Texte intégral
Monsieur le Directeur général,
Mesdames et Messieurs,
Voici presque un an, le Conseil national de l'enseignement agricole du 23 avril 2004 nous avait permis d'avoir un dialogue constructif sur le 4ème schéma prévisionnel national des formations. Les discussions avaient abouti à un large consensus sur la première partie du schéma concernant les orientations de l'enseignement agricole pour la période 2005- 2009. La deuxième partie, qui porte sur les propositions de co-pilotage de l'enseignement agricole par la DGER et les DRAF avait, quant à elle, suscité des réserves. Il fallait donc lever les doutes et les interrogations.
Car ce 4ème Schéma, nous en sommes tous d'accord, c'est bien la " feuille de route " de l'enseignement agricole, qui lui permet de conforter la dynamique engagée et de fixer le cap. Je vous le redis : l'enseignement agricole est pour moi une véritable filière de réussite, tant en matière pédagogique que d'insertion professionnelle, tant en matière de préparation aux nouveaux enjeux du monde agricole que de contribution à l'avenir de nos terroirs. Et c'est ensemble que nous travaillons à maintenir et à promouvoir la vitalité de notre enseignement agricole. Comme vous, j'ai confiance, vous le savez, dans l'avenir de notre enseignement agricole. C'est pour moi une conviction forte que je voulais réaffirmer, avant de détailler le " pilotage " de l'enseignement agricole.
Rappel de l'expérimentation sur la contractualisation
J'avais souhaité lors du CNEA de 2004, que l'expérience désignée sous le terme de " contractualisation DRAF-DGER ", et conduite dans cinq régions - la Bourgogne, le Limousin, Midi Pyrénées, Poitou-Charentes et Rhône-Alpes - fasse l'objet d'une évaluation. Et je m'étais engagé à ce que nous fassions un bilan d'étape.
J'avais également tenu à ce que soit bien précisé, dans l'arrêté adoptant le 4ème schéma, qu'il serait procédé, le cas échéant, aux amendements nécessaires pour prendre en compte les résultats de l'évaluation.
Cette évaluation a été réalisée par Alain BOLIO et Robert MONDOT, que je remercie d'être présents aujourd'hui parmi nous. Je voudrais également saluer la qualité du travail qu'ils ont réalisé.
Vous savez qu'ils m'ont remis leur rapport d'évaluation, au mois de décembre. Lors du CNEA du 3 janvier dernier, je crois qu'ils vous ont fait part des réactions recueillies et de l'état des lieux. Pour ce conseil, aujourd'hui, vous avez été destinataires de leurs propositions.
Alain BOLIO et Robert MONDOT sont allés à la rencontre de l'ensemble des acteurs de l'enseignement agricole, mais aussi plus largement de la formation professionnelle, dans les cinq régions concernées par l'expérimentation. Ils ont également recueilli l'avis des représentants nationaux. Ils ont, je le crois, pris en compte l'ensemble des points de vue. Je les remercie à nouveau pour la clarté et la pertinence de leurs propositions.
Je tiens aujourd'hui à vous faire connaître les conclusions que je tire de cette expérience et les suites que j'entends donner à cette démarche.
Ma décision et ses raisons
(1/ Le contexte a évolué)
(1er élément : la Loi relative aux libertés et responsabilités locales)
La décentralisation voulue par ce gouvernement a largement progressé depuis un an.
La Loi relative aux libertés et responsabilités locales a été promulguée le 13 août 2004. Elle renforce les compétences des régions en matière de formation professionnelle. Désormais, chaque région adoptera son plan régional de développement des formations professionnelles et s'assurera de sa mise en uvre.
Cette loi marque ainsi une nouvelle étape dans la prise en compte du " fait régional " en matière de formation. Il y avait eu les lois de décentralisation des années 80, qui avaient inscrit le copilotage des dispositifs d'enseignement et de formation professionnelle par l'Etat et les régions. Mais la loi du 13 août 2004 désigne clairement la région comme chef de file pour la formation professionnelle.
La décentralisation doit s'accompagner d'une déconcentration parallèle des services de l'Etat. Les élus locaux, dotés de nouvelles compétences, doivent pouvoir s'adresser à un représentant de l'Etat, au niveau local, doté d'attributions lui permettant d'engager l'Etat sans en référer systématiquement à l'échelon central. Si demain, les Présidents de Conseils régionaux signent avec les recteurs les conventions annuelles de mise en uvre du Plan régional de développement des formations, il faudra que les DRAF, en tant qu'autorité académique pour l'enseignement agricole, puissent les signer. C'est de cette manière que nous pourrons assurer la cohérence entre les différents dispositifs de notre système : la formation scolaire, la formation par apprentissage et la formation professionnelle continue.
Vous le constatez : ce contexte nous conduit aujourd'hui à renforcer l'échelon régional, si nous voulons que l'enseignement agricole garde toute sa place dans l'effort national de formation.
C'est pourquoi nous devons engager la déconcentration de l'enseignement agricole, dans le respect de ses spécificités.
Le mouvement de renforcement des compétences de l'échelon régional est lancé et l'enseignement agricole doit y participer. Demain, les discussions en matière d'orientation des formations se dérouleront de plus en plus en région et il est essentiel que des représentants de l'Etat dotés de pouvoir de décision puissent y prendre part.
Il est bien entendu que les DRAF inscriront leur action dans la ligne des orientations définies au niveau national. Ils participeront aux discussions régionales pour faire valoir les orientations du schéma national.
Je tiens à être clair : la déconcentration n'implique pas l'effacement du niveau central. Les services déconcentrés agissent conformément aux instructions qui leur sont adressées et le pilotage national est bien évidemment nécessaire.
(2ème élément : la LOLF)
Je veux également rappeler que la nouvelle constitution financière de l'Etat, c'est à dire la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), nous invite, elle aussi, à la mise en oeuvre d'une procédure budgétaire qui soit davantage déconcentrée.
(2/ Le bilan de mon expérience)
Cette décision d'engager un processus de déconcentration s'appuie également sur mon expérience de la préparation de la rentrée scolaire 2005. J'ai été étonné du nombre de dossiers concernant des évolutions de structure qui sont remontés au niveau national, lors de ces travaux.
Ce mode de fonctionnement est-il vraiment satisfaisant ? Je ne le crois pas.
Je ne crois pas que ce soit à Paris que l'on soit le mieux placé pour analyser l'offre de formation régionale, connaître les attentes des professionnels. Je ne crois pas que ce soit à Paris que l'on décide le mieux s'il convient d'ouvrir une section de formation, dans l'un des 850 établissements de formation initiale que compte l'enseignement agricole sur le territoire national. Le niveau national, quant à lui, devra veiller à la cohérence d'ensemble du système, en particulier pour certaines formations rares et attractives telles que celles liées au cheval.
Je pense que l'échelon pertinent pour faire évoluer notre appareil de formation, dans la concertation et le dialogue, est l'échelon régional. Le responsable doit être le Directeur régional de l'agriculture et de la forêt, représentant du Ministre.
C'est au niveau des régions que des synergies peuvent être trouvées entre établissements pour proposer une carte de formation cohérente.
J'ai retenu du rapport des deux experts que, dans les cinq régions expérimentales, les discussions avaient été vives mais productives car elles avaient permis de mener de vraies négociations au niveau régional.
Le dialogue régional n'a cependant de sens que si l'arbitrage final n'est pas systématiquement rendu par le niveau national. Les acteurs régionaux participent de manière constructive à l'élaboration d'un compromis acceptable, et favorable au rayonnement de l'enseignement agricole dans leur région, s'ils se sentent responsabilisés dans leur prise de décision.
L'expérience menée dans les cinq régions a porté sur l'adaptation des structures de formation, mais il conviendra également d'envisager de donner davantage d'autonomie à l'échelon régional pour la mise en uvre des " autres missions de l'enseignement agricole ". Les actions de coopération internationale, d'animation du territoire et de développement sont souvent accompagnées financièrement par les collectivités territoriales.
La méthode
Ce renforcement de l'échelon régional se fera dans le cadre d'orientations et de procédures définies au niveau national. Les orientations sont celles du 4ème schéma prévisionnel des formations. Quant aux procédures, elles doivent être précisées.
Il me paraît essentiel que le rôle des différentes instances, régionales et nationales, ainsi que leur ordre d'intervention, soient clairement définis. Je suis ouvert à ce que des adaptations réglementaires puissent être apportées, si elles s'avéraient nécessaires.
Je souhaite que nous construisions ensemble ces procédures, dans la concertation. C'est ensemble que nous arriverons à mettre en uvre un système où chacun trouvera sa juste place. Je vous propose, à cet égard, qu'un groupe de travail soit chargé d'élaborer ces procédures. Ce groupe de travail pourrait être identique à celui qui avait préparé le 4ème schéma prévisionnel national des formations. Je vous suggère également que Alain BOLIO et Robert MONDOT puissent accompagner le groupe dans sa réflexion.
Notre objectif doit être que la rentrée scolaire 2006 soit préparée selon cette nouvelle organisation déconcentrée. Cela veut dire, concrètement, que l'ensemble des DRAF disposent des procédures écrites pour la mi-avril.
Afin que les acteurs de toutes les régions, en particulier dans celles qui n'ont pas participé à l'expérimentation, puissent s'approprier cette réforme, ils doivent bénéficier d'une information complète et directe. J'ai aussi demandé à nos deux experts de bien vouloir nous apporter leur appui, en présentant le dispositif devant chaque CREA.
Lancement du débat
Je suis venu aujourd'hui vous faire part de ma conviction que l'enseignement agricole doit résolument prendre part au mouvement de déconcentration qui est à l'uvre, dans le cadre de la décentralisation engagée dans notre pays. L'enjeu est clair : c'est sa place, légitime, dans l'offre nationale de formation.
Et je tiens à vous dire ma détermination à mener cette étape importante, avec mesure et pragmatisme, dans le respect des spécificités de l'enseignement agricole et dans le respect des sensibilités de chacune de ses composantes.
Je sais que l'enseignement agricole et l'ensemble de ses acteurs possèdent les ressources, la réactivité, et la capacité de dialogue pour réussir cette adaptation.
Je souhaiterais maintenant pouvoir entendre vos réactions.
Je vous remercie pour votre attention.
(Source http://www.agriculture.gouv.fr, le 15 mars 2005)