Texte intégral
Chers amis,
Je voudrais exprimer deux choses. La première, c'est le sentiment chaleureux, affectueux, que j'éprouve à me trouver avec vous ici, le bonheur que j'ai à être là. D'abord parce vous êtes là. Vous avez pris sur votre temps pour venir réfléchir à ce très grand enjeu. Ensuite, parce que je me sens bien entouré à cette tribune. Nous avons eu une rencontre très importante et intéressante à l'Université Lyon III avec plusieurs centaines d'étudiants, qui a duré 2 ou 3 heures. C'était très chaleureux, et il y avait là déjà une partie des élus qui sont autour de moi à la tribune : Anne-Marie Comparini qui va nous rejoindre et qui fait un très bon travail à l'Assemblée nationale, Thierry Cornillet, député européen qui est un des pères de la Charte des droits fondamentaux - c'est un des deux Français qui a rédigé la Charte, donc le deuxième chapitre de la Constitution -. Je suis très content de retrouver Muguette Dini qui est l'une des figures désormais de notre groupe au Sénat. Je suis très content de retrouver mes complices de toute la semaine : François Rochebloine et Gilles Artigues, députés de la Loire, avec qui nous partageons beaucoup d'engagements. Je suis très heureux de retrouver Michel Mercier qui est pour moi l'une des sécurités de ma vie politique : sécurité intellectuelle, parce qu'il pense juste avec une culture historique, juridique impressionnante ; sécurité amicale parce qu'il fait partie de ce petit groupe qui a la responsabilité de notre famille politique ; sécurité financière parce qu'il est le trésorier de notre mouvement, et ce n'est pas rien d'être le trésorier d'un mouvement (je vous ferai observer qu'avec Michel Mercier, qui est trésorier à mes côtés depuis 10 ans, nous n'avons jamais rencontré aucune de ces " difficultés " que rencontrent les autres formations politiques) ; et sécurité politique comme élu, parce qu'au-delà de l'amitié, c'est l'un des hommes qui représente le mieux le tissu français, qui le comprend le mieux et qui l'exprime avec le plus de simplicité et le plus de force. Je voulais donc devant vous dire bonjour, et merci, à Michel Mercier. Et j'ai gardé pour la bonne bouche Bernard Bosson. Vous savez tout de notre amitié, de nos combats communs, partagés. Je remercie enfin Dominique Perben, Garde des Sceaux, d'avoir eu la gentillesse de nous rejoindre
Mais il y a une chose que vous ignorez : c'est que, si nous sommes là ce soir, à discuter de la Constitution européenne, c'est un peu parce que nous, à l'UDF, nous nous sommes engagés les premiers sur ce sujet. L'Union européenne a connu un certain nombre d'étapes. Je les passe en revue très rapidement devant vous. Première étape : la Communauté du charbon et de l'acier. C'est une incroyable aventure : deux peuples qui s'étaient fait trois guerres en 75 ans, et pas n'importe quelles guerres. Je suis né et j'habite dans un village de 350 habitants. Sur le monument aux morts de mon village, il y a 36 noms - c'est l'équivalent de ce que représenteraient dans un pays comme la France entre 6 et 7 millions de morts aujourd'hui - la moitié, plus de la moitié des garçons d'une génération entre 20 et 40 ans, fauchée. Ces hommes formidables, Schuman et Monnet, que je vénère - je n'emploie pas ce mot fréquemment à l'égard de responsables politiques ni même d'hommes d'Histoire - ont eu ce geste prophétique en 1950, à peine 5 ans après la fin de la guerre, de dire : ces deux biens, pour lesquels nous nous sommes fait trois guerres, le charbon et l'acier - le hasard ayant voulu que l'un tombe chez les uns et l'autre chez les autres -, nous allons les mettre en commun. Aujourd'hui, cela nous paraît rien. C'est exactement comme si, aujourd'hui, Israéliens et Palestiniens décidaient de mettre en commun les deux biens pour lesquels ils sont en guerre : l'eau et les lieux saints. Ils ont fait cela, et j'emploie le mot " prophétique " pour cette vision.
Quatre ans après, on va réaliser une idée formidable, on va faire la Communauté de défense, on va bâtir la défense européenne. Ils ont cette idée, ils écrivent le traité, ils en convainquent chacun des autres, et puis l'Assemblée nationale vote non. 51 ans après, nous n'avons toujours pas de défense européenne.
En 1957, ils remettent l'oeuvre sur le métier et décident que, puisque l'Europe n'a pas voulu passer par la voie politique, ils allaient désormais emprunter la voie réaliste de l'économie. Et ils inventent cette idée formidable du Marché commun. A cette époque aussi, il y a eu des craintes, et même des craintes de grands hommes, même d'un grand homme que nous admirons beaucoup, Pierre Mendès-France. Il est monté à la tribune de l'Assemblée nationale pour voter contre le Traité de Rome, contre le Marché commun, en disant : " la France n'est pas capable de supporter la concurrence de ses voisins ". Songeons toujours à cela lorsque nous entendons aujourd'hui des déclarations défaitistes de cet ordre. Nous avons non seulement été capables de supporter la concurrence des voisins, mais de la saisir comme une chance formidable d'expansion. Nous avons doublé notre richesse nationale en moins de 15 ans - doublé, vous vous rendez compte de ce que cela veut dire comme rythme de croissance. Formidable aventure.
Après, on rentre dans une période plus noire. Madame Thatcher dit : " I want my money back ! " (" je veux qu'on me rende mes sous !"). C'est une période d'euro-sclérose, d'euro-pessimisme. Et puis, au milieu des années 80, Jacques Delors, François Mitterrand, décident qu'il faut reprendre l'ouvrage où on l'avait laissé, aller au bout du Marché commun en faisant ce que l'on a appelé " l'Acte unique " (1986), c'est-à-dire rendre définitive la libre circulation de tous les produits sur le territoire européen. Il y a des hommes qui ont voulu et conduit à leur terme ce magnifique effort européen, sans lequel nous ne serions pas là aujourd'hui. Parce que l'Acte unique, le Marché unique, c'est la monnaie unique, et c'est la monnaie unique qui fait qu'il faut une construction politique.
Eh bien l'Acte unique, c'est lui, c'est Bernard Bosson qui, en 1986, a négocié et signé au nom de la France l'Acte unique. Il est donc, d'une certaine manière, non seulement l'un des responsables et l'un des porteurs de la construction européenne, mais l'un de ceux qui font que nous sommes là, aujourd'hui, pour placer la clé de voûte au sommet de notre édifice.
Vous comprendrez donc, mes chers amis, la joie que j'ai à être là et la certitude que j'exprime que notre famille politique est naturellement la famille politique la plus engagée pour cette idée de Constitution. Lorsque j'ai eu l'inconscience - disons le comme ça - de proposer cette idée en 1999, au moment des élections européennes, dans le scepticisme absolu et l'ironie de beaucoup, y compris de ceux qui défendent cette idée ardemment - je n'en doute pas - aujourd'hui, personne n'y croyait. Lorsque nous avons écrit et publié le premier texte de Constitution à l'automne 1999, dès le lendemain est venu me voir le conseiller pour les affaires étrangères du président de la République fédérale d'Allemagne. Il m'a dit : " Ce que vous avez fait nous intéresse immensément parce que,vous ne le savez peut-être pas, c'est la première fois qu'on propose un texte écrit de Constitution. Jamais cela ne s'était fait ". Et c'est Valéry Giscard d'Estaing qui a fait l'oeuvre éminente, très difficile, presque impossible, de diriger le groupe de ceux qui ont écrit la Constitution européenne.
Ce n'était pas tout à fait rien. Personne ne croyait que cela pouvait réussir. Et tous les noms que je viens d'égrener, cette famille, de Schuman jusqu'aux auteurs de la Constitution européenne d'aujourd'hui, en passant par les plus jeunes, Bernard Bosson, mais aussi le Président Giscard d'Estaing, cette famille politique là est responsable. Elle est plus responsable que d'autres de l'avenir de la construction européenne. A la vérité, il y a deux familles qui ont joué ce rôle : la nôtre et la famille sociale-démocrate, le parti socialiste du temps où il était unanimement européen. Cette responsabilité, nous voulons l'assumer. Je vous propose de le faire de deux manières : je vais faire une brève introduction et après, vous poserez autant de questions que vous le voulez, celles que vous entendez dans votre famille, dans votre voisinage, pour que l'on dise clairement ce qu'est la réalité, ce que doivent être les réponses, ce qu'il y a dans ce texte, quelles sont les attitudes qu'il est bon d'adopter face à l'inquiétude, quelquefois légitime, des Français.
Je voudrais en venir à l'essentiel, à l'essentiel de l'essentiel. Dans ma circonscription, où j'organise des réunions régulières au moins une fois par mois, ouvertes à tout le monde, et où ceux qui viennent me connaissent bien, l'autre jour, l'un de mes amis a dit : " François, il faut qu'on te dise quelque chose : il y a quelque chose qu'on n'arrive pas à comprendre : 1) pourquoi est-ce qu'on vote ? et 2) sur quoi est-ce qu'on vote ? ". Et il m'a semblé que ces questions avaient beaucoup de bon sens. " Pourquoi est-ce qu'on vote ? " Il voulait dire : " quel est le centre de cette réflexion ? " et " pourquoi un référendum ? ". Le centre de la réflexion est celui-ci : il y a depuis longtemps en France deux thèses : ceux qui croient que, dans le monde comme il est en train de se bâtir, avec l'immense puissance américaine - et quand je dis " immense puissance ", ce n'est pas un effet rhétorique - avec la superpuissance américaine et avec l'immense puissance chinoise qui est en train d'émerger, dans ce monde là, il y a ceux qui croient que nous pouvons tout faire tout seuls et ceux qui croient que,pour sauver nos valeurs, notre manière d'être, il faut être unis en Europe entre les pays européens.
Je voudrais vous dire que, pour moi, je ne vois pas la crédibilité du scénario de ceux qui disent qu'il faut être tout seuls. Il m'arrive naturellement de comprendre les objections des uns et des autres. Je les respecte, mais je n'arrive pas à comprendre comment on peut soutenir que, dans un monde comme celui-là, la France peut défendre seule son modèle de société et ses valeurs. L'année dernière, la Chine a utilisé plus de 50 % du ciment produit sur la surface totale de la planète. Même chose pour l'acier, et le prix de l'acier a monté de 30 %. Il en est de même pour la consommation de pétrole, et le prix du baril de pétrole est entre 50 et 60 dollars. Avant-hier matin, les autorités monétaires internationales ont publié les prévisions de croissance. Ils les ont baissées d'un point pour la totalité de la planète, à 4 % ; ils les ont augmentées d'un point pour la Chine, à 8,5 %. Et je ne sais pas si vous voyez le rythme de croissance que cela suppose. Je le disais à l'instant, la France avec le Marché commun a augmenté sa richesse nationale de 100 % en 15 ans. Le rythme de croissance chinois, c'est donc 200 % dans la même période. Vous voyez l'immensité - 1,3 milliard d'habitants - de ce que cela représente. Je ne vois donc pas la crédibilité de ceux qui disent : " il faut que la France se débrouille toute seule dans ce monde là ". Je n'y crois pas, je respecte mais je n'y crois pas.
C'est la première question. Et il est bon, il est juste que ce soit une question posée au peuple. C'est une si grande aventure, celle que j'ai décrite, qu'il n'y a pas de raison qu'on la fasse à l'insu des citoyens. Parce qu'après, ils accusent les dirigeants d'avoir pris des décisions dans leur dos. Cette fois, en deux étapes, Maastricht en 1992, et la Constitution en2005, on aura fait les choix avec le peuple français, et je trouve que c'est très heureux. Voilà pourquoi on vote.
Il y a une deuxième question dans ce référendum : voulez-vous que cette Europe unie soit une démocratie ? Le mot " démocratie " que l'on emploie à tout bout de champ, cela veut dire une chose. Cela veut dire que le peuple commande. C'est du grec " demo-cratie ", le peuple commande. C'est exactement, vous le voyez bien, la réponse aux inquiétudes, aux colères, à la rage d'un certain nombre de gens qui disent : l'Europe, ce n'est pas nous, l'Europe c'est Bruxelles, ce sont des experts, ce sont des diplomates, ce sont des professionnels de tout cela, nous on n'y comprend rien et, d'ailleurs, on n'est informés de rien. Cette accusation, juste, sa réponse, elle est dans la Constitution. Le cur de la Constitution, les 60 premiers articles disent ceci : la voix des citoyens, chacun de ceux qui sont là, et leurs voisins, et leurs cousins, et leurs familles, et leurs amis, et leurs concitoyens, dans tous les pays européens, leur voix au double sens, l'expression de leur volonté et leur bulletin de vote, jouera un rôle essentiel dans l'avenir de l'Europe. Et leur voix va peser sur l'avenir de l'Europe. Ce sont les citoyens qui auront entre les mains l'orientation de l'Europe que nous formons ensemble.
Cela, c'est la deuxième décision : une démocratie. Quand on fait une démocratie, l'acte premier c'est de faire une Constitution. On a étudié cela dans les livres d'Histoire autrefois. Vous vous souvenez, en 1789, il s'est passé en France un certain nombre de choses et la première de ces choses importantes a été le vote, le 26 août 1789, de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Si quelques-uns d'entre vous ne l'ont pas relue récemment, je vous encourage à le faire. C'est un texte court et magnifique, qui a été voté en 5 jours. Et ce texte magnifique et court définit ce qu'est une Constitution. La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen dit ceci : " Toute société où la séparation des pouvoirs n'est point définie, et les droits des citoyens reconnus, n'a point de constitution. " La séparation des pouvoirs pour qu'on sache qui fait quoi, pour que les pouvoirs ne soient pas accaparés entre les mêmes mains, pour qu'on ait cet équilibre dont une démocratie a besoin, et les droits des citoyens : en deux membres de phrase, voilà la définition de la Constitution européenne.
Premièrement, la séparation des pouvoirs, les nouveaux pouvoirs, la nouvelle transparence. Au lieu d'avoir comme hier des dirigeants qu'on ignore, on aura des dirigeants qu'on connaîtra. Et ces dirigeants seront élus, le Président du Conseil européen par les gouvernements et le Président de la Commission par les députés européens. Et vous pourrez aller protester sous leurs fenêtres si ça ne va pas. Aujourd'hui, si vous voulez aller protester sous les fenêtres des dirigeants européens, vous avez bien du mal à les trouver, parce qu'on ne les connaît pas. Là, vous les connaîtrez.
Deuxièmement, une claire répartition de qui fait quoi, de ce que l'Europe fait et de ce que les pays font.
Troisièmement, des droits nouveaux pour les citoyens, droits qui n'existent même pas en France, Monsieur le Garde des Sceaux, droits inédits dans notre pays, qui offrent aux citoyens européens, avec un certain nombre de signatures, de proposer des modifications de loi aux institutions européennes. Comme disent mes amis chasseurs - comme certains d'entre vous le savent peut-être, la vie m'a amené à fréquenter souvent les chasseurs, parce que le chef des chasseurs est mon voisin le plus proche, nous sommes nés dans le même village ou presque et nous avons grandi ensemble, donc je connais bien la rhétorique des chasseurs, et je la connais d'autant mieux que ne chassant pas moi-même, je l'ai entendue beaucoup seriner à mes oreilles ! - comme disent d'autres catégories, comme disent les bergers dans les Pyrénées, comme disent aussi les protecteurs de la nature, bref tous ceux qui ne sont pas satisfaits de l'Europe : " l'Europe décide non seulement sans que nous soyons informés, mais nous n'avons ensuite plus aucun moyen d'action sur les décisions qu'elle prend ". Et ils le disent quelquefois à juste titre. Ils se plaignent par exemple de ce que les décisions européennes, les directives - on dira, si la Constitution est adoptée, les " lois-cadre " européennes - fixent les mêmes dates d'ouverture de la chasse des oiseaux migrateurs pour les pays du Nord et pour les pays du Sud. Et ils disent, non sans raison, que les oiseaux migrateurs ne sont pas tout à fait à la même date dans les pays du Nord et dans les pays du Sud !
Ce bon sens là, jusqu'à maintenant, ne pouvait pas se faire entendre. Désormais, avec la Constitution européenne, les chasseurs, en se regroupant pour signer une proposition, pourront imposer aux institutions européennes de réfléchir à une modification de la loi européenne. Est-ce un progrès ou est-ce un recul ? Pour moi, c'est un progrès. Et ainsi, le cur de la Constitution, les règles du jeu qui vont donner du pouvoir à chacun d'entre nous, je dis bien à chacun d'entre nous, le cur de cette Constitution établit enfin ce que nous voulions depuis des années : une Europe pour tous.
Voilà pour ce premier point. Et voilà les deux questions du référendum : Europe unie, Europe démocratique. Je suis très heureux que l'on puisse ainsi voir sous nos yeux se produire ce grand changement, pour qu'on ne puisse plus, comme c'était le cas jusqu'à maintenant, découvrir les décisions européennes qui tombent du ciel.
La fameuse directive Bolkestein, nous l'avons vue tomber du ciel. Tout d'un coup, les Français l'ont découverte. S'il n'y avait pas ici des hommes de gouvernement, je me risquerais sans doute à dire qu'à mon avis, les gouvernants l'ont découverte aussi en même temps que les Français. En tout cas, je puis affirmer sans crainte qu'il y a des gouvernants qui l'ont découverte en même temps que les Français, et sans doute pas les moindres. Ce temps est fini. Si nous adoptons la Constitution, ce temps est fini, parce qu'on aura des délibérations publiques, parce qu'on aura des ordres du jour, parce qu'on sera bien obligés de suivre ce qui se passe en Europe, et d'abord au niveau du Parlement. Comme ils l'ont dit tous les deux, au nom de l'Assemblée nationale et au nom du Sénat, le Parlement français sera obligé de suivre ces travaux. On n'aura plus les décisions qui tombent du ciel.
Il n'y a que deux questions : voulez-vous l'Europe unie ? voulez-vous l'Europe démocratique ? Et je ne vois pas comment la famille d'esprit que nous représentons, ainsi que les autres familles politiques en France peuvent répondre à ces deux questions autre chose que oui. Alors je suis très heureux que nous soyons là ensemble pour les défendre. J'ouvre ici une parenthèse, en m'adressant à Dominique Perben, aux membres du gouvernement et aux dirigeants de l'UMP, et s'ils étaient là, aussi, à d'autres, venant d'autres horizons. Je sais très bien que nous avons l'habitude en France de rester chacun chez soi. Je sais très bien que c'est plus confortable. Moi-même, je suis très heureux avec mes amis. Mais il y a des moments dans la vie où il faut être capable d'abandonner le confort de sa chapelle, pour se battre ensemble sur un enjeu plus important que les enjeux partisans. L'enjeu du oui à la Constitution européenne est un enjeu qui dépasse les partis. Et quand on veut créer une dynamique, surtout dans l'état actuel de l'opinion, il faut s'y mettre tous ensemble. Je viens d'un pays de rugby : quand on veut que la mêlée avance, on pousse tous dans le même sens. Alors je suis heureux que les gestes se multiplient qui permettent de montrer que d'opinions différentes, de partis différents, d'inspirations différentes, nombreux sont les Français qui sont capables de travailler ensemble pour que le oui l'emporte. Et je voudrais en particulier tordre le cou à une idée que j'estime absurde. Je lis dans les journaux qu'il y aurait un oui de gauche et un oui de droite. J'espère que cette idée va disparaître. Elle est idiote pour deux raisons : la première, c'est que s'il y a un oui de gauche et un oui de droite, il y en a forcément un des deux qui est trompé. Si le oui est partisan, forcément, certains sont trompés. La deuxième raison est que, s'il y a un oui de gauche et un oui de droite, nous n'arriverons pas à bâtir les dynamiques qui s'imposent. Il n'y a qu'un seul oui. Il y a des non très antagonistes entre eux. Ils n'hésitent pas à faire campagne ensemble. Que je sache, on voit tous les jours des meetings entre des gens qui ne pensent pas du tout la même chose de l'avenir. C'est le moment de s'engager pour sauver ce à quoi nous croyons le plus.
Alors je suis heureux de souhaiter la bienvenue dans les rencontres que nous faisons, je suis heureux que se multiplient ces gestes, je suis heureux de dire aux responsables de l'UMP, et en particulier au Garde des Sceaux Dominique Perben, la bienvenue dans cette rencontre pour défendre le oui.
Et je voudrais combattre une idée, une seule. Après nous allons discuter, échanger sur tous les aspects de cette Constitution. Je voudrais combattre ce qui est pour moi le seul mensonge de cette campagne électorale. Il y a beaucoup d'approximations, il y a beaucoup de contre-vérités. Il y a un mensonge dans la campagne électorale, c'est le mensonge de ceux qui prétendent qu'ils vont voter non parce qu'ils sont européens. Je l'ai dit tout à l'heure, je comprends, je ne partage pas mais je comprends et après tout, je respecte l'idée de ceux qui vont voter non parce qu'ils sont anti-européens. Mais le mensonge proféré par ceux qui prétendent qu'ils sont européens et qu'ils vont voter non parce qu'on pourrait obtenir un meilleur traité, ceux-là, c'est un mensonge absolu que les Français ne devraient pas leur permettre de proférer. Renégocier la Constitution. Deux questions : avec qui ? et sur quelles bases ? La première question, c'est : avec qui ? Je lance un défi à ceux qui prétendent défendre le non pour obtenir une renégociation. Il y a 24 autres pays dans l'Union européenne. Je les défie de présenter un seul responsable, d'un seul des 24 autres pays, dans lesquels il existe pourtant autant de gouvernements, autant de ministres et autant de partis différents, un seul qui nous présente un seul responsable d'un seul des 24 autres pays, et qu'il vienne devant les Français dire : " Mesdames et Messieurs, un non de la France nous aiderait à bâtir une Constitution plus européenne ". Ils n'en trouveront aucun. Je prends le pari : aucun responsable européen ne peut venir proférer devant les Français une telle contre vérité. Tout le monde sait que, si c'est le non de la France, ceux qui sableront le champagne, ce ne sont pas les pro-européens, ce sont les anti-européens. Toutes les puissances dans le monde, à l'étranger, et d'autres à l'intérieur de l'Europe, les conservateurs britanniques par exemple, qui ne veulent pas que l'Europe se fasse, ceux-là rêvent d'un non de la France.
Deuxième question : renégocier sur quelles bases ? Quand on dit : renégocier un traité plus social ou plus européen, je suis désolé de dire que, dans un non éventuel, les voix de Monsieur Le Pen, les voix du Parti communiste, les voix de l'extrême-gauche de Monsieur Krivine ou de Madame Laguiller, les voix de Monsieur de Villiers, toutes ces voix qui ont toujours voté non à toutes les échéances européennes, sans aucune exception depuis le début de cette entreprise il y a 55 ans, ces voix-là sont infiniment plus nombreuses que les voix de ceux qui prétendent qu'il faut renégocier pour plus d'Europe. Donc, le mandat qui s'exprimerait à partir d'un non des Français,ce n'est pas un mandat de renégociation pro-européenne, c'est un mandat de renégociation anti-européenne.
Et cette imposture avec laquelle on vit, qui est la seule de la campagne électorale, je propose que nous lui fassions le sort qu'elle mérite. Qu'il soit clair, au moins, que ceux qui vont voter non sont contre l'Europe, et ceux qui vont voter oui sont pour l'Europe. Je sais bien que l'Europe est devenue si forte que les anti-européens sont obligés de revêtir le masque des pro-européens. J'ai presque la nostalgie de 1992. En 1992, au moment de Maastricht, c'était clair, il y avait les anti qui votaient non et les pro qui votaient oui. Cette fois-ci, les anti sont obligés de mettre le masque des pro-européens. Mais il y a des moments où il est bon de faire tomber les masques pour que les électeurs, les citoyens voient clairement qui est qui. Nous, nous sommes des pro-européens, nous le sommes en 2005, nous l'étions en 1992, nous l'avons été à toutes les étapes de la construction européenne. Nous votons oui et c'est la cohérence et la logique qui font que nous sommes rassemblés ce soir.
Je veux simplement maintenant dire que la campagne électorale que nous menons est une campagne de clarté, de transparence et de réponses aux questions. Exprimez, s'il vous plaît, toutes les interrogations qui sont les vôtres, celles que vous entendez dans votre entourage et autour de vous, et peut-être à l'occasion d'une de ces questions, mes amis qui sont à la tribune ainsi que Dominique Perben qui est au 1er rang, pourront-ils saisir l'occasion d'une réponse.
Je vous remercie.
(Source http://www.udf-europe.net, le 19 avril 2005)
Je voudrais exprimer deux choses. La première, c'est le sentiment chaleureux, affectueux, que j'éprouve à me trouver avec vous ici, le bonheur que j'ai à être là. D'abord parce vous êtes là. Vous avez pris sur votre temps pour venir réfléchir à ce très grand enjeu. Ensuite, parce que je me sens bien entouré à cette tribune. Nous avons eu une rencontre très importante et intéressante à l'Université Lyon III avec plusieurs centaines d'étudiants, qui a duré 2 ou 3 heures. C'était très chaleureux, et il y avait là déjà une partie des élus qui sont autour de moi à la tribune : Anne-Marie Comparini qui va nous rejoindre et qui fait un très bon travail à l'Assemblée nationale, Thierry Cornillet, député européen qui est un des pères de la Charte des droits fondamentaux - c'est un des deux Français qui a rédigé la Charte, donc le deuxième chapitre de la Constitution -. Je suis très content de retrouver Muguette Dini qui est l'une des figures désormais de notre groupe au Sénat. Je suis très content de retrouver mes complices de toute la semaine : François Rochebloine et Gilles Artigues, députés de la Loire, avec qui nous partageons beaucoup d'engagements. Je suis très heureux de retrouver Michel Mercier qui est pour moi l'une des sécurités de ma vie politique : sécurité intellectuelle, parce qu'il pense juste avec une culture historique, juridique impressionnante ; sécurité amicale parce qu'il fait partie de ce petit groupe qui a la responsabilité de notre famille politique ; sécurité financière parce qu'il est le trésorier de notre mouvement, et ce n'est pas rien d'être le trésorier d'un mouvement (je vous ferai observer qu'avec Michel Mercier, qui est trésorier à mes côtés depuis 10 ans, nous n'avons jamais rencontré aucune de ces " difficultés " que rencontrent les autres formations politiques) ; et sécurité politique comme élu, parce qu'au-delà de l'amitié, c'est l'un des hommes qui représente le mieux le tissu français, qui le comprend le mieux et qui l'exprime avec le plus de simplicité et le plus de force. Je voulais donc devant vous dire bonjour, et merci, à Michel Mercier. Et j'ai gardé pour la bonne bouche Bernard Bosson. Vous savez tout de notre amitié, de nos combats communs, partagés. Je remercie enfin Dominique Perben, Garde des Sceaux, d'avoir eu la gentillesse de nous rejoindre
Mais il y a une chose que vous ignorez : c'est que, si nous sommes là ce soir, à discuter de la Constitution européenne, c'est un peu parce que nous, à l'UDF, nous nous sommes engagés les premiers sur ce sujet. L'Union européenne a connu un certain nombre d'étapes. Je les passe en revue très rapidement devant vous. Première étape : la Communauté du charbon et de l'acier. C'est une incroyable aventure : deux peuples qui s'étaient fait trois guerres en 75 ans, et pas n'importe quelles guerres. Je suis né et j'habite dans un village de 350 habitants. Sur le monument aux morts de mon village, il y a 36 noms - c'est l'équivalent de ce que représenteraient dans un pays comme la France entre 6 et 7 millions de morts aujourd'hui - la moitié, plus de la moitié des garçons d'une génération entre 20 et 40 ans, fauchée. Ces hommes formidables, Schuman et Monnet, que je vénère - je n'emploie pas ce mot fréquemment à l'égard de responsables politiques ni même d'hommes d'Histoire - ont eu ce geste prophétique en 1950, à peine 5 ans après la fin de la guerre, de dire : ces deux biens, pour lesquels nous nous sommes fait trois guerres, le charbon et l'acier - le hasard ayant voulu que l'un tombe chez les uns et l'autre chez les autres -, nous allons les mettre en commun. Aujourd'hui, cela nous paraît rien. C'est exactement comme si, aujourd'hui, Israéliens et Palestiniens décidaient de mettre en commun les deux biens pour lesquels ils sont en guerre : l'eau et les lieux saints. Ils ont fait cela, et j'emploie le mot " prophétique " pour cette vision.
Quatre ans après, on va réaliser une idée formidable, on va faire la Communauté de défense, on va bâtir la défense européenne. Ils ont cette idée, ils écrivent le traité, ils en convainquent chacun des autres, et puis l'Assemblée nationale vote non. 51 ans après, nous n'avons toujours pas de défense européenne.
En 1957, ils remettent l'oeuvre sur le métier et décident que, puisque l'Europe n'a pas voulu passer par la voie politique, ils allaient désormais emprunter la voie réaliste de l'économie. Et ils inventent cette idée formidable du Marché commun. A cette époque aussi, il y a eu des craintes, et même des craintes de grands hommes, même d'un grand homme que nous admirons beaucoup, Pierre Mendès-France. Il est monté à la tribune de l'Assemblée nationale pour voter contre le Traité de Rome, contre le Marché commun, en disant : " la France n'est pas capable de supporter la concurrence de ses voisins ". Songeons toujours à cela lorsque nous entendons aujourd'hui des déclarations défaitistes de cet ordre. Nous avons non seulement été capables de supporter la concurrence des voisins, mais de la saisir comme une chance formidable d'expansion. Nous avons doublé notre richesse nationale en moins de 15 ans - doublé, vous vous rendez compte de ce que cela veut dire comme rythme de croissance. Formidable aventure.
Après, on rentre dans une période plus noire. Madame Thatcher dit : " I want my money back ! " (" je veux qu'on me rende mes sous !"). C'est une période d'euro-sclérose, d'euro-pessimisme. Et puis, au milieu des années 80, Jacques Delors, François Mitterrand, décident qu'il faut reprendre l'ouvrage où on l'avait laissé, aller au bout du Marché commun en faisant ce que l'on a appelé " l'Acte unique " (1986), c'est-à-dire rendre définitive la libre circulation de tous les produits sur le territoire européen. Il y a des hommes qui ont voulu et conduit à leur terme ce magnifique effort européen, sans lequel nous ne serions pas là aujourd'hui. Parce que l'Acte unique, le Marché unique, c'est la monnaie unique, et c'est la monnaie unique qui fait qu'il faut une construction politique.
Eh bien l'Acte unique, c'est lui, c'est Bernard Bosson qui, en 1986, a négocié et signé au nom de la France l'Acte unique. Il est donc, d'une certaine manière, non seulement l'un des responsables et l'un des porteurs de la construction européenne, mais l'un de ceux qui font que nous sommes là, aujourd'hui, pour placer la clé de voûte au sommet de notre édifice.
Vous comprendrez donc, mes chers amis, la joie que j'ai à être là et la certitude que j'exprime que notre famille politique est naturellement la famille politique la plus engagée pour cette idée de Constitution. Lorsque j'ai eu l'inconscience - disons le comme ça - de proposer cette idée en 1999, au moment des élections européennes, dans le scepticisme absolu et l'ironie de beaucoup, y compris de ceux qui défendent cette idée ardemment - je n'en doute pas - aujourd'hui, personne n'y croyait. Lorsque nous avons écrit et publié le premier texte de Constitution à l'automne 1999, dès le lendemain est venu me voir le conseiller pour les affaires étrangères du président de la République fédérale d'Allemagne. Il m'a dit : " Ce que vous avez fait nous intéresse immensément parce que,vous ne le savez peut-être pas, c'est la première fois qu'on propose un texte écrit de Constitution. Jamais cela ne s'était fait ". Et c'est Valéry Giscard d'Estaing qui a fait l'oeuvre éminente, très difficile, presque impossible, de diriger le groupe de ceux qui ont écrit la Constitution européenne.
Ce n'était pas tout à fait rien. Personne ne croyait que cela pouvait réussir. Et tous les noms que je viens d'égrener, cette famille, de Schuman jusqu'aux auteurs de la Constitution européenne d'aujourd'hui, en passant par les plus jeunes, Bernard Bosson, mais aussi le Président Giscard d'Estaing, cette famille politique là est responsable. Elle est plus responsable que d'autres de l'avenir de la construction européenne. A la vérité, il y a deux familles qui ont joué ce rôle : la nôtre et la famille sociale-démocrate, le parti socialiste du temps où il était unanimement européen. Cette responsabilité, nous voulons l'assumer. Je vous propose de le faire de deux manières : je vais faire une brève introduction et après, vous poserez autant de questions que vous le voulez, celles que vous entendez dans votre famille, dans votre voisinage, pour que l'on dise clairement ce qu'est la réalité, ce que doivent être les réponses, ce qu'il y a dans ce texte, quelles sont les attitudes qu'il est bon d'adopter face à l'inquiétude, quelquefois légitime, des Français.
Je voudrais en venir à l'essentiel, à l'essentiel de l'essentiel. Dans ma circonscription, où j'organise des réunions régulières au moins une fois par mois, ouvertes à tout le monde, et où ceux qui viennent me connaissent bien, l'autre jour, l'un de mes amis a dit : " François, il faut qu'on te dise quelque chose : il y a quelque chose qu'on n'arrive pas à comprendre : 1) pourquoi est-ce qu'on vote ? et 2) sur quoi est-ce qu'on vote ? ". Et il m'a semblé que ces questions avaient beaucoup de bon sens. " Pourquoi est-ce qu'on vote ? " Il voulait dire : " quel est le centre de cette réflexion ? " et " pourquoi un référendum ? ". Le centre de la réflexion est celui-ci : il y a depuis longtemps en France deux thèses : ceux qui croient que, dans le monde comme il est en train de se bâtir, avec l'immense puissance américaine - et quand je dis " immense puissance ", ce n'est pas un effet rhétorique - avec la superpuissance américaine et avec l'immense puissance chinoise qui est en train d'émerger, dans ce monde là, il y a ceux qui croient que nous pouvons tout faire tout seuls et ceux qui croient que,pour sauver nos valeurs, notre manière d'être, il faut être unis en Europe entre les pays européens.
Je voudrais vous dire que, pour moi, je ne vois pas la crédibilité du scénario de ceux qui disent qu'il faut être tout seuls. Il m'arrive naturellement de comprendre les objections des uns et des autres. Je les respecte, mais je n'arrive pas à comprendre comment on peut soutenir que, dans un monde comme celui-là, la France peut défendre seule son modèle de société et ses valeurs. L'année dernière, la Chine a utilisé plus de 50 % du ciment produit sur la surface totale de la planète. Même chose pour l'acier, et le prix de l'acier a monté de 30 %. Il en est de même pour la consommation de pétrole, et le prix du baril de pétrole est entre 50 et 60 dollars. Avant-hier matin, les autorités monétaires internationales ont publié les prévisions de croissance. Ils les ont baissées d'un point pour la totalité de la planète, à 4 % ; ils les ont augmentées d'un point pour la Chine, à 8,5 %. Et je ne sais pas si vous voyez le rythme de croissance que cela suppose. Je le disais à l'instant, la France avec le Marché commun a augmenté sa richesse nationale de 100 % en 15 ans. Le rythme de croissance chinois, c'est donc 200 % dans la même période. Vous voyez l'immensité - 1,3 milliard d'habitants - de ce que cela représente. Je ne vois donc pas la crédibilité de ceux qui disent : " il faut que la France se débrouille toute seule dans ce monde là ". Je n'y crois pas, je respecte mais je n'y crois pas.
C'est la première question. Et il est bon, il est juste que ce soit une question posée au peuple. C'est une si grande aventure, celle que j'ai décrite, qu'il n'y a pas de raison qu'on la fasse à l'insu des citoyens. Parce qu'après, ils accusent les dirigeants d'avoir pris des décisions dans leur dos. Cette fois, en deux étapes, Maastricht en 1992, et la Constitution en2005, on aura fait les choix avec le peuple français, et je trouve que c'est très heureux. Voilà pourquoi on vote.
Il y a une deuxième question dans ce référendum : voulez-vous que cette Europe unie soit une démocratie ? Le mot " démocratie " que l'on emploie à tout bout de champ, cela veut dire une chose. Cela veut dire que le peuple commande. C'est du grec " demo-cratie ", le peuple commande. C'est exactement, vous le voyez bien, la réponse aux inquiétudes, aux colères, à la rage d'un certain nombre de gens qui disent : l'Europe, ce n'est pas nous, l'Europe c'est Bruxelles, ce sont des experts, ce sont des diplomates, ce sont des professionnels de tout cela, nous on n'y comprend rien et, d'ailleurs, on n'est informés de rien. Cette accusation, juste, sa réponse, elle est dans la Constitution. Le cur de la Constitution, les 60 premiers articles disent ceci : la voix des citoyens, chacun de ceux qui sont là, et leurs voisins, et leurs cousins, et leurs familles, et leurs amis, et leurs concitoyens, dans tous les pays européens, leur voix au double sens, l'expression de leur volonté et leur bulletin de vote, jouera un rôle essentiel dans l'avenir de l'Europe. Et leur voix va peser sur l'avenir de l'Europe. Ce sont les citoyens qui auront entre les mains l'orientation de l'Europe que nous formons ensemble.
Cela, c'est la deuxième décision : une démocratie. Quand on fait une démocratie, l'acte premier c'est de faire une Constitution. On a étudié cela dans les livres d'Histoire autrefois. Vous vous souvenez, en 1789, il s'est passé en France un certain nombre de choses et la première de ces choses importantes a été le vote, le 26 août 1789, de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Si quelques-uns d'entre vous ne l'ont pas relue récemment, je vous encourage à le faire. C'est un texte court et magnifique, qui a été voté en 5 jours. Et ce texte magnifique et court définit ce qu'est une Constitution. La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen dit ceci : " Toute société où la séparation des pouvoirs n'est point définie, et les droits des citoyens reconnus, n'a point de constitution. " La séparation des pouvoirs pour qu'on sache qui fait quoi, pour que les pouvoirs ne soient pas accaparés entre les mêmes mains, pour qu'on ait cet équilibre dont une démocratie a besoin, et les droits des citoyens : en deux membres de phrase, voilà la définition de la Constitution européenne.
Premièrement, la séparation des pouvoirs, les nouveaux pouvoirs, la nouvelle transparence. Au lieu d'avoir comme hier des dirigeants qu'on ignore, on aura des dirigeants qu'on connaîtra. Et ces dirigeants seront élus, le Président du Conseil européen par les gouvernements et le Président de la Commission par les députés européens. Et vous pourrez aller protester sous leurs fenêtres si ça ne va pas. Aujourd'hui, si vous voulez aller protester sous les fenêtres des dirigeants européens, vous avez bien du mal à les trouver, parce qu'on ne les connaît pas. Là, vous les connaîtrez.
Deuxièmement, une claire répartition de qui fait quoi, de ce que l'Europe fait et de ce que les pays font.
Troisièmement, des droits nouveaux pour les citoyens, droits qui n'existent même pas en France, Monsieur le Garde des Sceaux, droits inédits dans notre pays, qui offrent aux citoyens européens, avec un certain nombre de signatures, de proposer des modifications de loi aux institutions européennes. Comme disent mes amis chasseurs - comme certains d'entre vous le savent peut-être, la vie m'a amené à fréquenter souvent les chasseurs, parce que le chef des chasseurs est mon voisin le plus proche, nous sommes nés dans le même village ou presque et nous avons grandi ensemble, donc je connais bien la rhétorique des chasseurs, et je la connais d'autant mieux que ne chassant pas moi-même, je l'ai entendue beaucoup seriner à mes oreilles ! - comme disent d'autres catégories, comme disent les bergers dans les Pyrénées, comme disent aussi les protecteurs de la nature, bref tous ceux qui ne sont pas satisfaits de l'Europe : " l'Europe décide non seulement sans que nous soyons informés, mais nous n'avons ensuite plus aucun moyen d'action sur les décisions qu'elle prend ". Et ils le disent quelquefois à juste titre. Ils se plaignent par exemple de ce que les décisions européennes, les directives - on dira, si la Constitution est adoptée, les " lois-cadre " européennes - fixent les mêmes dates d'ouverture de la chasse des oiseaux migrateurs pour les pays du Nord et pour les pays du Sud. Et ils disent, non sans raison, que les oiseaux migrateurs ne sont pas tout à fait à la même date dans les pays du Nord et dans les pays du Sud !
Ce bon sens là, jusqu'à maintenant, ne pouvait pas se faire entendre. Désormais, avec la Constitution européenne, les chasseurs, en se regroupant pour signer une proposition, pourront imposer aux institutions européennes de réfléchir à une modification de la loi européenne. Est-ce un progrès ou est-ce un recul ? Pour moi, c'est un progrès. Et ainsi, le cur de la Constitution, les règles du jeu qui vont donner du pouvoir à chacun d'entre nous, je dis bien à chacun d'entre nous, le cur de cette Constitution établit enfin ce que nous voulions depuis des années : une Europe pour tous.
Voilà pour ce premier point. Et voilà les deux questions du référendum : Europe unie, Europe démocratique. Je suis très heureux que l'on puisse ainsi voir sous nos yeux se produire ce grand changement, pour qu'on ne puisse plus, comme c'était le cas jusqu'à maintenant, découvrir les décisions européennes qui tombent du ciel.
La fameuse directive Bolkestein, nous l'avons vue tomber du ciel. Tout d'un coup, les Français l'ont découverte. S'il n'y avait pas ici des hommes de gouvernement, je me risquerais sans doute à dire qu'à mon avis, les gouvernants l'ont découverte aussi en même temps que les Français. En tout cas, je puis affirmer sans crainte qu'il y a des gouvernants qui l'ont découverte en même temps que les Français, et sans doute pas les moindres. Ce temps est fini. Si nous adoptons la Constitution, ce temps est fini, parce qu'on aura des délibérations publiques, parce qu'on aura des ordres du jour, parce qu'on sera bien obligés de suivre ce qui se passe en Europe, et d'abord au niveau du Parlement. Comme ils l'ont dit tous les deux, au nom de l'Assemblée nationale et au nom du Sénat, le Parlement français sera obligé de suivre ces travaux. On n'aura plus les décisions qui tombent du ciel.
Il n'y a que deux questions : voulez-vous l'Europe unie ? voulez-vous l'Europe démocratique ? Et je ne vois pas comment la famille d'esprit que nous représentons, ainsi que les autres familles politiques en France peuvent répondre à ces deux questions autre chose que oui. Alors je suis très heureux que nous soyons là ensemble pour les défendre. J'ouvre ici une parenthèse, en m'adressant à Dominique Perben, aux membres du gouvernement et aux dirigeants de l'UMP, et s'ils étaient là, aussi, à d'autres, venant d'autres horizons. Je sais très bien que nous avons l'habitude en France de rester chacun chez soi. Je sais très bien que c'est plus confortable. Moi-même, je suis très heureux avec mes amis. Mais il y a des moments dans la vie où il faut être capable d'abandonner le confort de sa chapelle, pour se battre ensemble sur un enjeu plus important que les enjeux partisans. L'enjeu du oui à la Constitution européenne est un enjeu qui dépasse les partis. Et quand on veut créer une dynamique, surtout dans l'état actuel de l'opinion, il faut s'y mettre tous ensemble. Je viens d'un pays de rugby : quand on veut que la mêlée avance, on pousse tous dans le même sens. Alors je suis heureux que les gestes se multiplient qui permettent de montrer que d'opinions différentes, de partis différents, d'inspirations différentes, nombreux sont les Français qui sont capables de travailler ensemble pour que le oui l'emporte. Et je voudrais en particulier tordre le cou à une idée que j'estime absurde. Je lis dans les journaux qu'il y aurait un oui de gauche et un oui de droite. J'espère que cette idée va disparaître. Elle est idiote pour deux raisons : la première, c'est que s'il y a un oui de gauche et un oui de droite, il y en a forcément un des deux qui est trompé. Si le oui est partisan, forcément, certains sont trompés. La deuxième raison est que, s'il y a un oui de gauche et un oui de droite, nous n'arriverons pas à bâtir les dynamiques qui s'imposent. Il n'y a qu'un seul oui. Il y a des non très antagonistes entre eux. Ils n'hésitent pas à faire campagne ensemble. Que je sache, on voit tous les jours des meetings entre des gens qui ne pensent pas du tout la même chose de l'avenir. C'est le moment de s'engager pour sauver ce à quoi nous croyons le plus.
Alors je suis heureux de souhaiter la bienvenue dans les rencontres que nous faisons, je suis heureux que se multiplient ces gestes, je suis heureux de dire aux responsables de l'UMP, et en particulier au Garde des Sceaux Dominique Perben, la bienvenue dans cette rencontre pour défendre le oui.
Et je voudrais combattre une idée, une seule. Après nous allons discuter, échanger sur tous les aspects de cette Constitution. Je voudrais combattre ce qui est pour moi le seul mensonge de cette campagne électorale. Il y a beaucoup d'approximations, il y a beaucoup de contre-vérités. Il y a un mensonge dans la campagne électorale, c'est le mensonge de ceux qui prétendent qu'ils vont voter non parce qu'ils sont européens. Je l'ai dit tout à l'heure, je comprends, je ne partage pas mais je comprends et après tout, je respecte l'idée de ceux qui vont voter non parce qu'ils sont anti-européens. Mais le mensonge proféré par ceux qui prétendent qu'ils sont européens et qu'ils vont voter non parce qu'on pourrait obtenir un meilleur traité, ceux-là, c'est un mensonge absolu que les Français ne devraient pas leur permettre de proférer. Renégocier la Constitution. Deux questions : avec qui ? et sur quelles bases ? La première question, c'est : avec qui ? Je lance un défi à ceux qui prétendent défendre le non pour obtenir une renégociation. Il y a 24 autres pays dans l'Union européenne. Je les défie de présenter un seul responsable, d'un seul des 24 autres pays, dans lesquels il existe pourtant autant de gouvernements, autant de ministres et autant de partis différents, un seul qui nous présente un seul responsable d'un seul des 24 autres pays, et qu'il vienne devant les Français dire : " Mesdames et Messieurs, un non de la France nous aiderait à bâtir une Constitution plus européenne ". Ils n'en trouveront aucun. Je prends le pari : aucun responsable européen ne peut venir proférer devant les Français une telle contre vérité. Tout le monde sait que, si c'est le non de la France, ceux qui sableront le champagne, ce ne sont pas les pro-européens, ce sont les anti-européens. Toutes les puissances dans le monde, à l'étranger, et d'autres à l'intérieur de l'Europe, les conservateurs britanniques par exemple, qui ne veulent pas que l'Europe se fasse, ceux-là rêvent d'un non de la France.
Deuxième question : renégocier sur quelles bases ? Quand on dit : renégocier un traité plus social ou plus européen, je suis désolé de dire que, dans un non éventuel, les voix de Monsieur Le Pen, les voix du Parti communiste, les voix de l'extrême-gauche de Monsieur Krivine ou de Madame Laguiller, les voix de Monsieur de Villiers, toutes ces voix qui ont toujours voté non à toutes les échéances européennes, sans aucune exception depuis le début de cette entreprise il y a 55 ans, ces voix-là sont infiniment plus nombreuses que les voix de ceux qui prétendent qu'il faut renégocier pour plus d'Europe. Donc, le mandat qui s'exprimerait à partir d'un non des Français,ce n'est pas un mandat de renégociation pro-européenne, c'est un mandat de renégociation anti-européenne.
Et cette imposture avec laquelle on vit, qui est la seule de la campagne électorale, je propose que nous lui fassions le sort qu'elle mérite. Qu'il soit clair, au moins, que ceux qui vont voter non sont contre l'Europe, et ceux qui vont voter oui sont pour l'Europe. Je sais bien que l'Europe est devenue si forte que les anti-européens sont obligés de revêtir le masque des pro-européens. J'ai presque la nostalgie de 1992. En 1992, au moment de Maastricht, c'était clair, il y avait les anti qui votaient non et les pro qui votaient oui. Cette fois-ci, les anti sont obligés de mettre le masque des pro-européens. Mais il y a des moments où il est bon de faire tomber les masques pour que les électeurs, les citoyens voient clairement qui est qui. Nous, nous sommes des pro-européens, nous le sommes en 2005, nous l'étions en 1992, nous l'avons été à toutes les étapes de la construction européenne. Nous votons oui et c'est la cohérence et la logique qui font que nous sommes rassemblés ce soir.
Je veux simplement maintenant dire que la campagne électorale que nous menons est une campagne de clarté, de transparence et de réponses aux questions. Exprimez, s'il vous plaît, toutes les interrogations qui sont les vôtres, celles que vous entendez dans votre entourage et autour de vous, et peut-être à l'occasion d'une de ces questions, mes amis qui sont à la tribune ainsi que Dominique Perben qui est au 1er rang, pourront-ils saisir l'occasion d'une réponse.
Je vous remercie.
(Source http://www.udf-europe.net, le 19 avril 2005)