Déclaration de Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer, sur le développement économique de La Réunion, la situation de l'emploi et la place de La Réunion dans l'Union européenne, à l'Assemblée nationale le 17 février 2005.

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Circonstance : Forum "La Réunion, une terre au travail pour la France et l'Europe dans l'océan Indien" à l'Assemblée nationale le 17 février 2005

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames et messieurs les parlementaires,
Mesdames et messieurs,
Chers amis,

Avant de m'envoler dans quelques heures pour La Réunion, je suis très heureuse de vous rejoindre pour clôturer ce forum " La Réunion, une terre au travail pour la France et l'Europe dans l'océan Indien".
Permettez-moi tout d'abord de féliciter très vivement mon ami René-Paul Victoria.
Tout d'abord, d'avoir pris l'initiative d'organiser ce forum destiné à faire mieux connaître La Réunion et au-delà, l'outre-mer français. C'est me semble-t-il une " première " et je lui dis donc bravo !
Ensuite d'avoir choisi ce thème essentiel du partenariat entre La Réunion, la France et l'Europe. Ce thème ne pouvait être mieux choisi au moment où nous nous apprêtons tous, en métropole comme outre-mer, à décider de notre avenir en Europe.
Je tiens aussi à remercier chaleureusement le Président Jean-Louis Debré de nous accueillir à l'Assemblée nationale. J'y vois une nouvelle marque de son intérêt - et j'allais dire son affection - pour l'outre-mer, et je crois tout spécialement pour La Réunion.
Je remercie enfin les personnalités qualifiées qui ont animé avec talent et conviction la réflexion et les débats du forum et vous félicite tous pour votre participation.
Je relève non seulement votre présence très nombreuse à ce forum, mais aussi l'extrême diversité que vous représentez : parlementaires européens et nationaux, représentants du conseil économique et social, d'une dizaine de départements ministériels, des exécutifs locaux, des acteurs institutionnels et économiques, de la presse, de la communication, de la culture et du sport... pardon pour ceux que j'oublierais ! Cette diversité et l'intérêt partagé que vous manifestez pour l'avenir de La Réunion constituent en eux-mêmes un succès !
Bien qu'il ne m'ait pas été possible de participer à l'intégralité de vos travaux, je sais qu'ils ont été soigneusement préparés et qu'ils auront été de qualité. Chacun - et sans doute particulièrement ceux d'entre nous qui ne sont pas originaires d'outre-mer - en retiendra, j'en suis sûre, plusieurs idées fortes :
La Réunion, une terre courageuse et au travail ;
La Réunion, une île jeune et dynamique ;
La Réunion, région ultra-périphérique de l'Europe ;
La Réunion, au cur de l'océan Indien et au carrefour des continents africain, asiatique et australien : une chance formidable pour la France et l'Europe.
Permettez-moi de revenir brièvement sur chacun de ces thèmes :
La Réunion est tout d'abord une terre courageuse et au travail.
Comment La Réunion, cette terre inhabitée il y a seulement quatre siècles, a pu devenir l'une des régions les plus prospères de l'océan Indien ? Le " miracle réunionnais ", ce sont les hommes et les femmes d'horizons très variés qui ont peuplé cette île vierge et, à force de travail et de courage, ont su réaliser ensemble ce qu'elle est aujourd'hui.
Du courage, il en fallait et il en faudra encore pour continuer à développer cette île en dépit des handicaps structurels qui ont été rappelés ce matin : l'isolement, l'éloignement de la métropole et de l'Europe, l'absence de matières premières, l'étroitesse du marché local, un environnement hautement concurrentiel de pays ACP et PMA.
Ainsi, l'histoire originale et courageuse de la construction de cette collectivité, la symbiose réussie des peuples et des cultures qui la composent, et sa capacité à conjuguer harmonieusement les traditions et la mondialisation économique font vraiment de La Réunion une île exceptionnelle et attachante.
La Réunion est une île jeune et dynamique.
Le dynamisme de La Réunion, c'est tout d'abord une population jeune - les moins de 20 ans représentent plus du tiers de la population - et bien formée. C'est aussi, cela a été souligné, une forte productivité, résultat d'une mutation économique rapide d'une économie traditionnelle vers une économie moderne. Ce sont de très nombreuses créations d'entreprises et d'emplois, à un rythme largement plus soutenu qu'en métropole. C'est enfin une baisse continue du chômage depuis maintenant six ans.
C'est ainsi que le développement de ces 30 dernières années s'est réalisé au rythme d'un pays émergent, avec un taux de croissance annuel supérieur à 5 %, soit plus du double de celui de la métropole et l'équivalent de ceux de l'Irlande et Maurice !
Cette croissance exceptionnelle est bien l'oeuvre des Réunionnaises et des Réunionnais.
Pour sa part, le Gouvernement auquel j'appartiens a souhaité accompagner ce mouvement en faisant voter en juillet 2003 la loi de programme pour l'outre-mer qui met en place, pour une durée de quinze ans, un cadre stabilisé, incitatif et adapté aux contraintes de l'ultrapériphérie.
Les premiers effets de cette loi sont encourageants. En ce qui concerne particulièrement La Réunion, le bilan économique établi sur les trois premiers trimestres 2004 confirme la reprise entamée en fin d'année 2003, qu'il s'agisse des créations d'entreprises, de l'emploi ou des investissements.
La création d'entreprises est très dynamique (augmentation de plus de 20 % entre 2002 et 2004), surtout dans le secteur du commerce.
Parallèlement, le nombre d'emplois salariés marchands augmente de 6,2 % au 1er trimestre 2004 par rapport au 1er trimestre 2003, et le nombre de demandeurs d'emploi en fin d'année 2004 baisse de 6 % par rapport à la fin de l'année 2003 (contre 0,1 % en métropole).
Le secteur du BTP, en particulier, voit ses effectifs salariés augmenter de 10 % en glissement annuel, conséquence de la croissance du secteur mais aussi de la signature de la nouvelle convention collective en matière de lutte contre le travail clandestin.
Les chiffres montrent aussi que le nouveau dispositif de défiscalisation instauré par la loi de programme rencontre un réel succès, tant auprès des entreprises que des investisseurs et des particuliers.
En 2004, les montants d'investissements défiscalisés ont à peu près doublé à La Réunion : 88 dossiers ont été agréés représentant un volume d'investissements de 300 M (contre moins de 160 M en 2002 et 2003).
Pour conclure ce premier volet de mon propos, permettez-moi de reprendre à mon compte les conclusions encourageantes de l'étude CEROM que vient de vous présenter l'IEDOM.
" La Réunion n'est pas installée dans un chômage durable. Son économie poursuit une croissance élevée, fruit d'une modernisation rapide et d'une forte productivité. Elle doit gérer une démographie encore en transition qui offre toutefois l'atout d'une population jeune et de mieux en mieux formée. Enfin, elle bénéficie d'un environnement monétaire et financier favorable à l'investissement. "
La Réunion, région ultra-périphérique de l'Europe.
Mon amie Margie Sudre, que je salue, vous a déjà totalement convaincu des liens très forts qui existent entre La Réunion et l'Europe. Que puis-je encore ajouter ?
Au moment où la Représentation nationale examine le projet de loi constitutionnelle, qui doit modifier notre texte fondamental afin que les Français puissent ratifier la Constitution pour l'Europe, et à quelques mois du référendum voulu par le Président de la République, cette question est bien d'actualité et j'aurais l'occasion d'y revenir plus longuement demain soir devant les élus de La Réunion.
Je crois que la plupart des Réunionnais ont parfaitement compris qu'en dépit des distances géographiques, l'Europe fait désormais partie de leur vie quotidienne. Ils sont pleinement citoyens européens et La Réunion fait partie intégrante de l'Union, qui leur réserve une place spéciale et privilégiée dans le cadre des régions dites " ultrapériphériques ".
L'Europe offre en effet à l'outre-mer une contribution active au développement économique et à l'amélioration des conditions de vie des populations. Elle y apporte une part de financements très significative au travers des fonds structurels.
Avec une dotation de près de 1,6 milliard d'euros de fonds structurels sur la période 2000-2006, l'enveloppe allouée à La Réunion est le document de programmation le plus considérable de France, tant sur le plan financier que sur le plan de l'envergure des infrastructures de développement ainsi soutenues. La Réunion a donc un traitement privilégié en Europe.
Je tiens du reste à souligner que ces fonds sont mis en oeuvre dans le cadre d'un partenariat original et très efficace entre l'État, le Conseil régional et le Conseil général, autour des principes de partenariat, de délégation, de mutualisation et de transparence.
Quelques exemples concrets témoignent du caractère largement diversifié des financements européens, qu'il s'agisse de la construction d'établissements scolaires (lycée de Saint-André III), du projet de basculement des eaux d'Est en Ouest pour l'irrigation et l'adduction d'eau, de la route des Tamarins, d'équipements de santé, de l'extension du Port Est, d'ateliers permanents de lutte contre l'illettrisme, ou du Service militaire adapté destiné à aider les jeunes Réunionnais en situation difficile.
Vous le voyez - il y a de multiples autres exemples - le bilan de l'action de l'Europe à La Réunion est tout à fait impressionnant.

Je ne m'appesantirai pas ici sur la défense et le développement de secteurs-clés de l'économie réunionnaise, qu'il s'agisse de l'agriculture, et plus particulièrement de la filière " canne-sucre-rhum " et de l'élevage, ou de la pêche. Vous les connaissez bien. Là encore, les chiffres parlent d'eux-mêmes : en moyenne depuis 10 ans, La Réunion a bénéficié de près de 45 % des aides communautaires à l'agriculture et à la pêche des DOM (hors fonds structurels et hors " banane "), soit plus de 200 M sur la période. Sachez que le ministre de l'agriculture et de la pêche, Dominique Bussereau, et moi-même sommes pleinement conscient de cette importante contribution, et que nous défendrons avec détermination ces soutiens vitaux à l'économie réunionnaise durant l'année 2005, qui sera riche en négociations.
La Réunion, au cur de l'océan Indien et au carrefour des continents africain, asiatique et australien : une chance formidable pour la France et l'Europe.
Je partage sans réserve l'opinion exprimée par deux des intervenants de la matinée. Oui, l'outre-mer est une richesse pour l'Europe. Il lui offre, outre une dimension géopolitique enviée à l'heure de la mondialisation, des ressources, un potentiel de développement économique et une diversité culturelle unique.
L'objectif du " plan d'action pour le grand voisinage " préparé par l'Union européenne est d'élargir l'espace naturel d'influence socio-économique et culturelle des régions ultra-périphériques, en réduisant les obstacles qui limitent les possibilités d'échanges régionaux. Il répond bien aux demandes de nos DOM, qui souhaitent coopérer avec les États tiers voisins.
La forte mobilisation autour du séminaire organisé par mon ministère à La Réunion au mois de novembre dernier, sur les futurs accords de partenariat économique entre l'Union européenne et les pays ACP, montre bien au demeurant que les Réunionnais ont pris la mesure de l'enjeu majeur que constitue l'ouverture sur leur environnement régional pour la poursuite de leur développement. Il s'agit maintenant de poursuivre la réflexion engagée sur la base du rapport du ministère de l'Outre-Mer diffusé au début du mois de décembre 2004 et qui est actuellement à l'étude des services de la Commission européenne.
En conclusion, je souhaiterais vous renouveler tous mes remerciements et souhaiter que ce premier forum ait été pour tous, si ce n'est un sujet de découverte et d'étonnement, du moins une occasion de mieux connaître et aimer La Réunion.
Bien sûr, il ne faut pas en rester là et je crois que chacun de nous, dans son domaine, peut apporter une contribution utile à l'aventure réunionnaise qui se poursuit. Tel était bien d'ailleurs, me semble-t-il, l'objectif poursuivi par son organisateur, n'est-ce pas René-Paul ?
Ainsi que tu l'écris toi-même dans l'éditorial de la plaquette du forum : La Réunion est " heureuse de vivre en créole, fière d'être française et prête à prendre part à la grande aventure européenne qui constitue l'horizon du nouveau siècle ".

Pour ma part, je vous redis tout mon engagement au service d'une île de La Réunion que je souhaite heureuse et prospère au sein de la France et de l'Europe.
Je vous remercie.
(Source http://www.outre-mer.gouv.fr, le 18 février 2005)