Discours de M. Christian Paul, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, sur le rôle des sociétés d'économie mixte dans le développement de l'outre-mer, le logement social, les prêts de la Caisse des Dépôts et Consignations, les transports publics des personnes et la coopération régionale, Reims le 4 octobre 2000.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Congrès de la Fédération nationale des sociétés d'économie mixte locales (FNSEM) à Reims le 4 octobre 2000

Texte intégral

Monsieur le Président,
Permettez-moi tout d'abord de vous remercier de votre accueil, et de vous dire le plaisir que j'ai à être aujourd'hui parmi vous, à l'occasion de votre congrès annuel des sociétés d'économie mixte. Connaissant l'importance du rôle joué par les SEM dans le développement des départements et des territoires d'outre-mer, c'est une rencontre à laquelle je tenais tout particulièrement.
La participation du secrétariat d'Etat à l'outre-mer à vos congrès, qu'ils soient ou non spécifiquement consacrés à l'outre-mer, est d'ailleurs une longue tradition. Il en est de même, vous l'avez rappelé, du partenariat entre mes services et votre fédération. Je m'en félicite et je souhaite qu'il se poursuive et qu'il se renforce
Ce partenariat alimente une réflexion commune sur de nombreux enjeux de la politique menée par le Gouvernement. Je voudrais évoquer quelques uns d'entre eux.
L'importance du logement social comme réponse aux besoins des ménages les plus modestes, et aussi comme secteur essentiel de l'activite économique, appelait des engagements que le Gouvernement a solennellement réaffirmés. L'alignement progressif du RMI, prévu dans la loi d'orientation, a pu faire craindre que les financements du logement social se trouvent diminués du montant de la créance de proratisation appelée à disparaître.
Le Gouvernement a clairement indiqué qu'il n'en serait rien. C'est bien ce qui se vérifie dans le projet de budget du secrétariat d'Etat à l'outre-mer pour l'année 2001. Les crédits disponibles au titre du logement, incluant la ligne budgétaire unique et le solde de la créance de proratisation, se monte à 1,773 milliards de francs, en augmentation de 4% par rapport à l'année 2000. L'effort budgétaire va donc bien au delà d'une simple compensation de la baisse de la créance.
Cette augmentation substantielle s'ajoute bien sûr au maintien des mesures de taux préférentiel de TVA (2,1% au lieu de 9,5%) pour les opérations de logements locatifs sociaux.
L'enjeu est alors que ces crédits importants soient effectivement engagés. Je n'ignore pas à cet égard les difficultés rencontrées par les opérateurs pour disposer de terrains viabilisés. C'est pourquoi la loi d'orientation consolide le dispositif des Fonds Régionaux d'Aménagement Foncier et Urbains (FRAFU), qui permet le financement de terrains viabilisés. La loi prévoit d'en améliorer le fonctionnement par rapport aux expériences déjà engagées à la Réunion et à la Martinique. Je voudrais souligner que, là encore, l'Etat a prévu d'accompagner le dispositif par des moyens financiers conséquents : 530 millions de francs leurs seront consacrés sur la part Etat des contrats de plan qui viennent d'être signés.
Ces efforts financiers étant consentis, je ne doute pas que chacun, et en particulier vous, SEM de logement et d'aménagement, contribueront à ce que les opérations de logements ne prennent aucun retard.
Pour ma part, je suis conscient que beaucoup reste à faire pour lever certains blocages qui risquent de mettre en danger la mise en oeuvre de la politique du logement social.
Parmi les dossiers auxquels nous travaillons figurent d'abord celui de la déconnection des prêts de la Caisse des Dépôts et Consignations. Certes, nous avons pu, cet été, réagir vite lors de l'augmentation du taux du livret A, et je crois que les opérateurs n'ont pas souffert des retards dans l'octroi des prêts qui avaient été observés lors des précédentes variations de ce taux. Il faut cependant apporter une solution pérenne à cette difficulté : ceci est un des objectifs de la déconnection. J'escompte que les nouveaux textes pourront être applicables dès le 1er janvier 2001.
La question des garanties des prêts est également préoccupante, compte tenu des nouvelle règles de plafonds d'engagement de la Caisse de Garantie du Logement Social. Ces règles pourraient conduire à des blocages à relativement court terme des programmes de construction de plusieurs d'entre vous. J'ai demandé à mes services de réunir à rythme rapproché un groupe de travail pour définir les solutions envisageables. Je sais que vous contribuez à cette réflexion. Je souhaite qu'elle aboutisse à des premiers résultats d'ici la fin de l'année. La déconnection des prêts de la CDC est d'ailleurs, vous le savez, un premier élément de réponse.
Mais les responsables de la politique du logement social doivent également s'interroger constamment sur l'adéquation des solutions proposées aux besoins des populations, et ces besoins ne se limitent pas à une expression quantitative. C'est pourquoi j'attends beaucoup des propositions que l'évaluation menée par le Commissariat au plan pourra formuler, dans le cadre du programme annuel d'évaluation interministérielle des politiques publiques. Je me réjouis également des efforts d'innovation que beaucoup d'entre vous menez, pour définir des modes originaux d'habitat, d'aménagement, de résorption de l'habitat insalubre. Vous avez cité tout à l'heure, Monsieur le Président, le logement en accession différée. C'est une initiative que je salue et à laquelle j'espère que nous pourrons donner rapidement suite. Un groupe de travail interministériel, auquel sera soumis l'étude d'évaluation du CREPAH, déterminera les modalités de la poursuite de cette expérimentation.
Pour susciter et encourager les initiatives, j'ai souhaité que soient relancées les réflexions et les actions du Secteur Pilote d'Innovation pour l'Outre-Mer (SPIOM), qui sera doté d'un montant de 7 millions de francs en 2001 par mon ministère.
La qualité des logements que vous construisez est également un élément essentiel de la politique que je souhaite mener en faveur du logement. Le logement social ne doit pas être un logement au rabais. L'importance des besoins ne doit pas justifier des économies sur la qualité de la conception et de la construction. Ce serait une injure aux populations que ces logements hébergent, et nos successeurs pourraient légitimement nous le reprocher.
Enfin, le secteur du logement social a, dans l'outre-mer français, la chance d'être dans une logique de production. Il est porteur pour l'économie, générateur de nombreux emplois. Pourquoi ne serait-il pas, à ce titre, exemplaire du point de vue industriel ? Je crois qu'il y a là une voie pour l'avenir, et vous avez déjà envisagé de vous y engager puisque l'une des SEM de votre fédération a récemment obtenu la certification ISO 9002.
Monsieur le Président, vous avez également évoqué la problématique des transports public de personnes. A l'évidence, il s'agit là d'une question cruciale pour l'outre-mer français. Les territoires y sont souvent de superficies réduites, le relief y est souvent accidenté, et la circulation d'une population en forte croissance y est donc difficile. Quelque soit son utilisateur, la voiture individuelle ne peut être l'unique solution, que ce soit du point de vue de l'aménagement du territoire ou de la qualité de l'environnement. Il est donc essentiel que soient mis en place des transports publics de qualité, c'est à dire réguliers, accessibles à tous, attrayants.
Tels sont d'ailleurs les objectifs des lois qui s'imposent à l'organisation des transports, la Loi pour l'Organisation des Transports Intérieurs, la LOTI, et la loi SAPIN. La mise en uvre de ces lois nécessite cependant, selon les départements, qui ont chacun leur histoire, des délais différents. C'est pourquoi, et c'était un souhait émis par votre fédération, la loi d'orientation prévoit, pour les départements français d'Amérique, un moratoire d'application de ces lois, d'une durée maximum de dix-huit mois. Pendant cette période devra être défini, dans un processus de concertation approfondi, un nouveau dispositif législatif, au service des objectifs que j'énonçais tout à l'heure, et adapté à la situation singulière des DOM concernés. Ce dispositif devra bien sûr respecter les règles constitutionnelles, et en particulier celle qui veut qu'un service public ne puisse être la propriété d'un individu.
Il faut aussi, pour assurer des transports publics efficaces, des opérateurs. Je crois que les SEM peuvent à cet égard jouer un rôle éminent à plusieurs titres. A la Réunion, des expériences intéressantes ont été menées. A la Martinique, une SEM a été créée par la Ville de Fort-de-France, afin de soumissionner à l'appel d'offres en vue de la délégation de service public relative aux transports urbains.
Je voudrais enfin aborder le thème de la cooperation régionale, objet du premier atelier de votre journée. Il s'agit à mes yeux de l'un des volets essentiels du projet de loi d'orientation pour l'outre-mer. Il révèle en effet, pour l'Etat, une nouvelle vision des relations avec l'outre-mer.
L'objectif est clair : il s'agit de dépasser les coopérations régionales qui ont été permises au début des années 1990 pour construire de véritables relations entre les départements d'outre-mer et les états environnant. Je voudrais insister sur deux éléments qui me paraissent déterminants dans la période qui s'ouvre :
les collectivités territoriales d'outre-mer disposeront d'outils juridiques et pratiques performants pour améliorer leur insertion dans leur environnement proche. Ainsi, dans les domaines de compétence de l'Etat, les exécutifs des collectivités locales pourront recevoir un pouvoir de négocier et de signer les accords au nom de la France. Ils pourront aussi adresser au gouvernement des propositions tendant à ce que la France conclue des accords internationaux avec les états de leur environnement. Bien plus, le gouvernement a décidé de marquer sa confiance dans les collectivités territoriales afin qu'elles coopèrent directement avec ces pays, sans qu'il soit besoin de passer par Paris. Désormais, les conseils généraux et régionaux des départements d'outre-mer pourront demander que leurs présidents négocient dans leurs domaines de compétence des accords internationaux avec les états voisins. Ils pourront aussi participer aux organisations régionales existantes en tant que membres associés ou observateurs. Ces nouvelles compétences s'appuieront sur des moyens importants dans les quatre fonds de coopération cogérés par l'Etat et les collectivités.
la seconde idée que je voudrais évoquer concerne plus directement les sociétés d'économie mixte. Je suis en effet persuadé qu'elles peuvent s'inscrire activement dans ce mouvement. C'est pour cela qu'ont été adoptées, dans le courant de la discussion parlementaire sur le projet de loi d'orientation, deux dispositions qui permettent aux conseils généraux et aux conseils régionaux de s'appuyer sur les SEM dans leur action de coopération régionale. Le gouvernement s'est montré favorable à l'adoption de ces amendements. Je voudrais ici vous redire ce qui est plus qu'une intuition : par leur expertise technique et par la qualité des contacts entretenus localement, les SEM peuvent prendre une part importante dans le développement de la coopération régionale. Je l'évoquais d'ailleurs récemment avec plusieurs ministres des états de la Caraïbe : les SEM françaises peuvent, sur de nombreux sujets, apporter une forte valeur ajoutée. Je pense à l'aménagement du territoire et à la création d'infrastructures, à l'exploitation d'énergies renouvelables, mais aussi au logement et aux problèmes sanitaires. Sur ces sujets, la France représente un pôle d'attraction important. Compte tenu des besoins pressants de certains des états voisins, il y a là un champ à explorer. Les travaux de votre congrès permettront, je l'espère, d'y contribuer, avant que, sur le terrain, des contacts se nouent et des projets se bâtissent.
Avec cet ensemble de dispositions, avec ces projets concrets, j'ai la conviction que la France et sa représentation vis-à-vis de l'étranger seront renforcés. J'ai au contraire le sentiment que son rayonnement sera encore plus fort grâce à l'outre-mer français.
Voilà, monsieur le président, mesdames et messieurs, les éléments que je souhaitais évoquer devant vous. Je souhaite que vos travaux soient fructueux, afin que votre fédération nationale, aux côtés du gouvernement et des collectivités territoriales, continue à jouer son rôle dans le développement des départements d'outre-mer.
Monsieur le Président, mesdames et messieurs les elus, mesdames, messieurs les congressistes, je vous remercie de votre invitation et de votre attention.
(Source http://www.outre-mer.gouv.fr, le 5 octobre 2000)