Texte intégral
Jean-Michel Aphatie .- Bonjour Ernest Antoine Seillière. Vous avez écouté avec attention Alain Duhamel, et vous étiez hier à l'Elysée à l'occasion des vux aux forces vives de la nation. "Inflexion libérale du chef de l'Etat", a dit Alain Duhamel, vous partagez ce diagnostic ?
Ernest Antoine Seillière .- "Je partage le diagnostic d'A. Duhamel quand il dit : c'est un discours de Premier ministre. C'est en réalité le discours que nous aurions aimé entendre du Premier ministre, nous, en mai 2002, quand il a fait son discours de politique générale. Un an et demi de retard pour regarder la France de façon lucide sur le plan économique, et prendre donc les décisions qui conviennent. Si c'est ça le libéralisme, après tout pourquoi pas."
Attendez, on ne va pas avoir peur des mots, en ce début d'année E.-A. Seillière. Vous aimez le libéralisme, est-ce que vous trouvez que le chef de l'Etat est devenu libéral, que son discours était libéral hier ?
- "Il était probablement plus libéral que celui de Jospin ou de Mitterrand."
Oh, ça, ce n'est pas la question.
- "Mais cela dit, la mesure phare d'hier, c'est la suppression de la taxe professionnelle à compter du 1er janvier sur les investissements. Or, on le sait, Mitterrand et Jospin avaient déjà supprimé la taxe professionnelle sur les salaires : on taxait les salaires quand on les créait, c'était stupide ; on taxe l'investissement quand on le fait, c'est stupide. Un président après l'autre, avec deux approches politiques différentes, sont convenus avec un immense retard de ce que nous demandons nous-mêmes depuis probablement dix ans."
Alors puisque vous en parlez, le chef de l'Etat a dit précisément : "je souhaite que pendant dix-huit mois, les nouveaux investissements des entreprises se fassent en franchise de taxe professionnelle". Concrètement, E.-A. Seillière, est-ce que vous pensez que cette mesure va augmenter, et dans quelle proportion, le niveau des investissements des entreprises en France ?
- "Incontestablement. D'abord, en franchise, il aurait pu dire en France. Car le problème c'est que la croissance va créer en effet des besoins d'investissements, et le problème est de savoir si c'est en France que les entreprises vont faire ces investissements. La taxe professionnelle était dissuasive. Elle taxait en quelque sorte, je dirais pratiquement du profit attendu, dans beaucoup de cas des investissements, et donc c'est une mesure à mon avis, et à l'avis de l'ensemble je crois des entrepreneurs, qui va stimuler l'investissement."
Vous avez une idée des proportions ? Parce que des investissements, il y en aurait eu de toute façon.
- "Non. Nous sommes incapables, nous, de prendre la mesure de l'effet à la fois pratique et psychologique des mesures comme celle-ci. Mais elle est incontestablement bonne. Et je crois qu'il faut le dire, et encore une fois, il n'y a rien de partisan, rien de libéral dans cette appréciation : c'est une mesure qui était nécessaire. Elle est prise, nous en sommes satisfaits, au nom, encore une fois, de la croissance et de l'emploi."
Alors c'est le budget de l'Etat qui va financer cette mesure. Dans l'entourage du chef de l'Etat, on disait hier que ces dix-huit mois d'exonération de taxe professionnelle, ça allait coûter un milliard et demi d'euros, pris sur le budget de l'Etat. C'est inquiétant pour les déficits qui, du coup, auront du mal à être réduits sans doute.
- "Je ne crois que ce soit sur le budget de l'Etat nécessairement que ce sera pris."
Le chef de l'Etat l'a dit : "nous veillerons à la neutralité de ces mesures pour les finances des collectivités locales", puisque la taxe professionnelle était perçue par les collectivités locales.
- "Oui mais enfin, qu'est-ce que vous voulez. On peut trouver beaucoup de choses. On peut trouver à déplacer de la fiscalité vers d'autres sources. Donc il n'est pas absolument dit que le budget de l'Etat va faire un déficit à ce propos."
Il y a des chances quand même ?
- "Bien entendu on prend une initiative fiscale, dont le traitement va être assez complexe, surtout qu'il s'agit bien de supprimer la taxe professionnelle, puisque, en fait, c'est ce que le Président a dit : en dehors de la suspension immédiate, c'est la suppression donc, et le remplacement par une autre source de fiscalité, et bien entendu il y aura beaucoup de débats à ce sujet. Mais revenons-y, pour l'économie française, en ce début d'année, c'est une bonne nouvelle, et je le redis, il y a au moins un an et demi qu'elle aurait dû être prise."
Hier encore, mais aussi le 31 décembre lors des voeux à la nation, le chef de l'Etat avait évoqué la réticence des entreprises à embaucher, et évoqué dans le cadre d'une grande loi de la mobilisation pour l'emploi des mesures qui supprimeraient les procédures inutiles. Donc, qu'est-ce que vous attendez, vous, concrètement dans cette grande loi qu'on nous annonce pour la fin de l'année, comme mesures qui lèveraient - si elles existent - vos réticences à embaucher ?
- "Il y a une résistance à l'embauche en France, depuis là aussi dix ans. On ne sait pas si on serait capable d'adapter son entreprise après avoir embauché, mis du monde en place, si le projet ne marche pas, bon. Et c'est en effet, là aussi si vous voulez, une des pistes essentielles pour créer de l'emploi que de donner le sentiment au chef d'entreprise que, s'il embauche, il lui sera possible à un moment donné de restructurer, et de tirer les conséquences de son échec, par exemple."
Concrètement, quelles mesures souhaitez-vous voir voter ?
- "Une grande simplification attendue du droit du travail. On a empilé dans le droit du travail, vous savez on le pèse nous le plan du travail, il pèse actuellement 750 grammes, et il prend quatre/cinq grammes par an, parce qu'on ajoute sans cesse de la complexité. C'est ce qu'on appelle "le harassement textuel". Il faut simplifier. Et la grande loi attendue simplifiera le droit du travail. On a désigné d'ailleurs Monsieur de Virville, seul personnage cité en dehors du Premier ministre dans le discours d'hier, pour cela. Ça montre en effet l'importance de la mission politique de cette simplification du droit du travail. Deuxièmement, on va créer un contrat de travail à durée plus longue que le fameux CDD."
Qui "on va créer" ?
- "La loi. Par la loi, parce qu'autrement c'est impossible. Vous pouvez faire un Pacs, mais vous n'avez pas le droit dans l'entreprise d'embaucher quelqu'un plus de dix-huit mois en contrat temporaire. C'est ou pour la vie... Tout ceci montre si vous voulez la méfiance qu'on a vis-à-vis de la souplesse nécessaire du fonctionnement de la vie économique. Et là aussi, cette reconnaissance de l'existence possible donc de ce nouveau contrat, va dans le bon sens. Ensuite, on va bien entendu essayer de tirer les conclusions de ce que l'on espère être la conclusion positive des négociations en cours entre les partenaires sociaux, sur les restructurations. C'est pas facile, on n'est pas sûr d'y arriver. Mais si on y arrive, la loi en quelque sorte traduira cet accord de négociation, et là aussi, c'est de la simplification, et probablement d'ailleurs de meilleures garanties pour les salaires en ce qui concerne le reclassement, on en a parlé, ou la formation en cas en effet de licenciement. Tout ceci est positif parce que, comme on l'a fait dans l'Europe entière, on regarde les conditions nouvelles de la vie économique, et on essaie de s'y adapter, au lieu de se crisper sur ce qu'était le passé."
Une reprise économique, des exemptions fiscales, un allégement du droit du travail, si avec ça vous ne terrassez pas le chômage, alors c'est à désespérer de tout !
- "Je pense qu'on réduira le chômage grâce à cela. On ne le terrassera pas, mais on ira certainement en effet vers des proportions de chômage qui sont la moyenne européenne. Le fait d'être éternellement en plus grand chômage que tous ceux qui nous entourent, prouve que jusqu'à présent en effet on n'a pas pris l'approche économique de stimuler l'entreprise par l'investissement, au lieu, je dirais, d'aider socialement les gens qui perdent leur travail, ce qui est nécessaire."
Vous pensez que dans les prochains mois le chômage peut baisser de manière significative ?
- "Je pense que ce sera un peu long à voir dans le chiffre, mais que fin 2004, on aura certainement baissé le chômage, parce qu'il y a une reprise mondiale. La croissance ne nous dispense de rien. N'oublions pas que nous avons d'immenses réformes à faire, notamment l'assurance maladie, et la réforme de l'Etat, la baisse de la dépense publique. Tout cela est majeur. Mais il n'y a pas de doute, le Gouvernement et le président de la République ont donné un coup d'envoi à l'année 2004, qui est un coup d'envoi dynamique, et les entreprises le saluent."
Je voudrais vous soumettre la Une de l'Humanité, E.-A. Seillière : "Les étrennes de Chirac au MEDEF" et vous êtes en photo, à la une de l'Humanité à côté du président de la République : Avez-vous peur que cette image s'installe ?
- "Pas du tout. Je pense que si en effet le chef de l'Etat et l'entreprise sont associés pour la réussite de la France, ce sera bien vu. Quant à voir ma photo à côté du chef de l'Etat, si j'étais en politique, j'en serais ravi. Mais je laisse ça à d'autres !"
Même si c'est à la une de l'Huma, ça vous va quand même ?
- "Oh j'en suis très habitué."
Vous êtes un homme heureux ce matin E.-A. Seillière ?
- "Je ne suis pas un homme malheureux pour la France."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 7 janvier 2004)
Ernest Antoine Seillière .- "Je partage le diagnostic d'A. Duhamel quand il dit : c'est un discours de Premier ministre. C'est en réalité le discours que nous aurions aimé entendre du Premier ministre, nous, en mai 2002, quand il a fait son discours de politique générale. Un an et demi de retard pour regarder la France de façon lucide sur le plan économique, et prendre donc les décisions qui conviennent. Si c'est ça le libéralisme, après tout pourquoi pas."
Attendez, on ne va pas avoir peur des mots, en ce début d'année E.-A. Seillière. Vous aimez le libéralisme, est-ce que vous trouvez que le chef de l'Etat est devenu libéral, que son discours était libéral hier ?
- "Il était probablement plus libéral que celui de Jospin ou de Mitterrand."
Oh, ça, ce n'est pas la question.
- "Mais cela dit, la mesure phare d'hier, c'est la suppression de la taxe professionnelle à compter du 1er janvier sur les investissements. Or, on le sait, Mitterrand et Jospin avaient déjà supprimé la taxe professionnelle sur les salaires : on taxait les salaires quand on les créait, c'était stupide ; on taxe l'investissement quand on le fait, c'est stupide. Un président après l'autre, avec deux approches politiques différentes, sont convenus avec un immense retard de ce que nous demandons nous-mêmes depuis probablement dix ans."
Alors puisque vous en parlez, le chef de l'Etat a dit précisément : "je souhaite que pendant dix-huit mois, les nouveaux investissements des entreprises se fassent en franchise de taxe professionnelle". Concrètement, E.-A. Seillière, est-ce que vous pensez que cette mesure va augmenter, et dans quelle proportion, le niveau des investissements des entreprises en France ?
- "Incontestablement. D'abord, en franchise, il aurait pu dire en France. Car le problème c'est que la croissance va créer en effet des besoins d'investissements, et le problème est de savoir si c'est en France que les entreprises vont faire ces investissements. La taxe professionnelle était dissuasive. Elle taxait en quelque sorte, je dirais pratiquement du profit attendu, dans beaucoup de cas des investissements, et donc c'est une mesure à mon avis, et à l'avis de l'ensemble je crois des entrepreneurs, qui va stimuler l'investissement."
Vous avez une idée des proportions ? Parce que des investissements, il y en aurait eu de toute façon.
- "Non. Nous sommes incapables, nous, de prendre la mesure de l'effet à la fois pratique et psychologique des mesures comme celle-ci. Mais elle est incontestablement bonne. Et je crois qu'il faut le dire, et encore une fois, il n'y a rien de partisan, rien de libéral dans cette appréciation : c'est une mesure qui était nécessaire. Elle est prise, nous en sommes satisfaits, au nom, encore une fois, de la croissance et de l'emploi."
Alors c'est le budget de l'Etat qui va financer cette mesure. Dans l'entourage du chef de l'Etat, on disait hier que ces dix-huit mois d'exonération de taxe professionnelle, ça allait coûter un milliard et demi d'euros, pris sur le budget de l'Etat. C'est inquiétant pour les déficits qui, du coup, auront du mal à être réduits sans doute.
- "Je ne crois que ce soit sur le budget de l'Etat nécessairement que ce sera pris."
Le chef de l'Etat l'a dit : "nous veillerons à la neutralité de ces mesures pour les finances des collectivités locales", puisque la taxe professionnelle était perçue par les collectivités locales.
- "Oui mais enfin, qu'est-ce que vous voulez. On peut trouver beaucoup de choses. On peut trouver à déplacer de la fiscalité vers d'autres sources. Donc il n'est pas absolument dit que le budget de l'Etat va faire un déficit à ce propos."
Il y a des chances quand même ?
- "Bien entendu on prend une initiative fiscale, dont le traitement va être assez complexe, surtout qu'il s'agit bien de supprimer la taxe professionnelle, puisque, en fait, c'est ce que le Président a dit : en dehors de la suspension immédiate, c'est la suppression donc, et le remplacement par une autre source de fiscalité, et bien entendu il y aura beaucoup de débats à ce sujet. Mais revenons-y, pour l'économie française, en ce début d'année, c'est une bonne nouvelle, et je le redis, il y a au moins un an et demi qu'elle aurait dû être prise."
Hier encore, mais aussi le 31 décembre lors des voeux à la nation, le chef de l'Etat avait évoqué la réticence des entreprises à embaucher, et évoqué dans le cadre d'une grande loi de la mobilisation pour l'emploi des mesures qui supprimeraient les procédures inutiles. Donc, qu'est-ce que vous attendez, vous, concrètement dans cette grande loi qu'on nous annonce pour la fin de l'année, comme mesures qui lèveraient - si elles existent - vos réticences à embaucher ?
- "Il y a une résistance à l'embauche en France, depuis là aussi dix ans. On ne sait pas si on serait capable d'adapter son entreprise après avoir embauché, mis du monde en place, si le projet ne marche pas, bon. Et c'est en effet, là aussi si vous voulez, une des pistes essentielles pour créer de l'emploi que de donner le sentiment au chef d'entreprise que, s'il embauche, il lui sera possible à un moment donné de restructurer, et de tirer les conséquences de son échec, par exemple."
Concrètement, quelles mesures souhaitez-vous voir voter ?
- "Une grande simplification attendue du droit du travail. On a empilé dans le droit du travail, vous savez on le pèse nous le plan du travail, il pèse actuellement 750 grammes, et il prend quatre/cinq grammes par an, parce qu'on ajoute sans cesse de la complexité. C'est ce qu'on appelle "le harassement textuel". Il faut simplifier. Et la grande loi attendue simplifiera le droit du travail. On a désigné d'ailleurs Monsieur de Virville, seul personnage cité en dehors du Premier ministre dans le discours d'hier, pour cela. Ça montre en effet l'importance de la mission politique de cette simplification du droit du travail. Deuxièmement, on va créer un contrat de travail à durée plus longue que le fameux CDD."
Qui "on va créer" ?
- "La loi. Par la loi, parce qu'autrement c'est impossible. Vous pouvez faire un Pacs, mais vous n'avez pas le droit dans l'entreprise d'embaucher quelqu'un plus de dix-huit mois en contrat temporaire. C'est ou pour la vie... Tout ceci montre si vous voulez la méfiance qu'on a vis-à-vis de la souplesse nécessaire du fonctionnement de la vie économique. Et là aussi, cette reconnaissance de l'existence possible donc de ce nouveau contrat, va dans le bon sens. Ensuite, on va bien entendu essayer de tirer les conclusions de ce que l'on espère être la conclusion positive des négociations en cours entre les partenaires sociaux, sur les restructurations. C'est pas facile, on n'est pas sûr d'y arriver. Mais si on y arrive, la loi en quelque sorte traduira cet accord de négociation, et là aussi, c'est de la simplification, et probablement d'ailleurs de meilleures garanties pour les salaires en ce qui concerne le reclassement, on en a parlé, ou la formation en cas en effet de licenciement. Tout ceci est positif parce que, comme on l'a fait dans l'Europe entière, on regarde les conditions nouvelles de la vie économique, et on essaie de s'y adapter, au lieu de se crisper sur ce qu'était le passé."
Une reprise économique, des exemptions fiscales, un allégement du droit du travail, si avec ça vous ne terrassez pas le chômage, alors c'est à désespérer de tout !
- "Je pense qu'on réduira le chômage grâce à cela. On ne le terrassera pas, mais on ira certainement en effet vers des proportions de chômage qui sont la moyenne européenne. Le fait d'être éternellement en plus grand chômage que tous ceux qui nous entourent, prouve que jusqu'à présent en effet on n'a pas pris l'approche économique de stimuler l'entreprise par l'investissement, au lieu, je dirais, d'aider socialement les gens qui perdent leur travail, ce qui est nécessaire."
Vous pensez que dans les prochains mois le chômage peut baisser de manière significative ?
- "Je pense que ce sera un peu long à voir dans le chiffre, mais que fin 2004, on aura certainement baissé le chômage, parce qu'il y a une reprise mondiale. La croissance ne nous dispense de rien. N'oublions pas que nous avons d'immenses réformes à faire, notamment l'assurance maladie, et la réforme de l'Etat, la baisse de la dépense publique. Tout cela est majeur. Mais il n'y a pas de doute, le Gouvernement et le président de la République ont donné un coup d'envoi à l'année 2004, qui est un coup d'envoi dynamique, et les entreprises le saluent."
Je voudrais vous soumettre la Une de l'Humanité, E.-A. Seillière : "Les étrennes de Chirac au MEDEF" et vous êtes en photo, à la une de l'Humanité à côté du président de la République : Avez-vous peur que cette image s'installe ?
- "Pas du tout. Je pense que si en effet le chef de l'Etat et l'entreprise sont associés pour la réussite de la France, ce sera bien vu. Quant à voir ma photo à côté du chef de l'Etat, si j'étais en politique, j'en serais ravi. Mais je laisse ça à d'autres !"
Même si c'est à la une de l'Huma, ça vous va quand même ?
- "Oh j'en suis très habitué."
Vous êtes un homme heureux ce matin E.-A. Seillière ?
- "Je ne suis pas un homme malheureux pour la France."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 7 janvier 2004)