Texte intégral
MICHEL GROSSIORD - Bonsoir, un Face à la Presse, en prise directe avec l'actualité sociale, le ministre de la Fonction publique est avec nous pour répondre aux fonctionnaires qui ont donc manifesté en masse ce jeudi pour protester contre les suppressions d'emplois, pour réclamer des hausses de salaires. Monsieur DUTREIL bonsoir.
RENAUD DUTREIL - Bonsoir.
MICHEL GROSSIORD - Merci d'être avec nous. Vous avez été le rédacteur en chef des émissions de Public Sénat tout au long de la journée, mais là vous répondez dans vos fonctions de ministre, au cur de l'actualité, petite question d'abord avant de répondre aux questions de mes confrères, comment est-ce que vous avez vécu cette journée, plutôt inquiet, ou zen car c'était une journée test pour le gouvernement ?
RENAUD DUTREIL - Eh bien je n'ai pas eu le temps d'être inquiet parce que j'ai été le rédacteur en chef de cette journée ici à Public Sénat et ça m'a pris beaucoup de temps et beaucoup d'attentions. Mais j'ai suivi évidemment très attentivement ce qui s'est passé, je crois qu'on ne peut pas être insensible à cette forme d'expression qu'est la grève même si moi je préfère le dialogue social et la négociation à cette culture un peu conflictuelle qui est assez française, qui n'existe pas partout et qui d'ailleurs n'aboutie pas nécessairement aux résultats escomptés par ceux inspirent ce type de mouvement. Je suis moi plutôt partisan de la négociation, c'est-à-dire du donnant donnant où chacun fait un pas vers l'autre et construit une solution d'intérêt général si possible.
MICHEL GROSSIORD - Alors on verra donc dans un instant ce que vous répondez concrètement aux revendications formulées dans la rue de nombreuses villes de France ce jeudi. Dans un instant donc, Bruno JEUDY, du PARISIEN, Patrick APEL-MULLER de L'HUMANITE et Jean-Louis GOMBEAUD de Public Sénat, vous interrogeront, mais d'abord on écoute votre portrait brossé à partir de l'analyse scientifique de vos discours par Nathalie BRION.
NATHALIE BRION, INSTITUT TENDANCES - Alors chez vous c'est le pragmatisme qui domine et à tel point qu'on dirait parfois que vous avez laissé les grandes idéologies sur les bancs de Normale Sup. Dan votre discours l'éthique et la morale cèdent le pas au pratique, au concret, à l'utile, à l'efficace, ce sont ces mots qui ponctuent vos propos. Et pourtant il y a un idéal très fort chez vous, cet idéal c'est la liberté. Quand on vous écoute, c'est ce mot là, cette tonalité là qui vous donne de l'enthousiasme et de l'optimisme. Votre discours se conjugue avant tout au futur et c'est un futur dans lequel le doute n'existe pas, on se demande parfois si le mot " peut-être " fait partie de votre vocabulaire. La volonté est centrale, vous n'utilisez que des verbes d'action, vous dites, " je veux, je peux ", beaucoup plus rarement " je dois " et surtout vous n'aimez pas du tout le conditionnel. Chez vous la décision prime et elle est la marque de la liberté, c'est à chacun de prendre en main sa vie et sa destiné. Et c'est comme ça que vous cherchez à convaincre les syndicats, vous les poussez à s'affranchir des pesanteurs, mais pour les convaincre ou pour imposer votre décision, vous utilisez, ou vous vous adossez à l'urgence. L'omniprésence d'adverbe comme rapidement ou immédiatement donne l'impression qu'un danger guette et qu'à cause de lui, il faut changer et vite. Vous vous faites le chantre de la rupture. Les mots nouveauté, création, sont répétés à l'envie et conjugués au futur, ils disent bien ce qu'ils veulent dire, il y a eu un passé et maintenant il faut avant tout qu'il y ait un futur. Du coup l'urgence et la nécessité s'imposent comme un dictat et portent un coup fatal, ou en tout cas nuisent largement à la capacité de manuvre de vos interlocuteurs. Monsieur le Ministre, vous parlez de liberté, mais quelle liberté, celle que vous reconnaissez à autrui, celle de vous suivre ou et à peut-être un peu moins celle de vous résister ?
RENAUD DUTREIL - Vous savez que moi je suis du pays de Jean de la FONTAINE, et j'ai médité " le lièvre et la tortue " donc je sais que parfois il faut avancer à pas comptés pour atteindre le but. Mais en même temps j'ai le sentiment d'urgence. Pourquoi ? Parce que nous ne sommes plus dans un pays refermé sur lui-même, nous ne sommes plus dans la France d'avant les années 60, une France qui était protégée, abritée, qui avait son rythme, son heure et qui aujourd'hui est exposée à une mondialisation, une compétition mondiale dans laquelle on n'a plus tellement le choix. Ce choix, il nous est souvent imposé de l'extérieur et on peut porter un jugement sur ce monde qui nous impose aujourd'hui de tels choix. Moi, je soutiens le président de la République lorsqu'il essaie de construire une démocratie globale, c'est-à-dire on a construit la démocratie à l'échelon local, régional, national, européen, mais il reste cette jungle qui est celle du monde d'aujourd'hui. Et CHIRAC, ça c'est un de ses atouts maîtres aujourd'hui, il essaie de poser les jalons d'un monde plus juste, mieux organisé, avec davantage de démocratie. Alors on ne l'a pas construite encore cette démocratie globale et donc on est obligé de tenir compte de la concurrence. Vous avez vu comment on a réagit en France quand on a appris qu'un Chinois qui était inconnu complètement en France a repris le premier réseau de distributeurs de parfums MARIONNAUD dans notre pays, on voit bien que l'économie est ouverte, moi j'ai vraiment confiance dans les talents français et je considère qu'il y a deux France toute aussi performante et utile l'une que l'autre. La France du public, la France du privé, et je veux réconcilier ces deux France et pas les opposer l'une à l'autre et ça c'est vraiment important.
MICHEL GROSSIORD - Question de Patrick APPEL-MULLER de L'HUMANITE, qui réagit là je crois à votre opposition public/privé.
PATRICK APEL-MULLER - Tout à fait, vous avez décrit d'ailleurs le mouvement actuel comme un nouvel épisode d'une guerre entre le public et le privé. Or LE PARISIEN notre confrère publie un sondage récemment qui montre que 65 % des Français soutiennent les revendications des fonctionnaires, soutiennent le mouvement en cours et donc il n'y a aucune opposition entre les salariés du privé et les salariés du public.
RENAUD DUTREIL - Je crois qu'il faut trouver un bon équilibre, on a besoin de service public, c'est indéniable et les fonctionnaires sont la richesse du service public, on en a besoin. Et on a aussi besoin d'entreprises performantes. Quel est le point où il peut y avoir confrontation ? C'est le problème des prélèvements obligatoires, c'est-à-dire le problème de l'impôt, or nous voyons bien qu'en France nous avons un niveau de prélèvement obligatoire qui est supérieur et de loin à l'ensemble de nos partenaires européens, et nous avons le sentiment, on peut discuter de ça, qu'il faut pour être compétitif, donc pour protéger l'emploi français, la croissance française, la richesse française, il faut faire attention à ne pas augmenter les impôts. Et on a fait faire un sondage, parce que les sondages vous savez, ils disent tout et son contraire, où on demandait aux gens, est-ce que vous comprenez le gouvernement quand il dit oui il faut plus de pouvoir d'achat pour les fonctionnaires, mais non, pas au prix d'une augmentation des impôts. Et là on a eu 40 % des gens qui nous ont dit, on comprend le gouvernement, 22 % des gens qui ont dit, vous ne devriez pas donner de pouvoir d'achat aux fonctionnaires et 30 % des gens qui ont dit, non, non il faut augmenter les impôts pour donner plus aux fonctionnaires. Donc vous voyez bien que la France, elle est aussi parfois partagée sur cette question des prélèvements obligatoires qui n'est pas une mince affaire. Alors il ne faut pas avoir une approche comptable de la Fonction publique, et ce n'est pas mon cas, mais il faut quand même tenir compte aussi de cet élément.
MICHEL GROSSIORD - Alors on entre vraiment là dans le vif du sujet parce qu'on a très envie évidemment de connaître votre réponse à ces manifestations du jour, de fonctionnaires.
JEAN-LOUIS GOMBEAUD - Eh bien comment la jugez-vous, c'est-à-dire est-ce que c'était une manifestation importante, une grève qui marquera ou bien une grève disons modeste ?
RENAUD DUTREIL - Alors si on regarde les chiffres qu'on a maintenant à la fin de cette journée, quelques indications sur la participation, on a un peu plus de 40 % de grévistes à l'Education nationale et on a à peu près 20 % hors Education nationale, donc on voit bien qu'il y a deux types de réaction différente selon qu'on est enseignant à l'Education nationale ou selon que l'on est dans un autre ministère ou une autre administration. On a vu la même chose pour la POSTE, la POSTE 17 %, la SNCF pas loin de 35 %. La fonction publique, le secteur public n'est pas homogène, il n'est pas un, ce sont des métiers très différents avec des conditions de travail différentes. Les conditions de travail d'une infirmière dans un service d'urgence ne sont pas les mêmes que celles d'un rédacteur de textes dans la direction juridique d'un ministère, donc il faut tenir compte
MICHEL GROSSIORD - hausse des salaires et maintien de l'emploi
RENAUD DUTREIL - Moi je vais vous donner mon sentiment, j'ai l'impression et d'ailleurs un certain nombre de journalistes le disent et ils ont raison de le dire, que ce qui manque aujourd'hui aux fonctionnaires c'est un cap et une vision à long terme parce que les fonctionnaires sont tout à fait capables de comprendre qu'il y a des choses à changer, mais ils ont le sentiment et peut-être sommes-nous responsables aussi de cela, qu'on gère dans l'urgence, c'est le portrait de tout à l'heure et dans le court terme. Alors ça c'est du aussi à nos instruments parce que l'instrument essentiel pour la gestion des moyens de l'Etat, c'est la loi de finance, mais la loi de finance elle prévoit les 12 mois qui suivent et puis après basta, il n'y a plus rien. Ce que je propose aujourd'hui c'est qu'on refonde la Fonction publique, c'est-à-dire qu'on fasse, je ne sais pas si le terme est approprié, une sorte de grenelle de la Fonction publique de l'Etat, que l'on regarde qu'elles sont les missions de l'Etat et ça la LOLF, la Loi Organique sur les Lois de Finance, de quelle compétence, de quel emploi, de quel profil, nous avons besoin pour assumer ces missions, de quel effectif et comment est-ce qu'on peut construire une fonction publique qui soit attractive pour les jeunes parce que nous entrons dans une période où on va recruter énormément.
MICHEL GROSSIORD - Donc vous voulez tout mettre sur la table, vous parlez d'un grenelle de la Fonction publique, c'est votre réponse ce soir pour sortir de la crise ?
RENAUD DUTREIL - Je crois que notre organisation de la Fonction publique de l'Etat est organisée un peu comme au début du 20ème et même du 19ème siècle avec 900 corps de fonctionnaires. Vous savez qu'il y a par exemple des corps comme le corps des magasiniers des archives de la Cour des Comptes qui sont régis avec une loi particulière. Ce système a beaucoup moins évolué que la fonction publique territoriale par exemple ou que la fonction publique hospitalière qui est plus moderne, donc il faudrait qu'avec les organisations syndicales, et c'est une proposition que je leur fais
MICHEL GROSSIORD - Ils ont reçu l'invitation déjà ?
RENAUD DUTREIL - Eh bien elles savent que je m'intéresse de très près à cette organisation de la fonction publique de l'Etat qui a été bâtie par THOREZ et DE GAULLE en 46, ça a été un grand moment républicain mais, qui depuis n'a jamais fait l'objet d'une relecture, d'une refondation, pour savoir ce que la République du 21ème siècle avait besoin comme fonction publique. Moi je suis prêt à engager ce travail. Je suis prêt dans une logique de donnant donnant, c'est-à-dire qu'il ne s'agit pas uniquement de satisfaire dans un rendez-vous de cette nature toutes les revendications des organisations syndicales, mais je suis prêt à m'engager dans cette voie.
BRUNO JEUDY - Monsieur le Ministre, on l'a bien compris, donc mais ce sera un travail long et sans doute de nombreuses réunions sur une durée très très longue, mais à court terme ce que les fonctionnaires, le premier mot d'ordre des fonctionnaires, c'était leur salaire, leur feuille de paie et là est-ce que vous avez quelque chose à leur donner ce soir ?
RENAUD DUTREIL - Sur les salaires, nous avons négocié, nous avons eu plusieurs réunions au mois de novembre et au mois de décembre, et là qu'est-ce que j'ai fait, j'ai essayé d'être juste et raisonnable. Alors juste, ça veut dire quoi, ça veut dire que j'ai augmenté le point indiciaire plus en 2005 qu'en 2004 et qu'en 2003. 2003, il y avait 0 % de point indiciaire, 2004, il y avait 0,5 % et là en 2005 il y a 1 %. Et surtout j'ai rappelé que la feuille de paie d'un fonctionnaire, ce n'est pas uniquement le point indiciaire qui la nourrissait, mais d'autres éléments, les catégoriels par exemple, les primes, 450 millions de plus en 2005 quand même ce n'est pas rien et puis l'avancement automatique qui fait qu'un fonctionnaire tous les trois ans, il voit son traitement augmenter de 6 %. Alors tout ça c'est une moyenne et les syndicats disent, mais oui mais c'est une moyenne donc il y a des gens qui sont sous la moyenne. J'ai proposé deux mesures de justice pour ceux qui sont sous la moyenne. Une pour les moins bien payés de la fonction publique, c'est la mesure qui s'appliquera le 1er juillet en liaison avec la remontée du SMIC qui a été décidée par le gouvernement et une autre pour des fonctionnaires qui arrivent en fin de grade, c'est-à-dire qui n'ont plus d'avancement automatique parce qu'ils sont au sommet de leur grille. Tout ça est un peu technique, mais avec les moyens du bord j'ai essayé d'être juste. Et puis raisonnable, alors raisonnable ça veut dire quoi, ça veut dire que je n'ai pas voulu qu'on augmente les impôts, et je n'ai pas voulu qu'on augmente la dette parce que rémunérer les fonctionnaires en 2005 aujourd'hui en faisant payer nos enfants et nos petits enfants par de la dette, je trouve ça irresponsable et augmenter les impôts pour rémunérer mieux les fonctionnaires, on pourrait bien sûr le faire, je ne pense pas que ce soit juste de le faire parce que nous avons des niveaux d'impôts qui sont déjà très très élevés et que le président de la République à juste titre a fixé au gouvernement cet objectif de réduire les impôts, pas de les augmenter mais réduire. Donc vous voyez bien mon équation en général, j'essaie d'être juste.
INTERVENANT - Pas de geste possible ?
RENAUD DUTREIL - J'ai indiqué aux organisations syndicales que, et elles étaient d'ailleurs d'accords avec ça, que nos discussions sur les salaires en 2005 s'arrêteraient avant Noël, donc nous avons arrêté ces discussions avant Noël.
JEAN-LOUIS GOMBEAUD - Monsieur GALLOIS, après la grève hier de la SNCF nous a trouvé 300 emplois, donc vous, c'est-à-dire 10 % des suppressions d'effectifs envisagées au départ, vous il y a une grève à peu près d'une même ampleur, et vous n'avez rien à donner en échange aux salariés qui se présentent.
RENAUD DUTREIL - Je vais vous faire une confidence, je n'ai pas d'argent caché sous le tapis ou dans la cheminée, contrairement à la SNCF. Alors je ne sais pas comment fait monsieur GALLOIS, il a certainement des réserves mais moi je n'en ai pas. La loi de finance qui a été votée par le Parlement, nous sommes ici sur une chaîne Public Sénat, le Sénat a voté une loi de finance, la loi, elle s'applique et si vous me demandez aujourd'hui de modifier la loi de finance, je serais bien embarrassé pour le faire. C'est la loi de la République, elle s'applique, elle a prévu les recettes, elle a prévu les dépenses, je n'ai pas de réserve, vous pouvez regarder dans mes poches, je n'ai pas d'argent à remettre sur la table aujourd'hui 20 janvier. Et donc une réponse
MICHEL GROSSIORD - Claire et nette.
RENAUD DUTREIL - qui est peut-être insuffisante pour ceux qui aimeraient avoir encore plus mais elle a le mérite de la clarté.
MICHEL GROSSIORD - Alors on revient peut-être avec Patrick APPEL-MULLER sur votre annonce de ce grenelle de la fonction publique.
PATRICK APPEL-MULLER - Oui c'est un joli mot grenelle de la fonction publique, mais votre conception du donnant donnant si on vous écoute là sur les salaires, les syndicats ont le droit de donner leur avis et moi je ne leur donne rien. Vous parlez là d'un grenelle, si ils sont écoutés de la même manière, parce que là tous les syndicats de fonctionnaires ont la même opinion sur les propositions que vous leurs avez fait, vous avez réussi à fédérer un front en face à vous, qu'est-ce que vous allez leur proposer lors d'un grenelle ?
RENAUD DUTREIL - Alors dans le cadre de ce grenelle, de ce donnant donnant, je suis prêt à ce que nous regardions les grilles indiciaires parce que vous savez que les fonctionnaires, ils sont rémunérés sur la base de grilles qui aujourd'hui présentent de nombreux défauts, et en particulier un premier défaut c'est qu'au bout de 20 ans, un fonctionnaire eh bien il bute sur le sommet de l'escalier qu'il est en droit d'attendre en matière de rémunération. Or ce fonctionnaire, il ne va pas travailler uniquement 20 ans, il va continuer après à travailler, mais il n'a plus d'espérance de pouvoir d'achat, donc on voit bien qu'il faut reconstruire des grilles, pour qu'il y ait beaucoup de profondeur dans le temps. Voilà un premier élément. Deuxième élément je m'aperçois que nous avons un tassement de la grille pour les catégories C, c'est-à-dire ceux qui rentrent dans la fonction publique au bas de l'échelle, voilà un deuxième sujet sur lequel nous pouvons travailler. Je suis prêt à regarder ce qui s'appelle la grille de la rémunération dans la fonction publique et je dis qu'évidemment ça a un coût, ça un coût qu'on pourra étaler sur le long terme dès lors qu'on aura reconstruit un pacte de confiance dans la fonction publique et que ce coût supplémentaire pour le budget, il aura comme contre partie une fonction publique plus heureuse, plus dynamique, plus motivante. Moi j'y suis prêt, alors évidemment c'est un pari sur le long terme, ce n'est pas quelque chose qui se décide en 15 jours, pour les six mois qui suivent, c'est un engagement pluriannuel et moi je pense que ce serait vraiment aujourd'hui intéressant de le faire.
MICHEL GROSSIORD - Et qu'est-ce que vous attendez de la part des syndicats donc dans ce donnant donnant, des gains de productivité car l'expression ne vous fait pas peur concernant la fonction publique ?
RENAUD DUTREIL - Oui d'ailleurs je note que monsieur ASCHIERI qui est un des dirigeants syndical le plus important à l'Education nationale en particulier, a lui-même reconnu qu'on pouvait faire des gains de productivité dans certaines administrations, et il a assez raison de distinguer, ceux qui en contact avec les Français, une infirmière, un policier, un enseignant, ce sont des fonctionnaires qui sont en contact avec les Français, on peut appeler ça le front d'office, et puis le cur de l'Etat, les coulisses de l'Etat où là on peut faire des gains de productivité. Et on le fait, par exemple l'administration électronique nous permet aujourd'hui de supprimer à peu près un millier d'emplois aux impôts sans qu'il y ait dégradation de la qualité du service public, au contraire ça s'améliore et sans que les fonctionnaires soient lésés, au contraire ils ont été intéressés, Nicolas SARKOZY a veillé à ce qu'il y ait un plan d'intéressement des fonctionnaires à cette modernisation. Ca c'est du donnant donnant. On peut imaginer du donnant donnant, on va dire, on va mieux vous payer mais, il y aura moins d'effectifs parce qu'on aura réorganisé le service dans le sens d'une meilleure qualité. C'est ça que j'aimerais effectivement aujourd'hui construire.
MICHEL GROSSIORD - Alors pour vous résumer, ce grenelle c'est quel objectif, et quel calendrier ? Vous avez dit long terme.
RENAUD DUTREIL - L'objectif c'est probablement de passer de cette organisation en 900 corps de fonctionnaires, qui me paraît quand même assez archaïque et qui d'ailleurs n'existe pas dans la fonction publique hospitalière, ni dans la fonction publique des collectivités territoriales, à une logique de grands espace professionnel maintenant les fondamentaux du statut de 1946, c'est-à-dire la séparation du grade et de l'emploi, la logique de carrière, donc pas une remise en cause, le néolibéral comme on pourrait l'imaginer de la fonction publique française qui resterait assise sur ces fondamentaux et qui serait beaucoup plus capable de mobilité volontaire, de mobilité dans l'organisation du service. Eh bien je souhaite après un premier tour d'horizon, en bilatéral avec chacune des sept organisations, qui va avoir lieu dans les jours qui viennent, je souhaite pouvoir rentrer dans ce travail. Mais je ne sais pas à l'heure actuelle si j'aurais face à moi les organisations syndicales qui accepteront cette ouverture du dialogue. Je sais déjà qu'il y a certaines organisations syndicales qui ont une vision à peu près voisine de la mienne et d'autres qui ont envie de pouvoir s'engager dans la réforme des grilles, mais je leur dis il n'y aura pas de réforme des grilles, si il n'y a pas d'engagement dans la réforme
MICHEL GROSSIORD - Renaud DUTREIL, est-ce que vous en faisant cette proposition importante ce soir, est-ce que vous avez l'impression de changer votre méthode et est-ce que vous attendez que les syndicats, le donnant donnant, changent également leur méthode ?
RENAUD DUTREIL - Vous savez il ne faut pas croire qu'un ministre est satisfait quand il y a conflit. Moi j'essaie toujours de sortir par le haut d'un conflit, ou d'un mécontentement. Si on continue comme ça à gérer la fonction publique à la petite semaine et d'ailleurs la gauche a souvent géré la fonction publique aussi à la petite semaine, eh bien si on continue comme ça, nous accumulerons sur le dos des fonctionnaires de plus en plus de contraintes, et les syndicats eux-mêmes eh bien pâtiront de cette situation parce que les syndicats, leur objectif c'est de défendre les salariés et les fonctionnaires, ce n'est pas d'entrer dans des conflits sans solution. Donc moi je pense que c'est l'intérêt commun qu'on puisse ouvrir ce dialogue aujourd'hui.
MICHEL GROSSIORD - Alors récession Bruno, réponse courte.
BRUNO JULY - Une réponse courte sur un dossier qui n'est pas directement de votre compétence mais qui concerne le secteur public, cette semaine avec la grève dans les transports est revenue immanquablement le dossier presque l'Arlésienne du service minimum garanti, qui a changé plusieurs fois de nom, mais appelons comme ça, je n'ai pas très bien compris votre position. Longtemps on sait que vous avez été favorable à une loi sur le service minimum garanti, là j'ai cru comprendre qu'une négociation suffisait, qu'elle est exactement votre position ?
RENAUD DUTREIL - D'abord je crois qu'il faut rappeler que le service minimum garanti, il existe dans un très très grand nombre de services de l'Etat, très très grand nombre.
MICHEL GROSSIORD - Mais là la question c'est sur les transports évidemment.
RENAUD DUTREIL - Voilà et il y a un secteur où on n'arrive pas à trouver la solution, c'est le secteur des transports et encore on a trouvé la solution à la RATP et finalement ça se restreint aujourd'hui à la SNCF. Alors on peut dire on vote une loi et on a réglé le problème.
MICHEL GROSSIORD - C'est ce que dit Nicolas SARKOZY.
RENAUD DUTREIL - Bien souvent
INTERVENANT - C'était ce qui était prévu en 2002.
RENAUD DUTREIL - Le président de la République avait dit on va trouver une solution pour le service minimum garanti, il n'avait pas dit quel était le moyen. Alors moi ce que je constate en France, c'est qu'on fait des lois symboles, qui deviennent des lois creuses, c'est-à-dire qu'on ne les applique pas. Et là Gilles de ROBIEN, et il a raison, dit on va tenter la voie de l'accord, de la négociation et on sera beaucoup plus sûr qu'il y aura un vrai service minimum garanti si on arrive par cette voie à la négociation parce qu'au moins on aura la signature des syndicats et donc ils se seront engagés. Tandis qu'une loi, c'est une contrainte et on sait très bien, on l'avait vu en Italie qu'on peut bien voter des lois sur le service minimum garanti, et avoir au bout du compte les mêmes résultats que quand il n'y avait pas de loi. Attention la loi est trop souvent considérée comme la panacée, comme la solution miracle alors que les comportements sont la clé du succès, c'est ça qui compte, c'est quand les comportements changent. On a vu les comportements changer à la RATP eh bien essayons de faire aussi bien à la SNCF.
BRUNO JEUDY - version RAFFARIN/DUTREIL plutôt qu'un service minimum garanti version SARKOZY ?
RENAUD DUTREIL - Mais je crois que Nicolas SARKOZY et nous, nous sommes en phase sur la volonté d'apporter un meilleur service aux usagers de la SNCF.
MICHEL GROSSIORD - Avec des méthodes un peu qui différent quand même, on l'a compris sur le thème de la loi en tous les cas.
JEAN-LOUIS GOMBEAUD - Est-ce que je peux revenir sur votre grenelle, proposition en tout cas. Si j'ai bien compris en réalité la dynamisation, la dynamique de la grille que vous proposez aux fonctionnaires, elle devra être financée par des gains de productivité, c'est-à-dire par des compressions d'effectifs dans la fonction publique automatiquement puisqu'il s'agit d'une industrie de main d'uvre globalement. La question que je pose est la suivante, à votre avis combien faut-il en France de fonctionnaires pour faire tourner le pays ? c'est-à-dire aujourd'hui on a deux millions cinq cent mille fonctionnaires, dans n'importe quelle entreprise on vous dit j'ai besoin de tant d'effectif, combien d'effectif vous faut-il parce qu'autrement
INTERVENANT - Ernest-Antoine SEILLIERE vous en demande 500 000 de moins, vous, vous avez commencé par en supprimer 7 188.
RENAUD DUTREIL - Alors vous voyez bien à quel point l'Etat ne dispose pas des bons instruments pour fonctionner. Moi je suis arrivé dans le ministère, j'ai demandé combien il y avait de fonctionnaires, on m'a dit, on ne sait pas trop, la Cour des comptes nous avait d'ailleurs souvent attaqué sur ce sujet, en disant, mais vous ne connaissez pas exactement le nombre de vos agents, c'est quand même bizarre. Demain, demain matin, je réunis l'Observatoire de l'emploi, enfin on va savoir exactement de combien de fonctionnaires nous disposons et nous allons mettre en place ce qu'on appelle, alors c'est un terme un peu technique
JEAN-LOUIS GOMBEAUD - Peut-être un chiffre maintenant
RENAUD DUTREIL - Quatre millions neuf cent mille fonctionnaires pour les trois fonctions publiques.
MICHEL GROSSIORD - 50 % pour l'Etat.
RENAUD DUTREIL - Et nous allons surtout mettre en place ce qu'on appelle la gestion prévisionnelle des emplois, des effectifs et des compétences. Nous allons regarder service par service de combien on a besoin de collaborateurs pour être efficaces, non pas l'année prochaine mais dans les cinq ou les dix ans qui viennent, c'est cette vision de long terme qui manque aujourd'hui et quand on aura fait ce boulot, eh bien on saura répondre à votre question. Et peut-être que dans certains services on s'apercevra qu'on peut diminuer, de 10, de 20 ou de 30 % les effectifs et moi je n'ai pas de tabou là dessus. Et ça nous permettra peut-être de créer plus de postes de chercheurs, plus de poste d'enseignants dans les quartiers difficiles, plus de poste comme on l'a fait de policiers puisque nous avons reconstruit la fonction régalienne de l'Etat, justice, défense, police, c'est le programme du président de la République et on l'a reconstruit.
JEAN-LOUIS GOMBEAUD - Par exemple si je dis deux millions de fonctionnaires d'Etat, est-ce que ça vous paraît excessif ou c'est à peu près le chiffre sur lequel on pourrait tourner ?
RENAUD DUTREIL - Ce que je constate, c'est qu'entre 1980 et aujourd'hui nous avons vu le nombre de fonctionnaires augmenter d'un million. Qu'est-ce qui s'est passé ? La fonction publique territoriale a vu ses fonctionnaires augmenter de 47 % et c'est normal, elle avait de nouvelles compétences, il a fallu des fonctionnaires pour assurer ces compétences. La fonction publique hospitalière a augmenté de 27 %, c'est normal, il y a une demande sociale de soins en France, les gens veulent être bien soignés, il y a le vieillissement de la population, il y a les progrès techniques, c'est normal qu'à l'hôpital il y ait plus de monde. Et puis il y a l'Etat, et là l'Etat lui il aurait probablement du maintenir un niveau relativement constant de ses effectifs puisqu'il se déchargeait d'une partie importante de ses compétences sur les collectivités territoriales, cherchez l'erreur. Pourquoi est-ce que l'Etat n'a pas repensé son organisation ? Pour qu'il y ait par exemple plus d'enseignants, les enseignants ont beaucoup augmenté depuis 20 ans, mais que dans d'autres fonctions, les fonctions de back office, les fonctions à l'intérieur des coulisses de l'Etat, on se réorganise pour avoir beaucoup moins de monde. On aurait du faire ça.
MICHEL GROSSIORD - de quota en quelque sorte, de quota de fonctionnaires selon les fonctions, comme on parle de quota pour éventuellement les immigrés de demain ?
RENAUD DUTREIL - Il faut simplement adapter les effectifs aux besoins, voilà. Et souvent on sait mal mesurer les besoins donc on a une vision un peu politique, symbolique des effectifs et les syndicats d'ailleurs eux-mêmes quand ils demandent plus d'effectifs, ils sont aussi dépourvus que moi d'instrument pour justifier ces demandes d'augmentation des effectifs.
PATRICK APPEL-MULLER - Vous ne répondez pas positivement aux demandes des syndicats sur les salaires, lorsque les cheminots le 28 octobre utilisent leur procédure d'alarme pour dire le budget de la SNCF ne va pas, personne ne les écoute, personne ne les entend, rien n'est changé, sur les effectifs vous évoquez avec juste titre le manque d'effectifs chez les infirmières, chez les enseignants, les surveillants, il se trouve que ma femme est infirmière, on manque d'infirmière partout et il n'est pas dans l'intention du gouvernement d'en créer puisque même l'Assistance publique réduit les effectifs. Donc est-ce que vous ne craignez pas que ces secteurs qui sont sensibles dans l'opinion publique ne parviennent à fédérer un privé qui aujourd'hui, des salariés du privé qui sont mécontents et des salariés du public qui aujourd'hui manifestent fortement leur opposition à vos projets, est-ce que vous ne craignez pas un peu plus, que ce grenelle se fasse dans la rue et contre vous ?
RENAUD DUTREIL - L'argent ne tombe pas du ciel, il y a des milliards d'euros, ils ne tombent pas du ciel
PATRICK APPEL-MULLER - de cadeau à faire, dans les budgetspour les revenus les plus aisés.
RENAUD DUTREIL - Non, je ne crois pas non, on ne fait pas de cadeau. On ne fait pas de cadeau, on essaie d'avoir une économie qui crée de la croissance. Regardez ce qui se passe quand même ailleurs, dans beaucoup de pays du monde, on a une croissance de 5, 6, voire 7 %. Pourquoi est-ce que l'Europe est en si faible position ? Alors chacun a son analyse. Moi la mienne, c'est que nous devons avoir un appareil économique performant, je considère et c'est là, je ne fais pas d'opposition entre les deux France, je considère qu'on a besoin des services publics et de la libre entreprise, pour être collectivement efficace. On s'aperçoit aujourd'hui qu'on a un certain nombre de freins, le gouvernement essaie de les lever petit à petit et en particulier il y a le frein fiscal, on essaie de le desserrer pour qu'il y ait davantage d'énergie investie dans l'entreprise, on a besoin d'entreprise. Regardez l'AIRBUS, qu'est-ce que c'est que l'AIRBUS A 380, c'est une vraie réussite française avec des entreprises européennes vous avez tout à fait raison de le dire et une initiative qui a mêlé initiative publique et initiative privée. Et d'ailleurs le président de la République en demandant à BEFFA de plancher sur ce sujet de la politique, de relance industrielle ne rentre pas dans un schéma purement libéral de marché, il a bien compris qu'on avait besoin de ces deux France. Alors c'est ce que nous voulons faire et on verra qu'il y aura des résultats et ce n'est pas, je pense, ce n'est pas par l'expression de mécontentement qui est un facteur d'angoisse, si vous voulez, qu'on trouvera les solutions. L'angoisse, nous la ressentons, mais nous voyons aussi que les pays qui stressent le plus sont les pays où il n'y a pas de réforme. Les pays qui sont engagés dans le mouvement, dans le changement, dans la modernisation, ils arrêtent de stresser parce qu'ils voient qu'il y a un cap, ils voient qu'il y a une sortie, qu'il y a un chemin et tout le monde se mobilise. Le problème de la France, c'est que avec la gauche en particulier, on a tellement été tétanisé par l'idée de la réforme et du mouvement, regardez entre 97 et 2002, sur les retraites rien, sur la réforme de l'Etat, quasi-rien, sur l'organisation de la fonction publique presque rien, on a perdu beaucoup de temps. La France et l'Allemagne ont été pendant cette période les deux seuls pays d'Europe à ne pas de désendetter. Aujourd'hui j'ai un milliard trois à donner de plus à nos banquiers, je préférerais les donner aux fonctionnaires, je serais très heureux de pouvoir les donner aujourd'hui aux fonctionnaires. Mais il faut que je les donne à nos créanciers, et pourquoi, parce qu'on s'est endettée tandis que les autres se désendettaient.
MICHEL GROSSIORD - Les fonctionnaires sont-ils victimes d'un mépris de la part du gouvernement ? Est-ce que vous vous sentez visé par exemple par cette accusation formulée ce jeudi matin par Dominique STRAUSS-KAHN ?
RENAUD DUTREIL - Moi je suis fonctionnaire depuis que j'ai l'âge de 20 ans, alors si je méprisais les fonctionnaires, je me mépriserais moi-même, ça n'a pas de sens. Il y a des difficultés, elles sont bien souvent héritées d'une certaine insouciance française, on a considéré que la France était un pays où tout s'arranger comme par magie, eh bien ce n'est pas le cas, les choses ne s'arrangent que quand on travaille avec intelligence dans le dialogue, mais on travaille à bouger les choses et c'est ce dans quoi nous sommes aujourd'hui engagés, moi j'ai confiance dans mon pays et si j'étais en dépression j'arrêterais et je me dirais, je vais me la couler douce pendant quelques mois. Ce n'est pas du tout mon intention. Si je me bats, si j'essaie de bouger les choses, si je crois à ce que certaines solutions soient possibles y compris avec les syndicats les plus durs, les plus hostiles au dialogue, eh bien c'est parce que je pense que mon pays peut tout à fait s'en sortir.
MICHEL GROSSIORD - On croit tous en la France mais on voit avec le rapport des préfets publié cette semaine que la France est atteinte d'un pessimisme collectif, une sorte de dépression.
RENAUD DUTREIL - Mais ce n'est pas un pessimisme du berceau puisque nous avons appris avec plaisir que les Français faisaient des enfants, c'est quand même aussi une façon de croire en son avenir et encore une fois, si nous avions un mouvement collectif de modernisation bien clair pour tout le monde et partagé par la plus grande majorité des Français, il y aurait beaucoup moins de stresse. Ce qui stresse les gens, c'est l'idée qu'on ne fait pas ce qui est nécessaire et qu'un jour il va falloir le faire et que là, l'ardoise sera beaucoup plus sévère.
JEAN-LOUIS GOMBEAUD - Le Parlement est engagé sur le dernier, nous est présenté comme le dernier assouplissement des 35 heures qui s'appliquera pas à la fonction publique, comment vous expliquez que les fonctionnaires n'ont pas le droit de travailler plus pour gagner plus ?
RENAUD DUTREIL - Eh bien c'est vrai que les 35 heures ont été un choc pour la fonction publique, mais un choc différent, selon les métiers. Par exemple dans les hôpitaux, le fait d'appliquer les 35 heures a dégradé le service public hospitalier, ça c'est clair, c'est-à-dire que les socialistes ont décidé d'avoir un hôpital qui fonctionnait moins bien en imposant les 35 heures à l'hôpital. Dans d'autres activités de l'Etat, on a su créer des gains de productivité et qui ont permis d'absorber ce choc des 35 heures, à l'hôpital vous n'avez pas de gain de productivité possible, vous avez une infirmière, comme vous le disiez votre épouse, quand elle n'est pas là, il y a un service qui se dégrade ou quand elle est en nombre insuffisant dans son service, il y a un service public qui se dégrade. Donc on voit bien que les 35 heures, ça n'a pas fonctionné de la même façon dans les différentes activités de l'Etat. Moi je pense qu'il y a un sujet à l'hôpital, ça c'est clair, Jean-François MATTEI avait d'ailleurs négocié avec les organisations syndicales un accord qui a pu permettre à l'hôpital de bien fonctionner, donc de surmonter cet obstacle des 35 heures, pour le reste de l'Etat, on a vu qu'à la police Nicolas SARKOZY avait fait des choses en matière de travail, d'organisation du travail. Il faut être pragmatique
JEAN-LOUIS GOMBEAUD - Vous ne répondez pas à ma question, pourquoi il est impossible pour un fonctionnaire de travailler plus pour gagner plus, ce que vous proposez à tout le secteur privé ?
RENAUD DUTREIL - Alors vous savez il y a une chose aussi assez étonnante dans la fonction publique de l'Etat, c'est qu'on n'a pas appliqué les 35 heures, puisqu'en moyenne les fonctionnaires de l'Etat, ils travaillent 38 heures ou 38,5 heures, donc la semaine de travail dans la fonction publique de l'Etat, elle n'a pas été raccourcie. Ce qui s'est passé, c'est qu'on a donné des jours de RTT aux fonctionnaires. Ca a beaucoup plus désorganisé les services que si on était passé aux 35 heures. Moi si vous voulez, je considère qu'aujourd'hui nous avons il y a beaucoup de demandes des organisations syndicales d'ailleurs pour remettre ce sujet sur la table, nous avons suffisamment de pain sur la planche avec les organisations syndicales sur les sujets que j'ai évoqué à l'instant pour ne pas rajouter celui-là, qui ne fait l'objet d'aucune demande ni du côté de l'employeur, ni du côté des salariés.
BRUNO JEUDY - Monsieur le Ministre, un des gros bataillons de la Fonction publique ce sont les enseignants et comment fait-on pour réformer un secteur comme celui de l'Education nationale contre ses représentants, contre les enseignants ?
RENAUD DUTREIL - Alors là encore
BRUNO JEUDY - Parce que là finalement ce sont quand même ceux qui se sont le plus mobilisés aujourd'hui derrière des mots d'ordres nationaux des syndicats mais aussi dans la perspective de la loi sur l'école, qu'ils refusent, alors comment fait-on ?
RENAUD DUTREIL - Là aussi d'abord il y a de la considération à apporter aujourd'hui aux enseignants parce que, c'est vrai que nous sommes dans un univers qui bouge, le pouvoir d'achat, c'est une demande qui est générale, les conditions de travail ne sont pas les mêmes selon les métiers de la fonction publique, il n'est pas impossible que les enseignants aujourd'hui vivent plus difficilement certaines conditions de travail. Vous savez j'ai proposé avec François FILLON, la seconde carrière des enseignants, c'est-à-dire permettre à des enseignants d'avoir une seconde carrière, on va publier le décret, ce sera applicable à la rentrée prochaine, ça répond à une vraie demande de certains enseignants qui veulent faire un autre métier. Bon si ils veulent faire un autre métier c'est qu'il y a des raisons. Je crois que les conditions de travail sont difficiles mais je crois que la façon dont François FILLON a abordé la question, avec beaucoup de pragmatisme, avec beaucoup de discussions avec les organisations syndicales, avec tout sauf le chiffon rouge, avec une réforme qui est une réforme bien préparée, qu'il a conduite avec eux, je pense que ça devrait nature à apaiser leurs craintes. Les enseignants sont indispensables à la société de l'intelligence que nous voulons bâtir, il faut réaffirmer leur nécessité. Mais il faut aussi regarder un certain nombre de sujets.
BRUNO JEUDY - Vous n'êtes pas inquiet pour les semaines qui viennent par rapport aux débats qui vont s'engager à l'Assemblée et au Sénat ?
RENAUD DUTREIL - Moi on m'a fait mon portrait tout à l'heure, on m'a dit que je n'étais jamais inquiet. Je ne suis pas inquiet parce que je pense que tant qu'il y a des hommes et des femmes capables de discuter, de chercher des solutions dans le réalisme, de chercher des solutions, eh bien il y a de l'espoir.
MICHEL GROSSIORD - Vous n'êtes jamais inquiet mais par exemple vous ne craignez pas que ce climat social pèse sur le référendum concernant le traité européen, vous n'avez pas peur que là justement il y ait une manifestation de l'opinion dans les urnes après la rue ?
RENAUD DUTREIL - Les Français aujourd'hui sont des citoyens parfaitement responsables, ils sont tout à fait capables de comprendre qu'il y a des sujets différents et que ce n'est pas parce qu'il y a une urne sur la table qu'il faut faire l'amalgame de tous ces sujets. Ils vont se prononcer sur un sujet qui est bien précis, qui est important pour nous tous d'ailleurs, qui est la constitution européenne. Certains auront tendance à utiliser leur bulletin de vote pour dire autre chose, mais la grande partie des Français, je pense qu'ils vont répondre à la question qui leur est posée.
BRUNO JEUDY - Vous ne redoutez pas un effet régional 2004 parce que finalement l'année dernière dans les urnes, les Français qui avaient beaucoup manifesté quelques mois avant, ont voté contre le gouvernement au printemps 2004 ?
RENAUD DUTREIL - Nous avons beaucoup semé et il y a un moment où il y aura des résultats, nous en sommes convaincus. Si nous avons fait toutes ces réformes, c'est parce que nous pensons qu'à un moment elles vont produire des résultats dont les Français vont se rendre compte. Il est certain qu'en 2004, on n'était pas au moment de la moisson, ça c'est assez net. Mais en 2007, en 2006, je pense que tout ce travail considérable qui a été fait par le gouvernement, l'Assurance maladie avec Philippe DOUSTE-BLAZY, la réforme des retraites avec François FILLON, la réforme de l'école, ces réformes nécessaires, eh bien porteront leurs fruits et les Français sauront le comprendre.
MICHEL GROSSIORD - Patrick APEL-MULLER, encore sur des questions sociales ?
PATRICK APEL-MULLER - Oui c'est précisément cette accumulation de réformes touchant à des secteurs aussi sensibles que les services publics qui inquiètent très largement les Français, c'est vrai sur l'école, les enseignants c'est parce qu'ils ne croient pas précisément que vous allez vers une société de l'intelligence, mais les Français sont inquiets en voyant l'exemple, par exemple de la Grande Bretagne, la qualité des transports publics, ce qu'elle est devenue avec la privatisation et l'abandon des critères publics etc Ca ce sont des axes qui sont compris dans la constitution européenne et notamment dans le préambule qui prévoit la libre concurrence étendue à tous les secteurs et à tous les domaines comme règle de fonctionnement de l'Union européenne. Donc il y a une inquiétude là dessus ?
RENAUD DUTREIL - Je ne crois pas que l'Europe soit une machine
PATRICK APEL-MULLER - Je n'ai pas parlé de l'Europe, j'ai parlé de la constitution telle qu'elle est proposée.
RENAUD DUTREIL - Ni la constitution, la constitution reconnaît pour la première fois dans notre droit communautaire la notion de service public, et la réaffirme, donc cette constitution, elle a plutôt tendance à conforter le modèle français par rapport au modèle anglo-saxon qui lui effectivement est un modèle d'aller très loin dans le tout marché. On voit d'ailleurs que les Britanniques sont en train d'en revenir puisqu'ils reconstruisent leur service public qui avait été démantelé par l'expérience libérale. Ils embauchent des fonctionnaires mais vous avez vu aussi qu'ils en supprimaient dans les fonctions de back office, des fonctions du cur de l'Etat qui peuvent être modernisées, et je pense que tous les pays du monde le font. Pourquoi est-ce que la France serait le seul pays au monde à ne pas se moderniser ? Pourquoi est-ce qu'il y aurait un interdit français à la modernisation ? Eh bien nous, nous pensons que les vrais défenseurs du service public ce sont ceux qui comme nous, modernisent le service public et que les fossoyeurs du service publics, ce sont ceux qui disent, on ne touche à rien.
MICHEL GROSSIORD - 2007, comment vous voyez l'échéance, on parle beaucoup d'une possible candidature du président actuel, est-ce que Jacques CHIRAC a un droit de suite selon vous ?
RENAUD DUTREIL - Alors j'essaie d'avoir de la vision à long terme mais 2007 c'est un peu loin.
MICHEL GROSSIORD - Ah non il faut quand même répondre à la question poursuivie par Bruno JEUDY.
BRUNO JEUDY - Est-ce que vous dites comme Philippe DOUSTE-BLAZY, si Jacques CHIRAC se présente naturellement on sera derrière lui ?
RENAUD DUTREIL - Vous savez nous, nous travaillons pour que Jacques CHIRAC ait en 2007 tous les éléments du choix et y compris celui de se représenter en ayant la totale confiance des Français et des Français qui sont satisfaits des résultats apportés par son action. Voilà ce qu'est notre tache aujourd'hui. Maintenant pour faire des plans sur la comète, il y a des gens qui sont beaucoup plus capables pour ça.
MICHEL GROSSIORD - C'est le propre du politique aussi, Renaud DUTREIL.
BRUNO JEUDY - Il y a quelqu'un qui ne tire pas de plan sur la comète mais qui prépare des primaires à l'UMP, votre parti, est-ce que vous pensez que c'est une bonne idée ?
RENAUD DUTREIL - En 2002 quand Alain JUPPE m'avait demandé de préparer les statuts de l'UMP, j'avais proposé la chose suivante, j'avais dit, votons sur le candidat que l'UMP soutiendra à l'élection présidentielle, sauf si c'est le président sortant. Pourquoi ? Parce que président de la République, il ne peut pas se mettre dans la main d'un parti politique, ce n'est absolument pas la conception de la 5ème République et ce n'est pas non plus le souhait des Français. Le souhait des Français c'est d'avoir un président qui soit candidat devant les Français.
BRUNO JEUDY - Si il se décide un mois avant
RENAUD DUTREIL - Alors là on rentre dans des scénarios fictions, mais je vous réponds tout simplement voilà moi la proposition que j'avais faite à l'époque, c'était oui à la démocratie, c'est-à-dire qu'on choisit le candidat, sauf l'hypothèse où le candidat qui a été élu la fois d'avant, le président de la République est lui-même issu des rangs de l'UMP, dans ce cas nous avons un autre cas de figure.
MICHEL GROSSIORD - Est-ce que vous pensez que des primaires à l'UMP conduiraient tout droit à une crise de régime ?
RENAUD DUTREIL - Vous savez nous avons bâti l'UMP, en tout cas ma génération, pour mettre un terme à la guerre des chefs, aux querelles des clochers et à cet éclatement de la droite et du centre qui faisait sa ruine. Ca n'est pas pour recommencer, donc nous sommes aujourd'hui dans un parti où il y a des sensibilités différentes, vous avez des gens qui sont différents, vous avez des talents différents, moi je pense que l'intérêt commun l'emportera sur ces différences. Je suis là aussi assez optimiste, je pense que tout le monde finira par s'entendre sur celui qui sera le mieux placé pour l'emporter en 2007 sur la base d'un projet, puisque c'est ça que les Français attendront en 2007, un vrai projet pour le futur avec un cap et une méthode et nous allons contribuer à bâtir ce cap et cette méthode.
JEAN-LOUIS GOMBEAUD - Est-ce que vous pensez que l'âge est un handicap, dans les deux sens du terme d'ailleurs ?
RENAUD DUTREIL - Je crois que c'est Lionel JOSPIN qui s'était essayé à des jugements
JEAN-LOUIS GOMBEAUD - Oui dans les deux sens du terme justement, lui il avait pris qu'un seul sens
RENAUD DUTREIL - liés à l'âge et ça ne lui a pas réussi. Donc ce qui compte c'est la vitalité, la force, le projet, la clairvoyance d'un homme. Moi je considère que le président de la République aujourd'hui, quand on voit l'ensemble des chefs d'Etat sur la planète, est un de ceux qui a la plus claire vision de ce qu'il faut bâtir demain, c'est-à-dire la démocratie globale. Il le fait de façon assez méthodique avec les accords de Kyoto, de Johannesburg, sur les développements durables. Il le fait avec sa proposition d'accession internationale pour essayer de combler le fossé Nord Sud, il a une vraie vision, non pas pour deux ou trois ans, mais pour le long terme et donc on voit bien qu'il a des idées qui sont jeunes.
BRUNO JEUDY - Vous êtes un des rares ministres à mon sens à avoir pris position pour l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne, je crois que vous êtes favorable sur ce point là.
RENAUD DUTREIL - Oui.
BRUNO JEUDY - Je voudrais savoir si vous pensez que finalement la Turquie, ce n'est pas ce qui à droite va peut-être gêner le oui que réclame le président ?
RENAUD DUTREIL - Alors ce sujet effectivement aujourd'hui est clairement un sujet sur lequel il y a un assez, une majorité de Français qui ont envie de dire non, mais d'abord, vous savez moi quand je vois mon fils qui est en 4ème, je ne lui demande pas de passer le bac demain matin. La Turquie est engagée dans un processus qui va prendre beaucoup de temps et qui va la transformer, c'est-à-dire que la Turquie sera une autre Turquie lorsqu'il s'agira pour les Français de dire oui ou non à l'entrée de la Turquie, donc chaque chose en son temps, viendra le moment du référendum sur la Turquie et ce n'est pas le moment.
MICHEL GROSSIORD - Votre urgence immédiate, on l'a bien compris, c'est de sortir de cette crise, votre réponse, c'est ce grenelle de la fonction publique que vous nous avez annoncé lors de cette émission. Merci beaucoup Renaud DUTREIL, d'avoir répondu à nos questions ce soir.
RENAUD DUTREIL - Merci.
(Source http://www.fonction-publique.gouv.fr, le 24 janvier 2005)
RENAUD DUTREIL - Bonsoir.
MICHEL GROSSIORD - Merci d'être avec nous. Vous avez été le rédacteur en chef des émissions de Public Sénat tout au long de la journée, mais là vous répondez dans vos fonctions de ministre, au cur de l'actualité, petite question d'abord avant de répondre aux questions de mes confrères, comment est-ce que vous avez vécu cette journée, plutôt inquiet, ou zen car c'était une journée test pour le gouvernement ?
RENAUD DUTREIL - Eh bien je n'ai pas eu le temps d'être inquiet parce que j'ai été le rédacteur en chef de cette journée ici à Public Sénat et ça m'a pris beaucoup de temps et beaucoup d'attentions. Mais j'ai suivi évidemment très attentivement ce qui s'est passé, je crois qu'on ne peut pas être insensible à cette forme d'expression qu'est la grève même si moi je préfère le dialogue social et la négociation à cette culture un peu conflictuelle qui est assez française, qui n'existe pas partout et qui d'ailleurs n'aboutie pas nécessairement aux résultats escomptés par ceux inspirent ce type de mouvement. Je suis moi plutôt partisan de la négociation, c'est-à-dire du donnant donnant où chacun fait un pas vers l'autre et construit une solution d'intérêt général si possible.
MICHEL GROSSIORD - Alors on verra donc dans un instant ce que vous répondez concrètement aux revendications formulées dans la rue de nombreuses villes de France ce jeudi. Dans un instant donc, Bruno JEUDY, du PARISIEN, Patrick APEL-MULLER de L'HUMANITE et Jean-Louis GOMBEAUD de Public Sénat, vous interrogeront, mais d'abord on écoute votre portrait brossé à partir de l'analyse scientifique de vos discours par Nathalie BRION.
NATHALIE BRION, INSTITUT TENDANCES - Alors chez vous c'est le pragmatisme qui domine et à tel point qu'on dirait parfois que vous avez laissé les grandes idéologies sur les bancs de Normale Sup. Dan votre discours l'éthique et la morale cèdent le pas au pratique, au concret, à l'utile, à l'efficace, ce sont ces mots qui ponctuent vos propos. Et pourtant il y a un idéal très fort chez vous, cet idéal c'est la liberté. Quand on vous écoute, c'est ce mot là, cette tonalité là qui vous donne de l'enthousiasme et de l'optimisme. Votre discours se conjugue avant tout au futur et c'est un futur dans lequel le doute n'existe pas, on se demande parfois si le mot " peut-être " fait partie de votre vocabulaire. La volonté est centrale, vous n'utilisez que des verbes d'action, vous dites, " je veux, je peux ", beaucoup plus rarement " je dois " et surtout vous n'aimez pas du tout le conditionnel. Chez vous la décision prime et elle est la marque de la liberté, c'est à chacun de prendre en main sa vie et sa destiné. Et c'est comme ça que vous cherchez à convaincre les syndicats, vous les poussez à s'affranchir des pesanteurs, mais pour les convaincre ou pour imposer votre décision, vous utilisez, ou vous vous adossez à l'urgence. L'omniprésence d'adverbe comme rapidement ou immédiatement donne l'impression qu'un danger guette et qu'à cause de lui, il faut changer et vite. Vous vous faites le chantre de la rupture. Les mots nouveauté, création, sont répétés à l'envie et conjugués au futur, ils disent bien ce qu'ils veulent dire, il y a eu un passé et maintenant il faut avant tout qu'il y ait un futur. Du coup l'urgence et la nécessité s'imposent comme un dictat et portent un coup fatal, ou en tout cas nuisent largement à la capacité de manuvre de vos interlocuteurs. Monsieur le Ministre, vous parlez de liberté, mais quelle liberté, celle que vous reconnaissez à autrui, celle de vous suivre ou et à peut-être un peu moins celle de vous résister ?
RENAUD DUTREIL - Vous savez que moi je suis du pays de Jean de la FONTAINE, et j'ai médité " le lièvre et la tortue " donc je sais que parfois il faut avancer à pas comptés pour atteindre le but. Mais en même temps j'ai le sentiment d'urgence. Pourquoi ? Parce que nous ne sommes plus dans un pays refermé sur lui-même, nous ne sommes plus dans la France d'avant les années 60, une France qui était protégée, abritée, qui avait son rythme, son heure et qui aujourd'hui est exposée à une mondialisation, une compétition mondiale dans laquelle on n'a plus tellement le choix. Ce choix, il nous est souvent imposé de l'extérieur et on peut porter un jugement sur ce monde qui nous impose aujourd'hui de tels choix. Moi, je soutiens le président de la République lorsqu'il essaie de construire une démocratie globale, c'est-à-dire on a construit la démocratie à l'échelon local, régional, national, européen, mais il reste cette jungle qui est celle du monde d'aujourd'hui. Et CHIRAC, ça c'est un de ses atouts maîtres aujourd'hui, il essaie de poser les jalons d'un monde plus juste, mieux organisé, avec davantage de démocratie. Alors on ne l'a pas construite encore cette démocratie globale et donc on est obligé de tenir compte de la concurrence. Vous avez vu comment on a réagit en France quand on a appris qu'un Chinois qui était inconnu complètement en France a repris le premier réseau de distributeurs de parfums MARIONNAUD dans notre pays, on voit bien que l'économie est ouverte, moi j'ai vraiment confiance dans les talents français et je considère qu'il y a deux France toute aussi performante et utile l'une que l'autre. La France du public, la France du privé, et je veux réconcilier ces deux France et pas les opposer l'une à l'autre et ça c'est vraiment important.
MICHEL GROSSIORD - Question de Patrick APPEL-MULLER de L'HUMANITE, qui réagit là je crois à votre opposition public/privé.
PATRICK APEL-MULLER - Tout à fait, vous avez décrit d'ailleurs le mouvement actuel comme un nouvel épisode d'une guerre entre le public et le privé. Or LE PARISIEN notre confrère publie un sondage récemment qui montre que 65 % des Français soutiennent les revendications des fonctionnaires, soutiennent le mouvement en cours et donc il n'y a aucune opposition entre les salariés du privé et les salariés du public.
RENAUD DUTREIL - Je crois qu'il faut trouver un bon équilibre, on a besoin de service public, c'est indéniable et les fonctionnaires sont la richesse du service public, on en a besoin. Et on a aussi besoin d'entreprises performantes. Quel est le point où il peut y avoir confrontation ? C'est le problème des prélèvements obligatoires, c'est-à-dire le problème de l'impôt, or nous voyons bien qu'en France nous avons un niveau de prélèvement obligatoire qui est supérieur et de loin à l'ensemble de nos partenaires européens, et nous avons le sentiment, on peut discuter de ça, qu'il faut pour être compétitif, donc pour protéger l'emploi français, la croissance française, la richesse française, il faut faire attention à ne pas augmenter les impôts. Et on a fait faire un sondage, parce que les sondages vous savez, ils disent tout et son contraire, où on demandait aux gens, est-ce que vous comprenez le gouvernement quand il dit oui il faut plus de pouvoir d'achat pour les fonctionnaires, mais non, pas au prix d'une augmentation des impôts. Et là on a eu 40 % des gens qui nous ont dit, on comprend le gouvernement, 22 % des gens qui ont dit, vous ne devriez pas donner de pouvoir d'achat aux fonctionnaires et 30 % des gens qui ont dit, non, non il faut augmenter les impôts pour donner plus aux fonctionnaires. Donc vous voyez bien que la France, elle est aussi parfois partagée sur cette question des prélèvements obligatoires qui n'est pas une mince affaire. Alors il ne faut pas avoir une approche comptable de la Fonction publique, et ce n'est pas mon cas, mais il faut quand même tenir compte aussi de cet élément.
MICHEL GROSSIORD - Alors on entre vraiment là dans le vif du sujet parce qu'on a très envie évidemment de connaître votre réponse à ces manifestations du jour, de fonctionnaires.
JEAN-LOUIS GOMBEAUD - Eh bien comment la jugez-vous, c'est-à-dire est-ce que c'était une manifestation importante, une grève qui marquera ou bien une grève disons modeste ?
RENAUD DUTREIL - Alors si on regarde les chiffres qu'on a maintenant à la fin de cette journée, quelques indications sur la participation, on a un peu plus de 40 % de grévistes à l'Education nationale et on a à peu près 20 % hors Education nationale, donc on voit bien qu'il y a deux types de réaction différente selon qu'on est enseignant à l'Education nationale ou selon que l'on est dans un autre ministère ou une autre administration. On a vu la même chose pour la POSTE, la POSTE 17 %, la SNCF pas loin de 35 %. La fonction publique, le secteur public n'est pas homogène, il n'est pas un, ce sont des métiers très différents avec des conditions de travail différentes. Les conditions de travail d'une infirmière dans un service d'urgence ne sont pas les mêmes que celles d'un rédacteur de textes dans la direction juridique d'un ministère, donc il faut tenir compte
MICHEL GROSSIORD - hausse des salaires et maintien de l'emploi
RENAUD DUTREIL - Moi je vais vous donner mon sentiment, j'ai l'impression et d'ailleurs un certain nombre de journalistes le disent et ils ont raison de le dire, que ce qui manque aujourd'hui aux fonctionnaires c'est un cap et une vision à long terme parce que les fonctionnaires sont tout à fait capables de comprendre qu'il y a des choses à changer, mais ils ont le sentiment et peut-être sommes-nous responsables aussi de cela, qu'on gère dans l'urgence, c'est le portrait de tout à l'heure et dans le court terme. Alors ça c'est du aussi à nos instruments parce que l'instrument essentiel pour la gestion des moyens de l'Etat, c'est la loi de finance, mais la loi de finance elle prévoit les 12 mois qui suivent et puis après basta, il n'y a plus rien. Ce que je propose aujourd'hui c'est qu'on refonde la Fonction publique, c'est-à-dire qu'on fasse, je ne sais pas si le terme est approprié, une sorte de grenelle de la Fonction publique de l'Etat, que l'on regarde qu'elles sont les missions de l'Etat et ça la LOLF, la Loi Organique sur les Lois de Finance, de quelle compétence, de quel emploi, de quel profil, nous avons besoin pour assumer ces missions, de quel effectif et comment est-ce qu'on peut construire une fonction publique qui soit attractive pour les jeunes parce que nous entrons dans une période où on va recruter énormément.
MICHEL GROSSIORD - Donc vous voulez tout mettre sur la table, vous parlez d'un grenelle de la Fonction publique, c'est votre réponse ce soir pour sortir de la crise ?
RENAUD DUTREIL - Je crois que notre organisation de la Fonction publique de l'Etat est organisée un peu comme au début du 20ème et même du 19ème siècle avec 900 corps de fonctionnaires. Vous savez qu'il y a par exemple des corps comme le corps des magasiniers des archives de la Cour des Comptes qui sont régis avec une loi particulière. Ce système a beaucoup moins évolué que la fonction publique territoriale par exemple ou que la fonction publique hospitalière qui est plus moderne, donc il faudrait qu'avec les organisations syndicales, et c'est une proposition que je leur fais
MICHEL GROSSIORD - Ils ont reçu l'invitation déjà ?
RENAUD DUTREIL - Eh bien elles savent que je m'intéresse de très près à cette organisation de la fonction publique de l'Etat qui a été bâtie par THOREZ et DE GAULLE en 46, ça a été un grand moment républicain mais, qui depuis n'a jamais fait l'objet d'une relecture, d'une refondation, pour savoir ce que la République du 21ème siècle avait besoin comme fonction publique. Moi je suis prêt à engager ce travail. Je suis prêt dans une logique de donnant donnant, c'est-à-dire qu'il ne s'agit pas uniquement de satisfaire dans un rendez-vous de cette nature toutes les revendications des organisations syndicales, mais je suis prêt à m'engager dans cette voie.
BRUNO JEUDY - Monsieur le Ministre, on l'a bien compris, donc mais ce sera un travail long et sans doute de nombreuses réunions sur une durée très très longue, mais à court terme ce que les fonctionnaires, le premier mot d'ordre des fonctionnaires, c'était leur salaire, leur feuille de paie et là est-ce que vous avez quelque chose à leur donner ce soir ?
RENAUD DUTREIL - Sur les salaires, nous avons négocié, nous avons eu plusieurs réunions au mois de novembre et au mois de décembre, et là qu'est-ce que j'ai fait, j'ai essayé d'être juste et raisonnable. Alors juste, ça veut dire quoi, ça veut dire que j'ai augmenté le point indiciaire plus en 2005 qu'en 2004 et qu'en 2003. 2003, il y avait 0 % de point indiciaire, 2004, il y avait 0,5 % et là en 2005 il y a 1 %. Et surtout j'ai rappelé que la feuille de paie d'un fonctionnaire, ce n'est pas uniquement le point indiciaire qui la nourrissait, mais d'autres éléments, les catégoriels par exemple, les primes, 450 millions de plus en 2005 quand même ce n'est pas rien et puis l'avancement automatique qui fait qu'un fonctionnaire tous les trois ans, il voit son traitement augmenter de 6 %. Alors tout ça c'est une moyenne et les syndicats disent, mais oui mais c'est une moyenne donc il y a des gens qui sont sous la moyenne. J'ai proposé deux mesures de justice pour ceux qui sont sous la moyenne. Une pour les moins bien payés de la fonction publique, c'est la mesure qui s'appliquera le 1er juillet en liaison avec la remontée du SMIC qui a été décidée par le gouvernement et une autre pour des fonctionnaires qui arrivent en fin de grade, c'est-à-dire qui n'ont plus d'avancement automatique parce qu'ils sont au sommet de leur grille. Tout ça est un peu technique, mais avec les moyens du bord j'ai essayé d'être juste. Et puis raisonnable, alors raisonnable ça veut dire quoi, ça veut dire que je n'ai pas voulu qu'on augmente les impôts, et je n'ai pas voulu qu'on augmente la dette parce que rémunérer les fonctionnaires en 2005 aujourd'hui en faisant payer nos enfants et nos petits enfants par de la dette, je trouve ça irresponsable et augmenter les impôts pour rémunérer mieux les fonctionnaires, on pourrait bien sûr le faire, je ne pense pas que ce soit juste de le faire parce que nous avons des niveaux d'impôts qui sont déjà très très élevés et que le président de la République à juste titre a fixé au gouvernement cet objectif de réduire les impôts, pas de les augmenter mais réduire. Donc vous voyez bien mon équation en général, j'essaie d'être juste.
INTERVENANT - Pas de geste possible ?
RENAUD DUTREIL - J'ai indiqué aux organisations syndicales que, et elles étaient d'ailleurs d'accords avec ça, que nos discussions sur les salaires en 2005 s'arrêteraient avant Noël, donc nous avons arrêté ces discussions avant Noël.
JEAN-LOUIS GOMBEAUD - Monsieur GALLOIS, après la grève hier de la SNCF nous a trouvé 300 emplois, donc vous, c'est-à-dire 10 % des suppressions d'effectifs envisagées au départ, vous il y a une grève à peu près d'une même ampleur, et vous n'avez rien à donner en échange aux salariés qui se présentent.
RENAUD DUTREIL - Je vais vous faire une confidence, je n'ai pas d'argent caché sous le tapis ou dans la cheminée, contrairement à la SNCF. Alors je ne sais pas comment fait monsieur GALLOIS, il a certainement des réserves mais moi je n'en ai pas. La loi de finance qui a été votée par le Parlement, nous sommes ici sur une chaîne Public Sénat, le Sénat a voté une loi de finance, la loi, elle s'applique et si vous me demandez aujourd'hui de modifier la loi de finance, je serais bien embarrassé pour le faire. C'est la loi de la République, elle s'applique, elle a prévu les recettes, elle a prévu les dépenses, je n'ai pas de réserve, vous pouvez regarder dans mes poches, je n'ai pas d'argent à remettre sur la table aujourd'hui 20 janvier. Et donc une réponse
MICHEL GROSSIORD - Claire et nette.
RENAUD DUTREIL - qui est peut-être insuffisante pour ceux qui aimeraient avoir encore plus mais elle a le mérite de la clarté.
MICHEL GROSSIORD - Alors on revient peut-être avec Patrick APPEL-MULLER sur votre annonce de ce grenelle de la fonction publique.
PATRICK APPEL-MULLER - Oui c'est un joli mot grenelle de la fonction publique, mais votre conception du donnant donnant si on vous écoute là sur les salaires, les syndicats ont le droit de donner leur avis et moi je ne leur donne rien. Vous parlez là d'un grenelle, si ils sont écoutés de la même manière, parce que là tous les syndicats de fonctionnaires ont la même opinion sur les propositions que vous leurs avez fait, vous avez réussi à fédérer un front en face à vous, qu'est-ce que vous allez leur proposer lors d'un grenelle ?
RENAUD DUTREIL - Alors dans le cadre de ce grenelle, de ce donnant donnant, je suis prêt à ce que nous regardions les grilles indiciaires parce que vous savez que les fonctionnaires, ils sont rémunérés sur la base de grilles qui aujourd'hui présentent de nombreux défauts, et en particulier un premier défaut c'est qu'au bout de 20 ans, un fonctionnaire eh bien il bute sur le sommet de l'escalier qu'il est en droit d'attendre en matière de rémunération. Or ce fonctionnaire, il ne va pas travailler uniquement 20 ans, il va continuer après à travailler, mais il n'a plus d'espérance de pouvoir d'achat, donc on voit bien qu'il faut reconstruire des grilles, pour qu'il y ait beaucoup de profondeur dans le temps. Voilà un premier élément. Deuxième élément je m'aperçois que nous avons un tassement de la grille pour les catégories C, c'est-à-dire ceux qui rentrent dans la fonction publique au bas de l'échelle, voilà un deuxième sujet sur lequel nous pouvons travailler. Je suis prêt à regarder ce qui s'appelle la grille de la rémunération dans la fonction publique et je dis qu'évidemment ça a un coût, ça un coût qu'on pourra étaler sur le long terme dès lors qu'on aura reconstruit un pacte de confiance dans la fonction publique et que ce coût supplémentaire pour le budget, il aura comme contre partie une fonction publique plus heureuse, plus dynamique, plus motivante. Moi j'y suis prêt, alors évidemment c'est un pari sur le long terme, ce n'est pas quelque chose qui se décide en 15 jours, pour les six mois qui suivent, c'est un engagement pluriannuel et moi je pense que ce serait vraiment aujourd'hui intéressant de le faire.
MICHEL GROSSIORD - Et qu'est-ce que vous attendez de la part des syndicats donc dans ce donnant donnant, des gains de productivité car l'expression ne vous fait pas peur concernant la fonction publique ?
RENAUD DUTREIL - Oui d'ailleurs je note que monsieur ASCHIERI qui est un des dirigeants syndical le plus important à l'Education nationale en particulier, a lui-même reconnu qu'on pouvait faire des gains de productivité dans certaines administrations, et il a assez raison de distinguer, ceux qui en contact avec les Français, une infirmière, un policier, un enseignant, ce sont des fonctionnaires qui sont en contact avec les Français, on peut appeler ça le front d'office, et puis le cur de l'Etat, les coulisses de l'Etat où là on peut faire des gains de productivité. Et on le fait, par exemple l'administration électronique nous permet aujourd'hui de supprimer à peu près un millier d'emplois aux impôts sans qu'il y ait dégradation de la qualité du service public, au contraire ça s'améliore et sans que les fonctionnaires soient lésés, au contraire ils ont été intéressés, Nicolas SARKOZY a veillé à ce qu'il y ait un plan d'intéressement des fonctionnaires à cette modernisation. Ca c'est du donnant donnant. On peut imaginer du donnant donnant, on va dire, on va mieux vous payer mais, il y aura moins d'effectifs parce qu'on aura réorganisé le service dans le sens d'une meilleure qualité. C'est ça que j'aimerais effectivement aujourd'hui construire.
MICHEL GROSSIORD - Alors pour vous résumer, ce grenelle c'est quel objectif, et quel calendrier ? Vous avez dit long terme.
RENAUD DUTREIL - L'objectif c'est probablement de passer de cette organisation en 900 corps de fonctionnaires, qui me paraît quand même assez archaïque et qui d'ailleurs n'existe pas dans la fonction publique hospitalière, ni dans la fonction publique des collectivités territoriales, à une logique de grands espace professionnel maintenant les fondamentaux du statut de 1946, c'est-à-dire la séparation du grade et de l'emploi, la logique de carrière, donc pas une remise en cause, le néolibéral comme on pourrait l'imaginer de la fonction publique française qui resterait assise sur ces fondamentaux et qui serait beaucoup plus capable de mobilité volontaire, de mobilité dans l'organisation du service. Eh bien je souhaite après un premier tour d'horizon, en bilatéral avec chacune des sept organisations, qui va avoir lieu dans les jours qui viennent, je souhaite pouvoir rentrer dans ce travail. Mais je ne sais pas à l'heure actuelle si j'aurais face à moi les organisations syndicales qui accepteront cette ouverture du dialogue. Je sais déjà qu'il y a certaines organisations syndicales qui ont une vision à peu près voisine de la mienne et d'autres qui ont envie de pouvoir s'engager dans la réforme des grilles, mais je leur dis il n'y aura pas de réforme des grilles, si il n'y a pas d'engagement dans la réforme
MICHEL GROSSIORD - Renaud DUTREIL, est-ce que vous en faisant cette proposition importante ce soir, est-ce que vous avez l'impression de changer votre méthode et est-ce que vous attendez que les syndicats, le donnant donnant, changent également leur méthode ?
RENAUD DUTREIL - Vous savez il ne faut pas croire qu'un ministre est satisfait quand il y a conflit. Moi j'essaie toujours de sortir par le haut d'un conflit, ou d'un mécontentement. Si on continue comme ça à gérer la fonction publique à la petite semaine et d'ailleurs la gauche a souvent géré la fonction publique aussi à la petite semaine, eh bien si on continue comme ça, nous accumulerons sur le dos des fonctionnaires de plus en plus de contraintes, et les syndicats eux-mêmes eh bien pâtiront de cette situation parce que les syndicats, leur objectif c'est de défendre les salariés et les fonctionnaires, ce n'est pas d'entrer dans des conflits sans solution. Donc moi je pense que c'est l'intérêt commun qu'on puisse ouvrir ce dialogue aujourd'hui.
MICHEL GROSSIORD - Alors récession Bruno, réponse courte.
BRUNO JULY - Une réponse courte sur un dossier qui n'est pas directement de votre compétence mais qui concerne le secteur public, cette semaine avec la grève dans les transports est revenue immanquablement le dossier presque l'Arlésienne du service minimum garanti, qui a changé plusieurs fois de nom, mais appelons comme ça, je n'ai pas très bien compris votre position. Longtemps on sait que vous avez été favorable à une loi sur le service minimum garanti, là j'ai cru comprendre qu'une négociation suffisait, qu'elle est exactement votre position ?
RENAUD DUTREIL - D'abord je crois qu'il faut rappeler que le service minimum garanti, il existe dans un très très grand nombre de services de l'Etat, très très grand nombre.
MICHEL GROSSIORD - Mais là la question c'est sur les transports évidemment.
RENAUD DUTREIL - Voilà et il y a un secteur où on n'arrive pas à trouver la solution, c'est le secteur des transports et encore on a trouvé la solution à la RATP et finalement ça se restreint aujourd'hui à la SNCF. Alors on peut dire on vote une loi et on a réglé le problème.
MICHEL GROSSIORD - C'est ce que dit Nicolas SARKOZY.
RENAUD DUTREIL - Bien souvent
INTERVENANT - C'était ce qui était prévu en 2002.
RENAUD DUTREIL - Le président de la République avait dit on va trouver une solution pour le service minimum garanti, il n'avait pas dit quel était le moyen. Alors moi ce que je constate en France, c'est qu'on fait des lois symboles, qui deviennent des lois creuses, c'est-à-dire qu'on ne les applique pas. Et là Gilles de ROBIEN, et il a raison, dit on va tenter la voie de l'accord, de la négociation et on sera beaucoup plus sûr qu'il y aura un vrai service minimum garanti si on arrive par cette voie à la négociation parce qu'au moins on aura la signature des syndicats et donc ils se seront engagés. Tandis qu'une loi, c'est une contrainte et on sait très bien, on l'avait vu en Italie qu'on peut bien voter des lois sur le service minimum garanti, et avoir au bout du compte les mêmes résultats que quand il n'y avait pas de loi. Attention la loi est trop souvent considérée comme la panacée, comme la solution miracle alors que les comportements sont la clé du succès, c'est ça qui compte, c'est quand les comportements changent. On a vu les comportements changer à la RATP eh bien essayons de faire aussi bien à la SNCF.
BRUNO JEUDY - version RAFFARIN/DUTREIL plutôt qu'un service minimum garanti version SARKOZY ?
RENAUD DUTREIL - Mais je crois que Nicolas SARKOZY et nous, nous sommes en phase sur la volonté d'apporter un meilleur service aux usagers de la SNCF.
MICHEL GROSSIORD - Avec des méthodes un peu qui différent quand même, on l'a compris sur le thème de la loi en tous les cas.
JEAN-LOUIS GOMBEAUD - Est-ce que je peux revenir sur votre grenelle, proposition en tout cas. Si j'ai bien compris en réalité la dynamisation, la dynamique de la grille que vous proposez aux fonctionnaires, elle devra être financée par des gains de productivité, c'est-à-dire par des compressions d'effectifs dans la fonction publique automatiquement puisqu'il s'agit d'une industrie de main d'uvre globalement. La question que je pose est la suivante, à votre avis combien faut-il en France de fonctionnaires pour faire tourner le pays ? c'est-à-dire aujourd'hui on a deux millions cinq cent mille fonctionnaires, dans n'importe quelle entreprise on vous dit j'ai besoin de tant d'effectif, combien d'effectif vous faut-il parce qu'autrement
INTERVENANT - Ernest-Antoine SEILLIERE vous en demande 500 000 de moins, vous, vous avez commencé par en supprimer 7 188.
RENAUD DUTREIL - Alors vous voyez bien à quel point l'Etat ne dispose pas des bons instruments pour fonctionner. Moi je suis arrivé dans le ministère, j'ai demandé combien il y avait de fonctionnaires, on m'a dit, on ne sait pas trop, la Cour des comptes nous avait d'ailleurs souvent attaqué sur ce sujet, en disant, mais vous ne connaissez pas exactement le nombre de vos agents, c'est quand même bizarre. Demain, demain matin, je réunis l'Observatoire de l'emploi, enfin on va savoir exactement de combien de fonctionnaires nous disposons et nous allons mettre en place ce qu'on appelle, alors c'est un terme un peu technique
JEAN-LOUIS GOMBEAUD - Peut-être un chiffre maintenant
RENAUD DUTREIL - Quatre millions neuf cent mille fonctionnaires pour les trois fonctions publiques.
MICHEL GROSSIORD - 50 % pour l'Etat.
RENAUD DUTREIL - Et nous allons surtout mettre en place ce qu'on appelle la gestion prévisionnelle des emplois, des effectifs et des compétences. Nous allons regarder service par service de combien on a besoin de collaborateurs pour être efficaces, non pas l'année prochaine mais dans les cinq ou les dix ans qui viennent, c'est cette vision de long terme qui manque aujourd'hui et quand on aura fait ce boulot, eh bien on saura répondre à votre question. Et peut-être que dans certains services on s'apercevra qu'on peut diminuer, de 10, de 20 ou de 30 % les effectifs et moi je n'ai pas de tabou là dessus. Et ça nous permettra peut-être de créer plus de postes de chercheurs, plus de poste d'enseignants dans les quartiers difficiles, plus de poste comme on l'a fait de policiers puisque nous avons reconstruit la fonction régalienne de l'Etat, justice, défense, police, c'est le programme du président de la République et on l'a reconstruit.
JEAN-LOUIS GOMBEAUD - Par exemple si je dis deux millions de fonctionnaires d'Etat, est-ce que ça vous paraît excessif ou c'est à peu près le chiffre sur lequel on pourrait tourner ?
RENAUD DUTREIL - Ce que je constate, c'est qu'entre 1980 et aujourd'hui nous avons vu le nombre de fonctionnaires augmenter d'un million. Qu'est-ce qui s'est passé ? La fonction publique territoriale a vu ses fonctionnaires augmenter de 47 % et c'est normal, elle avait de nouvelles compétences, il a fallu des fonctionnaires pour assurer ces compétences. La fonction publique hospitalière a augmenté de 27 %, c'est normal, il y a une demande sociale de soins en France, les gens veulent être bien soignés, il y a le vieillissement de la population, il y a les progrès techniques, c'est normal qu'à l'hôpital il y ait plus de monde. Et puis il y a l'Etat, et là l'Etat lui il aurait probablement du maintenir un niveau relativement constant de ses effectifs puisqu'il se déchargeait d'une partie importante de ses compétences sur les collectivités territoriales, cherchez l'erreur. Pourquoi est-ce que l'Etat n'a pas repensé son organisation ? Pour qu'il y ait par exemple plus d'enseignants, les enseignants ont beaucoup augmenté depuis 20 ans, mais que dans d'autres fonctions, les fonctions de back office, les fonctions à l'intérieur des coulisses de l'Etat, on se réorganise pour avoir beaucoup moins de monde. On aurait du faire ça.
MICHEL GROSSIORD - de quota en quelque sorte, de quota de fonctionnaires selon les fonctions, comme on parle de quota pour éventuellement les immigrés de demain ?
RENAUD DUTREIL - Il faut simplement adapter les effectifs aux besoins, voilà. Et souvent on sait mal mesurer les besoins donc on a une vision un peu politique, symbolique des effectifs et les syndicats d'ailleurs eux-mêmes quand ils demandent plus d'effectifs, ils sont aussi dépourvus que moi d'instrument pour justifier ces demandes d'augmentation des effectifs.
PATRICK APPEL-MULLER - Vous ne répondez pas positivement aux demandes des syndicats sur les salaires, lorsque les cheminots le 28 octobre utilisent leur procédure d'alarme pour dire le budget de la SNCF ne va pas, personne ne les écoute, personne ne les entend, rien n'est changé, sur les effectifs vous évoquez avec juste titre le manque d'effectifs chez les infirmières, chez les enseignants, les surveillants, il se trouve que ma femme est infirmière, on manque d'infirmière partout et il n'est pas dans l'intention du gouvernement d'en créer puisque même l'Assistance publique réduit les effectifs. Donc est-ce que vous ne craignez pas que ces secteurs qui sont sensibles dans l'opinion publique ne parviennent à fédérer un privé qui aujourd'hui, des salariés du privé qui sont mécontents et des salariés du public qui aujourd'hui manifestent fortement leur opposition à vos projets, est-ce que vous ne craignez pas un peu plus, que ce grenelle se fasse dans la rue et contre vous ?
RENAUD DUTREIL - L'argent ne tombe pas du ciel, il y a des milliards d'euros, ils ne tombent pas du ciel
PATRICK APPEL-MULLER - de cadeau à faire, dans les budgetspour les revenus les plus aisés.
RENAUD DUTREIL - Non, je ne crois pas non, on ne fait pas de cadeau. On ne fait pas de cadeau, on essaie d'avoir une économie qui crée de la croissance. Regardez ce qui se passe quand même ailleurs, dans beaucoup de pays du monde, on a une croissance de 5, 6, voire 7 %. Pourquoi est-ce que l'Europe est en si faible position ? Alors chacun a son analyse. Moi la mienne, c'est que nous devons avoir un appareil économique performant, je considère et c'est là, je ne fais pas d'opposition entre les deux France, je considère qu'on a besoin des services publics et de la libre entreprise, pour être collectivement efficace. On s'aperçoit aujourd'hui qu'on a un certain nombre de freins, le gouvernement essaie de les lever petit à petit et en particulier il y a le frein fiscal, on essaie de le desserrer pour qu'il y ait davantage d'énergie investie dans l'entreprise, on a besoin d'entreprise. Regardez l'AIRBUS, qu'est-ce que c'est que l'AIRBUS A 380, c'est une vraie réussite française avec des entreprises européennes vous avez tout à fait raison de le dire et une initiative qui a mêlé initiative publique et initiative privée. Et d'ailleurs le président de la République en demandant à BEFFA de plancher sur ce sujet de la politique, de relance industrielle ne rentre pas dans un schéma purement libéral de marché, il a bien compris qu'on avait besoin de ces deux France. Alors c'est ce que nous voulons faire et on verra qu'il y aura des résultats et ce n'est pas, je pense, ce n'est pas par l'expression de mécontentement qui est un facteur d'angoisse, si vous voulez, qu'on trouvera les solutions. L'angoisse, nous la ressentons, mais nous voyons aussi que les pays qui stressent le plus sont les pays où il n'y a pas de réforme. Les pays qui sont engagés dans le mouvement, dans le changement, dans la modernisation, ils arrêtent de stresser parce qu'ils voient qu'il y a un cap, ils voient qu'il y a une sortie, qu'il y a un chemin et tout le monde se mobilise. Le problème de la France, c'est que avec la gauche en particulier, on a tellement été tétanisé par l'idée de la réforme et du mouvement, regardez entre 97 et 2002, sur les retraites rien, sur la réforme de l'Etat, quasi-rien, sur l'organisation de la fonction publique presque rien, on a perdu beaucoup de temps. La France et l'Allemagne ont été pendant cette période les deux seuls pays d'Europe à ne pas de désendetter. Aujourd'hui j'ai un milliard trois à donner de plus à nos banquiers, je préférerais les donner aux fonctionnaires, je serais très heureux de pouvoir les donner aujourd'hui aux fonctionnaires. Mais il faut que je les donne à nos créanciers, et pourquoi, parce qu'on s'est endettée tandis que les autres se désendettaient.
MICHEL GROSSIORD - Les fonctionnaires sont-ils victimes d'un mépris de la part du gouvernement ? Est-ce que vous vous sentez visé par exemple par cette accusation formulée ce jeudi matin par Dominique STRAUSS-KAHN ?
RENAUD DUTREIL - Moi je suis fonctionnaire depuis que j'ai l'âge de 20 ans, alors si je méprisais les fonctionnaires, je me mépriserais moi-même, ça n'a pas de sens. Il y a des difficultés, elles sont bien souvent héritées d'une certaine insouciance française, on a considéré que la France était un pays où tout s'arranger comme par magie, eh bien ce n'est pas le cas, les choses ne s'arrangent que quand on travaille avec intelligence dans le dialogue, mais on travaille à bouger les choses et c'est ce dans quoi nous sommes aujourd'hui engagés, moi j'ai confiance dans mon pays et si j'étais en dépression j'arrêterais et je me dirais, je vais me la couler douce pendant quelques mois. Ce n'est pas du tout mon intention. Si je me bats, si j'essaie de bouger les choses, si je crois à ce que certaines solutions soient possibles y compris avec les syndicats les plus durs, les plus hostiles au dialogue, eh bien c'est parce que je pense que mon pays peut tout à fait s'en sortir.
MICHEL GROSSIORD - On croit tous en la France mais on voit avec le rapport des préfets publié cette semaine que la France est atteinte d'un pessimisme collectif, une sorte de dépression.
RENAUD DUTREIL - Mais ce n'est pas un pessimisme du berceau puisque nous avons appris avec plaisir que les Français faisaient des enfants, c'est quand même aussi une façon de croire en son avenir et encore une fois, si nous avions un mouvement collectif de modernisation bien clair pour tout le monde et partagé par la plus grande majorité des Français, il y aurait beaucoup moins de stresse. Ce qui stresse les gens, c'est l'idée qu'on ne fait pas ce qui est nécessaire et qu'un jour il va falloir le faire et que là, l'ardoise sera beaucoup plus sévère.
JEAN-LOUIS GOMBEAUD - Le Parlement est engagé sur le dernier, nous est présenté comme le dernier assouplissement des 35 heures qui s'appliquera pas à la fonction publique, comment vous expliquez que les fonctionnaires n'ont pas le droit de travailler plus pour gagner plus ?
RENAUD DUTREIL - Eh bien c'est vrai que les 35 heures ont été un choc pour la fonction publique, mais un choc différent, selon les métiers. Par exemple dans les hôpitaux, le fait d'appliquer les 35 heures a dégradé le service public hospitalier, ça c'est clair, c'est-à-dire que les socialistes ont décidé d'avoir un hôpital qui fonctionnait moins bien en imposant les 35 heures à l'hôpital. Dans d'autres activités de l'Etat, on a su créer des gains de productivité et qui ont permis d'absorber ce choc des 35 heures, à l'hôpital vous n'avez pas de gain de productivité possible, vous avez une infirmière, comme vous le disiez votre épouse, quand elle n'est pas là, il y a un service qui se dégrade ou quand elle est en nombre insuffisant dans son service, il y a un service public qui se dégrade. Donc on voit bien que les 35 heures, ça n'a pas fonctionné de la même façon dans les différentes activités de l'Etat. Moi je pense qu'il y a un sujet à l'hôpital, ça c'est clair, Jean-François MATTEI avait d'ailleurs négocié avec les organisations syndicales un accord qui a pu permettre à l'hôpital de bien fonctionner, donc de surmonter cet obstacle des 35 heures, pour le reste de l'Etat, on a vu qu'à la police Nicolas SARKOZY avait fait des choses en matière de travail, d'organisation du travail. Il faut être pragmatique
JEAN-LOUIS GOMBEAUD - Vous ne répondez pas à ma question, pourquoi il est impossible pour un fonctionnaire de travailler plus pour gagner plus, ce que vous proposez à tout le secteur privé ?
RENAUD DUTREIL - Alors vous savez il y a une chose aussi assez étonnante dans la fonction publique de l'Etat, c'est qu'on n'a pas appliqué les 35 heures, puisqu'en moyenne les fonctionnaires de l'Etat, ils travaillent 38 heures ou 38,5 heures, donc la semaine de travail dans la fonction publique de l'Etat, elle n'a pas été raccourcie. Ce qui s'est passé, c'est qu'on a donné des jours de RTT aux fonctionnaires. Ca a beaucoup plus désorganisé les services que si on était passé aux 35 heures. Moi si vous voulez, je considère qu'aujourd'hui nous avons il y a beaucoup de demandes des organisations syndicales d'ailleurs pour remettre ce sujet sur la table, nous avons suffisamment de pain sur la planche avec les organisations syndicales sur les sujets que j'ai évoqué à l'instant pour ne pas rajouter celui-là, qui ne fait l'objet d'aucune demande ni du côté de l'employeur, ni du côté des salariés.
BRUNO JEUDY - Monsieur le Ministre, un des gros bataillons de la Fonction publique ce sont les enseignants et comment fait-on pour réformer un secteur comme celui de l'Education nationale contre ses représentants, contre les enseignants ?
RENAUD DUTREIL - Alors là encore
BRUNO JEUDY - Parce que là finalement ce sont quand même ceux qui se sont le plus mobilisés aujourd'hui derrière des mots d'ordres nationaux des syndicats mais aussi dans la perspective de la loi sur l'école, qu'ils refusent, alors comment fait-on ?
RENAUD DUTREIL - Là aussi d'abord il y a de la considération à apporter aujourd'hui aux enseignants parce que, c'est vrai que nous sommes dans un univers qui bouge, le pouvoir d'achat, c'est une demande qui est générale, les conditions de travail ne sont pas les mêmes selon les métiers de la fonction publique, il n'est pas impossible que les enseignants aujourd'hui vivent plus difficilement certaines conditions de travail. Vous savez j'ai proposé avec François FILLON, la seconde carrière des enseignants, c'est-à-dire permettre à des enseignants d'avoir une seconde carrière, on va publier le décret, ce sera applicable à la rentrée prochaine, ça répond à une vraie demande de certains enseignants qui veulent faire un autre métier. Bon si ils veulent faire un autre métier c'est qu'il y a des raisons. Je crois que les conditions de travail sont difficiles mais je crois que la façon dont François FILLON a abordé la question, avec beaucoup de pragmatisme, avec beaucoup de discussions avec les organisations syndicales, avec tout sauf le chiffon rouge, avec une réforme qui est une réforme bien préparée, qu'il a conduite avec eux, je pense que ça devrait nature à apaiser leurs craintes. Les enseignants sont indispensables à la société de l'intelligence que nous voulons bâtir, il faut réaffirmer leur nécessité. Mais il faut aussi regarder un certain nombre de sujets.
BRUNO JEUDY - Vous n'êtes pas inquiet pour les semaines qui viennent par rapport aux débats qui vont s'engager à l'Assemblée et au Sénat ?
RENAUD DUTREIL - Moi on m'a fait mon portrait tout à l'heure, on m'a dit que je n'étais jamais inquiet. Je ne suis pas inquiet parce que je pense que tant qu'il y a des hommes et des femmes capables de discuter, de chercher des solutions dans le réalisme, de chercher des solutions, eh bien il y a de l'espoir.
MICHEL GROSSIORD - Vous n'êtes jamais inquiet mais par exemple vous ne craignez pas que ce climat social pèse sur le référendum concernant le traité européen, vous n'avez pas peur que là justement il y ait une manifestation de l'opinion dans les urnes après la rue ?
RENAUD DUTREIL - Les Français aujourd'hui sont des citoyens parfaitement responsables, ils sont tout à fait capables de comprendre qu'il y a des sujets différents et que ce n'est pas parce qu'il y a une urne sur la table qu'il faut faire l'amalgame de tous ces sujets. Ils vont se prononcer sur un sujet qui est bien précis, qui est important pour nous tous d'ailleurs, qui est la constitution européenne. Certains auront tendance à utiliser leur bulletin de vote pour dire autre chose, mais la grande partie des Français, je pense qu'ils vont répondre à la question qui leur est posée.
BRUNO JEUDY - Vous ne redoutez pas un effet régional 2004 parce que finalement l'année dernière dans les urnes, les Français qui avaient beaucoup manifesté quelques mois avant, ont voté contre le gouvernement au printemps 2004 ?
RENAUD DUTREIL - Nous avons beaucoup semé et il y a un moment où il y aura des résultats, nous en sommes convaincus. Si nous avons fait toutes ces réformes, c'est parce que nous pensons qu'à un moment elles vont produire des résultats dont les Français vont se rendre compte. Il est certain qu'en 2004, on n'était pas au moment de la moisson, ça c'est assez net. Mais en 2007, en 2006, je pense que tout ce travail considérable qui a été fait par le gouvernement, l'Assurance maladie avec Philippe DOUSTE-BLAZY, la réforme des retraites avec François FILLON, la réforme de l'école, ces réformes nécessaires, eh bien porteront leurs fruits et les Français sauront le comprendre.
MICHEL GROSSIORD - Patrick APEL-MULLER, encore sur des questions sociales ?
PATRICK APEL-MULLER - Oui c'est précisément cette accumulation de réformes touchant à des secteurs aussi sensibles que les services publics qui inquiètent très largement les Français, c'est vrai sur l'école, les enseignants c'est parce qu'ils ne croient pas précisément que vous allez vers une société de l'intelligence, mais les Français sont inquiets en voyant l'exemple, par exemple de la Grande Bretagne, la qualité des transports publics, ce qu'elle est devenue avec la privatisation et l'abandon des critères publics etc Ca ce sont des axes qui sont compris dans la constitution européenne et notamment dans le préambule qui prévoit la libre concurrence étendue à tous les secteurs et à tous les domaines comme règle de fonctionnement de l'Union européenne. Donc il y a une inquiétude là dessus ?
RENAUD DUTREIL - Je ne crois pas que l'Europe soit une machine
PATRICK APEL-MULLER - Je n'ai pas parlé de l'Europe, j'ai parlé de la constitution telle qu'elle est proposée.
RENAUD DUTREIL - Ni la constitution, la constitution reconnaît pour la première fois dans notre droit communautaire la notion de service public, et la réaffirme, donc cette constitution, elle a plutôt tendance à conforter le modèle français par rapport au modèle anglo-saxon qui lui effectivement est un modèle d'aller très loin dans le tout marché. On voit d'ailleurs que les Britanniques sont en train d'en revenir puisqu'ils reconstruisent leur service public qui avait été démantelé par l'expérience libérale. Ils embauchent des fonctionnaires mais vous avez vu aussi qu'ils en supprimaient dans les fonctions de back office, des fonctions du cur de l'Etat qui peuvent être modernisées, et je pense que tous les pays du monde le font. Pourquoi est-ce que la France serait le seul pays au monde à ne pas se moderniser ? Pourquoi est-ce qu'il y aurait un interdit français à la modernisation ? Eh bien nous, nous pensons que les vrais défenseurs du service public ce sont ceux qui comme nous, modernisent le service public et que les fossoyeurs du service publics, ce sont ceux qui disent, on ne touche à rien.
MICHEL GROSSIORD - 2007, comment vous voyez l'échéance, on parle beaucoup d'une possible candidature du président actuel, est-ce que Jacques CHIRAC a un droit de suite selon vous ?
RENAUD DUTREIL - Alors j'essaie d'avoir de la vision à long terme mais 2007 c'est un peu loin.
MICHEL GROSSIORD - Ah non il faut quand même répondre à la question poursuivie par Bruno JEUDY.
BRUNO JEUDY - Est-ce que vous dites comme Philippe DOUSTE-BLAZY, si Jacques CHIRAC se présente naturellement on sera derrière lui ?
RENAUD DUTREIL - Vous savez nous, nous travaillons pour que Jacques CHIRAC ait en 2007 tous les éléments du choix et y compris celui de se représenter en ayant la totale confiance des Français et des Français qui sont satisfaits des résultats apportés par son action. Voilà ce qu'est notre tache aujourd'hui. Maintenant pour faire des plans sur la comète, il y a des gens qui sont beaucoup plus capables pour ça.
MICHEL GROSSIORD - C'est le propre du politique aussi, Renaud DUTREIL.
BRUNO JEUDY - Il y a quelqu'un qui ne tire pas de plan sur la comète mais qui prépare des primaires à l'UMP, votre parti, est-ce que vous pensez que c'est une bonne idée ?
RENAUD DUTREIL - En 2002 quand Alain JUPPE m'avait demandé de préparer les statuts de l'UMP, j'avais proposé la chose suivante, j'avais dit, votons sur le candidat que l'UMP soutiendra à l'élection présidentielle, sauf si c'est le président sortant. Pourquoi ? Parce que président de la République, il ne peut pas se mettre dans la main d'un parti politique, ce n'est absolument pas la conception de la 5ème République et ce n'est pas non plus le souhait des Français. Le souhait des Français c'est d'avoir un président qui soit candidat devant les Français.
BRUNO JEUDY - Si il se décide un mois avant
RENAUD DUTREIL - Alors là on rentre dans des scénarios fictions, mais je vous réponds tout simplement voilà moi la proposition que j'avais faite à l'époque, c'était oui à la démocratie, c'est-à-dire qu'on choisit le candidat, sauf l'hypothèse où le candidat qui a été élu la fois d'avant, le président de la République est lui-même issu des rangs de l'UMP, dans ce cas nous avons un autre cas de figure.
MICHEL GROSSIORD - Est-ce que vous pensez que des primaires à l'UMP conduiraient tout droit à une crise de régime ?
RENAUD DUTREIL - Vous savez nous avons bâti l'UMP, en tout cas ma génération, pour mettre un terme à la guerre des chefs, aux querelles des clochers et à cet éclatement de la droite et du centre qui faisait sa ruine. Ca n'est pas pour recommencer, donc nous sommes aujourd'hui dans un parti où il y a des sensibilités différentes, vous avez des gens qui sont différents, vous avez des talents différents, moi je pense que l'intérêt commun l'emportera sur ces différences. Je suis là aussi assez optimiste, je pense que tout le monde finira par s'entendre sur celui qui sera le mieux placé pour l'emporter en 2007 sur la base d'un projet, puisque c'est ça que les Français attendront en 2007, un vrai projet pour le futur avec un cap et une méthode et nous allons contribuer à bâtir ce cap et cette méthode.
JEAN-LOUIS GOMBEAUD - Est-ce que vous pensez que l'âge est un handicap, dans les deux sens du terme d'ailleurs ?
RENAUD DUTREIL - Je crois que c'est Lionel JOSPIN qui s'était essayé à des jugements
JEAN-LOUIS GOMBEAUD - Oui dans les deux sens du terme justement, lui il avait pris qu'un seul sens
RENAUD DUTREIL - liés à l'âge et ça ne lui a pas réussi. Donc ce qui compte c'est la vitalité, la force, le projet, la clairvoyance d'un homme. Moi je considère que le président de la République aujourd'hui, quand on voit l'ensemble des chefs d'Etat sur la planète, est un de ceux qui a la plus claire vision de ce qu'il faut bâtir demain, c'est-à-dire la démocratie globale. Il le fait de façon assez méthodique avec les accords de Kyoto, de Johannesburg, sur les développements durables. Il le fait avec sa proposition d'accession internationale pour essayer de combler le fossé Nord Sud, il a une vraie vision, non pas pour deux ou trois ans, mais pour le long terme et donc on voit bien qu'il a des idées qui sont jeunes.
BRUNO JEUDY - Vous êtes un des rares ministres à mon sens à avoir pris position pour l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne, je crois que vous êtes favorable sur ce point là.
RENAUD DUTREIL - Oui.
BRUNO JEUDY - Je voudrais savoir si vous pensez que finalement la Turquie, ce n'est pas ce qui à droite va peut-être gêner le oui que réclame le président ?
RENAUD DUTREIL - Alors ce sujet effectivement aujourd'hui est clairement un sujet sur lequel il y a un assez, une majorité de Français qui ont envie de dire non, mais d'abord, vous savez moi quand je vois mon fils qui est en 4ème, je ne lui demande pas de passer le bac demain matin. La Turquie est engagée dans un processus qui va prendre beaucoup de temps et qui va la transformer, c'est-à-dire que la Turquie sera une autre Turquie lorsqu'il s'agira pour les Français de dire oui ou non à l'entrée de la Turquie, donc chaque chose en son temps, viendra le moment du référendum sur la Turquie et ce n'est pas le moment.
MICHEL GROSSIORD - Votre urgence immédiate, on l'a bien compris, c'est de sortir de cette crise, votre réponse, c'est ce grenelle de la fonction publique que vous nous avez annoncé lors de cette émission. Merci beaucoup Renaud DUTREIL, d'avoir répondu à nos questions ce soir.
RENAUD DUTREIL - Merci.
(Source http://www.fonction-publique.gouv.fr, le 24 janvier 2005)