Interview de M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire, porte-parole du gouvernement, à RTL le 6 janvier 2005, sur la baisse des impôts au budget 2005 et la réforme de la procédure budgétaire.

Prononcé le

Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

Q- Bonjour J.-F. Copé... Mardi dernier, lors de la présentation de ses voeux aux Forces vives de la Nation, J. Chirac a souhaité - je le cite - "que soit reprise la baisse de l'impôt sur le revenu". Vous êtes responsable au Gouvernement, J.-F. Copé, de la préparation du prochain budget. Pourquoi faire l'effort sur l'impôt sur le revenu, de préférence aux autres formes de fiscalité ? Quelle est la philosophie ?
R- Il y a plusieurs pistes qui ont été annoncées par le président de la République...
Q- "Une baisse de l'impôt sur le revenu".
R- Oui, oui, il y a eu celle-ci, mais il y a eu aussi la fiscalité de l'épargne, il
y a eu bien entendu un certain nombre de choses, mais pourquoi l'impôt
sur le revenu ? Tout simplement parce que c'est l'impôt des gens qui
travaillent. Et, dans les grandes missions qui nous été confiées par le
Président de la République, il y en a une qui est essentielle : c'est de
réhabiliter le travail, de le mettre en haut du podium. Vous savez, ces
dernières années, on avait un peu foulé au pied cette valeur-là. Il a
semblé indispensable de rappeler que si on veut développer notre
économie, si on veut que notre pays reste dans le peloton de tête, eh
bien cette valeur du travail est essentielle. Et c'est vrai que l'impôt sur
le revenu est un élément important.
Q- Vous avez vu que dans les années précédentes, les députés de la
majorité, de l'UMP, étaient un peu rétifs à baisser l'impôt sur le
revenu comme le souhaitait le chef de l'Etat.
R- Je ne sais, mais ce que je peux vous dire en tout cas c'est qu'il y a aussi les résultats qu'il faut regarder et, depuis deux ans et demi, l'impôt sur le revenu a été diminué d'environ 10 points.
Q- Soyons précis, ce matin : de 9.
R- Oui, si vous voulez... enfin, sauf que, si on va tout à fait jusqu'au bout, il faudrait intégrer ce qui est en train de se préparer là, et qui a été adopté. Et en l'occurrence, si vous intégrez tous ces éléments, vous constatez que c'est grâce à cela que le pouvoir d'achat des Français a été préservé, c'est grâce à ça que le niveau de consommation a été maintenu, dans une période où la croissance mondiale et française n'a pas été formidable. C'est un signe à retenir. Cela prouve que ça peut être très utile pour maintenir la croissance.
Q- Comment allez-vous compenser la baisse des recettes, J.-F. Copé ?
R- Alors, écoutez, les choses sont parfaitement claires dans la feuille de route qui a été fixée par le président de la République. L'idée, c'est que ça fait partie des éléments importants, utiles, pour aller chercher la croissance, dixième par dixième. Vous savez, la croissance ça ne tombe pas du ciel, c'est quelque chose qui doit être le moteur même de l'activité des Français : ménages, entreprises, salariés, tout le monde, évidemment, on va tous s'y coller. Et, de ce point de vue, il n'est pas question bien entendu que des baisses d'impôts, quelles qu'elles soient, soient financées par plus de déficits. Elles doivent être pour être efficaces, gagées sur des économies. Et donc tout l'objet de l'année que nous allons vivre ensemble, ça va être justement de bâtir un nouveau budget en tenant compte de ces éléments.
Q- Quel est le niveau d'économies, la masse, que vous vous fixez ? Combien de milliards d'euros ?
R- Nous sommes le 5 janvier, ce sera tout le travail de cette année, avec H. Gaymard, que de bâtir évidemment ce budget, en tenant compte naturellement des économies à réaliser. Et je vous promets que dans ce domaine-là, on vous dira tout en temps réel...
Q- Vous n'êtes pas le premier à promettre des économies, vous le savez ça...
R- Reconnaissez que c'est la première fois que je vous le dis, puisque c'est la première fois que j'exerce les fonctions qui sont les miennes...
Q- Mais vous n'êtes pas le premier ministre à promettre que l'Etat fera des économies.
R- En revanche, je suis si je puis dire, le premier ministre du Budget qui, avec H. Gaymard, va avoir une mission fantastique : c'est de mettre en oeuvre une nouvelle manière de bâtir le budget de l'Etat, puisque vous savez que désormais, il y a une loi organique - la loi organique c'est au dessus de la loi - qui oblige le Gouvernement à bâtir un budget sous une forme totalement différente. Là où avant le ministre, on mesurait son efficacité, et il mesurait sa propre efficacité en disant : voyez, par rapport à l'année d'avant, j'ai plus de crédits, eh bien cette année, il va dire : je suis un bon ministre parce que, dès le premier euro, j'en justifie l'efficacité. Et ça, ça veut dire pour les Français qu'ils en auront pour leurs impôts.
Q- Lors de sa réélection en 2002, J. Chirac avait promis que l'impôt sur le revenu baisserait de 33 % pendant son quinquennat. Pour l'instant, on le disait tout à l'heure, l'impôt n'a baissé que de 9 %. L'exercice 2006 et 2007, pour que la promesse soit honorée, il faut que cet impôt baisse de 24 %. Est-ce que ça vous paraît crédible, J.- F. Copé ?
R- Ecoutez on le verra. Cela va dépendre de beaucoup d'éléments...
Q- Cela vous paraît possible ? Baisser de 24 % sur les deux années qui viennent l'impôt sur le revenu vous paraît-il possible ?
R- J.-M. Aphatie, tout est ouvert, je ne suis pas aujourd'hui en situation de vous répondre avec précision sur tous les éléments, vous le comprendrez... La seule chose que je peux vous dire, c'est qu'il y a un certain nombre de conditions effectivement qui tiennent à la situation de la croissance, à la situation générale de l'économie. Mais en tous les cas, le message du président de la République de dire "on reprend la baisse de l'impôt sur le revenu", eh bien ça veut bien dire ce que ça veut dire ! Ca veut dire que l'on poursuit l'objectif.
Q- Mais la promesse de J. Chirac pourra être honorée ? Vous le pensez ? Vous disiez en 2002 "on verra à la fin du quinquennat".
R- Oui.
Q- C'est pour ça que je vous pose la question. Cela vous paraît-il possible ?
R- Il ne vous a pas échappé que nous n'étions pas encore à la fin du quinquennat...
Q- ... donc ça vous parait possible.
R- ... en revanche, puisqu'on coche les cases, vous le voyez, sur tous les sujets, et sur le discours de voeux qu'il a prononcé aux Forces vives, eh bien il n'y a rien de surprenant effectivement, parce que c'est bien la description de la feuille de route qui se poursuit durant ce quinquennat.
Q- Si vous y arrivez, 2005 sera une sacrée année hein...
R- Et vous saurez vous en souvenir, Monsieur Aphatie...
Q- On vous réinvitera en 2006. J. Chirac terminera au mois de mai sa dixième année de présence à l'Elysée, et A. Duhamel le disait : "C'est un cap difficile à franchir". Vous êtes inquiet pour lui ?
R- Ah non, parce qu'il n'a pas dit que cela, A. Duhamel. Il a dit aussi une autre chose qui est très importante : c'est que eh bien voilà, l'avenir est en train de se bâtir, et que les décisions que nous prenons aujourd'hui, elles engagent l'avenir de notre pays. Et, de ce point de vue, les étapes sont franchies les unes après les autres, et tout ça, ça a été écrit en 2002 : la sécurité est rétablie, les réformes - le sale boulot que les autres ne voulaient pas faire avant -, la réforme des retraites, de la Sécurité sociale, il fallait le faire. On l'a lancée. La cohésion sociale... Aujourd'hui, ce qui est ouvert, ce sont les grands chantiers industriels, c'est la Recherche, c'est la préparation de l'avenir avec la réforme de l'école. Bref, c'est un énorme chantier...
Q- Mais A. Duhamel disait aussi : le cap des dix ans...
R- Eh bien écoutez... en tout cas ça a été l'occasion pour la moitié de ce quinquennat de dire : "voilà tout ce que nous avons encore à accomplir". Et bien sûr on se projette sur l'avenir.
Q- Vous croyez que J. Chirac sera candidat en 2007 ?
R- Ecoutez, ça je ne sais pas, ça relève de sa décision. La seule chose que je peux vous dire, c'est que, quoiqu'il en soit, pour réussir 2007 il faut déjà que les Français aient bien mesuré que l'ensemble des engagements pris en 2002 sont tenus, et que de ce point de vue, nous avons une obligation de résultats sur les grands chantiers. Et c'est ça aussi qu'a rappelé le président de la République.
Q- Vous souhaitez, vous espérez qu'il soit candidat en 2007 ?
R- Ecoutez, ça ce sont des décisions qui sont tellement importantes, et qui relèvent tellement d'enjeux personnels de la part du président de la République, que ça, ça lui appartient. Croyez-moi, dans ce domaine, le cas échéant, je saurai revenir vous le dire.
Q- On vous réinvitera. Il y a plein de raisons de vous réinviter. On parlera aussi beaucoup d'Europe dans les six premiers mois...
R- Absolument.
Q- ... et celui qu'on entend le plus ces jours-ci c'est V. Giscard d'Estaing, qui dit : "il faudrait que le chef de l'Etat clarifie sa position, etc.". Est-ce que les prises de position de V. Giscard d'Estaing vous paraissent compatibles avec le fait qu'il siège aujourd'hui au Conseil constitutionnel, J.-. Copé ?
R- Ecoutez, ça c'est à lui d'apprécier. La seule chose que je peux vous
dire, c'est...
Q- ... on vous réinvitera là-dessus...
R- ... non pas forcément là-dessus. Vous ne pouvez pas dire : c'est lui qui parle le plus... Non. Pour l'instant, celui qui parle le plus, c'est le Président de la République. Et lui a vraiment fait, effectivement, sur cet enjeu européen un rendez-vous absolument majeur. C'est vrai que cette année 2005, pour ça, est essentielle. On va parler de modernisation de l'Etat, et de rendez-vous historique avec l'Europe.
Q- Quand vous entendez V. Giscard d'Estaing, vous êtes choqué, J.-F. Copé ?
R- Non. Non... parce que c'est quelqu'un qui, dans le domaine de l'Europe, a mené un rôle majeur. Je rappelle qu'il a présidé la Convention qui a conduit à ce projet de Constitution. Et, de ce point de vue, il lui appartient, avec l'autorité qui est la sienne, de dire ce qu'il croit utile.
Q- J.-F. Copé, que vous retrouverez sur RTL, ne vous inquiétez pas...
R- ... me voilà rassuré...
Q- ... était l'invité d'RTL ce matin. Bonne journée.
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 7 janvier 2005)