Texte intégral
J.-P. Elkabbach-. Il n'y en a que pour vous, mais vous vous passeriez volontiers je suppose de ces dossiers empoisonnés. G. de Robien bonjour, merci d'être là.
- "Oui, bonjour J.-P. Elkabbach."
Ce soir à partir de 20 heures, première grève 2004 à la SNCF avec désordre, un trafic sans dessus dessous à cause de vous. Si vous maintenez votre projet de service minimum, même négocié, les syndicats sont prêts disent-ils à un conflit durable, élargi, majeur. Est-ce que vous renoncez au service minimum ?
- "Certainement pas, d'abord c'est une priorité présidentielle, deuxièmement, j'ai engagé largement le débat avec les organisations syndicales et de façon très positive. Troisièmement, on va commencer par la prévention des conflits, c'est-à-dire comment faire pour qu'à la SNCF il y ait moins de conflits, donc on va créer une alarme sociale dès le premier semestre..."
Cela commence mal.
- "Oui, elle n'est pas encore mise en place donc cela prouve bien..."
Mais s'il y a des grèves à répétition et aux pires moments...
- "Donc cela prouve bien, J.-P. Elkabbach, qu'il faut un système de prévention des conflits. Elle va être mise en place cette prévention des conflits au premier semestre 2004 et pendant ce temps-là, on va travailler à une exigence constitutionnelle : comment assurer le service public même en cas de grève et sans attaquer bien sûr le droit de grève qui est un droit constitutionnel. "
Donc vous y passez malgré tout.
- "Alors, pour le premier semestre c'est vraiment ma priorité des priorités, c'est ce problème social à résoudre : comment donner aux usagers toujours un certain niveau de service public, même quand il y a grève, sans attaquer le droit de grève et en même temps, comment faire en sorte qu'il y ait moins de préavis de grève déposés, mettre en place une alarme sociale."
D'autant plus que les usagers sont de plus en plus exigeants, ils ne se laisseront pas faire.
- "Les usagers sont usagers, ils paient un billet, ils paient une carte d'abonnement et ils sont contribuables. Et donc ce double statut fait qu'ils sortent beaucoup d'argent pour leur transport, ils ont le droit à un juste retour pour leur transport."
Vous avez entendu le délégué Force ouvrière, que vous connaissez qui dit, très poétiquement : vous donnez un grand coup de pied au cul du droit de grève.
- "Non, le droit de grève est un droit constitutionnel et vous pensez que le juge constitutionnel serait là pour nous dire : attention ce que vous faites est anticonstitutionnel. On est dans un pays de droit, on est dans un Etat de droit. Le droit constitutionnel sera respecté dans la mesure où le niveau de service public est équilibré par rapport à ce droit de grève, c'est toute la question qui est recherchée : comment équilibrer le droit de grève avec le service minimum."
Les syndicats disent défendre, l'emploi, les salaires. Est-ce que vous diriez, G. de Robien, qu'aujourd'hui la grève, demain ou l'année suivante, des emplois en moins ? Est-ce que c'est aussi automatique ?
- "C'est automatique !"
Ou c'est un slogan ?
- "On le voit en 2003, les grèves de juin ont coûté beaucoup d'argent à la SNCF, beaucoup d'argent, peut-être 300-350 millions d'euros et pour 2004, cela met la SNCF dans une situation très très difficile. Et donc la grève entraîne la perte d'emplois alors que les gains de compétitivité, alors que l'exploitation continue et performante de la SNCF crée des emplois."
Oui, vous êtes là, je veux dire, vous l'Etat pour combler les dettes.
- "Mais vous l'Etat, c'est nous l'Etat avant tout."
Mais à chaque fois vous les comblez, il n'y a pas de raison que cela s'arrête !
- "On ne comble pas les dettes, on met du capital dans la SNCF et dans RFF, pour que la SNCF et RFF s'équipent, achètent des locomotives, soient plus performantes et ces investissements-là, c'est presque la première chance, parce que c'est la première fois que l'Etat met autant d'argent pour récupérer du fret et rendre la SNCF compétitive. C'est à la fois la première chance parce que c'est la première fois qu'on en fait autant, mais c'est aussi peut-être la dernière chance, parce qu'on ne pourra pas faire ça tout le temps."
G. de Robien vous allez l'air déterminé, optimiste mais que tant de syndicalistes qui vous connaissent, qui ont, si je me souviens bien, voyagé avec vous à travers l'Europe pour voir l'évolution du statut vous soupçonnent de vouloir remettre en cause, même de manière sournoise le droit de grève, c'est peut-être troublant. Qu'est-ce que cela veut dire ? Est-ce que c'est la peur des réformes, est-ce que la peur du libéralisme du Gouvernement Raffarin, c'est-à-dire de votre gouvernement ?
- "Non, le gouvernement Raffarin n'est pas un gouvernement ultra libéral et moi je ne suis pas un ultra libéral. Je suis au contraire extrêmement attaché au dialogue social, je l'ai montré avec les syndicats, avec les organisations syndicales et je crois qu'il y a un vrai courant qui est passé entre nous - c'est-à-dire un courant de confiance : chacun accorde à l'autre la bonne foi et donc la pureté de ses intentions, mais il faut avancer sur le sujet."
Oui, mais il y a des grèves, vous vous entendez bien, il y a quand même des grèves, vous pensez que ce n'est pas forcément le début d'une série ?
- "Parce que cette grève - on va prendre l'exemple de cette grève de demain - cette grève de demain a été déclenchée avec un motif qui était : l'augmentation des salaires. La réunion avait lieu quelques jours après, c'était donc le 14 cette réunion, elle s'est très bien passée. Il y a eu des propositions de la direction pour des augmentations salariales qui ont même étonné les organisations syndicales. On pourrait même peut-être arriver pour la première fois depuis dix ans à un accord signé par les organisations syndicales. Y a-t-il encore motif à faire grève ?"
Mais il y a l'EDF, La Poste, l'hôpital, la SNCF, tous les services publics. Est-ce que vous craignez un mouvement social d'ampleur ?
- "Non, parce que je crois vraiment que les Français sont raisonnables, qu'ils soient à la SNCF, à La Poste, et puis à EDF ou à ADP, ils sont raisonnables, ils savent qu'on a besoin d'un service public de grande qualité. Il y a forcément des réformes à faire qui sont à leur avantage parce que c'est à l'avantage du service public et aussi des usagers. Seulement, évidemment, l'inquiétude elle est un peu nourrie par la peur du lendemain, comment cela va se passer. Je sais faire mon métier aujourd'hui, est-ce que demain je saurai encore le faire ? Cela change un petit peu les repères et dans ce cas-là il y a un peu d'inquiétude qui se traduit par des grèves."
J'ai dit qu'il y avait beaucoup de dossiers en main, ainsi le chalutier breton qui a coulé d'un coup a-t-il été victime d'une collision provoquée par un navire puissant, navigant à vive allure, naturellement le scandale est grand.
- "Très probablement, oui, parce les traces sont là sur la coque."
On va le retrouver ?
- "Il faut le retrouver, il n'y a pas le choix et on a quand même des moyens de contrôles dans les ports."
Exemple ?
- "Exemple on fait des contrôles dans tous les ports à hauteur de 25 à 30% des navires, dans tous les pays européens on va regarder tous les bateaux qui arrivent dans les ports et on va forcément, j'espère, très rapidement retrouver en tout cas des traces sur l'agresseur."
Même si c'est un navire étranger, vous demandez la solidarité de tous les ports ?
- "Absolument !"
Et la justice le sanctionnera si on le trouve, parce que c'est vrai que c'est un scandale et qu'on comprend la colère des marins et des pêcheurs et que cela va contre toutes les traditions d'honneur de la mer.
- "Il faut le trouver et le sanctionner gravement parce que ce qu'il a fait est évidemment inadmissible, il n'a pas pu ne pas s'en apercevoir, un choc pareil. Moi je comprends à la fois la colère et en même temps j'ai beaucoup de compassion pour ce milieu marin qui donne beaucoup, qui est très généreux et qui, là, est vraiment victime d'un voyou."
Les deux boîtes noires de l'avion de la catastrophe de Charm El-Cheikh ont été retrouvées, c'est un succès qu'il faut relever d'ailleurs. Elles vont bientôt livrer leurs secrets. Est-ce que l'Egypte nous dira, et la France aussi, toutes les vérités, G. de Robien ?
- "D'abord, merci France Télécom, merci aussi à la Comex, ils ont beaucoup participé à cette recherche. Et je voulais dire aussi qu'avec les Egyptiens, le Bureau d'enquête accident qui dépend de nos ministères a une parfaite entente et ils sont là-bas présents et le décryptage de ces boîtes se fera en commun."
On saura tout, même si la vérité est cruelle ?
- "Il faut savoir tout, si les boîtes parlent. Apparemment, les boîtes sont en bon état et on va savoir dans les jours qui viennent si elles sont décryptables."
Vous avez proposé de mettre en place d'ici à trois ans, un label sécurité, une lise blanche pour les meilleures compagnies, je suppose qu'il y aura une loi pour les avions galeux. Et demain, à Bruxelles, vous allez voir la commissaire Loyola de Palacio. Est-ce que cela veut dire que vous attendez que l'Europe mettra peut-être en place un label sécurité européen pour protéger les touristes qui voyagent et qui sont peut-être en train de courir des risques sans le savoir ?
- "Je le souhaite parce que c'est une demande forte et quand il y a des charters, les charters s'adressent à des compagnies aériennes. Moi je voudrais deux choses, d'abord que les clients sachent sur quelle compagnie ils vont voler et que ces compagnies aient un label particulier avec des contrôles supplémentaires. Et si c'est simplement la France qui le fait, cela aura une portée limitée, si par contre toute l'Europe accepte d'avoir ces contrôles supplémentaires et ce label, je pense qu'il y aura davantage de sécurité encore."
La tendance est oui au label européen comme ça ... ?
- "Oui, le porte-parole de la Commission a déjà laissé entendre que cette idée l'intéressait, j'en saurai plus demain avec cette rencontre avec la Commission européenne."
Un mot sur la sécurité routière, on va vite, est-ce que vous confirmez G. de Robien que 450 radars seront installés cette année ?
- "450 radars au moins. Parce que vous savez, c'est qu'il a des radars qui sont fixes et d'autres qui sont mobiles. L'année 2003, vu l'installation de 100 radars, 30 mobiles et 70 fixes et 450 supplémentaires en 2004."
On a vu : dans Paris, dans les grandes villes ? où ?
- "Dans les grandes villes, sur les grands axes là où c'est dangereux, là où il y a des axes " accidentogènes ". On va mettre des radars, vous savez on va aboutir à 1.000 radars en deux ans, ce n'est pas énorme. En Grande-Bretagne, je crois qu'il y en a 4.000. Mais en tout cas, le premier effet de ces radars, ce n'est pas de faire rentrer de l'argent, le premier effet c'est de faire ralentir. Et on voit que les radars font ralentir la vitesse moyenne des Français..."
Mais en même temps le radar qui coûte 80.000 euros, il est profitable, il rapporte.
- "Il est profitable et tout l'argent qui est rapporté par les radars va à la sécurité routière, c'est la loi qui oblige."
(Source : premier ministre, Service d'information du gouvernement, le 22 janvier 2004)