Interview de Mme Nicole Ameline, ministre de la parité et de l'égalité professionnelle, à BFM le 25 mars 2005, sur le projet de loi visant à supprimer les écarts salariaux entre les hommes et les femmes en cinq ans.

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Média : BFM

Texte intégral

F. Lundy - Supprimer en 5 ans les écarts salariaux homme femme, voilà l'objectif d'un projet de loi présenté hier en Conseil des ministres par N. Ameline. Bonjour.
R - Bonjour.
Q - Vous êtes la ministre de la Parité et de l'Egalité professionnelle, les femmes - on va partir d'un constat, N. Ameline - qui subissent toujours de grosses inégalités sur le marché du travail. A 80 %, les 25-54 ans sont actives mais elles subissent le chômage plus fortement, taux de chômage féminin 10,9 %, contre 9 % chez les hommes. Le salaire annuel moyen des femmes représente environ 80 % seulement de celui des hommes. Alors ce constat, il y a déjà des lois N. Ameline, alors soit elles sont vides, soit elles ne sont pas appliquées, qu'est-ce qui se passe ?
R - Alors pourquoi effectivement allons-nous réussir, enfin dirais-je, à faire en sorte que ce droit soit aussi une réalité ? Pour trois raisons essentielles. La première, c'est que cette loi est le produit du dialogue social. Nous avons dans ce ministère mis en place une méthode qui a conduit, il y a un peu plus d'un an, à ce que les partenaires sociaux signent à l'unanimité un accord qui prévoyait déjà le renforcement de l'égalité salariale. Nous avons avec eux créé un label Egalité, qui le prévoit aussi, donc nous sommes dans une logique nouvelle. Deuxièmement, c'est avec les entreprises et pas sans elles, que nous avons travaillé sur ce projet, c'est-à-dire que ce projet de loi s'appuie sur une réalité, une ouverture de la part des entreprises qui n'existait pas, il faut le dire, avant. Et puis deuxième raison de réussir, il y a une volonté très forte. Le président de la République l'a dit : 5 ans pour réussir, avec à la fois le pari de la confiance, de la responsabilité et puis aussi bien sûr une logique de résultat. Et puis le troisième élément, c'est le contexte démographique, qui, vous le savez, va priver la France de très nombreuses compétences du fait du départ en retraite massif, et de ce fait oblige à repenser la gestion des ressources humaines, c'est donc une opportunité.
Q - Alors dans les branches professionnelles, les négociations obligatoires sur les rémunérations devront examiner les moyens d'atteindre cet objectif d'égalité, il y a des sanctions à la clé, N. Ameline, parce que je le disais tout à l'heure il y a des lois qui existent mais j'ai l'impression que tout le monde s'en fout de ces lois.
R - Ecoutez, ces lois lorsque je suis arrivée au ministère, j'ai noté qu'elles n'étaient pas du tout appliquées, donc j'ai pensé qu'il y avait un problème de méthode et un problème de conviction. Donc la loi de madame Génisson se trouvera indirectement renforcée, même assez directement d'ailleurs, dans ce nouveau dispositif qui prévoit effectivement à mi parcours, c'est-à-dire dans trois ans environ, un bilan d'évaluation et ce n'est qu'à ce moment-là qu'effectivement, si ce bilan n'est pas bon, effectivement, nous pouvons à ce moment créer une taxe sur la masse salariale. Mais j'ajoute, parce que c'est très important, que la réconciliation de la maternité et de l'emploi sera aussi une façon de valoriser les compétences, de ne pas pénaliser des femmes qui aujourd'hui s'investissent peut-être moins parce qu'elles ont le sentiment d'avoir un parcours difficile au sein de l'entreprise.
Q - Vous allez renforcer les droits des femmes en congés de maternité, notamment en matière de salaire, de congés et de protection contre les discriminations.
R - Il s'agit de quelque chose de tout à fait simple, c'est le fait qu'une femme qui revient de congés maternité ne soit pas pénalisée dans la poursuite de sa carrière et notamment à son niveau salarial, ce qui est trop souvent le cas. Et ce que je voudrais surtout dire, parce que je suis très soucieuse que les entreprises partagent cette idée que l'égalité, c'est à la fois effectivement une question de justice, nous en sommes d'accord, mais aussi une dynamique de croissance de et d'emploi. C'est très important et c'est pourquoi je pense que nous allons aujourd'hui réussir ce que nous n'avons pas réussi hier.
Q - Alors N. Ameline, dans votre projet de loi également des mesures pour assurer une représentation plus équilibrée des femmes et des hommes dans les conseils d'administration des entreprises publiques. Alors, il va y avoir des quotas un petit peu comme en Norvège ?
R - Oui, on va essayer... Ce ne sont pas nécessairement les quotas qui sont les mieux adaptés, mais on va effectivement essayer de trouver les indicateurs et surtout les procédures qui permettent enfin d'avoir dans ces entreprises, parce qu'il faut que l'Etat ou les entreprises publiques donnent l'exemple.
Q - Parce que, attendez ! N. Ameline, moi je vois à part A.-M. Idrac à la tête de la RATP, à part A. Lauvergeon à la tête d'AREVA dont le capital sera bientôt ouvert, on ne sait pas quand mais en tout cas il sera bientôt là, il n'y a pas grand monde comme femme.
R - Vous avez tout à fait raison et il faut que l'Etat soit plus exemplaire. C'est la volonté aussi du Gouvernement. Donc nous allons, avec R. Dutreil pour la Fonction publique, dans le cadre des emplois nommés à la discrétion du Gouvernement et au sein des entreprises publiques conduire un effort très volontariste. Il n'est pas dans ma vision des choses de voir simplement les entreprises porter de manière exclusive une responsabilité que la société doit absolument assumer dans son ensemble.
Q - Si vous ne mettez pas de quota, ce que vous ne voulez pas forcément, N. Ameline, parce que le quota, c'est souvent associer une notion d'infériorité, vous dites on est très volontariste tout ça, c'est bien, c'est des belles paroles, vous savez très bien, j'ai l'impression que ça va rester un petit peu vain quand même, non ?
R - En tout cas dans les entreprises publiques, ce n'est pas du tout notre intention que ça reste vain, je puis vous le dire.

Q - J'imagine.
R - Et donc on va déterminer des indicateurs, des objectifs de progression. Nous venons, dans un domaine tout à fait différent, mais le fait que les femmes n'accèdent pas suffisamment aux filières scientifiques de prévoir un objectif de progression de 20 % pour je dirais l'entrée des jeunes filles dans ces filières. Donc nous ne reculons devant rien pour faire progresser d'une manière assez urgente cette situation. La France doit être assez exemplaire aujourd'hui pour elle-même mais aussi en Europe - c'est très important - et j'ai bien l'intention d'accélérer l'histoire. Encore une fois, c'est une question qui intéresse autant la démocratie que l'économie. Et il faut être conscient que c'est un progrès, c'est un progrès pour tous et j'y assiste aussi pour les entreprises - c'est ce qu'elles nous ont dit d'ailleurs hier au Comité économique et social où nous étions - il est très important que pour celles qui ne se sont pas encore engagées sur cette voie, elles en ressentent pleinement l'utilité.
(Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 29 mars 2005)