Déclaration de M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer, sur l'évolution des métiers et des carrières des urbanistes, Toulouse le 26 août 2004.

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Circonstance : Université d'été du Conseil français des urbanistes à Toulouse, le 26 août 2004

Texte intégral

Monsieur le Préfet,
Monsieur le Maire, Jean-Luc MOUDENC,
Monsieur le Président d'université,
Messieurs les Présidents,
Mesdames, Messieurs,
C'est une rentrée bien agréable pour un ministre que de venir vous rendre visite à Toulouse pour votre Université d'été. Cette rencontre annuelle s'impose au fil des ans comme un rendez-vous incontournable pour les professionnels des territoires. Comme ministre de l'Urbanisme et maintenant aussi comme ministre de l'Aménagement du Territoire, je tiens donc à saluer les efforts de beaucoup d'entre vous et, singulièrement, d'Alain CLUZET, président du Conseil français des Urbanistes, et de Louis CANIZARES, que Jean-Luc MOUDENC a qualifié de régional de l'étape.
Vous avez choisi l'Europe comme fil rouge de cette université. Ce dont je vous félicite étant un européen convaincu. Je suis conscient que, en comparant avec de nombreux autres pays, la situation des urbanistes en France, n'est pas toujours simple. Nous sommes dans une conjoncture favorable : la croissance est de retour, nous n'avons jamais produit autant de logements depuis 20 ans comme peut en attester Monsieur PIGEON, le président de la FNPC... Bien sûr l'urbanisme ne se réduit pas à la croissance ni même au logement. Et pourtant, les besoins en terme d'urbanisme sont immenses.
Je cite, sans ordre préférentiel :
o l'extension rapide, peut-être trop rapide, des villes, qu'il faut maîtriser et organiser, mieux organiser qu'au cours des décennies passées,
o la préoccupation, toujours plus forte, et c'est heureux, du développement durable,
o l'impérieuse nécessité de répondre à la demande de logements de nos concitoyens, en particulier dans les grandes agglomérations,
o la prise en compte des risques dans l'aménagement et la gestion des villes,
o la politique de rénovation urbaine qui va conduire à une transformation profonde des grands quartiers d'habitat social,
o la question de la rémunération car, vous avez raison d'aborder le sujet, uneprofession qui n'est pas correctement rémunérée c'est une profession qui est en danger,
o et j'ai bien noté votre souhait de travailler sur la ville et son extension avec la question du péri-urbain. J'ai prévu d'organiser début 2005 un grand colloque sur cette question auquel vous participerez, j'en suis sûr, passionnément et concrètement.
o la concertation comme me l'a soufflé le maire de Toulouse, Jean-Luc MOUDENC.
L'urbanisme n'est pas une préoccupation évidente voire spontanée des gens pour qui cet art est destiné. Cela me fait penser à quelque chose que j'ai lu il y a deux jours. Nous avons décidé de lancer la restructuration d'un quartier d'Amiens avec bien évidemment un concours, un jury. La réaction des gens a été : "ce n'est pas ce que l'on souhaite, ce qu'on veut c'est des bacs à sable pour nos enfants". o etc....
Pour répondre à ces défis, trois questions me semblent mériter une attention particulière.
Première question, la rémunération des études
Les professionnels doivent être convenablement rémunérés. Le développement d'un milieu professionnel de haute qualité, ne pourra en effet se poursuivre que sur des bases économiques saines. Or, force est de reconnaître que les études sont souvent sous-payées. En rendant les études nécessaires à l'élaboration des documents de planification éligibles au FCTVA; en mettant en place un mécanisme de subvention de 1 euro par habitant pour les SCOT, le Gouvernement a souhaité permettre aux collectivités de consacrer un volume financier accru à l'élaboration de leur projet urbain. Il a aussi voulu marquer toute l'importance qu'il attache à la réalisation d'étude de qualité correctement rémunérée.
Deuxième question, la lisibilité du milieu professionnel
Pour dire les choses simplement, vous avez -nous avons- un problème de vocabulaire. "Politique de la ville", "urbanisme", "territoires", "aménagement", ces mots n'ont pas le même sens pour tout le monde. Et pourtant, il est essentiel pour la qualité de nos territoires, que les professionnels soient reconnus.
Pour cela, j'insiste sur l'importance des démarches de qualification. Ces démarches sont une condition essentielle de la reconnaissance de votre profession ; elles ne peuvent aboutir que si vous le voulez collectivement.
Dans cette affaire, mon rôle de ministre n'est pas d'imposer mais de vous dire très fortement, que je soutiens ces démarches.
La question de l'accès des urbanistes à la fonction publique territoriale a trouvé une issue heureuse. Le texte donnant un accès à la filière technique a été publié après celui qui donne accès à la filière administrative, texte qui, je le sais, avait suscité quelques interrogations. Il est essentiel pour les élus de disposer de professionnels compétents à leurs côtés, au sein de leurs services ; et il est essentiel pour ceux d'entre vous qui exercent une activité libérale d'avoir des interlocuteurs professionnels.
Troisième question essentielle, la qualité de la maîtrise d'ouvrage
Le nouveau code des marchés publics est une évolution importante qui donne des moyens nouveaux à la maîtrise d'ouvrage. Cette évolution du code est riche de progrès mais elle peut aussi déboucher vers un formalisme mal adapté aux caractéristiques des études d'urbanisme. Pour conseiller les maîtres d'ouvrage et les aider à commander des études de qualité, je viens de signer une circulaire accompagnée d'un guide donnant des repères pour la passation des études
d'urbanisme et d'aménagement.
Sur ces trois sujets que je viens d'évoquer et qui vous tenaient justement à coeur, il me semble que nous avons fait, ces derniers temps, des progrès significatifs.
Mais bien sûr, beaucoup reste à faire. Trois autres chantiers me semblent prioritaires.
Premier chantier, la formation
L'ouverture européenne réclame une grande compréhension de l'offre de formation en urbanisme. Il faut que nous puissions être attractifs pour tous les étudiants européens, et en même temps, donner aux nôtres l'envie d'aller parfaire leurs connaissances et leurs pratiques par des expériences européennes. Cela réclame de préciser les savoirs, les savoirs-faire et les compétences qui constituent le socle commun des urbanistes.
Avec le ministre de l'Enseignement supérieur, j'ai confié à Jean FREBAULT et Bernard POUYET une mission de réflexion sur ce thème. Le début de l'année 2005 devrait nous permettre de connaître des pistes concrètes et je vous félicite d'avoir invité ici 8 pays européens.
Deuxième chantier, la reconnaissance de l'excellence
La reconnaissance d'une profession, vous avez parlé de spécificité, passe bien sûr par une action de fond, comme celle menée par la DGUHC et le CERTU, en liaison étroite avec vous, pour encourager la structuration des réseaux locaux.
Mais il faut aussi, un peu d'éclat, un peu, pardon si je vous choque, de reconnaissance et de paillettes. L'urbanisme doit savoir être festif.
Pour cela, j'ai décidé de créer, au côté du grand prix de l'urbanisme, un palmarès national destinée à valoriser le talent de jeunes urbanistes. Cette action nouvelle sera
une occasion de mobilisation de l'ensemble des professionnels et de débats autours des pratiques riches et variées de l'urbanisme.
Troisième chantier, enfin, ce que j'appellerai la diffusion de méthode.
Mon Ministère intervient à plusieurs niveaux dans le domaine de l'urbanisme. Producteur de normes, il construit le droit, outil essentiel mais qui ne doit pas prendre le pas sur la démarche de projet. Promoteur de l'excellence, il organise des ateliers projet urbain ou le grand prix de l'urbanisme. Mais il est encore trop absent, malgré le travail du CERTU, notamment, dans la promotion de la qualité globale. Pour le dire autrement, nous essayons, par le droit, d'empêcher des acteurs de faire de "mauvais" projets. Nous soutenons, ceux qui innovent et qui font des projets exceptionnels et remarquables. Nous ne savons pas encore assez aider l'ensemble des collectivités à faire de "bons" projets.
Je sais que c'est difficile car la parole de l'État, dans ce domaine de compétences qui relève des collectivités locales, n'est pas toujours bien perçue. Mais il me semble que nous devons davantage nous préoccuper de diffuser la qualité.
Je suis convaincu, et ce sera ma conclusion, que pour mener à bien ces trois chantiers -il y en a peut-être d'autres, et je suis naturellement à votre écoute- nous devons continuer à travailler ensemble. Le Groupe d'orientation des professionnels de l'aménagement et de l'urbanisme mis en place par la DGUHC depuis mai 2003 est un lieu précieux à cet égard. Je compte sur vous pour y participer activement.
Votre métier est, pour reprendre la formule de Paul DELOUVRIER à propos de la création des villes nouvelles, une "formidable aventure humaine". Créer ou recréer la ville, créer ou recréer le lieu où se déroulera la vie future est une tache fabuleuse que je vous envie mais c'est aussi, je le sais, une responsabilité parfois écrasante que je vous remercie d'assumer avec ambition et courage.
Bonne université d'été.
(Source http://www.equipement.gouv.fr, le 27 août 2004)