constituer, la première des priorités était de restaurer la confiance des Français, de relancer l'économie de notre pays, de commencer à faire reculer le chômage et de nous engager sur le chemin du plein emploi. Ce premier objectif est aujourd'hui atteint. La situation nouvelle ainsi créée éclaire d'une lumière différente et plus favorable la question de l'avenir des retraites.
Dans le même temps où il agissait pour le redressement économique et social du pays, le Gouvernement a avancé sur la question des retraites. Un diagnostic a été établi par le Commissariat général du Plan. Sur la base de ce diagnostic, une discussion approfondie a été conduite avec les partenaires sociaux. De l'avis des partenaires sociaux eux-mêmes, cet échange a été riche, ouvert, sans a priori d'aucune sorte. Cette concertation a également contribué à notre réflexion sur la place des personnes âgées au sein de la société française. Après avoir pris le temps d'écouter attentivement les uns et les autres, je vous présente aujourd'hui les orientations du Gouvernement sur l'avenir de nos régimes de retraite.
I - LA QUESTION DES RETRAITES, C'EST AVANT TOUT UN CHOIX DE SOCIETE.
Notre choix de société c'est, clairement, celui des retraites par répartition.
L'enjeu individuel et collectif pour les Français est essentiel. La retraite, c'est toujours " le patrimoine de ceux qui n'en ont pas ". Pour tous, la période de retraite évoque l'espoir d'un repos gagné et d'une liberté conquise après le temps consacré au travail. D'où cette puissante exigence collective, dont témoigne, depuis un demi-siècle, notre système de retraite fondé sur la répartition.
Cotiser, quand on est actif, pour ceux qui sont à la retraite, en sachant qu'à son tour la génération suivante financera sa propre retraite : tel est le principe de la répartition. Mais la répartition est beaucoup plus qu'une technique d'assurance garantissant un revenu décent dans une période essentielle de la vie. La répartition est le symbole de la chaîne de solidarité qui relie entre elles les générations. La répartition est un des termes les plus importants du pacte social de la Nation.
Dessiner l'avenir de notre système de retraite ne se réduit pas à une série d'options techniques et financières ; c'est d'abord exprimer une vision politique pour notre société.
Le choix de la répartition que nous confirmons se fonde sur deux convictions.
1. La première, c'est que le système par répartition est un succès.
Héritage de la Libération, le système par répartition a permis en un demi-siècle de changer la vie des retraités.
La durée de la retraite a presque doublé : alors qu'un homme né en 1910 pouvait, en moyenne, espérer profiter d'une dizaine d'années de retraite, un homme né en 1940 bénéficiera, lui, de près de vingt ans de retraite. C'est un progrès considérable.
Il est certes dû à un allongement de la durée de la vie qui a été massif durant les cinquante dernières années. A raison d'un trimestre en moyenne par an, l'espérance de vie s'est accrue de plus de dix ans. Le nombre des personnes âgées de plus de 60 ans a doublé, passant de six à douze millions.
Mais si la durée de la retraite s'est accrue, c'est aussi que, en 1981, la Gauche a fait passer à 60 ans l'âge légal de la retraite qui jusqu'alors était à 65 ans. C'est là un acquis social que nous entendons préserver.
Cette évolution aurait pu se traduire par une paupérisation de la population âgée. Bien au contraire, alors qu'auparavant la vieillesse était souvent synonyme de pauvreté, le niveau de vie moyen des retraités a aujourd'hui rejoint celui des actifs. Le minimum vieillesse concerne un peu moins de 900.000 personnes aujourd'hui, contre plus de deux millions il y a trente ans, tandis que le montant de cette prestation a été entre temps multiplié par trois.
Nos retraites sont plus longues, nous en profitons mieux. C'est là une chance extraordinaire pour chacun d'entre nous, mais aussi pour notre société.
Cette évolution profonde, nous la devons certes au progrès du bien-être matériel, aux avancées médicales, aux améliorations de la santé publique, mais aussi au système par répartition. Son extraordinaire réussite, au regard de ses objectifs de solidarité et d'universalité, en fait l'un des éléments clés de notre cohésion nationale. Face à ceux qui voudraient le défaire, par l'effet d'un système de capitalisation, ce gouvernement entend en assurer la défense.
2. La seconde conviction, c'est que les difficultés attendues par les régimes de retraites, si elles sont réelles, ne sauraient à nos yeux conduire à remettre en cause la répartition.
Certains nous disent que le système par répartition, ébranlé par le vieillissement démographique, doit laisser la place à des fonds de pension, inspirés de certains pays anglo-saxons. Ce n'est en rien notre approche.
Ces difficultés, nous en prenons la juste mesure grâce à un diagnostic lucide.
Des éléments de diagnostic ont été établis par la commission présidée par le Commissaire au Plan, M. Jean-Michel CHARPIN. Des experts s'étaient exprimés avant lui, d'autres l'ont fait depuis. Leurs conclusions parfois diverses soulignent la complexité et la difficulté de l'expertise sur ce sujet.
Mais deux points paraissent incontestables.
*Nos régimes de retraite vont connaître, à des degrés très divers, des difficultés financières qui trouvent leur source dans les évolutions démographiques. La conjugaison de l'allongement de la vie et de l'arrivée à l'âge de la retraite des générations nombreuses d'après-guerre va modifier l'équilibre de nos régimes de retraite.
- Aujourd'hui, pour dix actifs, il y a quatre retraités.
- En 2020, pour dix actifs, il y aura plus de cinq retraités.
- En 2040, pour dix actifs, il y aura sept retraités. Le montant des retraites versées va donc croître beaucoup plus vite que celui des cotisations.
*Ces difficultés doivent toutefois être replacées dans un contexte nouveau -celui d'une croissance forte- et dans la perspective désormais crédible du retour au plein emploi. A cela, le Gouvernement, par une politique volontariste, a contribué. La croissance et le plein emploi permettront de repousser dans le temps l'apparition de déséquilibres et de limiter les déficits à moyen terme. Mais ils ne pourront, à eux seuls, régler les difficultés des régimes de retraite qui résultent de données démographiques objectives.
3. Face à ce constat, nous devons agir.
Ne pas agir conduirait à faire porter le poids des difficultés à venir sur les générations futures, à condamner nos régimes par répartition, et donc à menacer le pacte entre les générations. Notre volonté est inverse. Nous voulons préserver ce pacte.
Préserver ce pacte, c'est d'abord préserver les droits qu'ont acquis les retraités actuels. Le Gouvernement en prend l'engagement : les retraites d'aujourd'hui seront pleinement garanties. Les Français peuvent en être assurés.
Préserver ce pacte, c'est aussi garantir l'avenir des futurs retraités. Ce ne serait pas le cas si une baisse des pensions futures condamnait tous ceux dont les revenus sont modestes, et qui n'ont pas de capacité d'épargne, à vivre leur retraite dans la difficulté. Ce serait une régression sociale grave, une remise en cause des acquis du système par répartition.
Préserver ce pacte, c'est enfin et surtout écarter toute solution qui menacerait ou même déstabiliserait le système de répartition. Je pense en particulier aux solutions fondées sur la seule épargne individuelle, qui renoncent ainsi à la solidarité nationale. Présenter les fonds de pension comme une réponse aux difficultés des régimes de retraite, ce n'est ni honnête ni réaliste. C'est aussi faire peser une menace sur notre système de protection sociale. Sur le plan financier, parce qu'il y a là un risque de voir des éléments de rémunération échapper aux cotisations de sécurité sociale, contribuant ainsi au creusement des déséquilibres. Mais au-delà de ce risque de déséquilibre, il importe de le souligner, les solutions proposées par la majorité d'hier -la loi THOMAS l'a bien illustré- reviennent toujours à accorder des avantages sociaux et fiscaux importants à ceux qui peuvent le plus facilement épargner.
Certes, il est naturel que les Français qui le souhaitent puissent mettre de l'argent de côté pour leur retraite. Il pourra être envisagé de les y aider, en particulier pour les salariés, par la mise en place d'instruments d'épargne à long terme, collectifs et négociés. Mais, dans notre esprit, une telle perspective ne gagnerait à être développée qu'en complément, le système de répartition étant durablement consolidé et les retraites des Français garanties.
Le Gouvernement s'inscrit donc dans la lignée historique du pacte social de 1945 et veut le renouveler par le choix d'une société solidaire.
II - POUR ASSURER LA PERENNITE DU SYSTEME PAR REPARTITION ET GARANTIR LES RETRAITES, NOUS PROPOSONS AUJOURD'HUI UNE DEMARCHE FONDEE SUR CINQ PRINCIPES.
1. La concertation dans l'élaboration et la progressivité dans la mise en uvre des mesures.
2. Le respect de la diversité et de l'identité des régimes.
3. La recherche d'une plus grande équité et d'une solidarité plus forte entre les régimes.
4. L'introduction de plus de souplesse pour mieux respecter les choix des individus.
5. L'anticipation des évolutions démographiques afin d'équilibrer les charges entre les générations.
1. La nécessité d'une démarche concertée et progressive.
La concertation est indispensable. Tout le monde se souvient des événements de l'automne 1995. Du fait de la brutalité des mesures annoncées et de l'absence de toute concertation préalable, les décisions du gouvernement de l'époque avaient fait l'objet d'un rejet massif. Le gouvernement d'alors avait dû renoncer à toutes les mesures envisagées. L'absence de concertation a conduit au blocage. Notre approche est différente : nous faisons de la concertation l'axe principal de notre démarche, et nous voulons la fonder sur des mesures équitables.
Pour saisir pleinement la question de l'équilibre des régimes de retraites, il faut la replacer dans la durée. Il serait illusoire de penser la résoudre aujourd'hui, pour 2040, par une seule réforme -fût-elle radicale. La question des retraites doit se gérer par un pilotage qui soit adapté en permanence aux réalités démographiques, sociologiques ou économiques du pays, lesquelles sont évolutives. De ce point de vue, la France accuse un certain retard par rapport à plusieurs de ses voisins étrangers, qui ont appris à traiter ce sujet de façon plus sereine et progressive depuis longtemps.
2. Le respect de la diversité et de l'identité des régimes.
Notre système de retraites se caractérise par son adaptation à la diversité des métiers et des secteurs d'activité : pas moins de 26 régimes assurent aujourd'hui la couverture de base du risque vieillesse, sans même parler des régimes complémentaires. Certains esprits ne se résignent pas à cette diversité et rêvent d'un régime unique.
Mais ces régimes, notamment les régimes dits " spéciaux ", sont les produits de l'histoire sociale de notre pays et l'expression des identités respectives des différentes professions. Méconnaître cette réalité est le meilleur moyen de ne pas avancer. Le Gouvernement est respectueux de la spécificité de chaque régime. C'est au niveau de chaque régime que peut être analysée au mieux la situation et que les solutions peuvent être dégagées.
3. L'équité et la solidarité entre les régimes.
Le respect de la diversité des régimes doit avoir pour contrepartie la recherche de plus de solidarité et de plus d'équité. La solidarité financière entre les régimes est essentielle et doit être renforcée. Mais elle ne peut être durablement acceptée que si l'équité existe entre les régimes. En la matière, il faut toutefois éviter le simplisme qui consiste à opposer secteur public et secteur privé en négligeant la complexité de telles comparaisons. Reste que certains régimes, comme celui des salariés du privé, ont connu des réformes importantes. Si l'on veut éviter que se creusent trop de différences, il faudra que les autres régimes s'engagent également dans la voie des adaptations nécessaires.
4. Une plus grande souplesse pour mieux respecter les choix individuels.
Il nous faut envisager d'une façon nouvelle les différents temps de la vie, être capables de penser autrement leur articulation et, pour cela, donner plus de souplesse au système de retraite. Demain, certains d'entre nous préféreront peut-être arrêter temporairement leur activité au milieu de leur vie active, pour mieux se former, quitte à travailler plus longtemps plus tard. D'autres voudront peut-être travailler plus longtemps pour acquérir des droits à la retraite plus importants, ou, au contraire, partir à la retraite plus tôt, quitte à disposer de droits moins élevés. Cela n'est guère possible aujourd'hui. Il faut que cela devienne un choix véritablement ouvert. Nous devons également réfléchir à des formes différenciées de passage de la vie active à la retraite. Un passage plus progressif de l'activité à la retraite serait susceptible d'atténuer le caractère trop brutal et parfois mal vécu de la cessation d'activité. Le Gouvernement est prêt à l'encourager.
5. Le besoin d'anticipation et de précaution.
Le Gouvernement considère qu'il est de sa responsabilité politique de garantir l'avenir des régimes pour le moyen et le long terme. Il lui revient donc de préparer dès aujourd'hui des solutions pour réduire les déséquilibres à l'horizon 2020. La croissance retrouvée et les perspectives de retour au plein emploi le facilitent. Mais il nous faut également préparer dès aujourd'hui des réponses à la question du financement des retraites au-delà de 2020. C'est la vocation du fonds de réserve, créé l'an dernier, qui utilisera à cette fin une partie des fruits de la croissance des années à venir.
III - J'EN VIENS MAINTENANT AUX TROIS ORIENTATIONS PROPOSEES POUR CONSOLIDER LES REGIMES PAR REPARTITION.
- Pour consolider notre système de retraites à l'horizon 2020, dégager, par la discussion, des solutions adaptées à chaque régime.
- Dans la perspective des déséquilibres de la période 2020-2040, renforcer le fonds de réserve pour les retraites.
- Pour permettre une concertation permanente, instaurer un Conseil d'orientation des retraites.
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1. Dégager, par la discussion, des solutions adaptées à chaque régime, pour consolider notre système de retraites à l'horizon 2020.
Les responsables des régimes de retraite devront ouvrir des discussions dans chacun de ces régimes. Ces discussions porteront sur l'ensemble des paramètres susceptibles d'en assurer la consolidation à l'horizon 2020.
Bien entendu, les discussions ne s'engageront pas partout de la même façon.
1. La solidarité nationale doit continuer de s'exercer à l'égard des régimes qui connaissent déjà une situation démographique difficile.
Du fait des mutations technologiques et des évolutions économiques et sociales, certains régimes subissent un déclin démographique marqué depuis plusieurs années. Je pense au régime des exploitants agricoles -pour lesquels l'effort de revalorisation des retraites sera poursuivi-, à ceux des marins ou des mines, ou encore, même si la situation n'est évidemment pas identique, aux régimes de la SNCF et de la RATP.
Il serait illusoire, dangereux et injuste de leur faire supporter un effort de redressement qui serait hors d'atteinte. On voit mal, par exemple, comment l'on pourrait assurer l'équilibre du régime des mines sans faire appel à la solidarité nationale. Par ailleurs, la situation démographique de ces régimes ne devrait plus se dégrader et leur besoin de financement ne devrait pas s'aggraver. Il est donc normal que l'effort de solidarité continue à jouer à leur égard, dans les mêmes conditions qu'actuellement.
C'est dans cet esprit, en prenant en compte la spécificité de chacun de ces régimes, que des discussions devront intervenir.
2. Pour ce qui concerne la fonction publique, deux raisons m'amènent à penser qu'il nous faut dégager des orientations fortes et équitables.
Alors que les régimes des fonctionnaires -Etat, collectivités locales et hôpitaux- couvrent 20 % des actifs, leur besoin de financement annuel à l'horizon 2020 devrait représenter plus de 60 % du besoin de financement de l'ensemble des régimes, soit 170 milliards de francs. En outre, la dégradation de leur situation financière interviendra dès les prochaines années.
Face à cette situation, ne rien faire serait laisser croire que les déséquilibres, massifs à terme, des retraites des fonctionnaires pourraient être financés par la solidarité nationale et par l'impôt, et donc par l'ensemble des Français, fonctionnaires et non-fonctionnaires. Il est donc nécessaire d'apporter une réponse à ce problème financier majeur, naturellement en restant dans le cadre d'un système par répartition.
Choisir la voie de l'augmentation des cotisations impliquerait, pour couvrir les besoins de financement, d'augmenter de plus de vingt points les cotisations, soit un point chaque année jusqu'en 2020. Ce serait une perspective difficile à supporter en totalité pour les agents.
S'exposer, à terme, à la diminution des pensions, aurait, pour les futurs retraités, de lourdes conséquences et constituerait une régression.
Quant à l'allongement de la durée de cotisation qui permettrait de réduire sensiblement le besoin de financement du régime, il garantirait les retraites des fonctionnaires sans accroître la charge pour la collectivité. Il s'agirait là -et cet élément est essentiel- d'une approche qui préserverait le niveau de vie des actifs comme celui des retraités.
Elle pourrait être analysée comme un rapprochement entre les situations des agents de la fonction publique et des salariés du secteur privé. Mais il faut aussi savoir que la comparaison entre secteur public et secteur privé est beaucoup plus complexe que certains veulent le dire. Contrairement à ce qui se passe dans le secteur privé, les pensions des fonctionnaires ne sont calculées que sur une partie de leur rémunération. Les considérations d'équité ne doivent pas être à sens unique.
Il est donc nécessaire d'agir. Mais le Gouvernement n'entend pas imposer une solution. La concertation doit être la règle. Je souhaite donc qu'une négociation s'engage rapidement avec les organisations syndicales.
C'est pourquoi le Gouvernement propose aux fonctionnaires de conclure un pacte sur les retraites, un pacte fondé sur un principe d'équité et visant à garantir et à défendre leurs retraites.
Si nous nous engagions dans la voie d'un allongement de la durée de cotisation en la portant progressivement à quarante annuités, alors nous pourrions traiter simultanément d'autres questions qui sont importantes aussi pour les fonctionnaires.
- Il faudrait pouvoir tenir compte de la pénibilité de certaines fonctions. Nombre d'agents de la fonction publique font un métier particulièrement difficile : je pense par exemple au personnel soignant dans les hôpitaux.
- Il pourrait être envisagé de prendre en compte, selon des modalités à définir et en contrepartie de l'allongement de la durée de cotisation, une partie des primes des fonctionnaires dans le calcul des retraites.
- D'autres sujets pourraient également être ouverts, comme les conditions du passage progressif de l'activité à la retraite, ou encore la possibilité pour les fonctionnaires n'ayant pas une durée suffisante d'activité de " racheter " des annuités.
Voilà le pacte que nous proposons. Je le crois juste, équilibré et à même de garantir dans la durée les retraites des fonctionnaires.
Il n'emporte aucune remise en cause de ce qui fait la spécificité du régime de la fonction publique. Le principe du financement par le budget de l'Etat des retraites des fonctionnaires de l'Etat serait respecté et les caractéristiques statutaires des régimes préservées.
Il va dans le sens de la responsabilité. Si l'on ne s'engage pas dans la voie qui est proposée, le risque est grand qu'à terme s'impose inéluctablement une hausse très importante des cotisations, voire une baisse des pensions ou encore une remise en cause, par d'autres, des modes actuels de financement.
Il faut que la concertation s'engage entre le Gouvernement et les organisations syndicales représentatives des fonctionnaires. Elles connaissent la réalité de la situation.
Je pense qu'elles sauront faire avec nous les choix qui s'imposent et s'engager dans la négociation d'un tel pacte.
3. J'en viens aux assurés du régime général et des régimes dits " alignés ", c'est-à-dire ceux des commerçants et des artisans.
Ils ont dû consentir des efforts substantiels notamment au travers des mesures prises en 1993, ou encore des accords de 1996 sur les retraites complémentaires. Ces efforts se sont traduits par une diminution des taux de remplacement, notamment pour les retraites complémentaires.
Les nouvelles prévisions économiques, qui tiennent compte des perspectives de retour progressif au plein emploi, montrent que le régime général devrait rester équilibré jusqu'en 2010. Certes, le déficit à l'horizon 2020 devrait atteindre une centaine de milliards. Mais il doit être relativisé : il ne représente en effet que trois points et demi de cotisations.
Dans ces conditions, il ne paraît pas nécessaire d'envisager, pour les assurés du régime général, un allongement supplémentaire de la durée de cotisation. D'ailleurs, le passage à quarante annuités n'est pas encore achevé.
Notre priorité aujourd'hui, c'est le retour à l'emploi, notamment pour les personnes de plus de 50 ans. Il faut notamment mettre fin, dans les années qui viennent, à la situation qui a conduit de nombreux travailleurs à connaître une période de chômage et une cessation anticipée d'activité non souhaitée avant de prendre leur retraite. Plus d'emplois, c'est aussi la meilleure façon qui soit de consolider nos régimes de retraite.
A l'instar des autres régimes, des discussions devront avoir lieu au sein de la caisse nationale d'assurance vieillesse, pour assurer la consolidation du régime général à l'horizon 2020.
Des améliorations pourraient être envisagées, dès lors qu'elles ne dégradent pas la situation financière de ce régime. On pourrait ainsi permettre plus de souplesse dans le choix des salariés : en pénalisant moins ceux qui préfèrent partir à la retraite, ou sont contraints de le faire sans avoir suffisamment de trimestres pour obtenir une retraite à taux plein ; mais aussi en améliorant la situation de ceux qui partent à la retraite en ayant cotisé plus de 160 trimestres parce qu'ils sont entrés tôt dans la vie active.
Nous savons que, en raison des décisions prises auparavant, la question de la dégradation du taux de remplacement dans le secteur privé est posée. Les discussions pourraient porter sur un objectif d'amélioration de ce taux de remplacement dans le régime général.
Mais la diminution programmée du taux de remplacement trouve surtout sa source dans les régimes de retraite complémentaire. Ces régimes relèvent de l'entière liberté des partenaires sociaux. Il est donc souhaitable que, dans le cadre des discussions qui se sont engagées entre eux, cette question soit abordée.
2. Deuxième orientation : renforcer le fonds de réserve pour les retraites afin de faire face aux déséquilibres de la période 2020-2040.
En 1999, le Gouvernement a créé un fonds de réserve pour les retraites dans la loi de financement de la sécurité sociale. Le but de ce fonds est de constituer une importante réserve financière, dans laquelle il sera possible de puiser plus tard afin de mieux répartir dans le temps -" lisser ", disent les spécialistes- le surcroît de charge résultant du vieillissement démographique.
Je voudrais souligner le symbole que représente ce fonds de réserve : il témoigne de notre volonté d'affirmer et de garantir la solidarité entre les générations. Pour alimenter ce fonds, nous allons mobiliser l'ensemble des ressources que le maintien d'une situation démographique favorable jusqu'en 2006, d'une part, la croissance retrouvée et le retour progressif au plein emploi, d'autre part, vont permettre de dégager.
Constitué l'an dernier, le fonds de réserve atteindra déjà un peu plus de 20 milliards de francs à la fin 2000. Sur la base des sources de financement qui lui ont déjà été affectées par les lois de financement de la sécurité sociale 1999 et 2000, ce fonds montera progressivement en puissance.
- Les excédents cumulés de la caisse nationale d'assurance vieillesse, du fonds de solidarité vieillesse et de la contribution sociale de solidarité des sociétés devraient atteindre 500 milliards de francs en 2020 ;
- une part des prélèvements sociaux sur les revenus du capital est aujourd'hui affectée au fonds de réserve. Elle pourrait représenter 150 milliards en 2020 ;
- auxquels il faut ajouter 330 milliards d'intérêts et de revenus financiers produits par ces réserves ;
- il pourra enfin y avoir des recettes exceptionnelles. Ainsi, la réforme des Caisses d'épargne va permettre d'affecter 20 milliards au fonds de réserve.
Au total, le fonds de réserve devrait dépasser 1.000 milliards de francs à l'horizon 2020.
De nouvelles sources de financement peuvent bien sûr être envisagées. Des idées ont surgi à cet égard dans l'actualité. Le principe d'une alimentation du fonds de réserve par des ressources tirées de la gestion du patrimoine industriel et financier de l'Etat mérite d'être soigneusement étudié. Les actifs publics sont bien sûr le patrimoine de la Nation tout entière.
Toutefois, ce gouvernement a toujours privilégié une stratégie de développement industriel visant à renforcer les entreprises publiques dans la compétition mondiale. C'est d'ailleurs ce qui a permis à ce patrimoine d'acquérir une valeur importante. Il faut donc s'assurer que ces entreprises puissent continuer à bénéficier des capitaux nécessaires à leur développement.
C'est pourquoi nous devons concilier nos exigences de stratégie industrielle avec la possibilité de contribuer à long terme à la solution du problème des retraites. Dans cet esprit, et sans céder aux facilités -qui peuvent être illusoires- offertes par la spéculation, nous examinerons comment les produits et dividendes tirés de ce patrimoine peuvent être affectés dans le temps à un abondement du fonds de réserve au-delà des 1.000 milliards de francs d'ores et déjà prévus.
Ce fonds sera géré de façon transparente, concertée et responsable en fonction des engagements clairs et crédibles de réformes des régimes qui auront été pris et tenus. Les partenaires sociaux pourront être, en fonction de leurs voeux, associés à son fonctionnement.
3. Instaurer un Conseil d'orientation des retraites pour organiser dans la durée la concertation sur l'avenir des retraites.
Il nous faut être capables d'aborder collectivement le sujet des retraites de façon sereine. Pour ce faire, il manque dans notre pays un organisme qui, par ses compétences comme par son autorité, puisse dire régulièrement aux Français, et de façon incontestée, comment vont évoluer leurs retraites et quelles sont les perspectives crédibles des différents régimes, en fonction des données démographiques et des perspectives de croissance et d'emploi du moment.
C'est pourquoi nous avons décidé de créer un Conseil d'orientation des retraites constitué de représentants des partenaires sociaux, de parlementaires et de personnalités qualifiées.
Il aura pour tâche, en premier lieu, d'assurer le suivi des conséquences des évolutions économiques, sociales ou démographiques sur les régimes de retraite. Il établira régulièrement un bilan qu'il adressera au Gouvernement et au Parlement, et qui sera rendu public.
Il lui reviendra ensuite de veiller à l'équité et à la nécessaire solidarité entre les régimes.
Il devra proposer des mesures au Gouvernement si les réformes engagées ne lui semblaient pas à même d'assurer l'équilibre à terme des différents régimes, ou si les évolutions constatées devaient amener à des disparités entre les régimes susceptibles de menacer la cohésion du système de répartition. Il restera bien sûr de la responsabilité du Gouvernement de trancher et d'agir.
Il reviendra au Conseil de suivre les discussions qui seront menées dans chaque régime dans la voie de l'équilibre. Garant du maintien de la cohésion du système de retraite, il vérifiera que les efforts engagés par chacun des régimes sont répartis de façon équitable. A l'issue de ces négociations, il en établira un bilan.
Avec ces propositions, le Gouvernement veut, dans la concertation, garantir l'avenir des retraites des Français. Mais il souhaite également inscrire ces propositions dans une vision plus large -celle de la place des personnes âgées dans notre société. Il entend aussi approfondir la solidarité entre les générations et répondre aux grandes évolutions sociales et aux nouveaux problèmes humains qu'entraîne l'allongement de l'espérance de vie.
IV - NOUS VOULONS VALORISER LE ROLE SOCIAL DES PERSONNES AGEES, MAIS AUSSI LES SOUTENIR, AINSI QUE LEURS FAMILLES, LORSQU'ELLES SONT CONFRONTEES A LA DEPENDANCE.
Avec l'allongement de l'espérance de vie, ce sont des millions de personnes qui aujourd'hui s'engagent à 60 ans, actives et en bonne santé, dans une nouvelle période de leur vie. Mais c'est aussi parfois, pour une faible partie des personnes âgées heureusement, le risque d'une perte d'autonomie, qu'il nous faut savoir prendre en charge.
1. Nous devons mieux reconnaître et valoriser le rôle social des retraités.
A l'égard de la jeunesse, les personnes âgées exercent souvent une fonction de relais, d'écoute, de conseil et de médiation, qui prend plus d'importance encore avec les évolutions sociologiques que connaissent les familles : évolution du travail des femmes, familles recomposées, familles monoparentales...
Qu'il s'agisse d'accompagnement scolaire, de parrainage, de gardes d'enfants le week-end, d'aide aux personnes en difficulté ou de conciliation en matière judiciaire, les " seniors " jouent un rôle social précieux et tiennent, de façon plus générale, une place très importante dans la vie associative.
Le temps de la retraite est ainsi de plus en plus le temps de l'accomplissement personnel, et pour beaucoup l'occasion d'un engagement citoyen.
La participation des retraités à la vie sociale et économique -notamment dans une perspective de coopération et d'entraide- est de plus en plus importante. C'est une évolution essentielle et largement sous-estimée.
Elle va se poursuivre. Il y a aujourd'hui douze millions de personnes âgées de soixante ans et plus ; il y en aura 17 millions en 2020. En 2040, les quelque 21 millions de personnes de plus de 60 ans pourraient représenter le tiers de la population totale. Et ces personnes seront encore plus actives que les personnes âgées d'aujourd'hui. La question de leur place dans la société sera donc posée avec plus de force encore.
J'entends saisir le Conseil économique et social afin qu'il examine cette grande question de société et fasse des propositions au Gouvernement pour que notre pays sache mieux tirer profit de la richesse que constituent les retraités et mieux reconnaître leur rôle.
2. Nous allons vraiment traiter le problème de la dépendance.
Nous ne devons pas seulement aux personnes âgées des garanties quant à leur retraite. Nous leur devons également l'assurance d'un soutien de la collectivité dans les cas où elles perdent leur autonomie, et que leur revenu ou l'aide de leur famille ne suffit pas.
La dépendance des personnes âgées est devenue un enjeu majeur de solidarité. Ce sont environ 1.300.000 personnes âgées qui sont aujourd'hui, à des degrés divers, concernées par la dépendance. Ce nombre ne fera que croître dans les années à venir, même si l'on peut espérer beaucoup des progrès de la médecine.
Trouver un service de qualité, assumer le coût de la prise en charge sont autant de sources d'inquiétude pour les personnes dépendantes et pour leurs proches.
Cette question de la dépendance n'a pas encore reçu de réponse vraiment satisfaisante.
La prestation spécifique dépendance (PSD) instituée par le précédent gouvernement apparaît à l'expérience comme un échec.
Elle ne bénéficie qu'à une faible partie des personnes concernées, puisqu'elle n'est attribuée qu'à 120.000 d'entre elles. Elle est très souvent d'un montant insuffisant. Elle est enfin très inégalitaire, car sa mise en uvre par les conseils généraux est particulièrement disparate et son montant varie considérablement d'un département à l'autre pour des situations pourtant identiques.
Il nous faut engager une vaste réforme des modalités de prise en charge de la dépendance des personnes âgées. Cette réforme sera menée d'ici la fin de la législature.
La prestation spécifique dépendance sera radicalement transformée. Il nous faut sortir d'une logique d'assistance ou d'aide sociale. Nous allons ouvrir à l'ensemble des personnes âgées dépendantes un droit objectif à une prestation dont le montant sera fonction des revenus et du niveau de la dépendance de la personne.
Certes, une gestion de proximité doit être maintenue pour adapter l'aide aux besoins réels de la personne en fonction de ses conditions de vie. Mais il faut que l'égalité entre les personnes soit réelle, que les droits soient clairement établis et ne varient pas d'un point à l'autre du territoire, en fonction de la richesse ou de la générosité des départements.
Ce nouvel objectif exigera un effort financier important. L'Etat, au nom de la solidarité nationale, est prêt à en prendre sa part aux côtés des autres acteurs concernés que sont les départements et les caisses de sécurité sociale.
Un projet de loi sera préparé d'ici la fin de l'année par la ministre de l'Emploi et de la Solidarité, Mme Martine AUBRY. Le Gouvernement a confié à M. Jean-Pierre SUEUR une mission sur ce sujet dont les conclusions seront rendues prochainement. A partir de cette réflexion, nous engagerons les concertations nécessaires, notamment avec les départements. L'un des principaux objectifs de cette réforme sera de favoriser le maintien à domicile des personnes âgées dépendantes. C'est ce que celles-ci souhaitent avant tout. A cet effet, nous devrons également développer les services de soins infirmiers à domicile.
Pour les personnes qui sont accueillies dans des établissements, nous engagerons un plan de médicalisation sur cinq ans, afin que partout elles puissent recevoir les soins adaptés à leurs besoins. Je pense en particulier aux centaines de milliers de personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer.
Enfin, les personnes âgées dépendantes et leurs familles se heurtent souvent à la multiplicité des organismes compétents : les départements, les caisses de retraite, les associations d'aide à domicile... Nous voulons créer des lieux bien identifiés, où elles pourront connaître leurs droits et l'ensemble des possibilités de prise en charge. Des centres de liaison, d'information et de coordination vont être créés cette année à titre expérimental. Dans un horizon de cinq ans, un millier de ces centres devraient couvrir l'ensemble du territoire.
Apporter une réponse satisfaisante à la dépendance est donc une grande ambition.
Mesdames et Messieurs,
Les Français peuvent être rassurés sur l'avenir des retraites. Les retraites d'aujourd'hui sont garanties. La consolidation des retraites de demain est à notre portée. Les adaptations qui seront nécessaires seront discutées et négociées. C'est à cette discussion, à cette négociation, que le Gouvernement appelle l'ensemble des partenaires sociaux, avec résolution et confiance.
(source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 22 mars 2000)
Dès ma déclaration de politique générale devant le Parlement, le 19 juin 1997, j'ai affirmé la volonté de défendre les retraites des Français et, pour cela, de garantir les régimes par répartition.
Pour le gouvernement que je venais de constituer, la première des priorités était de restaurer la confiance des Français, de relancer l'économie de notre pays, de commencer à faire reculer le chômage et de nous engager sur le chemin du plein emploi. Ce premier objectif est aujourd'hui atteint. La situation nouvelle ainsi créée éclaire d'une lumière différente et plus favorable la question de l'avenir des retraites.
Dans le même temps où il agissait pour le redressement économique et social du pays, le Gouvernement a avancé sur la question des retraites. Un diagnostic a été établi par le Commissariat général du Plan. Sur la base de ce diagnostic, une discussion approfondie a été conduite avec les partenaires sociaux. De l'avis des partenaires sociaux eux-mêmes, cet échange a été riche, ouvert, sans a priori d'aucune sorte. Cette concertation a également contribué à notre réflexion sur la place des personnes âgées au sein de la société française. Après avoir pris le temps d'écouter attentivement les uns et les autres, je vous présente aujourd'hui les orientations du Gouvernement sur l'avenir de nos régimes de retraite.
I - LA QUESTION DES RETRAITES, C'EST AVANT TOUT UN CHOIX DE SOCIETE.
Notre choix de société c'est, clairement, celui des retraites par répartition.
L'enjeu individuel et collectif pour les Français est essentiel. La retraite, c'est toujours " le patrimoine de ceux qui n'en ont pas ". Pour tous, la période de retraite évoque l'espoir d'un repos gagné et d'une liberté conquise après le temps consacré au travail. D'où cette puissante exigence collective, dont témoigne, depuis un demi-siècle, notre système de retraite fondé sur la répartition.
Cotiser, quand on est actif, pour ceux qui sont à la retraite, en sachant qu'à son tour la génération suivante financera sa propre retraite : tel est le principe de la répartition. Mais la répartition est beaucoup plus qu'une technique d'assurance garantissant un revenu décent dans une période essentielle de la vie. La répartition est le symbole de la chaîne de solidarité qui relie entre elles les générations. La répartition est un des termes les plus importants du pacte social de la Nation.
Dessiner l'avenir de notre système de retraite ne se réduit pas à une série d'options techniques et financières ; c'est d'abord exprimer une vision politique pour notre société.
Le choix de la répartition que nous confirmons se fonde sur deux convictions.
1. La première, c'est que le système par répartition est un succès.
Héritage de la Libération, le système par répartition a permis en un demi-siècle de changer la vie des retraités.
La durée de la retraite a presque doublé : alors qu'un homme né en 1910 pouvait, en moyenne, espérer profiter d'une dizaine d'années de retraite, un homme né en 1940 bénéficiera, lui, de près de vingt ans de retraite. C'est un progrès considérable.
Il est certes dû à un allongement de la durée de la vie qui a été massif durant les cinquante dernières années. A raison d'un trimestre en moyenne par an, l'espérance de vie s'est accrue de plus de dix ans. Le nombre des personnes âgées de plus de 60 ans a doublé, passant de six à douze millions.
Mais si la durée de la retraite s'est accrue, c'est aussi que, en 1981, la Gauche a fait passer à 60 ans l'âge légal de la retraite qui jusqu'alors était à 65 ans. C'est là un acquis social que nous entendons préserver.
Cette évolution aurait pu se traduire par une paupérisation de la population âgée. Bien au contraire, alors qu'auparavant la vieillesse était souvent synonyme de pauvreté, le niveau de vie moyen des retraités a aujourd'hui rejoint celui des actifs. Le minimum vieillesse concerne un peu moins de 900.000 personnes aujourd'hui, contre plus de deux millions il y a trente ans, tandis que le montant de cette prestation a été entre temps multiplié par trois.
Nos retraites sont plus longues, nous en profitons mieux. C'est là une chance extraordinaire pour chacun d'entre nous, mais aussi pour notre société.
Cette évolution profonde, nous la devons certes au progrès du bien-être matériel, aux avancées médicales, aux améliorations de la santé publique, mais aussi au système par répartition. Son extraordinaire réussite, au regard de ses objectifs de solidarité et d'universalité, en fait l'un des éléments clés de notre cohésion nationale. Face à ceux qui voudraient le défaire, par l'effet d'un système de capitalisation, ce gouvernement entend en assurer la défense.
2. La seconde conviction, c'est que les difficultés attendues par les régimes de retraites, si elles sont réelles, ne sauraient à nos yeux conduire à remettre en cause la répartition.
Certains nous disent que le système par répartition, ébranlé par le vieillissement démographique, doit laisser la place à des fonds de pension, inspirés de certains pays anglo-saxons. Ce n'est en rien notre approche.
Ces difficultés, nous en prenons la juste mesure grâce à un diagnostic lucide.
Des éléments de diagnostic ont été établis par la commission présidée par le Commissaire au Plan, M. Jean-Michel CHARPIN. Des experts s'étaient exprimés avant lui, d'autres l'ont fait depuis. Leurs conclusions parfois diverses soulignent la complexité et la difficulté de l'expertise sur ce sujet.
Mais deux points paraissent incontestables.
*Nos régimes de retraite vont connaître, à des degrés très divers, des difficultés financières qui trouvent leur source dans les évolutions démographiques. La conjugaison de l'allongement de la vie et de l'arrivée à l'âge de la retraite des générations nombreuses d'après-guerre va modifier l'équilibre de nos régimes de retraite.
- Aujourd'hui, pour dix actifs, il y a quatre retraités.
- En 2020, pour dix actifs, il y aura plus de cinq retraités.
- En 2040, pour dix actifs, il y aura sept retraités. Le montant des retraites versées va donc croître beaucoup plus vite que celui des cotisations.
*Ces difficultés doivent toutefois être replacées dans un contexte nouveau -celui d'une croissance forte- et dans la perspective désormais crédible du retour au plein emploi. A cela, le Gouvernement, par une politique volontariste, a contribué. La croissance et le plein emploi permettront de repousser dans le temps l'apparition de déséquilibres et de limiter les déficits à moyen terme. Mais ils ne pourront, à eux seuls, régler les difficultés des régimes de retraite qui résultent de données démographiques objectives.
3. Face à ce constat, nous devons agir.
Ne pas agir conduirait à faire porter le poids des difficultés à venir sur les générations futures, à condamner nos régimes par répartition, et donc à menacer le pacte entre les générations. Notre volonté est inverse. Nous voulons préserver ce pacte.
Préserver ce pacte, c'est d'abord préserver les droits qu'ont acquis les retraités actuels. Le Gouvernement en prend l'engagement : les retraites d'aujourd'hui seront pleinement garanties. Les Français peuvent en être assurés.
Préserver ce pacte, c'est aussi garantir l'avenir des futurs retraités. Ce ne serait pas le cas si une baisse des pensions futures condamnait tous ceux dont les revenus sont modestes, et qui n'ont pas de capacité d'épargne, à vivre leur retraite dans la difficulté. Ce serait une régression sociale grave, une remise en cause des acquis du système par répartition.
Préserver ce pacte, c'est enfin et surtout écarter toute solution qui menacerait ou même déstabiliserait le système de répartition. Je pense en particulier aux solutions fondées sur la seule épargne individuelle, qui renoncent ainsi à la solidarité nationale. Présenter les fonds de pension comme une réponse aux difficultés des régimes de retraite, ce n'est ni honnête ni réaliste. C'est aussi faire peser une menace sur notre système de protection sociale. Sur le plan financier, parce qu'il y a là un risque de voir des éléments de rémunération échapper aux cotisations de sécurité sociale, contribuant ainsi au creusement des déséquilibres. Mais au-delà de ce risque de déséquilibre, il importe de le souligner, les solutions proposées par la majorité d'hier -la loi THOMAS l'a bien illustré- reviennent toujours à accorder des avantages sociaux et fiscaux importants à ceux qui peuvent le plus facilement épargner.
Certes, il est naturel que les Français qui le souhaitent puissent mettre de l'argent de côté pour leur retraite. Il pourra être envisagé de les y aider, en particulier pour les salariés, par la mise en place d'instruments d'épargne à long terme, collectifs et négociés. Mais, dans notre esprit, une telle perspective ne gagnerait à être développée qu'en complément, le système de répartition étant durablement consolidé et les retraites des Français garanties.
Le Gouvernement s'inscrit donc dans la lignée historique du pacte social de 1945 et veut le renouveler par le choix d'une société solidaire.
II - POUR ASSURER LA PERENNITE DU SYSTEME PAR REPARTITION ET GARANTIR LES RETRAITES, NOUS PROPOSONS AUJOURD'HUI UNE DEMARCHE FONDEE SUR CINQ PRINCIPES.
1. La concertation dans l'élaboration et la progressivité dans la mise en uvre des mesures.
2. Le respect de la diversité et de l'identité des régimes.
3. La recherche d'une plus grande équité et d'une solidarité plus forte entre les régimes.
4. L'introduction de plus de souplesse pour mieux respecter les choix des individus.
5. L'anticipation des évolutions démographiques afin d'équilibrer les charges entre les générations.
1. La nécessité d'une démarche concertée et progressive.
La concertation est indispensable. Tout le monde se souvient des événements de l'automne 1995. Du fait de la brutalité des mesures annoncées et de l'absence de toute concertation préalable, les décisions du gouvernement de l'époque avaient fait l'objet d'un rejet massif. Le gouvernement d'alors avait dû renoncer à toutes les mesures envisagées. L'absence de concertation a conduit au blocage. Notre approche est différente : nous faisons de la concertation l'axe principal de notre démarche, et nous voulons la fonder sur des mesures équitables.
Pour saisir pleinement la question de l'équilibre des régimes de retraites, il faut la replacer dans la durée. Il serait illusoire de penser la résoudre aujourd'hui, pour 2040, par une seule réforme -fût-elle radicale. La question des retraites doit se gérer par un pilotage qui soit adapté en permanence aux réalités démographiques, sociologiques ou économiques du pays, lesquelles sont évolutives. De ce point de vue, la France accuse un certain retard par rapport à plusieurs de ses voisins étrangers, qui ont appris à traiter ce sujet de façon plus sereine et progressive depuis longtemps.
2. Le respect de la diversité et de l'identité des régimes.
Notre système de retraites se caractérise par son adaptation à la diversité des métiers et des secteurs d'activité : pas moins de 26 régimes assurent aujourd'hui la couverture de base du risque vieillesse, sans même parler des régimes complémentaires. Certains esprits ne se résignent pas à cette diversité et rêvent d'un régime unique.
Mais ces régimes, notamment les régimes dits " spéciaux ", sont les produits de l'histoire sociale de notre pays et l'expression des identités respectives des différentes professions. Méconnaître cette réalité est le meilleur moyen de ne pas avancer. Le Gouvernement est respectueux de la spécificité de chaque régime. C'est au niveau de chaque régime que peut être analysée au mieux la situation et que les solutions peuvent être dégagées.
3. L'équité et la solidarité entre les régimes.
Le respect de la diversité des régimes doit avoir pour contrepartie la recherche de plus de solidarité et de plus d'équité. La solidarité financière entre les régimes est essentielle et doit être renforcée. Mais elle ne peut être durablement acceptée que si l'équité existe entre les régimes. En la matière, il faut toutefois éviter le simplisme qui consiste à opposer secteur public et secteur privé en négligeant la complexité de telles comparaisons. Reste que certains régimes, comme celui des salariés du privé, ont connu des réformes importantes. Si l'on veut éviter que se creusent trop de différences, il faudra que les autres régimes s'engagent également dans la voie des adaptations nécessaires.
4. Une plus grande souplesse pour mieux respecter les choix individuels.
Il nous faut envisager d'une façon nouvelle les différents temps de la vie, être capables de penser autrement leur articulation et, pour cela, donner plus de souplesse au système de retraite. Demain, certains d'entre nous préféreront peut-être arrêter temporairement leur activité au milieu de leur vie active, pour mieux se former, quitte à travailler plus longtemps plus tard. D'autres voudront peut-être travailler plus longtemps pour acquérir des droits à la retraite plus importants, ou, au contraire, partir à la retraite plus tôt, quitte à disposer de droits moins élevés. Cela n'est guère possible aujourd'hui. Il faut que cela devienne un choix véritablement ouvert. Nous devons également réfléchir à des formes différenciées de passage de la vie active à la retraite. Un passage plus progressif de l'activité à la retraite serait susceptible d'atténuer le caractère trop brutal et parfois mal vécu de la cessation d'activité. Le Gouvernement est prêt à l'encourager.
5. Le besoin d'anticipation et de précaution.
Le Gouvernement considère qu'il est de sa responsabilité politique de garantir l'avenir des régimes pour le moyen et le long terme. Il lui revient donc de préparer dès aujourd'hui des solutions pour réduire les déséquilibres à l'horizon 2020. La croissance retrouvée et les perspectives de retour au plein emploi le facilitent. Mais il nous faut également préparer dès aujourd'hui des réponses à la question du financement des retraites au-delà de 2020. C'est la vocation du fonds de réserve, créé l'an dernier, qui utilisera à cette fin une partie des fruits de la croissance des années à venir.
III - J'EN VIENS MAINTENANT AUX TROIS ORIENTATIONS PROPOSEES POUR CONSOLIDER LES REGIMES PAR REPARTITION.
- Pour consolider notre système de retraites à l'horizon 2020, dégager, par la discussion, des solutions adaptées à chaque régime.
- Dans la perspective des déséquilibres de la période 2020-2040, renforcer le fonds de réserve pour les retraites.
- Pour permettre une concertation permanente, instaurer un Conseil d'orientation des retraites.
-
1. Dégager, par la discussion, des solutions adaptées à chaque régime, pour consolider notre système de retraites à l'horizon 2020.
Les responsables des régimes de retraite devront ouvrir des discussions dans chacun de ces régimes. Ces discussions porteront sur l'ensemble des paramètres susceptibles d'en assurer la consolidation à l'horizon 2020.
Bien entendu, les discussions ne s'engageront pas partout de la même façon.
1. La solidarité nationale doit continuer de s'exercer à l'égard des régimes qui connaissent déjà une situation démographique difficile.
Du fait des mutations technologiques et des évolutions économiques et sociales, certains régimes subissent un déclin démographique marqué depuis plusieurs années. Je pense au régime des exploitants agricoles -pour lesquels l'effort de revalorisation des retraites sera poursuivi-, à ceux des marins ou des mines, ou encore, même si la situation n'est évidemment pas identique, aux régimes de la SNCF et de la RATP.
Il serait illusoire, dangereux et injuste de leur faire supporter un effort de redressement qui serait hors d'atteinte. On voit mal, par exemple, comment l'on pourrait assurer l'équilibre du régime des mines sans faire appel à la solidarité nationale. Par ailleurs, la situation démographique de ces régimes ne devrait plus se dégrader et leur besoin de financement ne devrait pas s'aggraver. Il est donc normal que l'effort de solidarité continue à jouer à leur égard, dans les mêmes conditions qu'actuellement.
C'est dans cet esprit, en prenant en compte la spécificité de chacun de ces régimes, que des discussions devront intervenir.
2. Pour ce qui concerne la fonction publique, deux raisons m'amènent à penser qu'il nous faut dégager des orientations fortes et équitables.
Alors que les régimes des fonctionnaires -Etat, collectivités locales et hôpitaux- couvrent 20 % des actifs, leur besoin de financement annuel à l'horizon 2020 devrait représenter plus de 60 % du besoin de financement de l'ensemble des régimes, soit 170 milliards de francs. En outre, la dégradation de leur situation financière interviendra dès les prochaines années.
Face à cette situation, ne rien faire serait laisser croire que les déséquilibres, massifs à terme, des retraites des fonctionnaires pourraient être financés par la solidarité nationale et par l'impôt, et donc par l'ensemble des Français, fonctionnaires et non-fonctionnaires. Il est donc nécessaire d'apporter une réponse à ce problème financier majeur, naturellement en restant dans le cadre d'un système par répartition.
Choisir la voie de l'augmentation des cotisations impliquerait, pour couvrir les besoins de financement, d'augmenter de plus de vingt points les cotisations, soit un point chaque année jusqu'en 2020. Ce serait une perspective difficile à supporter en totalité pour les agents.
S'exposer, à terme, à la diminution des pensions, aurait, pour les futurs retraités, de lourdes conséquences et constituerait une régression.
Quant à l'allongement de la durée de cotisation qui permettrait de réduire sensiblement le besoin de financement du régime, il garantirait les retraites des fonctionnaires sans accroître la charge pour la collectivité. Il s'agirait là -et cet élément est essentiel- d'une approche qui préserverait le niveau de vie des actifs comme celui des retraités.
Elle pourrait être analysée comme un rapprochement entre les situations des agents de la fonction publique et des salariés du secteur privé. Mais il faut aussi savoir que la comparaison entre secteur public et secteur privé est beaucoup plus complexe que certains veulent le dire. Contrairement à ce qui se passe dans le secteur privé, les pensions des fonctionnaires ne sont calculées que sur une partie de leur rémunération. Les considérations d'équité ne doivent pas être à sens unique.
Il est donc nécessaire d'agir. Mais le Gouvernement n'entend pas imposer une solution. La concertation doit être la règle. Je souhaite donc qu'une négociation s'engage rapidement avec les organisations syndicales.
C'est pourquoi le Gouvernement propose aux fonctionnaires de conclure un pacte sur les retraites, un pacte fondé sur un principe d'équité et visant à garantir et à défendre leurs retraites.
Si nous nous engagions dans la voie d'un allongement de la durée de cotisation en la portant progressivement à quarante annuités, alors nous pourrions traiter simultanément d'autres questions qui sont importantes aussi pour les fonctionnaires.
- Il faudrait pouvoir tenir compte de la pénibilité de certaines fonctions. Nombre d'agents de la fonction publique font un métier particulièrement difficile : je pense par exemple au personnel soignant dans les hôpitaux.
- Il pourrait être envisagé de prendre en compte, selon des modalités à définir et en contrepartie de l'allongement de la durée de cotisation, une partie des primes des fonctionnaires dans le calcul des retraites.
- D'autres sujets pourraient également être ouverts, comme les conditions du passage progressif de l'activité à la retraite, ou encore la possibilité pour les fonctionnaires n'ayant pas une durée suffisante d'activité de " racheter " des annuités.
Voilà le pacte que nous proposons. Je le crois juste, équilibré et à même de garantir dans la durée les retraites des fonctionnaires.
Il n'emporte aucune remise en cause de ce qui fait la spécificité du régime de la fonction publique. Le principe du financement par le budget de l'Etat des retraites des fonctionnaires de l'Etat serait respecté et les caractéristiques statutaires des régimes préservées.
Il va dans le sens de la responsabilité. Si l'on ne s'engage pas dans la voie qui est proposée, le risque est grand qu'à terme s'impose inéluctablement une hausse très importante des cotisations, voire une baisse des pensions ou encore une remise en cause, par d'autres, des modes actuels de financement.
Il faut que la concertation s'engage entre le Gouvernement et les organisations syndicales représentatives des fonctionnaires. Elles connaissent la réalité de la situation.
Je pense qu'elles sauront faire avec nous les choix qui s'imposent et s'engager dans la négociation d'un tel pacte.
3. J'en viens aux assurés du régime général et des régimes dits " alignés ", c'est-à-dire ceux des commerçants et des artisans.
Ils ont dû consentir des efforts substantiels notamment au travers des mesures prises en 1993, ou encore des accords de 1996 sur les retraites complémentaires. Ces efforts se sont traduits par une diminution des taux de remplacement, notamment pour les retraites complémentaires.
Les nouvelles prévisions économiques, qui tiennent compte des perspectives de retour progressif au plein emploi, montrent que le régime général devrait rester équilibré jusqu'en 2010. Certes, le déficit à l'horizon 2020 devrait atteindre une centaine de milliards. Mais il doit être relativisé : il ne représente en effet que trois points et demi de cotisations.
Dans ces conditions, il ne paraît pas nécessaire d'envisager, pour les assurés du régime général, un allongement supplémentaire de la durée de cotisation. D'ailleurs, le passage à quarante annuités n'est pas encore achevé.
Notre priorité aujourd'hui, c'est le retour à l'emploi, notamment pour les personnes de plus de 50 ans. Il faut notamment mettre fin, dans les années qui viennent, à la situation qui a conduit de nombreux travailleurs à connaître une période de chômage et une cessation anticipée d'activité non souhaitée avant de prendre leur retraite. Plus d'emplois, c'est aussi la meilleure façon qui soit de consolider nos régimes de retraite.
A l'instar des autres régimes, des discussions devront avoir lieu au sein de la caisse nationale d'assurance vieillesse, pour assurer la consolidation du régime général à l'horizon 2020.
Des améliorations pourraient être envisagées, dès lors qu'elles ne dégradent pas la situation financière de ce régime. On pourrait ainsi permettre plus de souplesse dans le choix des salariés : en pénalisant moins ceux qui préfèrent partir à la retraite, ou sont contraints de le faire sans avoir suffisamment de trimestres pour obtenir une retraite à taux plein ; mais aussi en améliorant la situation de ceux qui partent à la retraite en ayant cotisé plus de 160 trimestres parce qu'ils sont entrés tôt dans la vie active.
Nous savons que, en raison des décisions prises auparavant, la question de la dégradation du taux de remplacement dans le secteur privé est posée. Les discussions pourraient porter sur un objectif d'amélioration de ce taux de remplacement dans le régime général.
Mais la diminution programmée du taux de remplacement trouve surtout sa source dans les régimes de retraite complémentaire. Ces régimes relèvent de l'entière liberté des partenaires sociaux. Il est donc souhaitable que, dans le cadre des discussions qui se sont engagées entre eux, cette question soit abordée.
2. Deuxième orientation : renforcer le fonds de réserve pour les retraites afin de faire face aux déséquilibres de la période 2020-2040.
En 1999, le Gouvernement a créé un fonds de réserve pour les retraites dans la loi de financement de la sécurité sociale. Le but de ce fonds est de constituer une importante réserve financière, dans laquelle il sera possible de puiser plus tard afin de mieux répartir dans le temps -" lisser ", disent les spécialistes- le surcroît de charge résultant du vieillissement démographique.
Je voudrais souligner le symbole que représente ce fonds de réserve : il témoigne de notre volonté d'affirmer et de garantir la solidarité entre les générations. Pour alimenter ce fonds, nous allons mobiliser l'ensemble des ressources que le maintien d'une situation démographique favorable jusqu'en 2006, d'une part, la croissance retrouvée et le retour progressif au plein emploi, d'autre part, vont permettre de dégager.
Constitué l'an dernier, le fonds de réserve atteindra déjà un peu plus de 20 milliards de francs à la fin 2000. Sur la base des sources de financement qui lui ont déjà été affectées par les lois de financement de la sécurité sociale 1999 et 2000, ce fonds montera progressivement en puissance.
- Les excédents cumulés de la caisse nationale d'assurance vieillesse, du fonds de solidarité vieillesse et de la contribution sociale de solidarité des sociétés devraient atteindre 500 milliards de francs en 2020 ;
- une part des prélèvements sociaux sur les revenus du capital est aujourd'hui affectée au fonds de réserve. Elle pourrait représenter 150 milliards en 2020 ;
- auxquels il faut ajouter 330 milliards d'intérêts et de revenus financiers produits par ces réserves ;
- il pourra enfin y avoir des recettes exceptionnelles. Ainsi, la réforme des Caisses d'épargne va permettre d'affecter 20 milliards au fonds de réserve.
Au total, le fonds de réserve devrait dépasser 1.000 milliards de francs à l'horizon 2020.
De nouvelles sources de financement peuvent bien sûr être envisagées. Des idées ont surgi à cet égard dans l'actualité. Le principe d'une alimentation du fonds de réserve par des ressources tirées de la gestion du patrimoine industriel et financier de l'Etat mérite d'être soigneusement étudié. Les actifs publics sont bien sûr le patrimoine de la Nation tout entière.
Toutefois, ce gouvernement a toujours privilégié une stratégie de développement industriel visant à renforcer les entreprises publiques dans la compétition mondiale. C'est d'ailleurs ce qui a permis à ce patrimoine d'acquérir une valeur importante. Il faut donc s'assurer que ces entreprises puissent continuer à bénéficier des capitaux nécessaires à leur développement.
C'est pourquoi nous devons concilier nos exigences de stratégie industrielle avec la possibilité de contribuer à long terme à la solution du problème des retraites. Dans cet esprit, et sans céder aux facilités -qui peuvent être illusoires- offertes par la spéculation, nous examinerons comment les produits et dividendes tirés de ce patrimoine peuvent être affectés dans le temps à un abondement du fonds de réserve au-delà des 1.000 milliards de francs d'ores et déjà prévus.
Ce fonds sera géré de façon transparente, concertée et responsable en fonction des engagements clairs et crédibles de réformes des régimes qui auront été pris et tenus. Les partenaires sociaux pourront être, en fonction de leurs voeux, associés à son fonctionnement.
3. Instaurer un Conseil d'orientation des retraites pour organiser dans la durée la concertation sur l'avenir des retraites.
Il nous faut être capables d'aborder collectivement le sujet des retraites de façon sereine. Pour ce faire, il manque dans notre pays un organisme qui, par ses compétences comme par son autorité, puisse dire régulièrement aux Français, et de façon incontestée, comment vont évoluer leurs retraites et quelles sont les perspectives crédibles des différents régimes, en fonction des données démographiques et des perspectives de croissance et d'emploi du moment.
C'est pourquoi nous avons décidé de créer un Conseil d'orientation des retraites constitué de représentants des partenaires sociaux, de parlementaires et de personnalités qualifiées.
Il aura pour tâche, en premier lieu, d'assurer le suivi des conséquences des évolutions économiques, sociales ou démographiques sur les régimes de retraite. Il établira régulièrement un bilan qu'il adressera au Gouvernement et au Parlement, et qui sera rendu public.
Il lui reviendra ensuite de veiller à l'équité et à la nécessaire solidarité entre les régimes.
Il devra proposer des mesures au Gouvernement si les réformes engagées ne lui semblaient pas à même d'assurer l'équilibre à terme des différents régimes, ou si les évolutions constatées devaient amener à des disparités entre les régimes susceptibles de menacer la cohésion du système de répartition. Il restera bien sûr de la responsabilité du Gouvernement de trancher et d'agir.
Il reviendra au Conseil de suivre les discussions qui seront menées dans chaque régime dans la voie de l'équilibre. Garant du maintien de la cohésion du système de retraite, il vérifiera que les efforts engagés par chacun des régimes sont répartis de façon équitable. A l'issue de ces négociations, il en établira un bilan.
Avec ces propositions, le Gouvernement veut, dans la concertation, garantir l'avenir des retraites des Français. Mais il souhaite également inscrire ces propositions dans une vision plus large -celle de la place des personnes âgées dans notre société. Il entend aussi approfondir la solidarité entre les générations et répondre aux grandes évolutions sociales et aux nouveaux problèmes humains qu'entraîne l'allongement de l'espérance de vie.
IV - NOUS VOULONS VALORISER LE ROLE SOCIAL DES PERSONNES AGEES, MAIS AUSSI LES SOUTENIR, AINSI QUE LEURS FAMILLES, LORSQU'ELLES SONT CONFRONTEES A LA DEPENDANCE.
Avec l'allongement de l'espérance de vie, ce sont des millions de personnes qui aujourd'hui s'engagent à 60 ans, actives et en bonne santé, dans une nouvelle période de leur vie. Mais c'est aussi parfois, pour une faible partie des personnes âgées heureusement, le risque d'une perte d'autonomie, qu'il nous faut savoir prendre en charge.
1. Nous devons mieux reconnaître et valoriser le rôle social des retraités.
A l'égard de la jeunesse, les personnes âgées exercent souvent une fonction de relais, d'écoute, de conseil et de médiation, qui prend plus d'importance encore avec les évolutions sociologiques que connaissent les familles : évolution du travail des femmes, familles recomposées, familles monoparentales...
Qu'il s'agisse d'accompagnement scolaire, de parrainage, de gardes d'enfants le week-end, d'aide aux personnes en difficulté ou de conciliation en matière judiciaire, les " seniors " jouent un rôle social précieux et tiennent, de façon plus générale, une place très importante dans la vie associative.
Le temps de la retraite est ainsi de plus en plus le temps de l'accomplissement personnel, et pour beaucoup l'occasion d'un engagement citoyen.
La participation des retraités à la vie sociale et économique -notamment dans une perspective de coopération et d'entraide- est de plus en plus importante. C'est une évolution essentielle et largement sous-estimée.
Elle va se poursuivre. Il y a aujourd'hui douze millions de personnes âgées de soixante ans et plus ; il y en aura 17 millions en 2020. En 2040, les quelque 21 millions de personnes de plus de 60 ans pourraient représenter le tiers de la population totale. Et ces personnes seront encore plus actives que les personnes âgées d'aujourd'hui. La question de leur place dans la société sera donc posée avec plus de force encore.
J'entends saisir le Conseil économique et social afin qu'il examine cette grande question de société et fasse des propositions au Gouvernement pour que notre pays sache mieux tirer profit de la richesse que constituent les retraités et mieux reconnaître leur rôle.
2. Nous allons vraiment traiter le problème de la dépendance.
Nous ne devons pas seulement aux personnes âgées des garanties quant à leur retraite. Nous leur devons également l'assurance d'un soutien de la collectivité dans les cas où elles perdent leur autonomie, et que leur revenu ou l'aide de leur famille ne suffit pas.
La dépendance des personnes âgées est devenue un enjeu majeur de solidarité. Ce sont environ 1.300.000 personnes âgées qui sont aujourd'hui, à des degrés divers, concernées par la dépendance. Ce nombre ne fera que croître dans les années à venir, même si l'on peut espérer beaucoup des progrès de la médecine.
Trouver un service de qualité, assumer le coût de la prise en charge sont autant de sources d'inquiétude pour les personnes dépendantes et pour leurs proches.
Cette question de la dépendance n'a pas encore reçu de réponse vraiment satisfaisante.
La prestation spécifique dépendance (PSD) instituée par le précédent gouvernement apparaît à l'expérience comme un échec.
Elle ne bénéficie qu'à une faible partie des personnes concernées, puisqu'elle n'est attribuée qu'à 120.000 d'entre elles. Elle est très souvent d'un montant insuffisant. Elle est enfin très inégalitaire, car sa mise en uvre par les conseils généraux est particulièrement disparate et son montant varie considérablement d'un département à l'autre pour des situations pourtant identiques.
Il nous faut engager une vaste réforme des modalités de prise en charge de la dépendance des personnes âgées. Cette réforme sera menée d'ici la fin de la législature.
La prestation spécifique dépendance sera radicalement transformée. Il nous faut sortir d'une logique d'assistance ou d'aide sociale. Nous allons ouvrir à l'ensemble des personnes âgées dépendantes un droit objectif à une prestation dont le montant sera fonction des revenus et du niveau de la dépendance de la personne.
Certes, une gestion de proximité doit être maintenue pour adapter l'aide aux besoins réels de la personne en fonction de ses conditions de vie. Mais il faut que l'égalité entre les personnes soit réelle, que les droits soient clairement établis et ne varient pas d'un point à l'autre du territoire, en fonction de la richesse ou de la générosité des départements.
Ce nouvel objectif exigera un effort financier important. L'Etat, au nom de la solidarité nationale, est prêt à en prendre sa part aux côtés des autres acteurs concernés que sont les départements et les caisses de sécurité sociale.
Un projet de loi sera préparé d'ici la fin de l'année par la ministre de l'Emploi et de la Solidarité, Mme Martine AUBRY. Le Gouvernement a confié à M. Jean-Pierre SUEUR une mission sur ce sujet dont les conclusions seront rendues prochainement. A partir de cette réflexion, nous engagerons les concertations nécessaires, notamment avec les départements. L'un des principaux objectifs de cette réforme sera de favoriser le maintien à domicile des personnes âgées dépendantes. C'est ce que celles-ci souhaitent avant tout. A cet effet, nous devrons également développer les services de soins infirmiers à domicile.
Pour les personnes qui sont accueillies dans des établissements, nous engagerons un plan de médicalisation sur cinq ans, afin que partout elles puissent recevoir les soins adaptés à leurs besoins. Je pense en particulier aux centaines de milliers de personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer.
Enfin, les personnes âgées dépendantes et leurs familles se heurtent souvent à la multiplicité des organismes compétents : les départements, les caisses de retraite, les associations d'aide à domicile... Nous voulons créer des lieux bien identifiés, où elles pourront connaître leurs droits et l'ensemble des possibilités de prise en charge. Des centres de liaison, d'information et de coordination vont être créés cette année à titre expérimental. Dans un horizon de cinq ans, un millier de ces centres devraient couvrir l'ensemble du territoire.
Apporter une réponse satisfaisante à la dépendance est donc une grande ambition.
Mesdames et Messieurs,
Les Français peuvent être rassurés sur l'avenir des retraites. Les retraites d'aujourd'hui sont garanties. La consolidation des retraites de demain est à notre portée. Les adaptations qui seront nécessaires seront discutées et négociées. C'est à cette discussion, à cette négociation, que le Gouvernement appelle l'ensemble des partenaires sociaux, avec résolution et confiance.
(source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 22 mars 2000)