Déclaration de M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre, sur la mise en oeuvre d'une politique en faveur du développement des PME, à Paris le 30 juin 2004.

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Circonstance : Congrès "Planète PME" au palais des Congrès à Paris le 30 juin 2004

Texte intégral

Je suis très heureux de vous retrouver. Il y a beaucoup de présidents ici, alors je salue tous les présidents, et je salue l'ensemble des personnalités. Mais je salue aussi les ministres. Il y a un bon critère pour voir le degré d'activité de la CGPME, il y a eu des moments de faiblesse, mais là, sept ministres dans la journée, vous étiez quasiment le Gouvernement à vous tout seuls.
Je suis très heureux de voir que vous avez ainsi retrouvé toutes les forces de votre organisation, parce que votre organisation est très importante dans notre pacte économique. En effet, nous avons besoin des PME pour développer la France. Et c'est pour cela que je suis d'accord avec vous, monsieur le président. Développer les PME, c'est une cause d'intérêt national, et l'entrepreneur, dans la PME, est aussi porteur, d'une part de l'intérêt national. Nous avons aujourd'hui besoin de développer nos PME, de créer davantage d'entreprises, de développer celles qui existent, et d'agrandir la taille d'un certain nombre d'entreprises moyennes qu'il faut aussi renforcer, notamment à l'exportation.
Dans tous mes voyages, notamment au sein de l'Union européenne, je nous vois toujours en haut des hit-parade quand il s'agit des grands contrats, avec une dizaine d'entreprises. Dès qu'on voit les postes de commerce international dans des secteurs qui ne mobilisent pas nos grandes entreprises, évidemment les Allemands sont devant nous, mais aussi les Italiens et beaucoup d'autres qui font leur commerce international avec des PME.
Nous avons donc une exigence nationale qui est de développer le fait PME", c'est un sujet majeur, et je vais vous dire, de mon point de vue, comment nous devons nous y prendre.
D'abord, vous l'avez souligné, il a fallu travailler sur un certain nombre de réformes. Je sais bien que je reçois quelquefois des reproches quant à ces réformes ; mais si elles avaient été faites avant, je n'aurais pas eu à les faire. Et donc, il fallait les faire, je l'ai fais. Ce ne sont pas les agitations, ici ou là, qui peuvent entamer notre détermination, et notamment, quand il s'agit d'empêcher le débat parlementaire, lieu de notre démocratie, lieu où doivent se prendre les décisions. Il est hors de question pour nous, de renoncer aux réformes qui sont engagées. C'est pour cela que, pour ce qui concerne EDF, je suis très content du vote à l'Assemblée nationale. Nous irons très prochainement au Sénat, et c'est pour cela que j'ai demandé aux entreprises les sanctions pour les quelques individus qui se livrent à des actes illégaux et qui pénalisent ainsi, comme vous l'avez très bien dit, cher président Roubaud l'ensemble de l'énergie nationale !
Il a fallu d'abord s'occuper un peu de sécurité. Ce n'est pas notre sujet d'aujourd'hui, mais il a fallu quand même refonder pour la police, pour la justice et pour la défense des priorités importantes. Il a fallu aussi refonder le pacte social, car notre société était très fragilisée par un pacte social qui était dans l'impasse. Nous avions des retraites qui n'étaient pas financées, nous avions un système de santé qui ne conduisait qu'au déficit ; nous avions des prestations pour les personnes âgées qui, elles non plus, n'étaient pas financées et nous étions vis-à-vis des personnes handicapées dans une situation de grande fragilité. Il a fallu rebâtir, avec quatre réformes essentielles, un avenir à notre pacte social.
Nous l'avons fait pour des réformes qui sont des réformes de la durée. Les réformes que nous avons mises en place sont des réformes pour 20 ans. C'est vrai de la loi pour les retraites, des lois, qui je sais, demandent des efforts aux Français, à ceux qui vont travailler plus, mais des lois qui apportent aussi des droits nouveaux. Je pense aux toutes petites retraites qui vont gagner plus de 300 euros en plus par mois. Je pense aussi à ceux qui ont des droits nouveaux parce qu'ils ont commencé à travailler souvent dans des PME d'ailleurs, à 14, 15 ou 16 ans.
Le droit pour les retraites, mais aussi pour la Sécurité sociale : un avenir avec un dispositif de pilotage comme vous le souhaitiez où les partenaires peuvent être rassemblés, mais où les responsabilités sont assumées clairement et avec un système de véritable pilotage qui nous permet aujourd'hui de mener les moyens, de maîtriser les dépenses avec un système organisé, avec une offre de soins profondément modifiée, faisant appel à l'ensemble des professionnels et un financement partagé par l'ensemble des acteurs de notre société. Ces réformes-là sont en cours. Je suis optimiste pour achever l'essentiel de ce travail avant la fin de l'actuelle session parlementaire.
J'ajoute le plan de cohésion sociale parce que le mot de cohésion sociale veut dire beaucoup de choses dans le langage français. Pour moi, il veut dire chemin vers l'emploi, parcours vers l'emploi. Je ne veux pas de solutions parking comme on en a trop fait dans le passé. Je me souviens de ces logiques d'emploi jeunes où on envoyait des jeunes dans des situations sans avenir, sans qualification, cinq ans durant, avec de l'argent public, simplement pour attendre, simplement pour, ici, être stockés dans un espace sans destin.
Nous voulons opposer la logique des passerelles à la logique des parkings, des parcours vers l'emploi, des logiques d'accompagnement des demandeurs d'emploi parce que nous avons un énorme défi devant nous : ce sont des centaines de milliers d'offres d'emploi dans les années qui viennent qui ne seront pas satisfaites dans notre pays si nous ne sommes pas capables de préparer les Françaises et les Français à prendre ces emplois et à travailler ainsi pour eux-mêmes et pour la France. Il faut donc mobiliser le pays pour que nous puissions construire ces parcours vers l'emploi, ces parcours de formation, de qualification, ces parcours progressifs qui font passer d'une situation d'exclusion à une situation d'intégration. C'est pour cela que je trouve que le plan Borloo, le plan de cohésion sociale, vient à point pour nous, parce qu'il y a dans ce plan des aides. Mais face à ces aides, face à ces droits, il y a des devoirs. Ceux qui recevront des aides seront engagés par des devoirs : le devoir de suivre le parcours de qualification, de formation, de se préparer à l'emploi, de faire l'effort de l'intégration. Oui à l'aide, mais oui aussi à la responsabilité individuelle, pour que l'on puisse préparer notre pays à assumer des réponses positives. Car qu'est-ce qu'il peut y avoir de plus désespérant pour un pays que des offres d'emploi non satisfaites, alors que nous sommes à 9,8 % de chômeurs ?
C'est cela la grande ambition du plan, avec d'autres sujets importants comme le logement et l'intégration. Mais c'est ce parcours vers l'emploi qui va mobiliser toute notre énergie et notamment ce développement de l'emploi pour les jeunes et ce volet jeune est très important. 800 000 jeunes seront ainsi en contrat, notamment - je le dis devant C. Jacob, ministre des PME - 500 000 jeunes pour un contrat d'apprentissage, véritable contrat de travail qui débouche sur une véritable insertion professionnelle, à partir d'une formation reconnue qualifiante.
C'est un progrès formidable. 500 000 jeunes en apprentissage, 800 000 jeunes au total avec les contrats en entreprises sans charges, un dispositif pour permettre aux jeunes d'intégrer le monde du travail avec de vrais contrats, dans de vraies entreprises, pour construire un vrai avenir professionnel : c'est cela le pacte social ; c'est cela qui nous engage et c'est sur quoi nous avons voulu mettre l'accent pour redonner à notre pays les capacités de regarder son avenir pour ses grands systèmes sociaux hérités de la Libération, avec confiance. Ce qui n'était pas le cas quand vous étiez, par exemple, dans la situation de retraite avec une diminution du nombre de cotisants très rapides et une augmentation très rapide du nombre de retraités. Il ne suffit pas, là, d'avoir fait de bien grandes études pour comprendre qu'on est très vite dans l'impasse et qu'il fallait trouver les solutions nécessaires.
Après ce pacte social, ce qui est, en effet, essentiel, c'est le pacte économique, dont vous avez parlé M. Le Président. D'abord, je voudrais dire que tout le Gouvernement est mobilisé pour construire dans notre pays la croissance durable. Nous avons connu récemment une grave rupture de croissance. Cette rupture de croissance, d'ailleurs, a surpris tous les experts. Je me souviens de la campagne 2002, campagne présidentielle, où tous les candidats faisaient des projets sur des perspectives de croissance de 3 %. Et quand nous avons pris l'objectif de croissance, au cours de l'été 2002, pour le budget 2003 à 2,5 %, on avait déjà le sentiment d'être prudent et puis, au mois de novembre, les experts commençaient à dire 1,5 % et au total, au deuxième trimestre de 2003, on était à -0,4 %. C'est-à-dire des gens qualifiés qui annonçaient un taux de croissance au fond d'un rythme de 3 % au printemps 2002 pour constater au printemps 2003 que la croissance n'était pas de 3 % mais de -0,3 % au deuxième trimestre. C'est-à-dire une véritable rupture.
Vous voyez qu'un rythme de croissance d'un point, c'est 150 000 emplois. Vous voyez la destruction rapide que nous avons eu entre l'an 2000, 4 %, 2001, 2 %, 2002, 1 %, 2003, -0,4 % au cours du premier semestre. Heureusement, nous avons préparé les efforts des entreprises. L'ensemble de la mobilisation s'est faite et aujourd'hui, je parle avec confiance de la croissance. La consommation se tient bien ; nous avons de bons résultats de consommation. Nous avons de bons résultats, meilleurs que ceux qu'on attendait, d'investissement.
Vous parliez tout à l'heure, M. Le Président, d'effort fiscal. J'ai cru comprendre que le Gouvernement avait fait quelques efforts sur la taxe professionnelle, semble-t-il. Cela doit être de nature à participer à la dynamique des investissements. Il y a la consommation, il y a les investissements, il y a la mobilisation des uns et des autres, le taux de création d'entreprises, quand même. Nous sommes, maintenant, à des taux de création d'entreprises de plus de 200 000 entreprises par an, c'est-à-dire que nous avons là vraiment un signal fort, parce que l'on ne crée pas son entreprise si l'on n'a pas confiance dans l'avenir, si l'on n'a pas confiance dans l'action économique. Je crois que c'est un élément très important du développement de notre pacte économique.
C'est vrai que ce pacte économique, il faut le renforcer, vous l'avez dit par une autre vision du travail dans notre société. Je crois que c'est très important de bien mesurer que nous ne pourrons développer l'action sociale, le progrès social dans notre pays que si nous augmentons le total de nombre d'heures travaillées dans le pays. C'est l'augmentation du nombre total d'heures travaillées qui générera le progrès social. La France a un modèle social dont elle est fière. Pour le préserver, elle doit augmenter le nombre total d'heures travaillées. Cela veut dire deux choses. D'une part, plus de Français au travail, c'est-à-dire moins de chômeurs, une action contre le chômage ; d'où le plan de cohésion sociale. Cela veut dire aussi que nous puissions engager des discussions, notamment à partir du rapport de la mission parlementaire que présidait P. Ollier, que nous puissions engager des discussions avec l'ensemble des partenaires sociaux pour que le contrat puisse aujourd'hui permettre, en effet, de travailler plus quand on veut gagner plus. C'est une logique à laquelle nous sommes attachés.
Nous avons engagé un certain nombre d'initiatives, d'ores et déjà, pour assouplir les 35 heures. Les entreprises de moins de 20 le savent bien, elles, qui peuvent mesurer le coût exact des quatre heures entre 35 et 39. Le problème c'est que les entreprises qui sont en bonne situation n'en parlent pas toujours et on entend naturellement l'entreprise qui a 21 salariés, 22 salariés et qui ne comprend pas pourquoi le seuil est à 20 et pas à 50, voire à 100. Il y a un certain nombre de discussions sur ces sujets que nous aurons. Je crois qu'il est très important de considérer aujourd'hui, si l'on veut faire face au risque de délocalisation, si l'on veut assurer la place de l'économie européenne dans le monde, il faut une mobilisation européenne, c'est-à-dire une perspective globale d'augmentation du nombre d'heures travaillées en Europe. Les Allemands sont engagés sur ce sujet. Je serai demain avec le chancelier pour parler de stratégie industrielle. Il va de soi que nous devons avancer également dans cette direction.
Il y a eu un dialogue social, il y a des lois, il y a aussi aujourd'hui des possibilités qui ont été offertes, notamment par les négociations de branche, pour faire en sorte que nous puissions organiser mieux le travail dans les entreprises, suivant la nature des entreprises, suivant l'intérêt des salariés, suivant le carnet de commandes. Ce qu'il y a de plus aberrant dans cette disposition des 35 heures, c'est de vouloir traiter tout le monde de la même façon et tout le temps, là où on sent bien que l'idée de base n'était pas économique, car par définition, il faut pouvoir donner de la souplesse à cette approche, pour qu'on puisse tenir compte de l'originalité des entreprises, et notamment de la nature des perspectives économiques de la PME, puisqu'il s'agit aujourd'hui particulièrement des PME, et notamment des PME qui ont plus de 20 salariés, qui ne sont pas touchées par notre premier assouplissement.
Je voudrais, M. Le Président, répondre à votre interpellation quand vous dites : "contrat gagant-gagnant" et bien moi je vous propose et je vous dis, M. Roubaud : "chiche." Et comme j'avais fait un plan PME pour la France avec le président Rebuffel, je demande à C. Jacob, ci-devant, de bien vouloir construire avec vous un contrat PME pour la France, où nous mettons les engagements des PME, les engagements de l'Etat, nous mettons l'ensemble des dispositions sur lesquelles vous avez déjà travaillé au sein d'un certain nombre de groupes de travail pour pouvoir améliorer l'ensemble de la politique PME pour la France. C'est un point très important parce que si nous faisons un plan PME, c'est certes pour les PME, mais c'est parce que les PME sont nécessaires à l'économie de la France. Je souhaite qu'il y ait un contrat national entre les PME et notre Gouvernement, que C. Jacob puisse bâtir, avec l'ensemble des ministères concernés, ce dispositif.
Nous avons sur ces sujets, déjà avancé avec vous. Sur la transmission d'entreprise, il faut que dans ce contrat, des dispositions, dès l'automne, puissent être mises en place. Nous avons là une vraie détermination. Quand on voit la démographie des chefs d'entreprise, il est clair que le transmission d'entreprise est une priorité d'intérêt national. Il y a aussi des sujets qui ont été évoqués ; je pense à l'accès, naturellement au financement ; je pense à ce que nous sommes en train de faire avec la CGPME et l'ANVAR ; je pense au fonds de roulement ; je pense à un certain nombre de sujets sur le financement des entreprises qui sont très importants.
Je vous dis d'accord sur ce contrat de mission à l'export. Il s'agit d'un contrat export de type contrat bâtiment c'est quand même son intérêt pour une mission export particulièrement définie, et je compte sur F. Loos pour mettre au point ce dispositif et de l'intégrer à notre contrat PME pour la France.
Je crois qu'il y a un certain nombre de sujets politiques qu'il nous faut développer. Je pense notamment à toute l'action pour défendre notre politique commerciale. Alors je suis favorable, c'est clair, à la baisse des prix dans les grandes surfaces. Mais je ne suis pas favorable à ce que cela se fasse au détriment des petites et moyennes entreprises, du commerce de centre-ville. Je n'ai pas changé d'un iota depuis que vous m'avez connu ministre des PME. Sur ce sujet, je vais vous dire plusieurs choses.
D'abord, nous avons décidé que nous pourrons faire connaître ce que souhaite le Gouvernement, dans un programme national. On en avait parlé à l'époque, cher président, c'était dans la loi de 1996, mais cela n'a jamais été fait depuis, c'est que le Gouvernement s'exprime sur ce qu'il souhaite comme nature de commerce et notamment comment il veut défendre le commerce de centre-ville, le commerce de proximité et comment on veut travailler, notamment. Je crois qu'il y a beaucoup de choses à faire sur l'amélioration de nos entrées de ville, parce que c'est un peu désespérant de rentrer dans des aussi belles villes que Carcassonne ou La Rochelle et quand vous êtes à 10 km de chacune de ces villes, qui pourtant ne se ressemblent pas, vous avez l'impression d'être dans la même ville : les mêmes enseignes à droite, les mêmes enseignes à gauche et tout ceci souvent assez déshumanisé, ce qui n'est pas le rôle de la ville française, qui doit jouer un rôle de lien social.
Je souhaite que nous ayons un programme national de politique commerciale, souhaité par le Gouvernement. Je l'ai demandé à N. Sarkozy, et il fera partie publiquement de nos échanges, de manière à ce qu'il soit clair que le Gouvernement affiche ses priorités et notamment à la commission nationale de l'équipement - je pense aux magistrats qui en sont membres, qui est une référence de ce que les pouvoirs publics souhaitent comme politique commerciale. C'est un point de référence, et c'est pour cela que ce programme sera élaboré et ainsi rendu public, de manière à ce que chacun puisse connaître la politique souhaitée par les pouvoir publics.
Je souhaite que nous intégrions dans cette réflexion des mesures de maîtrise de développement des magasins d'usines, et surtout de maîtrise de développement. Et quand je dis "maîtrise", c'est-à-dire, en fait, de limitation, et quand je dis "limitation", c'est limitation à l'extrême des faux magasins d'usine ; c'est-à-dire tous ceux qui veulent complètement court-circuiter les intermédiaires, directement du producteur aux consommateurs, sans intermédiaire. La société française a besoin des intermédiaires. La société française ne peut pas croire qu'elle progressera simplement en essayant de gagner la marge sur les intermédiaires. Car au fond, ce sont les intermédiaires qui créent le lien social, qui crée le lien économique, qui animent nos territoires, qui organisent des filières économiques.
Tout notre problème est de faire en sorte que la marge soit bien répartie sur l'ensemble de la filière, et donc, qu'elle ne soit pas simplement concentrée en aval, mais qu'elle puisse être répartie en amont, et que, à force d'écraser les petits, on n'écrase pas le travail. Ecraser les petits en aval ne veut pas dire écraser le travail en amont, et donc, il y a là une logique très importante et je voudrais que l'on puisse réglementer ce sujet. Je ne suis pas du tout hostile à ce qui se passe dans une ville comme Troyes, où il y a là un programme aménagé, où il y a un engagement d'aménagement du territoire. C'est un pôle, mais je suis complètement défavorable à ce que se développent partout dans le pays, de manière désorganisée, des structures qui peuvent détruire des espaces économiques et commerciaux qui sont déjà installés et qui sont souvent fragiles.
Enfin, je voudrais que nous puissions travailler beaucoup sur notre coopération européenne. Je pense qu'il nous faut donner une dimension européenne. Vous êtes déjà engagés dans une organisation européenne. Je pense que nous devons avoir une approche importante du phénomène PME sur l'ensemble de l'UE. C'est un point, là aussi, essentiel d'une vraie stratégie aujourd'hui. Ces dix pays nouveaux qui sont là, et qui sont maintenant avec nous, il faut parler avec eux, il faut les accueillir ! Il ne faut pas avoir peur qu'ils nous prennent le travail. On voit bien que les ouvriers de ces pays aspirent à un développement de leur salaire, de leur niveau de vie, à un développement de leur économie. Donc, nous devons considérer que cet espace économique est le nôtre et nous devons avoir une stratégie d'alliance, une stratégie de développement pour rayonner sur l'ensemble de l'espace, qui est notre espace économique. La zone euro d'abord, l'espace européen ensuite, c'est notre espace naturel de développement. Tout l'espace d'une PME aujourd'hui, c'est l'espace naturel de l'UE. L'UE va prendre une importance considérable ; elle a trouvé son projet politique. Elle a longtemps hésité entre la version anglaise d'une zone de libre-échange sans règle, et puis, une vision plus allemande, plus fédéraliste, plus intégrale, avec une zone très organisée, très centralisée, avec un dispositif qui serait un dispositif fédéraliste. Entre la vision fédéraliste et la vision du libre-échange, c'est la vision de l'Union des Etats nations qui a été construite, notamment, avec le projet constitutionnel qui fait qu'une décision ne sera prise que quand 55 % des Etats seront d'accord et 65 % des peuples, chaque Etat comptant pour un, grand ou petit. Les Etats sont respectés en tant que tel, ils sont respectés avec leur culture, leur langue, avec leurs diversités. Mais pour que la décision soit valable, elle doit aussi rassembler 65 % des peuples, c'est-à-dire la double légitimité : celle des Etats, celle des peuples.
Nous entrons dans une étape nouvelle de la construction européenne. Nous allons avoir une présidence stabilisée, une organisation qui va être très importante, pour laquelle nous ne pouvons pas laisser l'ensemble de l'UE se bâtir sans que la France participe à tous les niveaux : au niveau politique bien sûr ; je souhaite que nos députés européens soient très présents, inspirent l'UE de nos idées, de nos valeurs. Mais je souhaite aussi que le monde économique français, notamment les PME, s'engage dans cette construction européenne, car nous en avons tous besoin. C'est une stratégie essentielle pour notre pays.
Enfin, je termine pour vous dire que dans ce contrat PME pour la France, il nous faut laisser une place très importante à tout ce qui concerne les technologies de l'information, les nouvelles technologies, l'ensemble de ce qui est aujourd'hui la nouvelle économie ou en tout cas, la société de l'information. La France a souvent donné le sentiment d'être en retard sur ces sujets. Nous sommes en train de rattraper rapidement nos retards. En deux ans, nous sommes redevenus, dans le taux de croissance, le plus élevé de l'UE en ce qui concerne les nouvelles technologies et l'équipement en informatique de nos foyers. Nous sommes 24 millions d'internautes aujourd'hui. La croissance est très rapide ; c'est une des croissances les plus rapides d'Europe. En France, c'est souvent le cas : on tourne longtemps autour d'un sujet, on parle du sujet pendant très longtemps, et d'un seul coup, on se lance dans le sujet. C'est ce qui s'est passé avec l'informatique. Quand j'étais étudiant, je lisais les livres de monsieur Servan-Schreiber, qui nous décrivait pour demain le téléphone dans lequel on pourrait avoir la télévision, avec lequel on pourrait envoyer des textos ou des messages, tout ça... On se demandait bien de quoi il s'agissait. Aujourd'hui, tout cela va à une vitesse extraordinairement rapide. On en a parlé pendant trente ans et on est en train de la réaliser en deux ans. Ce sont des mutations très rapides. Il faut prévoir tout le développement de ces instruments, et de faire en sorte que nous puissions participer à cette dynamique-là et que les PME soient prêtes à cette dynamique.
Evidemment, cela nous impose un contrat pour les PME, et avec la France, cela impose que le Gouvernement prenne un certain nombre d'engagements également. Vous avez parlé de "la réforme de l'Etat", je voudrais vous dire que nous sommes mobilisés sur la réforme de l'Etat.
Il y a des petites choses... Il y avait M. Tardieu, en 1934, qui disait : "La réforme de l'Etat, c'est urgent." Cela reste toujours urgent. On avance. On avance quelquefois par des choses assez spectaculaires. Aujourd'hui, au Conseil des ministres, on a supprimé 300 commissions ! Il y a un certain nombre de gens qui vont se demander ce qu'ils vont devenir ? Qu'ils soient rassurés : ces commissions n'avaient au fond une grande utilité. 300 commissions ! Il y a des choses qui sont spectaculaires, il y a des choses qui le sont moins. Je me demande si, dans mon action, depuis 25 mois de Premier ministre, si une petite décision n'apparaîtra pas comme une grande réforme, la toute petite décision qui consiste à dire : on ne paye pas les jours de grève, on respecte la grève, on respecte le gréviste, on respecte l'honneur du gréviste, qu'il se mette en grève sans être payé. C'est cela le dialogue social. Vous avez, ce sont des décisions qui sont très importantes.
Quand nous engageons des réformes de cette nature, nous avons vraiment modifié un certain nombre de choses très importantes. Et quand nous avons engagé, notamment au niveau de la déconcentration de l'Etat... Avant, le préfet avait 24 directeurs autour de lui, et maintenant il y a huit pôles qui sont rassemblés autour du préfet, pour rassembler l'action de l'Etat, et faire en sorte qu'au niveau du territoire, l'action de l'Etat soit concentrée et moins dispersée. Nous avons également engagé des réformes à l'intérieur de chaque ministère, avec une action sur les Finances publiques, qui est une action difficile mais qui est une action, je vous le dis, à laquelle je suis très attaché. Il y a assez longtemps, que vous trouverez un gouvernement qui a dépensé au cours de l'année 2003, l'année dernière, exactement, à l'euro près, ce que le Parlement l'avait autorisé à dépenser. C'est-à-dire, que nous sommes dans la logique de la croissance zéro de nos dépenses, c'est-à-dire, que nous maîtrisons exactement aujourd'hui nos dépenses. Et ce n'est pas facile aujourd'hui, de gérer un budget national avec toute les aspirations, quelquefois naturellement il y a des aspirations des ministres - ceux qui sont là savent qu'ils doivent modérer les leurs, par définition. Mais globalement, il faut maîtriser nos finances publiques. Nous sommes engagés avec détermination dans cette orientation.
Avec la maîtrise complète de nos dépenses, avec le retour de la croissance, nous allons pouvoir déduire nos déficits, parce que nous avons depuis 2002 veillé à ce qu'il n'y ait pas d'augmentation de nos dépenses. Et c'est comme cela que nous allons rétablir progressivement les finances publiques de la France, avec cette politique honorable qui fait que nous serons respectés par nos partenaires.
Avec le ministre d'Etat, ministre de l'Economie, nous sommes très vigilants sur ces sujets, de manière à crédibiliser l'ensemble de notre action économique. Et sans doute que, dans la réforme de l'Etat, un des points majeurs est de bien regarder naturellement la gestion de nos déficits, pour pouvoir régulièrement les baisser et pour pouvoir rejoindre, comme nous nous y sommes engagés, les ratios qui sont ceux, non seulement de Maastricht, puisqu'ils sont surtout ceux d'une bonne gestion, c'est-à-dire, d'un déficit maîtrisé.
Voilà pourquoi dans ce contrat "PME pour la France", il y aura des propositions pour les PME, il y aura aussi des engagements de l'Etat. Et je souhaite qu'ainsi nous puissions affirmer véritablement la confiance que nous pouvons avoir dans "le fait PME."
Ce que je vous demande, avec insistance, parce que je sais que c'est votre nature, que c'est la nature des gens qui sont toujours en première ligne de la bataille pour l'emploi, en première ligne de la bataille pour le bon de commande, en première ligne de la bataille pour construire et investir. Ce que je vous demande, c'est, au fond, cet optimisme que vous avez au fond du coeur. Parce que pour faire le métier que vous avez, il faut être optimiste. Il faut m'aider à faire partager notre optimisme aux Français. La France, a des talents, les entreprises de France ont des talents. Il faut en rendre conscients et convaincus l'ensemble des Françaises et des Français pour que nous redonnions à notre pays la confiance en l'avenir, la confiance en ses entreprises. C'est aujourd'hui possible.
Je compte sur vous, et je vous remercie !"
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 6 juillet 2004)