Texte intégral
Installation de la commission " Livre numérique "- Mercredi 30 septembre 1998
Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs,
Permettez moi d'abord de vous remercier tous d'avoir accepté de participer, comme membres, aux travaux de cette commission sur le " livre numérique ", et, particulièrement, Monsieur Alain CORDIER, de bien vouloir la présider.
Je mesure ce que cette charge supplémentaire peut représenter pour des personnes exerçant d'importantes responsabilités, et, d'après les premières indications que m'a données Alain CORDIER, je ne peux certainement pas vous promettre que la tâche sera légère. En revanche, je vous donne l'assurance de mon soutien actif et d'un engagement résolu du ministère, tout particulièrement de la Direction du Livre et de la Lecture au service des travaux de votre commission .
Comme vous le savez, la commission sur le "livre numérique" est une initiative du "Programme d'action gouvernemental pour préparer l'entrée de la France dans la société de l'information", annoncé par le Premier ministre lors de son discours à Hourtin, en Août 97, et rendu public en janvier dernier.
Ce programme comprenait le lancement de plusieurs missions, études ou commissions. Je rappellerai notamment le rapport LORENTZ sur le commerce électronique, les études menées par le Conseil d'Etat sur les données personnelles (rapport BRAIBANT), ou le droit de l'Internet et des réseaux numériques, le rapport BAQUIAST sur Internet et l'administration. Sont en cours, en ce moment même, une mission parlementaire confiée à Patrick BLOCHE sur la place de la France et de la francophonie sur Internet, et une étude confiée au professeur BRISSET sur " Art, science, technologie ".
Vos travaux prendront donc place dans cet effort pour constituer une expertise publique sur l'ensemble des questions ayant trait à la société de l'information, expertise nécessaire non seulement pour faire progresser le débat national sur ces questions, mais pour éclairer les choix immédiats des pouvoirs publics.
Je crois qu'il faut d'abord nous entendre sur ce que recouvre le phénomène du livre numérique : c'est la numérisation complète de la chaîne du livre, de l'écriture à la lecture, en passant par l'édition, la fabrication, la distribution, la diffusion, la librairie, la communication.
L'informatique a partie liée avec le livre depuis bien longtemps, notamment dans le secteur de la composition du texte. Mais nous sommes aujourd'hui devant un processus complet, qui articule la numérisation du texte, l'informatisation des activités des professionnels et des publics, et l'insertion du monde technique du livre dans le cadre plus général du réseau et du multimédia.
De ce point de vue, le développement du livre numérique est directement relié à celui de l'Internet ; la question du livre numérique est un aspect fondamental de la question des contenus culturels disponibles sur le réseau.
Ce processus s'est exprimé, dans la phase récente, aussi bien à travers les initiatives d'édition en ligne, de commerce électronique du livre, ou certaines innovations comme "l'encre électronique" et les différentes formes de " livre électronique ".
Je souhaite donc que votre commission entende cette notion de " livre numérique " dans un sens large, qui est finalement celui de l'avenir de la circulation des textes. Vous vous efforcerez de dresser un tableau de la situation actuelle et des principales perspectives. Je sais qu'il s'agit là d'un exercice rendu difficile par le rythme des mutations techniques. Mais votre expérience vous permettra, j'en suis sure, de rassembler les éléments de prospective nécessaires pour éclairer les choix politiques. Vous présenterez aux pouvoirs publics, en toute liberté, les propositions souhaitables, aussi bien sur le plan juridique, qu'en ce qui concerne les relations entre l'état et le secteur du livre, ou le fonctionnement des services publics concernés.
Sans empiéter sur vos travaux, il m'apparaît que ces propositions devraient prendre en compte deux types d'enjeux : les enjeux culturels et technologiques ; les enjeux économiques et juridiques.
Les technologies de l'information sont des technologies culturelles. Nous ne pouvons pas les considérer comme de simples outils mais, au contraire, interroger leur signification culturelle. Quelle relation se dessine entre les contenus éditoriaux et la technologie? Quelle en est la portée pour la diffusion du patrimoine et la création littéraire? Quels publics se constituent autour de ces nouveaux usages d'écriture et de lecture ?
Déjà, en 1985, Umberto Eco définissait le traitement de texte comme "una machina molto spirituale". Je vous laisse le soin de traduire.
C'est en effet l'ensemble des formes éditoriales qui se trouve modifié par le livre numérique, qu'il s'agisse de la recherche de l'information, des relations entre le texte, l'image et le son, des dispositifs d'écriture et de lecture qui s'appuient sur l'hypertexte et l'interactivité.
Le livre numérique ne se résume pas à la simple numérisation du texte. Il entraîne une modification profonde de l'ingéniérie éditoriale, qui comporte une part de plus en plus importante de préparation technique du texte.
C'est dans le travail d'édition que se noue la concordance entre le projet intellectuel, la compétence technique et la stratégie économique. L'Internet est un nouvel espace de liberté d'expression et doit être soutenu comme tel. Mais nous ne pouvons pas confondre l'extension de l'expression directe, de la communication privée, ni même la diffusion des savoir- faire qui leur sont attachés, avec la dénégation du rôle irremplaçable des médiateurs, des éditeurs, des libraires, des professionnels et des entreprises dont la vocation est précisément de tisser le lien entre l'expression, la création, et les attentes du public.
C'est un objectif culturel à part entière que de remettre l'activité éditoriale dans le jeu du réseau. Il suppose que les éditeurs s'approprient les techniques du numérique, mais aussi qu'ils puissent concevoir de nouveaux objets éditoriaux, de nouveaux livres, qui répondent au modèle de communication ouverte porté par l'Internet.
Les enjeux économiques et juridiques du livre numérique sont tout aussi importants. Après la démonstration technique, le livre numérique doit faire la démonstration de sa viabilité économique. Vous connaissez la thèse selon laquelle l'économie de la société de l'information après s'être déplacée du matériel vers le logiciel, se tournerait maintenant vers les contenus éditoriaux. Vous savez aussi par expérience à quel point il est difficile d'élaborer une stratégie d'éditeur intégrant le livre numérique et économiquement fiable.
Le marché du livre numérique dépend de l'établissement de relations satisfaisantes entre l'ensemble des acteurs de la chaîne du livre : auteurs, éditeurs, distributeurs, libraires et bibliothèques, et le public. Dans un article récent, le " livre numérique " était présenté comme un nouveau concurrent de la librairie. De fait, la distribution numérique des livres nécessite l'invention de nouvelles formes de partenariat entre éditeurs et libraires. De même, les règles de coopération entre bibliothèques et éditeurs, à l'occasion des programmes de numérisation, doivent être établies sur des bases solides, transparentes et efficaces. Notre droit d'auteur doit être garanti, développé, mais aussi adapté et compétitif. Nous devons aussi adapter à l'Internet notre dispositif d'incitation à l'édition électronique.
La mise en place d'un cadre juridico- économique satisfaisant n'est pas une revendication corporatiste. Elle est à la fois une demande légitime des professionnels et une exigence culturelle quant à la qualité des textes publiés.
L'adaptation du régime général de circulation des textes, aujourd'hui constitué autour du modèle du livre imprimé, est une tâche de grande portée, qui accompagne, et, d'une certaine manière, conditionne le succès économique du livre numérique.
Vous ne pourrez évidemment pas, sur ce point, éviter de prendre en compte la réalité de la mondialisation dans ce secteur. Elle est déjà en cours ; elle se traduit par des phénomènes de délocalisation des activités qui peuvent devenir préoccupants; elle pourrait contourner l'exception culturelle dont la politique du livre est un maillon essentiel. Mais le réseau offre aussi aux éditeurs et libraires français des possibilités intéressantes d'atteindre de nouveaux publics et d'élargir leur marché.
Je souhaite que notre pays puisse porter la dimension culturelle de l'Internet et du multimédia. Les technologies de l'information sont favorables à la circulation des textes. Le livre a toute sa place dans la société de l'information : c'est maintenant qu'il faut en dessiner l'avenir.
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Message de Catherine Trautmann, Ministre de la culture et de la communication aux organisateurs de la manifestation à Lyon le samedi 3 octobre 1998
Jeudi 1er octobre 1998
J'apporte mon soutien le plus résolu à votre mobilisation et à votre manifestation.
Les premiers effets de l'alliance du Front national et des amis de Charles Millon n'ont pas tardé à se concrétiser par la suppression des subventions de nombreuses associations culturelles.
La culture est un enjeu politique central pour le Front national, qui n'a jamais caché sa volonté de museler la création et la diffusion culturelle. Une partie de la droite se rend activement complice de cette idéologie.
Il n'est pas question de normaliser les relations du ministère de la culture avec des exécutifs régionaux qui confient de larges responsabilités aux élus du Front national.
Ces alliances ne doivent jamais être banalisées.
La crise politique qui s'est ouverte au lendemain des élections régionales appelle des solutions politiques. Une solidarité active et concrète doit être également assurée pour toutes les structures culturelles et les créateurs touchés ou menacés par les décisions des exécutifs régionaux.
Je reste cependant confiante dans la capacité de mobilisation de nos concitoyens pour un véritable sursaut démocratique.
Le succès de cette manifestation du 3 octobre en sera un moment fort et une étape fondamentale.
Vous pouvez compter sur ma détermination sans relâche et sans faille.
Ce processus s'est exprimé, dans la phase récente, aussi bien à travers les initiatives d'édition en ligne, de commerce électronique du livre, ou certaines innovations comme "l'encre électronique" et les différentes formes de "livre électronique".
Je souhaite donc que votre commission entende cette notion de " livre numérique " dans un sens large, qui est finalement celui de l'avenir de la circulation des textes. Vous vous efforcerez de dresser un tableau de la situation actuelle et des principales perspectives. Je sais qu'il s'agit là d'un exercice rendu difficile par le rythme des mutations techniques. Mais votre expérience vous permettra, j'en suis sure, de rassembler les éléments de prospective nécessaires pour éclairer les choix politiques. Vous présenterez aux pouvoirs publics, en toute liberté, les propositions souhaitables, aussi bien sur le plan juridique, qu'en ce qui concerne les relations entre l'état et le secteur du livre, ou le fonctionnement des services publics concernés.
Sans empiéter sur vos travaux, il m'apparaît que ces propositions devraient prendre en compte deux types d'enjeux : les enjeux culturels et technologiques ; les enjeux économiques et juridiques.
Les technologies de l'information sont des technologies culturelles. Nous ne pouvons pas les considérer comme de simples outils mais, au contraire, interroger leur signification culturelle. Quelle relation se dessine entre les contenus éditoriaux et la technologie? Quelle en est la portée pour la diffusion du patrimoine et la création littéraire? Quels publics se constituent autour de ces nouveaux usages d'écriture et de lecture ?
Déjà, en 1985, Umberto Eco définissait le traitement de texte comme "una machina molto spirituale". Je vous laisse le soin de traduire.
C'est en effet l'ensemble des formes éditoriales qui se trouve modifié par le livre numérique, qu'il s'agisse de la recherche de l'information, des relations entre le texte, l'image et le son, des dispositifs d'écriture et de lecture qui s'appuient sur l'hypertexte et l'interactivité.
Le livre numérique ne se résume pas à la simple numérisation du texte. Il entraîne une modification profonde de l'ingéniérie éditoriale, qui comporte une part de plus en plus importante de préparation technique du texte.
C'est dans le travail d'édition que se noue la concordance entre le projet intellectuel, la compétence technique et la stratégie économique. L'Internet est un nouvel espace de liberté d'expression et doit être soutenu comme tel. Mais nous ne pouvons pas confondre l'extension de l'expression directe, de la communication privée, ni même la diffusion des savoir- faire qui leur sont attachés, avec la dénégation du rôle irremplaçable des médiateurs, des éditeurs, des libraires, des professionnels et des entreprises dont la vocation est précisément de tisser le lien entre l'expression, la création, et les attentes du public.
C'est un objectif culturel à part entière que de remettre l'activité éditoriale dans le jeu du réseau. Il suppose que les éditeurs s'approprient les techniques du numérique, mais aussi qu'ils puissent concevoir de nouveaux objets éditoriaux, de nouveaux livres, qui répondent au modèle de communication ouverte porté par l'Internet.
Les enjeux économiques et juridiques du livre numérique sont tout aussi importants. Après la démonstration technique, le livre numérique doit faire la démonstration de sa viabilité économique. Vous connaissez la thèse selon laquelle l'économie de la société de l'information après s'être déplacée du matériel vers le logiciel, se tournerait maintenant vers les contenus éditoriaux. Vous savez aussi par expérience à quel point il est difficile d'élaborer une stratégie d'éditeur intégrant le livre numérique et économiquement fiable.
Le marché du livre numérique dépend de l'établissement de relations satisfaisantes entre l'ensemble des acteurs de la chaîne du livre : auteurs, éditeurs, distributeurs, libraires et bibliothèques, et le public. Dans un article récent, le " livre numérique " était présenté comme un nouveau concurrent de la librairie. De fait, la distribution numérique des livres nécessite l'invention de nouvelles formes de partenariat entre éditeurs et libraires. De même, les règles de coopération entre bibliothèques et éditeurs, à l'occasion des programmes de numérisation, doivent être établies sur des bases solides, transparentes et efficaces. Notre droit d'auteur doit être garanti, développé, mais aussi adapté et compétitif. Nous devons aussi adapter à l'Internet notre dispositif d'incitation à l'édition électronique.
La mise en place d'un cadre juridico- économique satisfaisant n'est pas une revendication corporatiste. Elle est à la fois une demande légitime des professionnels et une exigence culturelle quant à la qualité des textes publiés.
L'adaptation du régime général de circulation des textes, aujourd'hui constitué autour du modèle du livre imprimé, est une tâche de grande portée, qui accompagne, et, d'une certaine manière, conditionne le succès économique du livre numérique.
Vous ne pourrez évidemment pas, sur ce point, éviter de prendre en compte la réalité de la mondialisation dans ce secteur. Elle est déjà en cours ; elle se traduit par des phénomènes de délocalisation des activités qui peuvent devenir préoccupants; elle pourrait contourner l'exception culturelle dont la politique du livre est un maillon essentiel. Mais le réseau offre aussi aux éditeurs et libraires français des possibilités intéressantes d'atteindre de nouveaux publics et d'élargir leur marché.
Je souhaite que notre pays puisse porter la dimension culturelle de l'Internet et du multimédia. Les technologies de l'information sont favorables à la circulation des textes. Le livre a toute sa place dans la société de l'information : c'est maintenant qu'il faut en dessiner l'avenir.
(source http://www.culture.gouv.fr, le 14 septembre 2001)
Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs,
Permettez moi d'abord de vous remercier tous d'avoir accepté de participer, comme membres, aux travaux de cette commission sur le " livre numérique ", et, particulièrement, Monsieur Alain CORDIER, de bien vouloir la présider.
Je mesure ce que cette charge supplémentaire peut représenter pour des personnes exerçant d'importantes responsabilités, et, d'après les premières indications que m'a données Alain CORDIER, je ne peux certainement pas vous promettre que la tâche sera légère. En revanche, je vous donne l'assurance de mon soutien actif et d'un engagement résolu du ministère, tout particulièrement de la Direction du Livre et de la Lecture au service des travaux de votre commission .
Comme vous le savez, la commission sur le "livre numérique" est une initiative du "Programme d'action gouvernemental pour préparer l'entrée de la France dans la société de l'information", annoncé par le Premier ministre lors de son discours à Hourtin, en Août 97, et rendu public en janvier dernier.
Ce programme comprenait le lancement de plusieurs missions, études ou commissions. Je rappellerai notamment le rapport LORENTZ sur le commerce électronique, les études menées par le Conseil d'Etat sur les données personnelles (rapport BRAIBANT), ou le droit de l'Internet et des réseaux numériques, le rapport BAQUIAST sur Internet et l'administration. Sont en cours, en ce moment même, une mission parlementaire confiée à Patrick BLOCHE sur la place de la France et de la francophonie sur Internet, et une étude confiée au professeur BRISSET sur " Art, science, technologie ".
Vos travaux prendront donc place dans cet effort pour constituer une expertise publique sur l'ensemble des questions ayant trait à la société de l'information, expertise nécessaire non seulement pour faire progresser le débat national sur ces questions, mais pour éclairer les choix immédiats des pouvoirs publics.
Je crois qu'il faut d'abord nous entendre sur ce que recouvre le phénomène du livre numérique : c'est la numérisation complète de la chaîne du livre, de l'écriture à la lecture, en passant par l'édition, la fabrication, la distribution, la diffusion, la librairie, la communication.
L'informatique a partie liée avec le livre depuis bien longtemps, notamment dans le secteur de la composition du texte. Mais nous sommes aujourd'hui devant un processus complet, qui articule la numérisation du texte, l'informatisation des activités des professionnels et des publics, et l'insertion du monde technique du livre dans le cadre plus général du réseau et du multimédia.
De ce point de vue, le développement du livre numérique est directement relié à celui de l'Internet ; la question du livre numérique est un aspect fondamental de la question des contenus culturels disponibles sur le réseau.
Ce processus s'est exprimé, dans la phase récente, aussi bien à travers les initiatives d'édition en ligne, de commerce électronique du livre, ou certaines innovations comme "l'encre électronique" et les différentes formes de " livre électronique ".
Je souhaite donc que votre commission entende cette notion de " livre numérique " dans un sens large, qui est finalement celui de l'avenir de la circulation des textes. Vous vous efforcerez de dresser un tableau de la situation actuelle et des principales perspectives. Je sais qu'il s'agit là d'un exercice rendu difficile par le rythme des mutations techniques. Mais votre expérience vous permettra, j'en suis sure, de rassembler les éléments de prospective nécessaires pour éclairer les choix politiques. Vous présenterez aux pouvoirs publics, en toute liberté, les propositions souhaitables, aussi bien sur le plan juridique, qu'en ce qui concerne les relations entre l'état et le secteur du livre, ou le fonctionnement des services publics concernés.
Sans empiéter sur vos travaux, il m'apparaît que ces propositions devraient prendre en compte deux types d'enjeux : les enjeux culturels et technologiques ; les enjeux économiques et juridiques.
Les technologies de l'information sont des technologies culturelles. Nous ne pouvons pas les considérer comme de simples outils mais, au contraire, interroger leur signification culturelle. Quelle relation se dessine entre les contenus éditoriaux et la technologie? Quelle en est la portée pour la diffusion du patrimoine et la création littéraire? Quels publics se constituent autour de ces nouveaux usages d'écriture et de lecture ?
Déjà, en 1985, Umberto Eco définissait le traitement de texte comme "una machina molto spirituale". Je vous laisse le soin de traduire.
C'est en effet l'ensemble des formes éditoriales qui se trouve modifié par le livre numérique, qu'il s'agisse de la recherche de l'information, des relations entre le texte, l'image et le son, des dispositifs d'écriture et de lecture qui s'appuient sur l'hypertexte et l'interactivité.
Le livre numérique ne se résume pas à la simple numérisation du texte. Il entraîne une modification profonde de l'ingéniérie éditoriale, qui comporte une part de plus en plus importante de préparation technique du texte.
C'est dans le travail d'édition que se noue la concordance entre le projet intellectuel, la compétence technique et la stratégie économique. L'Internet est un nouvel espace de liberté d'expression et doit être soutenu comme tel. Mais nous ne pouvons pas confondre l'extension de l'expression directe, de la communication privée, ni même la diffusion des savoir- faire qui leur sont attachés, avec la dénégation du rôle irremplaçable des médiateurs, des éditeurs, des libraires, des professionnels et des entreprises dont la vocation est précisément de tisser le lien entre l'expression, la création, et les attentes du public.
C'est un objectif culturel à part entière que de remettre l'activité éditoriale dans le jeu du réseau. Il suppose que les éditeurs s'approprient les techniques du numérique, mais aussi qu'ils puissent concevoir de nouveaux objets éditoriaux, de nouveaux livres, qui répondent au modèle de communication ouverte porté par l'Internet.
Les enjeux économiques et juridiques du livre numérique sont tout aussi importants. Après la démonstration technique, le livre numérique doit faire la démonstration de sa viabilité économique. Vous connaissez la thèse selon laquelle l'économie de la société de l'information après s'être déplacée du matériel vers le logiciel, se tournerait maintenant vers les contenus éditoriaux. Vous savez aussi par expérience à quel point il est difficile d'élaborer une stratégie d'éditeur intégrant le livre numérique et économiquement fiable.
Le marché du livre numérique dépend de l'établissement de relations satisfaisantes entre l'ensemble des acteurs de la chaîne du livre : auteurs, éditeurs, distributeurs, libraires et bibliothèques, et le public. Dans un article récent, le " livre numérique " était présenté comme un nouveau concurrent de la librairie. De fait, la distribution numérique des livres nécessite l'invention de nouvelles formes de partenariat entre éditeurs et libraires. De même, les règles de coopération entre bibliothèques et éditeurs, à l'occasion des programmes de numérisation, doivent être établies sur des bases solides, transparentes et efficaces. Notre droit d'auteur doit être garanti, développé, mais aussi adapté et compétitif. Nous devons aussi adapter à l'Internet notre dispositif d'incitation à l'édition électronique.
La mise en place d'un cadre juridico- économique satisfaisant n'est pas une revendication corporatiste. Elle est à la fois une demande légitime des professionnels et une exigence culturelle quant à la qualité des textes publiés.
L'adaptation du régime général de circulation des textes, aujourd'hui constitué autour du modèle du livre imprimé, est une tâche de grande portée, qui accompagne, et, d'une certaine manière, conditionne le succès économique du livre numérique.
Vous ne pourrez évidemment pas, sur ce point, éviter de prendre en compte la réalité de la mondialisation dans ce secteur. Elle est déjà en cours ; elle se traduit par des phénomènes de délocalisation des activités qui peuvent devenir préoccupants; elle pourrait contourner l'exception culturelle dont la politique du livre est un maillon essentiel. Mais le réseau offre aussi aux éditeurs et libraires français des possibilités intéressantes d'atteindre de nouveaux publics et d'élargir leur marché.
Je souhaite que notre pays puisse porter la dimension culturelle de l'Internet et du multimédia. Les technologies de l'information sont favorables à la circulation des textes. Le livre a toute sa place dans la société de l'information : c'est maintenant qu'il faut en dessiner l'avenir.
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Message de Catherine Trautmann, Ministre de la culture et de la communication aux organisateurs de la manifestation à Lyon le samedi 3 octobre 1998
Jeudi 1er octobre 1998
J'apporte mon soutien le plus résolu à votre mobilisation et à votre manifestation.
Les premiers effets de l'alliance du Front national et des amis de Charles Millon n'ont pas tardé à se concrétiser par la suppression des subventions de nombreuses associations culturelles.
La culture est un enjeu politique central pour le Front national, qui n'a jamais caché sa volonté de museler la création et la diffusion culturelle. Une partie de la droite se rend activement complice de cette idéologie.
Il n'est pas question de normaliser les relations du ministère de la culture avec des exécutifs régionaux qui confient de larges responsabilités aux élus du Front national.
Ces alliances ne doivent jamais être banalisées.
La crise politique qui s'est ouverte au lendemain des élections régionales appelle des solutions politiques. Une solidarité active et concrète doit être également assurée pour toutes les structures culturelles et les créateurs touchés ou menacés par les décisions des exécutifs régionaux.
Je reste cependant confiante dans la capacité de mobilisation de nos concitoyens pour un véritable sursaut démocratique.
Le succès de cette manifestation du 3 octobre en sera un moment fort et une étape fondamentale.
Vous pouvez compter sur ma détermination sans relâche et sans faille.
Ce processus s'est exprimé, dans la phase récente, aussi bien à travers les initiatives d'édition en ligne, de commerce électronique du livre, ou certaines innovations comme "l'encre électronique" et les différentes formes de "livre électronique".
Je souhaite donc que votre commission entende cette notion de " livre numérique " dans un sens large, qui est finalement celui de l'avenir de la circulation des textes. Vous vous efforcerez de dresser un tableau de la situation actuelle et des principales perspectives. Je sais qu'il s'agit là d'un exercice rendu difficile par le rythme des mutations techniques. Mais votre expérience vous permettra, j'en suis sure, de rassembler les éléments de prospective nécessaires pour éclairer les choix politiques. Vous présenterez aux pouvoirs publics, en toute liberté, les propositions souhaitables, aussi bien sur le plan juridique, qu'en ce qui concerne les relations entre l'état et le secteur du livre, ou le fonctionnement des services publics concernés.
Sans empiéter sur vos travaux, il m'apparaît que ces propositions devraient prendre en compte deux types d'enjeux : les enjeux culturels et technologiques ; les enjeux économiques et juridiques.
Les technologies de l'information sont des technologies culturelles. Nous ne pouvons pas les considérer comme de simples outils mais, au contraire, interroger leur signification culturelle. Quelle relation se dessine entre les contenus éditoriaux et la technologie? Quelle en est la portée pour la diffusion du patrimoine et la création littéraire? Quels publics se constituent autour de ces nouveaux usages d'écriture et de lecture ?
Déjà, en 1985, Umberto Eco définissait le traitement de texte comme "una machina molto spirituale". Je vous laisse le soin de traduire.
C'est en effet l'ensemble des formes éditoriales qui se trouve modifié par le livre numérique, qu'il s'agisse de la recherche de l'information, des relations entre le texte, l'image et le son, des dispositifs d'écriture et de lecture qui s'appuient sur l'hypertexte et l'interactivité.
Le livre numérique ne se résume pas à la simple numérisation du texte. Il entraîne une modification profonde de l'ingéniérie éditoriale, qui comporte une part de plus en plus importante de préparation technique du texte.
C'est dans le travail d'édition que se noue la concordance entre le projet intellectuel, la compétence technique et la stratégie économique. L'Internet est un nouvel espace de liberté d'expression et doit être soutenu comme tel. Mais nous ne pouvons pas confondre l'extension de l'expression directe, de la communication privée, ni même la diffusion des savoir- faire qui leur sont attachés, avec la dénégation du rôle irremplaçable des médiateurs, des éditeurs, des libraires, des professionnels et des entreprises dont la vocation est précisément de tisser le lien entre l'expression, la création, et les attentes du public.
C'est un objectif culturel à part entière que de remettre l'activité éditoriale dans le jeu du réseau. Il suppose que les éditeurs s'approprient les techniques du numérique, mais aussi qu'ils puissent concevoir de nouveaux objets éditoriaux, de nouveaux livres, qui répondent au modèle de communication ouverte porté par l'Internet.
Les enjeux économiques et juridiques du livre numérique sont tout aussi importants. Après la démonstration technique, le livre numérique doit faire la démonstration de sa viabilité économique. Vous connaissez la thèse selon laquelle l'économie de la société de l'information après s'être déplacée du matériel vers le logiciel, se tournerait maintenant vers les contenus éditoriaux. Vous savez aussi par expérience à quel point il est difficile d'élaborer une stratégie d'éditeur intégrant le livre numérique et économiquement fiable.
Le marché du livre numérique dépend de l'établissement de relations satisfaisantes entre l'ensemble des acteurs de la chaîne du livre : auteurs, éditeurs, distributeurs, libraires et bibliothèques, et le public. Dans un article récent, le " livre numérique " était présenté comme un nouveau concurrent de la librairie. De fait, la distribution numérique des livres nécessite l'invention de nouvelles formes de partenariat entre éditeurs et libraires. De même, les règles de coopération entre bibliothèques et éditeurs, à l'occasion des programmes de numérisation, doivent être établies sur des bases solides, transparentes et efficaces. Notre droit d'auteur doit être garanti, développé, mais aussi adapté et compétitif. Nous devons aussi adapter à l'Internet notre dispositif d'incitation à l'édition électronique.
La mise en place d'un cadre juridico- économique satisfaisant n'est pas une revendication corporatiste. Elle est à la fois une demande légitime des professionnels et une exigence culturelle quant à la qualité des textes publiés.
L'adaptation du régime général de circulation des textes, aujourd'hui constitué autour du modèle du livre imprimé, est une tâche de grande portée, qui accompagne, et, d'une certaine manière, conditionne le succès économique du livre numérique.
Vous ne pourrez évidemment pas, sur ce point, éviter de prendre en compte la réalité de la mondialisation dans ce secteur. Elle est déjà en cours ; elle se traduit par des phénomènes de délocalisation des activités qui peuvent devenir préoccupants; elle pourrait contourner l'exception culturelle dont la politique du livre est un maillon essentiel. Mais le réseau offre aussi aux éditeurs et libraires français des possibilités intéressantes d'atteindre de nouveaux publics et d'élargir leur marché.
Je souhaite que notre pays puisse porter la dimension culturelle de l'Internet et du multimédia. Les technologies de l'information sont favorables à la circulation des textes. Le livre a toute sa place dans la société de l'information : c'est maintenant qu'il faut en dessiner l'avenir.
(source http://www.culture.gouv.fr, le 14 septembre 2001)