Texte intégral
QUESTION.- Les présidents des conseils régionaux annoncent une augmentation des impôts locaux de l'ordre de 30 %. Ils prétextent des coûts supplémentaires induits par l'Acte II de la décentralisation. Qu'en pensez-vous?
N. SARKOZY.- Cela montre que, lorsque la gauche appelle à réhabiliter l'impôt, il faut la prendre au premier degré. Il faut entendre " augmenter la dépense publique et l'impôt dans des proportions déraisonnables ". Les transferts de compétences prévus par la loi du 13 août 2004 - dont je note au passage que tous ne sont pas obligatoires et peuvent faire à ce titre l'objet d'expérimentations - ne constituent pas la vraie raison des hausses sidérantes que nous promettent les présidents socialistes. Premièrement, beaucoup de ces transferts ne produiront pas leur plein effet budgétaire avant deux, voire trois ans. Je pense notamment au transfert des personnels de l'Education nationale qu'on appelle les TOS. L'impact budgétaire de cette mesure, dont la montée en charge sera progressive, s'annonce d'autant moins immédiat que les exécutifs des régions de gauche refusent pour le moment d'envisager son application. Deuxièmement, la Constitution garantit désormais l'exacte compensation des transferts ou des extensions de compétences décidés par la loi.
Dans mes fonctions de ministre de l'Intérieur, j'ai tenu, avec Patrick Devedjian, à ce que ce principe figure dans notre loi fondamentale En vertu de ce principe, les compétences transférées ne signifieront pas simplement des charges nouvelles. Elles s'accompagneront, à due concurrence, des ressources correspondantes. Troisièmement, j'observe enfin que toutes les collectivités locales ne manifestent pas, fort heureusement, l'intention de se lancer dans une surenchère fiscale.
La vérité, c'est que la gauche doit maintenant solder les promesses inconsidérées faites lors de la campagne des élections régionales. Ce sont surtout ces promesses qui ont un coût. Fidèle à son habitude, la gauche refuse d'assumer les conséquences de sa préférence pour la dépense publique et pour l'impôt. Avec l'invention des frappes fiscales préventives et par procuration, je concède toutefois qu'elle innove un peu.
La vérité, c'est aussi que la gauche.est incapable de faire des choix et d'établir des priorités, donc de procéder aux économies et aux redéploiements qui s'imposent. La vérité, c'est enfin que la gauche instrumentalise la fiscalité à des fins de polémiques politiciennes, au risque de porter un mauvais coup à l'attractivité de notre territoire, au dynamisme de notre économie et au processus de création d'emplois. Je suis donc au regret de constater que le programme des socialistes n'a guère évolué.Il consiste toujours à redistribuer et à ponctionner les richesses avant même de les avoir créées. Il continue d'être inspiré par trois notions qui sont à l'opposé de ma conception de l'action publique: l'incohérence, l'inconséquence et l'irresponsabilité.
QUESTION.- Taxe professionnelle, foncier non bâti, le débat sur la réforme de la fiscalité locale semble lancé. Quels doivent être, selon vous, les axes d'une réforme?
N. SARKOZY.- Tout le monde ou presque s'accorde à dire que notre fiscalité locale n'est pas satisfaisante, qu'elle pénalise l'investissement et l'emploi, qu'elle est arbitraire et source d'inégalités difficilement justifiables entre les contribuables, ou encore qu'elle ne responsabilise pas suffisamment les collectivités bénéficiaires. Certains n'hésitent même plus à affirmer qu'elle est archaïque.
Je constate aussi que tout le monde s'accorde, dans le même temps, à reconnaître que sa réforme se heurte à de très grandes difficultés, voire serait impossible en raison de la myriade de transferts de charges d'un contribuable sur l'autre qu'elle suppose. Nous naviguons constamment entre deux écueils.
Ou bien l'on modifie ponctuellement et sans vision d'ensemble un paramètre de l'impôt, l'État, c'est-à-dire le contribuable national, étant alors mis à contribution pour compenser l'éventuel manque à gagner. Ou bien l'on reste interdit devant l'équation insoluble posée par des projets de réforme plus ambitieux, dont on exige que l'impact soit neutre en termes de transferts de charges. Si l'on veut sortir de ce dilemme épineux entre les ponctions au coup par coup sur le budget de l'État et le statu quo, je ne vois qu'une seule issue : l'étalement progressif des effets de la réforme dans le temps. Les acteurs économiques ont, de plus, besoin de visibilité et de stabilité. Dès lors, il me semble préférable de ne pas engager simultanément la réforme de plusieurs impôts locaux. Autrement, la responsabilisation des collectivités bénéficiaires me paraît être l'axe cardinal de toute réforme de la fiscalité locale. Cela suppose que le lien entre l'activité ou le bien taxé et le territoire d'implantation soit préservé. Cela exige que l'autonomie financière des collectivités ne soit pas remise en question par la réforme envisagée. En d'autres termes, non seulement la part des recettes fiscales dans leur budget doit être maintenue à un niveau significatif, mais encore les collectivités doivent disposer d'une capacité effective de variation des taux, le montant du produit perçu devant, quant à lui, être suffisamment sensible à ces variations.
QUESTION.- Dans votre livre La République, les Religions, l'Espérance, vous proposez de faire évoluer la loi de 1905 sur la séparation de l'Église et de l'État, afin d'aider à la construction d'édifices religieux et à la formation des ministres du culte. N'est-ce pas aller trop loin ?
N. SARKOZY.- À mes yeux, il ne doit pas y avoir de sujets tabous. Pourquoi s'interdire par principe de réfléchir sur certains sujets, à plus forte raison lorsqu'ils touchent à des aspects essentiels de notre vie ? Alors non, ce n'est pas aller trop loin que de réfléchir à la modernisation du cadre d'organisation de la laïcité et d'ouvrir un débat sur les rapports entre la sphère publique et les religions. Si vous avez lu mon livre, vous avez noté que je ne propose pas de bouleverser les grands équilibres de la loi de 1905.
Il n'y a dans mon propos aucune velléité de remise en cause du principe de la laïcité, qui est au coeur de notre pacte républicain et auquel je suis très attaché. Je suggère simplement de tenir compte de la réalité de 2005, qui n'est évidemment pas celle de 1905. À l'époque, il s'agissait pour l'État et pour un régime républicain encore fragile de s'affranchir de l'influence tutélaire de l'Église catholique. Par ailleurs, la loi de 1905 édicte, pour les religions qui étaient présentes à l'époque, des règles organisant l'intervention des collectivités publiques au profit du patrimoine voué au culte et à son entretien. Vous voyez bien là une source d'inégalité, car des religions aujourd'hui importantes en France étaient quasi inexistantes en 1905.
Aujourd'hui, il ne s'agit plus de promouvoir une laïcité de combat contre une religion dominante qui contesterait la légitimité de nos institutions. La loi de 1905 n'est pas une loi d'éradication des religions. Elle dit simplement que l'État n'en privilégie aucune. La question est, en 2005, de savoir si devant la loi les adeptes d'une religion sont égaux et par conséquent libres de la pratiquer. La laïcité moderne, telle que je la conçois, ce n'est pas la laïcité intransigeante ou condescendante.
C'est la laïcité équitable et apaisée, soucieuse de l'égale dignité des religions et respectueuse de leur contribution au lien social et à l'épanouissement des individus. Alors, il y a là un sujet de réflexion. De deux choses, l'une. Ou bien l'écriture actuelle de la loi de 1905 ne s'oppose pas à la traduction dans les faits de cette conception moderne de la laïcité, et il n'est pas nécessaire alors de la modifier. Ou bien elle y fait obstacle, et il n'est ni absurde, ni illégitime, ni sacrilège d'envisager d'apporter à la marge quelques compléments ou modifications. Que je sache, les multiples et fréquentes révisions de notre Constitution actuelle n'ont jamais été interprétées comme des atteintes à notre République.
À chaque fois, il s'est agi d'adapter le texte à la réalité qu'il est censé organiser. Il en est de même pour la loi de 1905. Pour rester vivants, les principes qu'elle édicte ne peuvent faire l'impasse sur la réalité et l'évolution de leur contexte d'application. Sinon, ce sont souvent les principes qu'on croyait défendre qui, au bout du compte, s'en trouvent fragilisés. J'invite ceux qui sont prompts à caricaturer des propositions que je n'ai pas faites, à y réfléchir quelques instants.
QUESTION.- En tant que ministre de l'Économie et des Finances, vous avez à plusieurs reprises dénoncé les déséquilibres budgétaires successifs. Que préconisez-vous ?
N. SARKOZY.- Cela fait plus de vingt ans qu'année après année nous accumulons les déficits. Dans le même temps, notre niveau d'endettement a été multiplié par trois. Le montant de la dette dépasse aujourd'hui les 1000 milliards d'euros. Le seul service des intérêts de la dette représente désormais à lui seul le deuxième budget de l'État, avec une dépense annuelle de l'ordre de 55 milliards d'euros. Songez que l'intégralité du produit de l'impôt sur le revenu suffit à peine à couvrir le montant cumulé des intérêts de la dette et du déficit de l'assurance maladie. Si vous ajoutez à ce tableau le poids anormalement élevé de la dépense publique et des prélèvements obligatoires, vous conviendrez avec moi que cette situation ne peut se prolonger indéfiniment. Peut- on accepter de continuer à sacrifier l'avenir au présent, en transférant sur nos enfants une charge financière insupportable? Ce n'est ni raisonnable ni responsable. Comme je m'y suis employé lors de mon passage à Bercy, priorité doit être accordée à la maîtrise des dépenses et à la réduction des déficits et de l'endettement. Cela implique de moderniser la gestion publique en substituant une logique de projets et d'objectifs à une logique des structures et des moyens. Cela suppose la diffusion d'une véritable culture des résultats et la pratique systématique de l'évaluation. La rénovation du cadre budgétaire engagée par la LOLF constitue de ce point de vue une avancée importante. Elle ne suffira cependant pas en tant que telle, si elle ne s'accompagne pas d'une réelle volonté politique et d'une authentique responsabilisation des gestionnaires. Plus profondément, nous n'y arriverons pas si nous échouons à mener à bien les réformes structurelles qui sont indispensables pour recouvrer des marges de manoeuvre. La baisse des prélèvements obligatoires est nécessaire. Encore faut-il la rendre possible en réduisant durablement la dépense publique. Je rappelle que l'État dépense chaque année 25 % de plus que les ressources dont il dispose. L'exercice qui consiste à réduire la dépense publique à structures constantes a atteint ses limites. Cela aggrave les dysfonctionnements sans dégager dans la durée suffisamment de moyens supplémentaires pour servir les budgets prioritaires tels que l'enseignement supérieur et la recherche. La situation dégradée de nos finances publiques s'explique aussi par un déficit chronique de croissance, d'activité et d'emplois. Depuis vingt ans, le rythme moyen de croissance de notre économie est inférieur d'un point aux performances enregistrées non seulement outre-Atlantique, mais aussi chez certains de nos partenaires européens.
Nous avons également un niveau de chômage plus élevé qu'ailleurs. Tout est lié. Si nous voulons améliorer de manière pérenne nos comptes publics, nous devons conduire une politique économique tout entière tournée vers l'objectif d'une croissance forte et du plein emploi. Là encore, cela implique des réformes de fond et la révision de logiques d'intervention qui n'ont pas fait la preuve de leur efficacité. Prenons l'exemple des politiques de l'emploi.
Les financements publics qui leur sont consacrés ont été multipliés par deux en un peu plus de dix ans. Notre droit du travail n'a, en outre, jamais été aussi protecteur. Pour autant, je n'ai pas noté que le nombre des chômeurs, des bénéficiaires du RMI, des délocalisations et des plans sociaux était, lui, en diminution. Là encore, il faut regarder les réalités en face et poser les problèmes sans a priori idéologiques. Sinon, comment voulez-vous apporter des réponses efficaces? La politique de l'emploi que j'appelle de mes voeux, ce n'est pas celle qui consiste à installer les chômeurs dans l'assistance et les allocataires du RMI dans l'exclusion. C'est celle qui se propose de les aider à retrouver une activité et un emploi aussi rapidement que possible. Pour y parvenir, je ne crois pas qu'on pourra longtemps encore faire l'économie d'une réflexion sur le fonctionnement du marché du travail et du service public de l'emploi. Je crois aussi qu'il faut poser la question de la pertinence d'un grand nombre de nos réglementations au regard de la création d'activités et d'emplois.
QUESTION.- Vous êtes farouchement opposé aux 35 heures. Les réformes récemment adoptées par le gouvernement en limitent certains effets. Faut-il cependant aller plus loin ?
N. SARKOZY.- Je suis opposé à cette idée fausse qu'en réduisant le travail on crée de l'emploi. Pour créer des emplois, il faut d'abord ne pas renoncer à créer de l'activité et des richesses.
Derrière la réforme des 35 heures, il y a en fait une démission devant l'avenir. Cette réforme est, en effet, fondée sur le postulat que, l'économie française ne pouvant plus créer suffisamment d'emplois et de richesses, il ne resterait plus qu'à partager la pénurie. Je dénonce ensuite le coût exorbitant des 35 heures pour les finances publiques. Plus de 10 milliards d'euros sont dépensés chaque année pour compenser les pertes de productivités induites et empêcher ceux qui veulent travailler plus de le faire. Cela défie tout bon sens. Et je ne parle même pas des conséquences en termes de creusement des inégalités entre salariés et de stagnation du pouvoir d'achat. C'est aussi un autre fait que les 35 heures, en tant que durée légale du travail, sont devenues un acquis social.
L'objectif n'est donc pas de remettre en cause cet acquis, mais de donner la possibilité à ceux qui le souhaitent de travailler plus pour gagner davantage. De ce point de vue, les assouplissements annoncés par le gouvernement vont dans le bon sens, celui du libre choix. Là réside une différence essentielle entre nous et la gauche. Nous voulons donner à chacun plus de choix dans sa vie quotidienne. La gauche propose l'inverse. À la diversité de nos modes de vie et de nos aspirations, elle répond par le nivellement et l'uniformisation.
QUESTION.- Vous approuvez le projet de Constitution européenne. Celui-ci sera soumis au référendum courant 2005. Quels sont les arguments qui plaident en faveur du oui ?
N. SARKOZY.- Le traité constitutionnel sur lequel les Français devront prochainement se prononcer est porteur d'avancées indiscutables. Il adapte le processus décisionnel, que l'arrivée des nouveaux États membres menaçait de paralysie. Rester sur les bases des traités de Nice et d'Amsterdam dans une Europe à 25 nous condamnerait à terme à l'impuissance. Il améliore très sensiblement la gouvernance de l'Union européenne, en ouvrant la possibilité de coopérations renforcées entre un nombre restreint de pays. En réorganisant dans un texte unique les dispositions des traités successifs, il renforce la lisibilité et la cohérence de l'acquis communautaire. Il proclame enfin un ensemble de valeurs et de droits fondamentaux, y compris dans le domaine économique et social, qui lie les États membres quant aux principes s'imposant à la définition des politiques nationales et européennes. Ces principes, la France les a toujours défendus. J'observe au passage que l'énoncé de ces principes et de ces valeurs communes reçoit l'approbation de la Confédération européenne des syndicats. Ce traité constitutionnel n'est pas plus libéral qu'il n'est socialiste. Il ne préempte pas la philosophie et le contenu des politiques qui seront ensuite mises en oeuvre. Demain comme hier, l'orientation de ces politiques dépendra avant tout du résultat des élections dans les différents États et au niveau du Parlement européen. Le traité améliore le cadre d'organisation des décisions au sein de l'Union européenne, en conciliant, de manière satisfaisante, la nécessité de prendre en compte l'impact des récents élargissements avec les exigences de l'approfondissement. Il capitalise, sans le figer, l'héritage considérable que nous ont légué les traités antérieurs.
Dans le même temps, il prépare l'avenir en jetant les bases d'une Europe plus intégrée et en renforçant sa capacité à peser sur les affaires du monde. Dans ces conditions, ceux qui prônent le non ne se prononcent pas simplement contre le projet de traité constitutionnel. Ils se prononcent, en fait, contre tous les traités antérieurs, et c'est toute l'histoire de la construction européenne depuis 1945 qu'ils rejettent. Ils récusent le passé sans nous ouvrir les portes de l'avenir. Ils nous proposent la crise et le saut dans l'inconnu. La politique du pire, le reniement de tout ce que la construction européenne nous a apporté en matière de paix, de stabilité et de prospérité, ce n'est pas une option responsable dans un monde de surcroît plus incertain et plus dangereux. Pour toutes ces raisons, je dis oui, sans réserve et sans hésitation, au traité constitutionnel.
QUESTION.- Vous semblez favorable à un partenariat privilégié entre l'Union européenne et la Turquie. Qu'est-ce qui vous fait pencher dans ce sens ?
N. SARKOZY.- Le souci de cohérence avec mes convictions sur la nature du projet européen. La construction européenne, ce n'est pas seulement un continent et une géographie. Pas plus que cela ne se réduit à la création d'une union douanière et monétaire. C'est un projet politique qui repose sur une communauté de valeurs, d'intérêts et de destin. La Turquie est un grand État, doublé d'une puissance régionale de premier plan, qui a partie liée avec l'Alliance atlantique. J'ai beaucoup de respect pour ses habitants, pour sa civilisation et pour son Histoire. Je salue les progrès très significatifs que la Turquie a accomplis sur la voie de la démocratie et du respect des droits de l'homme. Mais je ne crois pas pour autant qu'elle ait sa place dans le projet politique européen. Si l'on est partisan d'une Union européenne intégrée et puissante, il me paraît difficile d'être favorable à l'adhésion de la Turquie. Les États-Unis sont de ce point de vue tout à fait cohérents. Ils ont parfaitement compris que l'entrée de la Turquie dans l'Union affaiblirait le projet politique européen. Il nous encouragent donc dans cette voie. D'autant qu'ensuite on voit mal où s'arrêtera la dilution de la construction européenne. Si l'on dit oui à la Turquie, comment dire non ensuite à d'autres candidatures? La question posée par la Turquie est une question cruciale. Sans frontières fixes et stables, il ne peut y avoir de communauté politique durable. Et si l'on ne donne pas de frontières à l'Union européenne, c'en est fini de notre ambition de faire une Europe puissante, dont la voix porte et compte. Nous n'aurons plus qu'un grand marché. Voilà pourquoi je vois dans le partenariat privilégié une formule plus adaptée aux intérêts tant de l'Union européenne que de la Turquie elle-même.
QUESTION.- Président de l'UMP depuis le 28 novembre dernier, quels sont vos objectifs dans cette fonction?
N. SARKOZY.- L'UMP est une grande formation politique dont je suis fier d'être le président élu. C'est un mouvement de création relativement récente, où s'expriment différentes sensibilités. Loin d'être un handicap, cette diversité est à mes yeux un atout. Elle constitue la promesse de débats intenses et passionnants. Je veux, en effet, que l'UMP devienne ce lieu de débats où l'on discute des problèmes et des défis qui se posent à notre pays, où l'on essaie, sans dogme et sans tabou, de formuler des propositions innovantes et audacieuses.
L'UMP, c'est aussi une formation politique dont la première richesse réside dans ses élus et dans ses adhérents. Je veux, bien sûr, augmenter leur nombre - le doubler -, redonner à nos concitoyens le goût et l'envie de faire de la politique et de s'engager à nos côtés. Mais il ne suffit pas d'augmenter leur nombre. Je souhaite qu'ils soient mieux impliqués dans la vie du mouvement, que la parole leur soit plus fréquemment donnée et surtout que nous prenions le temps de l'écouter pour en tenir compte. Ce mouvement politique, je n'oublie pas que c'est d'abord le leur.
Je veux donc faire de l'UMP une formation ouverte au dialogue, aux nouvelles idées et aux nouveaux visages; en résumé, une formation politique moderne, démocratique, proche de ses élus, de ses militants et de ses sympathisants. C'est pourquoi, chaque mois, j'effectuerai un déplacement pour aller à leur rencontre sur le terrain et me familiariser avec la situation de leur région ou de leur département. Je crois, d'ailleurs, essentiel de mieux mobiliser le réseau des élus locaux et leur irremplaçable connaissance de la diversité de nos territoires.
(Source http://www.u-m-p.org, le 23 février 2005)
N. SARKOZY.- Cela montre que, lorsque la gauche appelle à réhabiliter l'impôt, il faut la prendre au premier degré. Il faut entendre " augmenter la dépense publique et l'impôt dans des proportions déraisonnables ". Les transferts de compétences prévus par la loi du 13 août 2004 - dont je note au passage que tous ne sont pas obligatoires et peuvent faire à ce titre l'objet d'expérimentations - ne constituent pas la vraie raison des hausses sidérantes que nous promettent les présidents socialistes. Premièrement, beaucoup de ces transferts ne produiront pas leur plein effet budgétaire avant deux, voire trois ans. Je pense notamment au transfert des personnels de l'Education nationale qu'on appelle les TOS. L'impact budgétaire de cette mesure, dont la montée en charge sera progressive, s'annonce d'autant moins immédiat que les exécutifs des régions de gauche refusent pour le moment d'envisager son application. Deuxièmement, la Constitution garantit désormais l'exacte compensation des transferts ou des extensions de compétences décidés par la loi.
Dans mes fonctions de ministre de l'Intérieur, j'ai tenu, avec Patrick Devedjian, à ce que ce principe figure dans notre loi fondamentale En vertu de ce principe, les compétences transférées ne signifieront pas simplement des charges nouvelles. Elles s'accompagneront, à due concurrence, des ressources correspondantes. Troisièmement, j'observe enfin que toutes les collectivités locales ne manifestent pas, fort heureusement, l'intention de se lancer dans une surenchère fiscale.
La vérité, c'est que la gauche doit maintenant solder les promesses inconsidérées faites lors de la campagne des élections régionales. Ce sont surtout ces promesses qui ont un coût. Fidèle à son habitude, la gauche refuse d'assumer les conséquences de sa préférence pour la dépense publique et pour l'impôt. Avec l'invention des frappes fiscales préventives et par procuration, je concède toutefois qu'elle innove un peu.
La vérité, c'est aussi que la gauche.est incapable de faire des choix et d'établir des priorités, donc de procéder aux économies et aux redéploiements qui s'imposent. La vérité, c'est enfin que la gauche instrumentalise la fiscalité à des fins de polémiques politiciennes, au risque de porter un mauvais coup à l'attractivité de notre territoire, au dynamisme de notre économie et au processus de création d'emplois. Je suis donc au regret de constater que le programme des socialistes n'a guère évolué.Il consiste toujours à redistribuer et à ponctionner les richesses avant même de les avoir créées. Il continue d'être inspiré par trois notions qui sont à l'opposé de ma conception de l'action publique: l'incohérence, l'inconséquence et l'irresponsabilité.
QUESTION.- Taxe professionnelle, foncier non bâti, le débat sur la réforme de la fiscalité locale semble lancé. Quels doivent être, selon vous, les axes d'une réforme?
N. SARKOZY.- Tout le monde ou presque s'accorde à dire que notre fiscalité locale n'est pas satisfaisante, qu'elle pénalise l'investissement et l'emploi, qu'elle est arbitraire et source d'inégalités difficilement justifiables entre les contribuables, ou encore qu'elle ne responsabilise pas suffisamment les collectivités bénéficiaires. Certains n'hésitent même plus à affirmer qu'elle est archaïque.
Je constate aussi que tout le monde s'accorde, dans le même temps, à reconnaître que sa réforme se heurte à de très grandes difficultés, voire serait impossible en raison de la myriade de transferts de charges d'un contribuable sur l'autre qu'elle suppose. Nous naviguons constamment entre deux écueils.
Ou bien l'on modifie ponctuellement et sans vision d'ensemble un paramètre de l'impôt, l'État, c'est-à-dire le contribuable national, étant alors mis à contribution pour compenser l'éventuel manque à gagner. Ou bien l'on reste interdit devant l'équation insoluble posée par des projets de réforme plus ambitieux, dont on exige que l'impact soit neutre en termes de transferts de charges. Si l'on veut sortir de ce dilemme épineux entre les ponctions au coup par coup sur le budget de l'État et le statu quo, je ne vois qu'une seule issue : l'étalement progressif des effets de la réforme dans le temps. Les acteurs économiques ont, de plus, besoin de visibilité et de stabilité. Dès lors, il me semble préférable de ne pas engager simultanément la réforme de plusieurs impôts locaux. Autrement, la responsabilisation des collectivités bénéficiaires me paraît être l'axe cardinal de toute réforme de la fiscalité locale. Cela suppose que le lien entre l'activité ou le bien taxé et le territoire d'implantation soit préservé. Cela exige que l'autonomie financière des collectivités ne soit pas remise en question par la réforme envisagée. En d'autres termes, non seulement la part des recettes fiscales dans leur budget doit être maintenue à un niveau significatif, mais encore les collectivités doivent disposer d'une capacité effective de variation des taux, le montant du produit perçu devant, quant à lui, être suffisamment sensible à ces variations.
QUESTION.- Dans votre livre La République, les Religions, l'Espérance, vous proposez de faire évoluer la loi de 1905 sur la séparation de l'Église et de l'État, afin d'aider à la construction d'édifices religieux et à la formation des ministres du culte. N'est-ce pas aller trop loin ?
N. SARKOZY.- À mes yeux, il ne doit pas y avoir de sujets tabous. Pourquoi s'interdire par principe de réfléchir sur certains sujets, à plus forte raison lorsqu'ils touchent à des aspects essentiels de notre vie ? Alors non, ce n'est pas aller trop loin que de réfléchir à la modernisation du cadre d'organisation de la laïcité et d'ouvrir un débat sur les rapports entre la sphère publique et les religions. Si vous avez lu mon livre, vous avez noté que je ne propose pas de bouleverser les grands équilibres de la loi de 1905.
Il n'y a dans mon propos aucune velléité de remise en cause du principe de la laïcité, qui est au coeur de notre pacte républicain et auquel je suis très attaché. Je suggère simplement de tenir compte de la réalité de 2005, qui n'est évidemment pas celle de 1905. À l'époque, il s'agissait pour l'État et pour un régime républicain encore fragile de s'affranchir de l'influence tutélaire de l'Église catholique. Par ailleurs, la loi de 1905 édicte, pour les religions qui étaient présentes à l'époque, des règles organisant l'intervention des collectivités publiques au profit du patrimoine voué au culte et à son entretien. Vous voyez bien là une source d'inégalité, car des religions aujourd'hui importantes en France étaient quasi inexistantes en 1905.
Aujourd'hui, il ne s'agit plus de promouvoir une laïcité de combat contre une religion dominante qui contesterait la légitimité de nos institutions. La loi de 1905 n'est pas une loi d'éradication des religions. Elle dit simplement que l'État n'en privilégie aucune. La question est, en 2005, de savoir si devant la loi les adeptes d'une religion sont égaux et par conséquent libres de la pratiquer. La laïcité moderne, telle que je la conçois, ce n'est pas la laïcité intransigeante ou condescendante.
C'est la laïcité équitable et apaisée, soucieuse de l'égale dignité des religions et respectueuse de leur contribution au lien social et à l'épanouissement des individus. Alors, il y a là un sujet de réflexion. De deux choses, l'une. Ou bien l'écriture actuelle de la loi de 1905 ne s'oppose pas à la traduction dans les faits de cette conception moderne de la laïcité, et il n'est pas nécessaire alors de la modifier. Ou bien elle y fait obstacle, et il n'est ni absurde, ni illégitime, ni sacrilège d'envisager d'apporter à la marge quelques compléments ou modifications. Que je sache, les multiples et fréquentes révisions de notre Constitution actuelle n'ont jamais été interprétées comme des atteintes à notre République.
À chaque fois, il s'est agi d'adapter le texte à la réalité qu'il est censé organiser. Il en est de même pour la loi de 1905. Pour rester vivants, les principes qu'elle édicte ne peuvent faire l'impasse sur la réalité et l'évolution de leur contexte d'application. Sinon, ce sont souvent les principes qu'on croyait défendre qui, au bout du compte, s'en trouvent fragilisés. J'invite ceux qui sont prompts à caricaturer des propositions que je n'ai pas faites, à y réfléchir quelques instants.
QUESTION.- En tant que ministre de l'Économie et des Finances, vous avez à plusieurs reprises dénoncé les déséquilibres budgétaires successifs. Que préconisez-vous ?
N. SARKOZY.- Cela fait plus de vingt ans qu'année après année nous accumulons les déficits. Dans le même temps, notre niveau d'endettement a été multiplié par trois. Le montant de la dette dépasse aujourd'hui les 1000 milliards d'euros. Le seul service des intérêts de la dette représente désormais à lui seul le deuxième budget de l'État, avec une dépense annuelle de l'ordre de 55 milliards d'euros. Songez que l'intégralité du produit de l'impôt sur le revenu suffit à peine à couvrir le montant cumulé des intérêts de la dette et du déficit de l'assurance maladie. Si vous ajoutez à ce tableau le poids anormalement élevé de la dépense publique et des prélèvements obligatoires, vous conviendrez avec moi que cette situation ne peut se prolonger indéfiniment. Peut- on accepter de continuer à sacrifier l'avenir au présent, en transférant sur nos enfants une charge financière insupportable? Ce n'est ni raisonnable ni responsable. Comme je m'y suis employé lors de mon passage à Bercy, priorité doit être accordée à la maîtrise des dépenses et à la réduction des déficits et de l'endettement. Cela implique de moderniser la gestion publique en substituant une logique de projets et d'objectifs à une logique des structures et des moyens. Cela suppose la diffusion d'une véritable culture des résultats et la pratique systématique de l'évaluation. La rénovation du cadre budgétaire engagée par la LOLF constitue de ce point de vue une avancée importante. Elle ne suffira cependant pas en tant que telle, si elle ne s'accompagne pas d'une réelle volonté politique et d'une authentique responsabilisation des gestionnaires. Plus profondément, nous n'y arriverons pas si nous échouons à mener à bien les réformes structurelles qui sont indispensables pour recouvrer des marges de manoeuvre. La baisse des prélèvements obligatoires est nécessaire. Encore faut-il la rendre possible en réduisant durablement la dépense publique. Je rappelle que l'État dépense chaque année 25 % de plus que les ressources dont il dispose. L'exercice qui consiste à réduire la dépense publique à structures constantes a atteint ses limites. Cela aggrave les dysfonctionnements sans dégager dans la durée suffisamment de moyens supplémentaires pour servir les budgets prioritaires tels que l'enseignement supérieur et la recherche. La situation dégradée de nos finances publiques s'explique aussi par un déficit chronique de croissance, d'activité et d'emplois. Depuis vingt ans, le rythme moyen de croissance de notre économie est inférieur d'un point aux performances enregistrées non seulement outre-Atlantique, mais aussi chez certains de nos partenaires européens.
Nous avons également un niveau de chômage plus élevé qu'ailleurs. Tout est lié. Si nous voulons améliorer de manière pérenne nos comptes publics, nous devons conduire une politique économique tout entière tournée vers l'objectif d'une croissance forte et du plein emploi. Là encore, cela implique des réformes de fond et la révision de logiques d'intervention qui n'ont pas fait la preuve de leur efficacité. Prenons l'exemple des politiques de l'emploi.
Les financements publics qui leur sont consacrés ont été multipliés par deux en un peu plus de dix ans. Notre droit du travail n'a, en outre, jamais été aussi protecteur. Pour autant, je n'ai pas noté que le nombre des chômeurs, des bénéficiaires du RMI, des délocalisations et des plans sociaux était, lui, en diminution. Là encore, il faut regarder les réalités en face et poser les problèmes sans a priori idéologiques. Sinon, comment voulez-vous apporter des réponses efficaces? La politique de l'emploi que j'appelle de mes voeux, ce n'est pas celle qui consiste à installer les chômeurs dans l'assistance et les allocataires du RMI dans l'exclusion. C'est celle qui se propose de les aider à retrouver une activité et un emploi aussi rapidement que possible. Pour y parvenir, je ne crois pas qu'on pourra longtemps encore faire l'économie d'une réflexion sur le fonctionnement du marché du travail et du service public de l'emploi. Je crois aussi qu'il faut poser la question de la pertinence d'un grand nombre de nos réglementations au regard de la création d'activités et d'emplois.
QUESTION.- Vous êtes farouchement opposé aux 35 heures. Les réformes récemment adoptées par le gouvernement en limitent certains effets. Faut-il cependant aller plus loin ?
N. SARKOZY.- Je suis opposé à cette idée fausse qu'en réduisant le travail on crée de l'emploi. Pour créer des emplois, il faut d'abord ne pas renoncer à créer de l'activité et des richesses.
Derrière la réforme des 35 heures, il y a en fait une démission devant l'avenir. Cette réforme est, en effet, fondée sur le postulat que, l'économie française ne pouvant plus créer suffisamment d'emplois et de richesses, il ne resterait plus qu'à partager la pénurie. Je dénonce ensuite le coût exorbitant des 35 heures pour les finances publiques. Plus de 10 milliards d'euros sont dépensés chaque année pour compenser les pertes de productivités induites et empêcher ceux qui veulent travailler plus de le faire. Cela défie tout bon sens. Et je ne parle même pas des conséquences en termes de creusement des inégalités entre salariés et de stagnation du pouvoir d'achat. C'est aussi un autre fait que les 35 heures, en tant que durée légale du travail, sont devenues un acquis social.
L'objectif n'est donc pas de remettre en cause cet acquis, mais de donner la possibilité à ceux qui le souhaitent de travailler plus pour gagner davantage. De ce point de vue, les assouplissements annoncés par le gouvernement vont dans le bon sens, celui du libre choix. Là réside une différence essentielle entre nous et la gauche. Nous voulons donner à chacun plus de choix dans sa vie quotidienne. La gauche propose l'inverse. À la diversité de nos modes de vie et de nos aspirations, elle répond par le nivellement et l'uniformisation.
QUESTION.- Vous approuvez le projet de Constitution européenne. Celui-ci sera soumis au référendum courant 2005. Quels sont les arguments qui plaident en faveur du oui ?
N. SARKOZY.- Le traité constitutionnel sur lequel les Français devront prochainement se prononcer est porteur d'avancées indiscutables. Il adapte le processus décisionnel, que l'arrivée des nouveaux États membres menaçait de paralysie. Rester sur les bases des traités de Nice et d'Amsterdam dans une Europe à 25 nous condamnerait à terme à l'impuissance. Il améliore très sensiblement la gouvernance de l'Union européenne, en ouvrant la possibilité de coopérations renforcées entre un nombre restreint de pays. En réorganisant dans un texte unique les dispositions des traités successifs, il renforce la lisibilité et la cohérence de l'acquis communautaire. Il proclame enfin un ensemble de valeurs et de droits fondamentaux, y compris dans le domaine économique et social, qui lie les États membres quant aux principes s'imposant à la définition des politiques nationales et européennes. Ces principes, la France les a toujours défendus. J'observe au passage que l'énoncé de ces principes et de ces valeurs communes reçoit l'approbation de la Confédération européenne des syndicats. Ce traité constitutionnel n'est pas plus libéral qu'il n'est socialiste. Il ne préempte pas la philosophie et le contenu des politiques qui seront ensuite mises en oeuvre. Demain comme hier, l'orientation de ces politiques dépendra avant tout du résultat des élections dans les différents États et au niveau du Parlement européen. Le traité améliore le cadre d'organisation des décisions au sein de l'Union européenne, en conciliant, de manière satisfaisante, la nécessité de prendre en compte l'impact des récents élargissements avec les exigences de l'approfondissement. Il capitalise, sans le figer, l'héritage considérable que nous ont légué les traités antérieurs.
Dans le même temps, il prépare l'avenir en jetant les bases d'une Europe plus intégrée et en renforçant sa capacité à peser sur les affaires du monde. Dans ces conditions, ceux qui prônent le non ne se prononcent pas simplement contre le projet de traité constitutionnel. Ils se prononcent, en fait, contre tous les traités antérieurs, et c'est toute l'histoire de la construction européenne depuis 1945 qu'ils rejettent. Ils récusent le passé sans nous ouvrir les portes de l'avenir. Ils nous proposent la crise et le saut dans l'inconnu. La politique du pire, le reniement de tout ce que la construction européenne nous a apporté en matière de paix, de stabilité et de prospérité, ce n'est pas une option responsable dans un monde de surcroît plus incertain et plus dangereux. Pour toutes ces raisons, je dis oui, sans réserve et sans hésitation, au traité constitutionnel.
QUESTION.- Vous semblez favorable à un partenariat privilégié entre l'Union européenne et la Turquie. Qu'est-ce qui vous fait pencher dans ce sens ?
N. SARKOZY.- Le souci de cohérence avec mes convictions sur la nature du projet européen. La construction européenne, ce n'est pas seulement un continent et une géographie. Pas plus que cela ne se réduit à la création d'une union douanière et monétaire. C'est un projet politique qui repose sur une communauté de valeurs, d'intérêts et de destin. La Turquie est un grand État, doublé d'une puissance régionale de premier plan, qui a partie liée avec l'Alliance atlantique. J'ai beaucoup de respect pour ses habitants, pour sa civilisation et pour son Histoire. Je salue les progrès très significatifs que la Turquie a accomplis sur la voie de la démocratie et du respect des droits de l'homme. Mais je ne crois pas pour autant qu'elle ait sa place dans le projet politique européen. Si l'on est partisan d'une Union européenne intégrée et puissante, il me paraît difficile d'être favorable à l'adhésion de la Turquie. Les États-Unis sont de ce point de vue tout à fait cohérents. Ils ont parfaitement compris que l'entrée de la Turquie dans l'Union affaiblirait le projet politique européen. Il nous encouragent donc dans cette voie. D'autant qu'ensuite on voit mal où s'arrêtera la dilution de la construction européenne. Si l'on dit oui à la Turquie, comment dire non ensuite à d'autres candidatures? La question posée par la Turquie est une question cruciale. Sans frontières fixes et stables, il ne peut y avoir de communauté politique durable. Et si l'on ne donne pas de frontières à l'Union européenne, c'en est fini de notre ambition de faire une Europe puissante, dont la voix porte et compte. Nous n'aurons plus qu'un grand marché. Voilà pourquoi je vois dans le partenariat privilégié une formule plus adaptée aux intérêts tant de l'Union européenne que de la Turquie elle-même.
QUESTION.- Président de l'UMP depuis le 28 novembre dernier, quels sont vos objectifs dans cette fonction?
N. SARKOZY.- L'UMP est une grande formation politique dont je suis fier d'être le président élu. C'est un mouvement de création relativement récente, où s'expriment différentes sensibilités. Loin d'être un handicap, cette diversité est à mes yeux un atout. Elle constitue la promesse de débats intenses et passionnants. Je veux, en effet, que l'UMP devienne ce lieu de débats où l'on discute des problèmes et des défis qui se posent à notre pays, où l'on essaie, sans dogme et sans tabou, de formuler des propositions innovantes et audacieuses.
L'UMP, c'est aussi une formation politique dont la première richesse réside dans ses élus et dans ses adhérents. Je veux, bien sûr, augmenter leur nombre - le doubler -, redonner à nos concitoyens le goût et l'envie de faire de la politique et de s'engager à nos côtés. Mais il ne suffit pas d'augmenter leur nombre. Je souhaite qu'ils soient mieux impliqués dans la vie du mouvement, que la parole leur soit plus fréquemment donnée et surtout que nous prenions le temps de l'écouter pour en tenir compte. Ce mouvement politique, je n'oublie pas que c'est d'abord le leur.
Je veux donc faire de l'UMP une formation ouverte au dialogue, aux nouvelles idées et aux nouveaux visages; en résumé, une formation politique moderne, démocratique, proche de ses élus, de ses militants et de ses sympathisants. C'est pourquoi, chaque mois, j'effectuerai un déplacement pour aller à leur rencontre sur le terrain et me familiariser avec la situation de leur région ou de leur département. Je crois, d'ailleurs, essentiel de mieux mobiliser le réseau des élus locaux et leur irremplaçable connaissance de la diversité de nos territoires.
(Source http://www.u-m-p.org, le 23 février 2005)