Texte intégral
Chers camarades,
Lorsque votre fédération a décidé des dates où elle tiendrait son 37ème congrès, elle n'avait sans doute pas prévu qu'il coïnciderait avec un événement majeur modifiant sensiblement le contexte politique de son action et de celle de l'ensemble de la CGT.
Je voudrais d'abord rappeler les trois constats qui s'imposent à l'issue des élections régionales et cantonales, des 21 et 28 mars :
* Le taux de participation des électeurs a marqué un regain d'intérêt pour les consultations électorales. C'est une bonne chose pour la démocratie.
* Le Front National a confirmé son enracinement sur l'ensemble du territoire : c'est une source de préoccupation qui nous engage à continuer notre action, notamment en direction des centaines de milliers de salariés qui, en abandonnant les valeurs fondamentales de justice et de solidarité du mouvement ouvrier, se fourvoient gravement et trahissent leurs propres intérêts.
* Une majorité de citoyens a délivré un message de portée nationale pour contester la politique du gouvernement. Il n'y a pas d'autre explication à la déroute électorale de la droite fortement symbolisée par la déconfiture de 18 ministres et le camouflet infligé au premier d'entre eux dans sa propre région, sur son propre terrain.
En négligeant le caractère exceptionnel des conditions de l'élection du Président de la République le 5 mai 2002, en agissant comme si son programme de réformes d'inspiration libérale avait un soutien populaire, le gouvernement de Monsieur RAFFARIN a accumulé des mesures dont le Medef était le principal inspirateur et le seul bénéficiaire, sans tenir compte de l'opinion des syndicats de salariés les plus représentatifs.
La sanction est à la hauteur de la faute.
Après le coup de tabac du 28 mars, le Président de la République vient de procéder à un remaniement de fortune qui ne laisse pas présager d'une compréhension réelle de ce qui s'est exprimé et d'une envie claire d'en tenir compte. La liste des " sélectionnés " gouvernementaux pourrait être nominée pour le César du meilleur Poisson d'avril, mais la chose est trop sérieuse pour en sourire.
Un Premier ministre virtuellement éconduit mais momentanément reconduit, un gouvernement de rescapés délesté des désavoués et des dégommés, c'est un train avant tout juste rechapé qui paraît-il aurait cent jours pour avancer. Mais pour aller où ?
Au-delà des formules pompeusement liturgiques ou prétendument pédagogiques qui ont déjà commencé à fleurir, quel est le véritable mandat de cette fausse nouvelle équipe ?
* rompra-t-elle avec le programme méthodique de mise en cause de la protection sociale et du code du travail qu'elle avait établi sous les conseils appuyés du MEDEF, ou tentera-t-elle encore une fois d'accoucher au forceps ?
* s'entêtera-t-elle dans la réduction de l'impôt sur les plus hautes rémunérations et l'exonération des cotisations ?
* continuera-t-elle, la main sur le cur, à maltraiter chercheurs et créateurs ?
* renoncera-t-elle à déstabiliser les services publics, à les livrer aux appétits du privé, à mettre en péril leur avenir ?
* persévérera-t-elle dans l'inertie coupable ou complice face aux fossoyeurs de l'industrie et aux champions de la restructuration ?
* reviendra-t-elle sur les coups bas portés aux chômeurs, ou laissera-t-elle proliférer la précarité et se creuser les inégalités, au risque de saper la cohésion de la société ?
Au-delà d'un changement d'équipe ministérielle, c'est bien l'attente d'un changement de cap dans la politique économique et sociale du gouvernement qu'a exprimé la majorité des citoyens. C'est aussi ce que portent les mobilisations professionnelles ou locales depuis plusieurs mois.
Le président de la République interviendra ce soir sur deux chaînes de télévision. Le "nouveau" Premier Ministre prononcera lundi un discours de politique générale. Nous allons, bien sûr, être attentifs à ces déclarations.
Il est impensable que l'avenir de l'assurance maladie, du Code du Travail, des services publics soit abordé comme avant. Comme l'a déclaré le Bureau Confédéral dès mardi matin, "le gouvernement doit tenir compte de l'expression démocratique du 28 mars 2004".
À ceux qui, par conviction, par provocation ou par aveuglement, s'estiment légitimes à poursuivre, voire accélérer le rythme de réformes justement contestées parce que contestables, nous disons calmement et fermement qu'ils trouveront sur leur route une CGT résolue et combative.
Nous serons là pour défendre les droits sociaux et le service public, pour construire l'avenir de la Sécurité sociale, pour promouvoir, en France et en Europe, des politiques économiques coordonnées au service d'une croissance riche en emplois qualifiés, pour faire prévaloir une plus juste répartition des richesses.
Quoi qu'en disent ceux qui l'ont conçue ou l'ont concédée, la loi sur la retraite des salariés imposée après un avortement provoqué du processus de négociation, a constitué un point de rupture décisif avec le corps social.
Injuste et inefficace cette loi tourne le dos aux défis que doit relever la société française. Ces défis sont bien réels dans le domaine économique et de l'emploi comme dans celui de la protection sociale et de la solidarité. Tous nécessitent une large expression et une confrontation des points de vue, un processus démocratique clair de consultation, de négociation et de décision, bénéficiant de tous les moyens modernes du débat public.
Si j'en crois le petit Robert, qui n'est pas un camarade de la CGT mais un dictionnaire : la réforme c'est " une amélioration apportée dans le domaine moral ou social ", ou encore " un changement profond apporté dans la forme d'une institution afin de l'améliorer, d'en obtenir de meilleurs résultats ". J'en déduis qu'un gouvernement, quel qu'il soit, abuse honteusement du terme de réforme en l'utilisant pour désigner des choix fondés sur la régression et des méthodes combinant la manuvre de couloir et le passage en force. Celui-ci vient d'en être sanctionné, c'est justice.
Dans la situation nouvelle qui vient de se créer, les syndicats de salariés ont une grande responsabilité à assumer. Ils doivent, ensemble, prendre le temps de l'analyse et explorer les voies de leur action commune pour faire face, avec la plus grande efficacité, aux rendez-vous des prochaines semaines.
Dans ce but, la CGT a proposé la réunion d'un sommet intersyndical destiné à dégager les axes d'une intervention unitaire auprès du gouvernement et du patronat. J'ai bon espoir que cette rencontre puisse se tenir dans les prochains jours.
Nous le devons aux salariés qui accorderont d'autant plus leur confiance aux syndicats, qu'ils auront le sentiment qu'ensemble nous faisons tout pour les défendre.
Nous le devons à l'ensemble de la société qui a besoin de références claires et de points d'appui solides pour restaurer l'espoir dans l'avenir.
Une chose est sûre, nous devons faire preuve dans cette période d'une grande vigilance et surtout d'une grande réactivité de toutes les organisations de la CGT.
Nous devons d'ores et déjà, sans préjuger d'autres initiatives, avoir l'ambition d'un très grand 1er mai 2004.
Chers camarades, en intervenant aujourd'hui devant votre congrès, j'ai présent à l'esprit trois données déterminantes :
* Votre fédération s'adresse à plus de 2 millions de salariés, c'est-à-dire à un salarié sur dix et un ouvrier sur 5 ;
* Elle est la fédération la plus représentative du secteur privé, et ses effectifs continuent à progresser depuis plusieurs années,
* Dans le secteur privé, moins d'un salarié sur quarante est syndiqué...
Votre champ syndical est vaste, les bouleversements qui l'ont affecté dans les dernières décennies se font encore sentir. Même si le travail à accomplir reste immense, vous vous êtes résolument engagés sur des orientations positives, alliant un programme revendicatif consistant et cohérent à la volonté de faire évoluer les modes d'organisation et les structures qui les sous-tendent.
Votre 37ème congrès marque une étape importante sur cette voie. Il contribuera à expliciter et concrétiser dans votre domaine professionnel les orientations approuvées ou confirmées par les trois derniers congrès confédéraux, et notamment les résolutions adoptées à Montpellier, qui constituent une référence commune à l'ensemble de la CGT.
La défense des intérêts des salariés de notre pays doit être appréhendée au travers d'une alternative à la mondialisation libérale, une alternative qui associe les principes économiques et sociaux du développement durable, le développement des pays les plus pauvres et la généralisation de l'application des normes sociales fondamentales de l'Organisation Internationale du Travail.
La coopération syndicale doit se donner comme objectif de favoriser la compréhension entre des pays de culture et de niveau économique différents. Là où d'autres cherchent à les opposer, nous voulons renforcer les solidarités entre le Sud et le Nord, entre l'Est et l'Ouest.
Mais, ne nous berçons pas d'illusions ou de raisonnements simplistes : les sources potentielles de conflit ou de friction entre économies de pays d'inégal développement sont nombreuses et intégrées dans les logiques de gestion des firmes transnationales, les convergences ne sont pas naturelles et demandent un travail syndical soutenu et adapté.
Les journées des 2 et 3 avril en Europe, auxquelles la CGT va apporter une participation significative tant dans les entreprises que dans les manifestations, sont un moment d'affirmation concrète de cette conviction partagée par tous les syndicats européens. Les manifestations de samedi sont une bonne occasion de rappeler rapidement nos revendications au nouveau gouvernement.
Ces journées sont axées sur les thème de l'emploi, de la protection sociale et des droits sociaux. Ces trois thèmes sont effectivement indissociables, dans la réflexion comme dans l'action.
Une stratégie industrielle et de développement des activités n'est pas séparable du besoin de changement profond des choix de politique économique en France et en Europe, d'une nouvelle régulation des relations économiques internationales.
La CGT, l'ensemble de ses organisations professionnelles et territoriales, n'ont pas d'autre choix que de prendre à bras le corps le problème de l'emploi. Elles doivent le faire de façon ferme et responsable partout où les salariés se retrouvent face à la menace immédiate ou la décision effective de perdre leur emploi. Les syndicats refusent de se cantonner à être les pompiers du social, mais ils se doivent d'être toujours les champions de l'assistance à personne en danger et les meilleurs pour coincer les pyromanes.
La CGT refuse la fatalité des réductions d'emploi comme l'affaiblissement de l'industrie. Dans un nombre de plus en plus important de cas, les fermetures de sites s'expliquent principalement par des erreurs de gestion et par le souci des actionnaires et des propriétaires de relever une rentabilité jugée insuffisante. Mais ce sont les salariés et les collectivités qui doivent supporter les coûts de ces fermetures. Il serait donc légitime qu'ils aient le droit d'intervenir sur les choix stratégiques des entreprises afin de faire obstacle aux pratiques qui mettent en péril l'activité et l'emploi.
Nous le voyons bien aujourd'hui, beaucoup va dépendre de notre capacité à construire et proposer des réponses nouvelles. Ces réponses doivent être alimentées par la connaissance des besoins des salariés et de la population, enracinées à la fois dans le monde réel des entreprises et dans celui de l'organisation institutionnelle des territoires : c'est cela et pas autre chose qui peut nourrir une nouvelle politique de développement de l'industrie et des services.
Nous ne rêvons pas à une politique industrielle à l'ancienne qui a montré ses insuffisances et serait inadaptée. Nous voulons être plus ambitieux et plus concrets, en croisant des politiques de filière comme dans l'énergie, l'aéronautique, l'espace, l'automobile, la santé, l'habillement, les transports, avec des approches territoriales allant du niveau local au niveau national, européen et international.
Il ne s'agit pas, dans ce domaine plus que dans tout autre, de présenter un " catalogue ", il s'agit de s'appuyer sur les atouts publics et privés dont nous disposons dans les bassins d'emplois et les régions pour construire, avec les salariés, des objectifs permettant de développer conjointement l'emploi, les qualifications et la modernisation du tissu productif.
Comme l'indique votre projet de résolutions, " trop souvent des décisions d'externalisations, d'arrêts d'activités ou des restructurations sont subies de façon défensive par manque d'anticipation et de construction de projets alternatifs. "
Votre proposition de création de comités inter-entreprises et inter-industries afin de réunir en amont des décisions à prendre tous les acteurs d'une filière industrielle est résolument moderne et s'inscrit dans cette volonté.
La nature du tissu productif, ses liens avec les universités de la région et la place donnée à la recherche-développement doivent être au premier rang de nos préoccupations.
À cet égard, chacun d'entre vous mesure l'importance de la lutte menée par les chercheurs pour donner à notre pays, et à l'ensemble de la communauté européenne, les moyens de bâtir son avenir. Dans leur appel à la reconnaissance de leur travail et de leurs missions, ils manifestent tout autre chose qu'une crispation sur les prétendus avantages que leur conférerait leur statut.
Ils n'ont aucune leçon de morale à recevoir d'une caste qui glisse avec élégance de la noblesse d'Etat au monde des affaires, s'attribue et se redistribue en permanence des positions lucratives équipées de parachutes en or.
Ils n'ont aucune leçon de civisme à supporter de ceux qui ont alloué 5 milliards d'euros de baisse d'impôts dont pas moins du tiers profite aux 1 % des contribuables les plus fortunés, 4 milliards aux entreprises à coup d'allégements de la taxe professionnelle et d'exonérations diverses, sans parler des centaines de millions d'aides aux débitants de tabac...
Ce qui est certain, c'est que ces gens-là nuisent effectivement gravement à notre santé et à celle du pays tout entier !
Pour que les entreprises créent des emplois, pour réaliser des investissements productifs, il faut aussi moraliser et rendre plus efficaces les prélèvements et les financements :
* Sortir d'une politique coûteuse et perverse d'exonération des cotisations sociales
* Moduler le taux de cotisation des entreprises à la Sécurité sociale et celui de l'impôt en privilégiant celles qui augmentent la part de la masse salariale dans leur valeur ajoutée, au bénéfice de l'emploi et de la reconnaissance de la qualification,
* Instaurer un contrôle public et social sur le respect des engagements pris par les entreprises ayant eu accès aux aides publiques, aux exonérations et abattements fiscaux et sociaux.
* Pénaliser celles qui choisissent les investissements financiers contre l'emploi.
Il faut passer maintenant à un développement solidaire des territoires impliquant la responsabilité des pouvoirs publics et celle des entreprises, notamment celles qui à travers leurs réseaux de sous-traitance industrielle et de distribution commerciale structurent l'activité.
A quoi nous servirait-il de prévoir l'avenir si nous ne pouvions pas le changer ?
Nous avons besoin de concevoir une politique dynamique de l'emploi, guidée par une vision prospective et cohérente du développement et portée par une activité syndicale préparée à la confrontation publique, organisée pour la mobilisation des salariés à tous les niveaux.
Sous l'impulsion du MEDEF, qui y voit un moyen puissant de déroger et de contourner les syndicats, la négociation des garanties collectives au niveau branches et interprofessionnel perd du terrain au profit de la négociation entreprise par entreprise, tandis que le dialogue social territorial prend une nouvelle dimension en s'élargissant à de nombreux acteurs de la société. Cette évolution s'inscrit dans la mise en concurrence des salariés et des territoires voulue par les employeurs, et le plus souvent soutenue par les gouvernements et les instances européennes.
De nombreux militants de la CGT considèrent cette évolution avec méfiance.
La peur n'évitant pas le danger, nous devons être présents dans le débat territorial pour défendre le point de vue et les revendications des salariés.
Pour faire vivre un syndicalisme solidaire et plus cohérent, il devient de plus en plus urgent de construire une démarche alliant territoires et professions.
Désormais, à travers tous les domaines de compétence transférés aux régions : transports, santé, conditions de travail, environnement, développement économique, orientation et formation professionnelle, la validation des acquis et de l'expérience, c'est une véritable gestion de l'emploi en fonction du besoin des entreprises qui se met en place dans les territoires.
La loi sur l'emploi risque de leur confier la gestion des plans sociaux. Le projet de loi sur le dialogue social territorial peut ouvrir la voie à des accords dérogatoires dans l'entreprise.
Qui va aider le syndicat ? Comment intervenir pour aider l'entreprise sans syndicat ?
Construire des programmes revendicatifs avec les salariés dans chaque entreprise et sur chaque site, maîtriser dans chaque cas la signification concrète de la hiérarchie des normes sociales, avoir un comportement rassembleur avec les autres syndicats ou le monde associatif, rendre compte des travaux réalisés, voilà les bases d'une stratégie revendicative cohérente, conforme aux orientations de la CGT et capable de déboucher sur des mobilisations efficaces.
L'intervention syndicale au niveau d'un territoire ne peut se limiter à la consultation de quelques militants. L'intervention syndicale à partir et sur les lieux de travail doit toujours plus intégrer la dimension territoriale. Toute négociation territoriale ou professionnelle a besoin du soutien actif des salariés.
La mise en uvre de ces trois principes d'organisation et de responsabilité, passe par la construction d'un véritable réseau CGT d'animateurs revendicatifs solidement formés, reliant territoires, professions et confédération.
C'est pourquoi :
* à la question posée : " Ne faut-il pas repenser l 'animation des régions dans le cadre de la décentralisation et du rôle renforcé des pouvoirs régionaux dans l'Union européenne ? je réponds sans hésiter oui,
* à la suggestion : " Nous pourrions renforcer les lieux et les moments d'échange dans notre profession et avec d'autres professions ", je dis bravo,
* au vu de " l'expérience des Assises pour l'emploi industriel organisées par votre Fédération, et de celles déclinées par filières industrielles ", je dis allez-y, continuez !
Nous n'avons pas réponse à tout mais chacun doit assurer sa part dans ce travail et faire un bout de chemin vers les autres et avec les autres. Cela demande l'exploration de nouveaux modes d'organisation, d'échange et de fonctionnement de nos organisations professionnelles et territoriales, de leur capacité à entrer en coopération sur des projets concrets s'adressant à l'ensemble des salariés dans la diversité de leur condition et de leur position au sein des systèmes industriels actuels.
Je note avec une très grande satisfaction et une très grande confiance que cette préoccupation occupe une large place dans les propositions soumises à ce congrès, comme en témoignent trois constats et une proposition :
* Les salariés qui travaillent dans les groupes donneurs d'ordres, ceux qui sont dans les industries sous-traitantes, ont besoin de confronter leurs vécus et leurs expériences.
* Ils ont besoin de créer des lieux de dialogue et d'échange pour casser des oppositions et une mise en concurrence orchestrée par les directions d'entreprise.
* Dans une entreprise où se côtoient des salariés de métiers différents, n'ayant ni les mêmes statuts, ni les mêmes conventions collectives, parfois même des nationalités différentes, chacun a besoin de faire valoir ses revendications particulières en favorisant les convergences d'intérêts.
* Nous devons développer des structures qui permettent ces rapprochements.
C'est la condition expresse pour envisager avec succès la mise à plat et la révision de toutes les politiques et les pratiques de sous-traitance, au lieu de se résigner à simplement ralentir l'érosion permanente des effectifs relevant d'un statut ou d'un autre.
Notre objectif, tel qu'il est explicitement défini par le dernier congrès de la CGT, est que "tout salarié bénéficie quelles que soient les circonstances, d'un ensemble de droits individuels, garantis au plan interprofessionnel, opposables à tout employeur et transférables d'une entreprise à une autre : droit à l'intégration dans un emploi, droit à la formation continue, droit à une carrière professionnelle, droit au maintien d'un contrat de travail en cas de suppression d'emploi, continuité des droits pour le calcul de la retraite, droit à l'expression syndicale."
Le principe de la transférabilité et ses modalités d'application devient le cur du respect de la hiérarchie des normes.
Il faut que tous les militants, tous les syndiqués, tous les salariés des grandes entreprises à statut comprennent que la satisfaction, même partielle de cette revendication, serait une des meilleures garanties pour l'avenir de leur statut.
Aujourd'hui la défense des " droits acquis " devient illisible si elle ne s'accompagne pas de la prise en compte de la précarité qui prive des milliers de salariés d'un niveau de garanties collectives élevé.
Une des meilleures façons de défendre les acquis n'est-ce pas d'abord d'organiser l'action en vue de les étendre à ceux qui n'en bénéficient pas encore ?
Votre congrès peut décider d'adopter cette stratégie, notamment en travaillant les convergences de l'ensemble des salariés de la branche. C'est à mon sens le contenu prometteur de l'objectif de la Convention collective nationale des salariés des industries de la métallurgie.
Cette Convention collective nationale peut devenir "le noyau qui unit l'ensemble des salariés". Vous y incorporez la Validation des Acquis et de l'Expérience (VAE) tant dans le domaine professionnel qu'associatif, le droit individuel de formation (DIF) transférable d 'une entreprise à l'autre et la possibilité pour tout salarié de consacrer une large partie de son temps de travail à la formation.
Oui, vous avez raison de dire que : " Cet ensemble cohérent alliant à la fois formation, qualification, classification, valorisation de l'expérience du savoir-faire et ancienneté peut permettre de rassembler l'ensemble des catégories de salariés autour d'un projet commun, incluant l'égalité entre les hommes et les femmes ".
Pour y parvenir, la première résolution que vous avez adoptée met l'accent sur une condition essentielle : La construction d'un rapport de forces durable impliquant une majorité de salariés de la métallurgie avec leurs organisations syndicales est un enjeu fondamental.
La CGT ne peut se résigner à la division et à la dispersion des forces syndicales. Il faudra bien trouver, et le plus rapidement sera le mieux, les moyens par lesquels les revendications sociales seront au centre de l'action des uns et des autres.
C'est en aidant l'ensemble du monde du travail à prendre confiance en lui et à lutter sur des objectifs décidés majoritairement que nous lui rendrons le meilleur service : c'est tout autre chose et c'est bien plus exigeant que de se donner à bon compte une image d'intransigeance à coups de mots d'ordre, sans lien avec la volonté ou capacité réelle des salariés à s'en emparer et à les faire prévaloir.
Partout où ce principe de raison ou de simple bon sens habite nos organisations et détermine concrètement le fond et la forme de leur activité, notre influence se renforce, tant en nombre d'adhésions que dans les résultats des élections professionnelles, y compris les plus récentes. A contrario, il ne faut pas s'étonner que, là où prédominent des comportements sectaires ou des revendications sorties d'un chapeau, la CGT tôt ou tard dilapide son capital de confiance jusqu'à n'être plus que l'ombre d'elle-même.
Il faut aussi constater que les salariés et la vitalité du syndicalisme français sont les premières victimes de l'absence d'une véritable démocratie sociale.
Chacun voit comment le patronat et les gouvernements, savent tirer avantage d'un droit social qui continue à conférer un poids égal à chaque syndicat, quelle que soit sa représentativité réelle, pour mieux manuvrer les négociations et abaisser le contenu des accords.
Tous les salariés, quelle que soit l'entreprise, petite ou grande, dans laquelle ils travaillent, doivent disposer d'élections professionnelles.
La seule mesure réellement démocratique c'est de reconnaître les accords valides dès lors qu'ils ont recueilli la signature de syndicats représentant au moins 50 % de voix aux élections des salariés concernés par la négociation.
Le projet de loi Raffarin-Fillon, pour l'essentiel tourne le dos à cette revendication légitime. En prévoyant que les employeurs se verraient autorisés à déroger, par accords d'entreprise, aux règles des conventions collectives et aux lois, il bouleverse la hiérarchie des normes dans le droit du travail, donnant un gage de plus au MEDEF.
Chers camarades, notre champ de syndicalisation est immense. Il est pour l'essentiel en friche ou en jachère. Il faut absolument l'investir avec patience et avec méthode, en étant à la fois lucides sur l'état de nos forces et déterminés à franchir le seuil en deçà duquel nous serions dans l'impossibilité de faire face à nos responsabilités.
Sachons établir des priorités, nous concentrer sur l'essentiel, établir les bases de la convergence entre les revendications, créer les conditions de la compréhension entre les militants et de la synergie entre toutes nos organisations.
Il n'y a pas d'activité syndicale performante sans la prise en compte de la réalité et de l'évolution des rapports sociaux, sans la prise de conscience que le choix d'une organisation syndicale ouverte à tous les salariés dans un cadre confédéré implique, pour la confrontation des idées et la construction des résolutions comme dans la coordination et la conduite de l'action, des comportements ouverts, des objectifs partagés, des règles de vie acceptées et respectées.
Ceci me paraît être un des messages les plus importants réaffirmés et explicités par le dernier congrès confédéral, notamment par la précision et la cohérence des résolutions qu'il a adoptées et dont nous devons accélérer la concrétisation.
Votre congrès est une occasion privilégiée de confronter ces résolutions à votre expérience revendicative, de les décliner et de les faire vivre auprès des salariés de toutes catégories, que vous avez vocation et mission à organiser et à représenter.
Personne ne le fera à votre place, et en même temps vous ne pourrez le faire qu'en étroite coopération avec toutes les organisations de la CGT, afin que votre activité contribue à lui donner plus de force, plus de visibilité et de lisibilité, plus d'impact auprès de tous les salariés et dans l'ensemble de la société.
Une telle orientation n'est pas viable sans que nous soyons en mesure de passer au cran supérieur en matière de syndicalisation et d'activité syndicale. Elle implique que toutes nos organisations s'investissent à part entière dans la réflexion sur l'évolution des structures fédérales et confédérales, sur la répartition la plus judicieuse de nos moyens financiers pour travailler au renforcement et au rayonnement de la CGT dans le tissu économique et social.
Je vous invite à prendre toute votre place parmi les autres militants et organisations de la CGT afin de construire ensemble les réponses les plus appropriées. Voilà, chers camarades, ce dont je voulais vous faire part à l'occasion de ce congrès. Vous n'ignorez pas que notre tâche est immense mais, dès lors que notre conviction est sans limite, il n'y a aucune raison de ne pas prétendre au succès pour nos revendications.
(source http://www.ftm-cgt.fr, le 9 juin 2004)
Lorsque votre fédération a décidé des dates où elle tiendrait son 37ème congrès, elle n'avait sans doute pas prévu qu'il coïnciderait avec un événement majeur modifiant sensiblement le contexte politique de son action et de celle de l'ensemble de la CGT.
Je voudrais d'abord rappeler les trois constats qui s'imposent à l'issue des élections régionales et cantonales, des 21 et 28 mars :
* Le taux de participation des électeurs a marqué un regain d'intérêt pour les consultations électorales. C'est une bonne chose pour la démocratie.
* Le Front National a confirmé son enracinement sur l'ensemble du territoire : c'est une source de préoccupation qui nous engage à continuer notre action, notamment en direction des centaines de milliers de salariés qui, en abandonnant les valeurs fondamentales de justice et de solidarité du mouvement ouvrier, se fourvoient gravement et trahissent leurs propres intérêts.
* Une majorité de citoyens a délivré un message de portée nationale pour contester la politique du gouvernement. Il n'y a pas d'autre explication à la déroute électorale de la droite fortement symbolisée par la déconfiture de 18 ministres et le camouflet infligé au premier d'entre eux dans sa propre région, sur son propre terrain.
En négligeant le caractère exceptionnel des conditions de l'élection du Président de la République le 5 mai 2002, en agissant comme si son programme de réformes d'inspiration libérale avait un soutien populaire, le gouvernement de Monsieur RAFFARIN a accumulé des mesures dont le Medef était le principal inspirateur et le seul bénéficiaire, sans tenir compte de l'opinion des syndicats de salariés les plus représentatifs.
La sanction est à la hauteur de la faute.
Après le coup de tabac du 28 mars, le Président de la République vient de procéder à un remaniement de fortune qui ne laisse pas présager d'une compréhension réelle de ce qui s'est exprimé et d'une envie claire d'en tenir compte. La liste des " sélectionnés " gouvernementaux pourrait être nominée pour le César du meilleur Poisson d'avril, mais la chose est trop sérieuse pour en sourire.
Un Premier ministre virtuellement éconduit mais momentanément reconduit, un gouvernement de rescapés délesté des désavoués et des dégommés, c'est un train avant tout juste rechapé qui paraît-il aurait cent jours pour avancer. Mais pour aller où ?
Au-delà des formules pompeusement liturgiques ou prétendument pédagogiques qui ont déjà commencé à fleurir, quel est le véritable mandat de cette fausse nouvelle équipe ?
* rompra-t-elle avec le programme méthodique de mise en cause de la protection sociale et du code du travail qu'elle avait établi sous les conseils appuyés du MEDEF, ou tentera-t-elle encore une fois d'accoucher au forceps ?
* s'entêtera-t-elle dans la réduction de l'impôt sur les plus hautes rémunérations et l'exonération des cotisations ?
* continuera-t-elle, la main sur le cur, à maltraiter chercheurs et créateurs ?
* renoncera-t-elle à déstabiliser les services publics, à les livrer aux appétits du privé, à mettre en péril leur avenir ?
* persévérera-t-elle dans l'inertie coupable ou complice face aux fossoyeurs de l'industrie et aux champions de la restructuration ?
* reviendra-t-elle sur les coups bas portés aux chômeurs, ou laissera-t-elle proliférer la précarité et se creuser les inégalités, au risque de saper la cohésion de la société ?
Au-delà d'un changement d'équipe ministérielle, c'est bien l'attente d'un changement de cap dans la politique économique et sociale du gouvernement qu'a exprimé la majorité des citoyens. C'est aussi ce que portent les mobilisations professionnelles ou locales depuis plusieurs mois.
Le président de la République interviendra ce soir sur deux chaînes de télévision. Le "nouveau" Premier Ministre prononcera lundi un discours de politique générale. Nous allons, bien sûr, être attentifs à ces déclarations.
Il est impensable que l'avenir de l'assurance maladie, du Code du Travail, des services publics soit abordé comme avant. Comme l'a déclaré le Bureau Confédéral dès mardi matin, "le gouvernement doit tenir compte de l'expression démocratique du 28 mars 2004".
À ceux qui, par conviction, par provocation ou par aveuglement, s'estiment légitimes à poursuivre, voire accélérer le rythme de réformes justement contestées parce que contestables, nous disons calmement et fermement qu'ils trouveront sur leur route une CGT résolue et combative.
Nous serons là pour défendre les droits sociaux et le service public, pour construire l'avenir de la Sécurité sociale, pour promouvoir, en France et en Europe, des politiques économiques coordonnées au service d'une croissance riche en emplois qualifiés, pour faire prévaloir une plus juste répartition des richesses.
Quoi qu'en disent ceux qui l'ont conçue ou l'ont concédée, la loi sur la retraite des salariés imposée après un avortement provoqué du processus de négociation, a constitué un point de rupture décisif avec le corps social.
Injuste et inefficace cette loi tourne le dos aux défis que doit relever la société française. Ces défis sont bien réels dans le domaine économique et de l'emploi comme dans celui de la protection sociale et de la solidarité. Tous nécessitent une large expression et une confrontation des points de vue, un processus démocratique clair de consultation, de négociation et de décision, bénéficiant de tous les moyens modernes du débat public.
Si j'en crois le petit Robert, qui n'est pas un camarade de la CGT mais un dictionnaire : la réforme c'est " une amélioration apportée dans le domaine moral ou social ", ou encore " un changement profond apporté dans la forme d'une institution afin de l'améliorer, d'en obtenir de meilleurs résultats ". J'en déduis qu'un gouvernement, quel qu'il soit, abuse honteusement du terme de réforme en l'utilisant pour désigner des choix fondés sur la régression et des méthodes combinant la manuvre de couloir et le passage en force. Celui-ci vient d'en être sanctionné, c'est justice.
Dans la situation nouvelle qui vient de se créer, les syndicats de salariés ont une grande responsabilité à assumer. Ils doivent, ensemble, prendre le temps de l'analyse et explorer les voies de leur action commune pour faire face, avec la plus grande efficacité, aux rendez-vous des prochaines semaines.
Dans ce but, la CGT a proposé la réunion d'un sommet intersyndical destiné à dégager les axes d'une intervention unitaire auprès du gouvernement et du patronat. J'ai bon espoir que cette rencontre puisse se tenir dans les prochains jours.
Nous le devons aux salariés qui accorderont d'autant plus leur confiance aux syndicats, qu'ils auront le sentiment qu'ensemble nous faisons tout pour les défendre.
Nous le devons à l'ensemble de la société qui a besoin de références claires et de points d'appui solides pour restaurer l'espoir dans l'avenir.
Une chose est sûre, nous devons faire preuve dans cette période d'une grande vigilance et surtout d'une grande réactivité de toutes les organisations de la CGT.
Nous devons d'ores et déjà, sans préjuger d'autres initiatives, avoir l'ambition d'un très grand 1er mai 2004.
Chers camarades, en intervenant aujourd'hui devant votre congrès, j'ai présent à l'esprit trois données déterminantes :
* Votre fédération s'adresse à plus de 2 millions de salariés, c'est-à-dire à un salarié sur dix et un ouvrier sur 5 ;
* Elle est la fédération la plus représentative du secteur privé, et ses effectifs continuent à progresser depuis plusieurs années,
* Dans le secteur privé, moins d'un salarié sur quarante est syndiqué...
Votre champ syndical est vaste, les bouleversements qui l'ont affecté dans les dernières décennies se font encore sentir. Même si le travail à accomplir reste immense, vous vous êtes résolument engagés sur des orientations positives, alliant un programme revendicatif consistant et cohérent à la volonté de faire évoluer les modes d'organisation et les structures qui les sous-tendent.
Votre 37ème congrès marque une étape importante sur cette voie. Il contribuera à expliciter et concrétiser dans votre domaine professionnel les orientations approuvées ou confirmées par les trois derniers congrès confédéraux, et notamment les résolutions adoptées à Montpellier, qui constituent une référence commune à l'ensemble de la CGT.
La défense des intérêts des salariés de notre pays doit être appréhendée au travers d'une alternative à la mondialisation libérale, une alternative qui associe les principes économiques et sociaux du développement durable, le développement des pays les plus pauvres et la généralisation de l'application des normes sociales fondamentales de l'Organisation Internationale du Travail.
La coopération syndicale doit se donner comme objectif de favoriser la compréhension entre des pays de culture et de niveau économique différents. Là où d'autres cherchent à les opposer, nous voulons renforcer les solidarités entre le Sud et le Nord, entre l'Est et l'Ouest.
Mais, ne nous berçons pas d'illusions ou de raisonnements simplistes : les sources potentielles de conflit ou de friction entre économies de pays d'inégal développement sont nombreuses et intégrées dans les logiques de gestion des firmes transnationales, les convergences ne sont pas naturelles et demandent un travail syndical soutenu et adapté.
Les journées des 2 et 3 avril en Europe, auxquelles la CGT va apporter une participation significative tant dans les entreprises que dans les manifestations, sont un moment d'affirmation concrète de cette conviction partagée par tous les syndicats européens. Les manifestations de samedi sont une bonne occasion de rappeler rapidement nos revendications au nouveau gouvernement.
Ces journées sont axées sur les thème de l'emploi, de la protection sociale et des droits sociaux. Ces trois thèmes sont effectivement indissociables, dans la réflexion comme dans l'action.
Une stratégie industrielle et de développement des activités n'est pas séparable du besoin de changement profond des choix de politique économique en France et en Europe, d'une nouvelle régulation des relations économiques internationales.
La CGT, l'ensemble de ses organisations professionnelles et territoriales, n'ont pas d'autre choix que de prendre à bras le corps le problème de l'emploi. Elles doivent le faire de façon ferme et responsable partout où les salariés se retrouvent face à la menace immédiate ou la décision effective de perdre leur emploi. Les syndicats refusent de se cantonner à être les pompiers du social, mais ils se doivent d'être toujours les champions de l'assistance à personne en danger et les meilleurs pour coincer les pyromanes.
La CGT refuse la fatalité des réductions d'emploi comme l'affaiblissement de l'industrie. Dans un nombre de plus en plus important de cas, les fermetures de sites s'expliquent principalement par des erreurs de gestion et par le souci des actionnaires et des propriétaires de relever une rentabilité jugée insuffisante. Mais ce sont les salariés et les collectivités qui doivent supporter les coûts de ces fermetures. Il serait donc légitime qu'ils aient le droit d'intervenir sur les choix stratégiques des entreprises afin de faire obstacle aux pratiques qui mettent en péril l'activité et l'emploi.
Nous le voyons bien aujourd'hui, beaucoup va dépendre de notre capacité à construire et proposer des réponses nouvelles. Ces réponses doivent être alimentées par la connaissance des besoins des salariés et de la population, enracinées à la fois dans le monde réel des entreprises et dans celui de l'organisation institutionnelle des territoires : c'est cela et pas autre chose qui peut nourrir une nouvelle politique de développement de l'industrie et des services.
Nous ne rêvons pas à une politique industrielle à l'ancienne qui a montré ses insuffisances et serait inadaptée. Nous voulons être plus ambitieux et plus concrets, en croisant des politiques de filière comme dans l'énergie, l'aéronautique, l'espace, l'automobile, la santé, l'habillement, les transports, avec des approches territoriales allant du niveau local au niveau national, européen et international.
Il ne s'agit pas, dans ce domaine plus que dans tout autre, de présenter un " catalogue ", il s'agit de s'appuyer sur les atouts publics et privés dont nous disposons dans les bassins d'emplois et les régions pour construire, avec les salariés, des objectifs permettant de développer conjointement l'emploi, les qualifications et la modernisation du tissu productif.
Comme l'indique votre projet de résolutions, " trop souvent des décisions d'externalisations, d'arrêts d'activités ou des restructurations sont subies de façon défensive par manque d'anticipation et de construction de projets alternatifs. "
Votre proposition de création de comités inter-entreprises et inter-industries afin de réunir en amont des décisions à prendre tous les acteurs d'une filière industrielle est résolument moderne et s'inscrit dans cette volonté.
La nature du tissu productif, ses liens avec les universités de la région et la place donnée à la recherche-développement doivent être au premier rang de nos préoccupations.
À cet égard, chacun d'entre vous mesure l'importance de la lutte menée par les chercheurs pour donner à notre pays, et à l'ensemble de la communauté européenne, les moyens de bâtir son avenir. Dans leur appel à la reconnaissance de leur travail et de leurs missions, ils manifestent tout autre chose qu'une crispation sur les prétendus avantages que leur conférerait leur statut.
Ils n'ont aucune leçon de morale à recevoir d'une caste qui glisse avec élégance de la noblesse d'Etat au monde des affaires, s'attribue et se redistribue en permanence des positions lucratives équipées de parachutes en or.
Ils n'ont aucune leçon de civisme à supporter de ceux qui ont alloué 5 milliards d'euros de baisse d'impôts dont pas moins du tiers profite aux 1 % des contribuables les plus fortunés, 4 milliards aux entreprises à coup d'allégements de la taxe professionnelle et d'exonérations diverses, sans parler des centaines de millions d'aides aux débitants de tabac...
Ce qui est certain, c'est que ces gens-là nuisent effectivement gravement à notre santé et à celle du pays tout entier !
Pour que les entreprises créent des emplois, pour réaliser des investissements productifs, il faut aussi moraliser et rendre plus efficaces les prélèvements et les financements :
* Sortir d'une politique coûteuse et perverse d'exonération des cotisations sociales
* Moduler le taux de cotisation des entreprises à la Sécurité sociale et celui de l'impôt en privilégiant celles qui augmentent la part de la masse salariale dans leur valeur ajoutée, au bénéfice de l'emploi et de la reconnaissance de la qualification,
* Instaurer un contrôle public et social sur le respect des engagements pris par les entreprises ayant eu accès aux aides publiques, aux exonérations et abattements fiscaux et sociaux.
* Pénaliser celles qui choisissent les investissements financiers contre l'emploi.
Il faut passer maintenant à un développement solidaire des territoires impliquant la responsabilité des pouvoirs publics et celle des entreprises, notamment celles qui à travers leurs réseaux de sous-traitance industrielle et de distribution commerciale structurent l'activité.
A quoi nous servirait-il de prévoir l'avenir si nous ne pouvions pas le changer ?
Nous avons besoin de concevoir une politique dynamique de l'emploi, guidée par une vision prospective et cohérente du développement et portée par une activité syndicale préparée à la confrontation publique, organisée pour la mobilisation des salariés à tous les niveaux.
Sous l'impulsion du MEDEF, qui y voit un moyen puissant de déroger et de contourner les syndicats, la négociation des garanties collectives au niveau branches et interprofessionnel perd du terrain au profit de la négociation entreprise par entreprise, tandis que le dialogue social territorial prend une nouvelle dimension en s'élargissant à de nombreux acteurs de la société. Cette évolution s'inscrit dans la mise en concurrence des salariés et des territoires voulue par les employeurs, et le plus souvent soutenue par les gouvernements et les instances européennes.
De nombreux militants de la CGT considèrent cette évolution avec méfiance.
La peur n'évitant pas le danger, nous devons être présents dans le débat territorial pour défendre le point de vue et les revendications des salariés.
Pour faire vivre un syndicalisme solidaire et plus cohérent, il devient de plus en plus urgent de construire une démarche alliant territoires et professions.
Désormais, à travers tous les domaines de compétence transférés aux régions : transports, santé, conditions de travail, environnement, développement économique, orientation et formation professionnelle, la validation des acquis et de l'expérience, c'est une véritable gestion de l'emploi en fonction du besoin des entreprises qui se met en place dans les territoires.
La loi sur l'emploi risque de leur confier la gestion des plans sociaux. Le projet de loi sur le dialogue social territorial peut ouvrir la voie à des accords dérogatoires dans l'entreprise.
Qui va aider le syndicat ? Comment intervenir pour aider l'entreprise sans syndicat ?
Construire des programmes revendicatifs avec les salariés dans chaque entreprise et sur chaque site, maîtriser dans chaque cas la signification concrète de la hiérarchie des normes sociales, avoir un comportement rassembleur avec les autres syndicats ou le monde associatif, rendre compte des travaux réalisés, voilà les bases d'une stratégie revendicative cohérente, conforme aux orientations de la CGT et capable de déboucher sur des mobilisations efficaces.
L'intervention syndicale au niveau d'un territoire ne peut se limiter à la consultation de quelques militants. L'intervention syndicale à partir et sur les lieux de travail doit toujours plus intégrer la dimension territoriale. Toute négociation territoriale ou professionnelle a besoin du soutien actif des salariés.
La mise en uvre de ces trois principes d'organisation et de responsabilité, passe par la construction d'un véritable réseau CGT d'animateurs revendicatifs solidement formés, reliant territoires, professions et confédération.
C'est pourquoi :
* à la question posée : " Ne faut-il pas repenser l 'animation des régions dans le cadre de la décentralisation et du rôle renforcé des pouvoirs régionaux dans l'Union européenne ? je réponds sans hésiter oui,
* à la suggestion : " Nous pourrions renforcer les lieux et les moments d'échange dans notre profession et avec d'autres professions ", je dis bravo,
* au vu de " l'expérience des Assises pour l'emploi industriel organisées par votre Fédération, et de celles déclinées par filières industrielles ", je dis allez-y, continuez !
Nous n'avons pas réponse à tout mais chacun doit assurer sa part dans ce travail et faire un bout de chemin vers les autres et avec les autres. Cela demande l'exploration de nouveaux modes d'organisation, d'échange et de fonctionnement de nos organisations professionnelles et territoriales, de leur capacité à entrer en coopération sur des projets concrets s'adressant à l'ensemble des salariés dans la diversité de leur condition et de leur position au sein des systèmes industriels actuels.
Je note avec une très grande satisfaction et une très grande confiance que cette préoccupation occupe une large place dans les propositions soumises à ce congrès, comme en témoignent trois constats et une proposition :
* Les salariés qui travaillent dans les groupes donneurs d'ordres, ceux qui sont dans les industries sous-traitantes, ont besoin de confronter leurs vécus et leurs expériences.
* Ils ont besoin de créer des lieux de dialogue et d'échange pour casser des oppositions et une mise en concurrence orchestrée par les directions d'entreprise.
* Dans une entreprise où se côtoient des salariés de métiers différents, n'ayant ni les mêmes statuts, ni les mêmes conventions collectives, parfois même des nationalités différentes, chacun a besoin de faire valoir ses revendications particulières en favorisant les convergences d'intérêts.
* Nous devons développer des structures qui permettent ces rapprochements.
C'est la condition expresse pour envisager avec succès la mise à plat et la révision de toutes les politiques et les pratiques de sous-traitance, au lieu de se résigner à simplement ralentir l'érosion permanente des effectifs relevant d'un statut ou d'un autre.
Notre objectif, tel qu'il est explicitement défini par le dernier congrès de la CGT, est que "tout salarié bénéficie quelles que soient les circonstances, d'un ensemble de droits individuels, garantis au plan interprofessionnel, opposables à tout employeur et transférables d'une entreprise à une autre : droit à l'intégration dans un emploi, droit à la formation continue, droit à une carrière professionnelle, droit au maintien d'un contrat de travail en cas de suppression d'emploi, continuité des droits pour le calcul de la retraite, droit à l'expression syndicale."
Le principe de la transférabilité et ses modalités d'application devient le cur du respect de la hiérarchie des normes.
Il faut que tous les militants, tous les syndiqués, tous les salariés des grandes entreprises à statut comprennent que la satisfaction, même partielle de cette revendication, serait une des meilleures garanties pour l'avenir de leur statut.
Aujourd'hui la défense des " droits acquis " devient illisible si elle ne s'accompagne pas de la prise en compte de la précarité qui prive des milliers de salariés d'un niveau de garanties collectives élevé.
Une des meilleures façons de défendre les acquis n'est-ce pas d'abord d'organiser l'action en vue de les étendre à ceux qui n'en bénéficient pas encore ?
Votre congrès peut décider d'adopter cette stratégie, notamment en travaillant les convergences de l'ensemble des salariés de la branche. C'est à mon sens le contenu prometteur de l'objectif de la Convention collective nationale des salariés des industries de la métallurgie.
Cette Convention collective nationale peut devenir "le noyau qui unit l'ensemble des salariés". Vous y incorporez la Validation des Acquis et de l'Expérience (VAE) tant dans le domaine professionnel qu'associatif, le droit individuel de formation (DIF) transférable d 'une entreprise à l'autre et la possibilité pour tout salarié de consacrer une large partie de son temps de travail à la formation.
Oui, vous avez raison de dire que : " Cet ensemble cohérent alliant à la fois formation, qualification, classification, valorisation de l'expérience du savoir-faire et ancienneté peut permettre de rassembler l'ensemble des catégories de salariés autour d'un projet commun, incluant l'égalité entre les hommes et les femmes ".
Pour y parvenir, la première résolution que vous avez adoptée met l'accent sur une condition essentielle : La construction d'un rapport de forces durable impliquant une majorité de salariés de la métallurgie avec leurs organisations syndicales est un enjeu fondamental.
La CGT ne peut se résigner à la division et à la dispersion des forces syndicales. Il faudra bien trouver, et le plus rapidement sera le mieux, les moyens par lesquels les revendications sociales seront au centre de l'action des uns et des autres.
C'est en aidant l'ensemble du monde du travail à prendre confiance en lui et à lutter sur des objectifs décidés majoritairement que nous lui rendrons le meilleur service : c'est tout autre chose et c'est bien plus exigeant que de se donner à bon compte une image d'intransigeance à coups de mots d'ordre, sans lien avec la volonté ou capacité réelle des salariés à s'en emparer et à les faire prévaloir.
Partout où ce principe de raison ou de simple bon sens habite nos organisations et détermine concrètement le fond et la forme de leur activité, notre influence se renforce, tant en nombre d'adhésions que dans les résultats des élections professionnelles, y compris les plus récentes. A contrario, il ne faut pas s'étonner que, là où prédominent des comportements sectaires ou des revendications sorties d'un chapeau, la CGT tôt ou tard dilapide son capital de confiance jusqu'à n'être plus que l'ombre d'elle-même.
Il faut aussi constater que les salariés et la vitalité du syndicalisme français sont les premières victimes de l'absence d'une véritable démocratie sociale.
Chacun voit comment le patronat et les gouvernements, savent tirer avantage d'un droit social qui continue à conférer un poids égal à chaque syndicat, quelle que soit sa représentativité réelle, pour mieux manuvrer les négociations et abaisser le contenu des accords.
Tous les salariés, quelle que soit l'entreprise, petite ou grande, dans laquelle ils travaillent, doivent disposer d'élections professionnelles.
La seule mesure réellement démocratique c'est de reconnaître les accords valides dès lors qu'ils ont recueilli la signature de syndicats représentant au moins 50 % de voix aux élections des salariés concernés par la négociation.
Le projet de loi Raffarin-Fillon, pour l'essentiel tourne le dos à cette revendication légitime. En prévoyant que les employeurs se verraient autorisés à déroger, par accords d'entreprise, aux règles des conventions collectives et aux lois, il bouleverse la hiérarchie des normes dans le droit du travail, donnant un gage de plus au MEDEF.
Chers camarades, notre champ de syndicalisation est immense. Il est pour l'essentiel en friche ou en jachère. Il faut absolument l'investir avec patience et avec méthode, en étant à la fois lucides sur l'état de nos forces et déterminés à franchir le seuil en deçà duquel nous serions dans l'impossibilité de faire face à nos responsabilités.
Sachons établir des priorités, nous concentrer sur l'essentiel, établir les bases de la convergence entre les revendications, créer les conditions de la compréhension entre les militants et de la synergie entre toutes nos organisations.
Il n'y a pas d'activité syndicale performante sans la prise en compte de la réalité et de l'évolution des rapports sociaux, sans la prise de conscience que le choix d'une organisation syndicale ouverte à tous les salariés dans un cadre confédéré implique, pour la confrontation des idées et la construction des résolutions comme dans la coordination et la conduite de l'action, des comportements ouverts, des objectifs partagés, des règles de vie acceptées et respectées.
Ceci me paraît être un des messages les plus importants réaffirmés et explicités par le dernier congrès confédéral, notamment par la précision et la cohérence des résolutions qu'il a adoptées et dont nous devons accélérer la concrétisation.
Votre congrès est une occasion privilégiée de confronter ces résolutions à votre expérience revendicative, de les décliner et de les faire vivre auprès des salariés de toutes catégories, que vous avez vocation et mission à organiser et à représenter.
Personne ne le fera à votre place, et en même temps vous ne pourrez le faire qu'en étroite coopération avec toutes les organisations de la CGT, afin que votre activité contribue à lui donner plus de force, plus de visibilité et de lisibilité, plus d'impact auprès de tous les salariés et dans l'ensemble de la société.
Une telle orientation n'est pas viable sans que nous soyons en mesure de passer au cran supérieur en matière de syndicalisation et d'activité syndicale. Elle implique que toutes nos organisations s'investissent à part entière dans la réflexion sur l'évolution des structures fédérales et confédérales, sur la répartition la plus judicieuse de nos moyens financiers pour travailler au renforcement et au rayonnement de la CGT dans le tissu économique et social.
Je vous invite à prendre toute votre place parmi les autres militants et organisations de la CGT afin de construire ensemble les réponses les plus appropriées. Voilà, chers camarades, ce dont je voulais vous faire part à l'occasion de ce congrès. Vous n'ignorez pas que notre tâche est immense mais, dès lors que notre conviction est sans limite, il n'y a aucune raison de ne pas prétendre au succès pour nos revendications.
(source http://www.ftm-cgt.fr, le 9 juin 2004)