Texte intégral
Q- L'heure de la réforme du Pacte de stabilité a-t-elle sonné ? Le Premier ministre luxembourgeois, J.-C. Junker, va tenter d'arracher un accord lors des réunions des ministres européens des Finances aujourd'hui et demain à Bruxelles. Mais le succès est loin d'être certain, tant les divergences restent nombreuses. [...] C'est vrai que les grands pays en déficit - l'Allemagne, la France, l'Italie - entendent desserrer le carcan imposé par ce Pacte européen à leurs économies. Berlin mène d'ailleurs campagne pour que la procédure ne soit pas initiée de manière automatique, que soient pris en compte des paramètres. Qu'est-ce que la France demande, J.-F. Copé ?
R- D'abord, je crois qu'il ne faut pas se méprendre sur l'objectif. Il ne s'agit certainement pas de trouver un moyen de changer des règles. Le Pacte de Maastricht, c'est un règlement de co-propriété de l'euro. Donc, il est surtout question, pour l'Europe, de trouver le meilleur chemin de la croissance et de l'emploi, mais sûrement pas de changer les règles. C'est vrai, il y a trois marges de progrès sur lesquelles la France accorde du prix, comme beaucoup de ses partenaires d'ailleurs. La première idée, c'est que le pacte tel qu'il s'applique ne doit pas venir aggraver la situation d'un pays qui connaît des situations de ralentissement fort. C'est évidemment un sujet important. Le deuxième point, c'est que la France voudrait qu'on prenne mieux en compte les réformes de structures, parce que nous, nous en avons engagées pas mal depuis 2002, je pense à la réforme des retraites, à la décentralisation, à la Sécurité sociale. Je crois que ce n'est pas mal de prendre aussi en compte, par rapport à des pays qui ne l'ont pas fait. Et puis enfin, je crois qu'il faut essayer - c'est un point auquel le Gouvernement français est très attaché - de mieux distinguer ce qu'on appelle "les dépenses d'avenir" et les "dépenses courantes". Quand un pays investit beaucoup sur l'avenir, cela mérite d'être mentionné.
Q- Notamment les dépenses liées à la recherche, à la défense et à l'aide au développement. J.-F. Copé, quelles sont les chances de voir le Pacte réformé ce soir et demain ?
R- On le verra bien. Vous le savez, d'abord, il faut savoir qu'il y a beaucoup d'échanges entre nous. T. Breton va donc de ce point de vue défendre notre position, qui est partagée par un certain nombre d'autres partenaires. Moi-même, j'étais à Rome la semaine dernière et j'ai eu l'occasion d'en parler avec mes homologues. Ce sont des sujets sur lesquels on attend naturellement que les choses avancent dans le bon sens. Et puis, de tout façon, d'ici au 22 et au 23 mars, il reste encore du temps pour progresser.
Q- Oui, ce sera le 1er grand rendez-vous à l'étranger pour T. Breton, qui, la semaine dernière, a promis que le déficit repasserait en 2005 sous la limite de 3 %. Mais enfin, quand même il y a toujours cette promesse du chef de l'Etat de reprendre la baisse de l'impôt sur le revenu ?
R- Tout à fait, je le confirme. [Il y a] à la fois l'attachement de le France à tenir ses engagements européens, c'est-à-dire être en dessous du seuil de 3 % pour cette année, et puis d'autre part, il y a à poursuivre la baisse des impôts, parce que la baisse des impôts, c'est bon pour la croissance, c'est bon pour le pouvoir d'achat, c'est bon pour la consommation, et on l'a vu, depuis deux ans et demi. Simplement, la baisse des impôts, cela doit être gagé par des économies et ça ne doit pas se traduire par une augmentation du déficit.
Q- Les impôts, justement, on va beaucoup penser à vous, J.-F. Copé, dans les semaines qui viennent, parce qu'on va remplir notre déclaration de revenus 2004, et il y a du nouveau ...
R- Oui, tout à fait. On lance la campagne effectivement pour la déclaration d'impôt pour les revenus 2004, et c'est vrai qu'il y a beaucoup d'innovations. D'abord, parce que j'ai souhaité placer cette année 2005 sous le signe de l'année du contribuable. Donc, l'idée c'est de simplifier la vie des Français, d'encourager la déclaration simplifiée. Il n'y a plus que cases, donc 33 moins qu'avant. Pour beaucoup de déclarations qui sont limitées aux simples salaires, on va encourager les télé déclarations. On va lancer la charte du contribuable aussi, réfléchir par exemple aux différents intérêts de retard entre l'Etat et le contribuable, selon que l'Etat est créancier ou débiteur. Et puis aussi, il y a autre chose, c'est qu'on souhaite également assurer une meilleure sécurité dans la conservation des dossiers de déclaration d'impôt. Je vais vous donner un exemple concret : l'on nous a signalé que cinq déclarations d'impôts sur le revenu - je parle de support papier de personnalités - avaient disparu. On n'en a plus la trace papier ; il y a la trace informatique, mais pas de trace papier Donc, réaction immédiate de T. Breton : ça a été de demander une enquête administrative approfondie, de déposer plainte naturellement au Parquet, et puis aussi de demander des propositions concrètes et opérationnelles, parce qu'il faut sécuriser totalement les déclarations d'impôts de tous les contribuables, quels qu'ils soient.
Q- Sur les déclarations de revenus, il y a toujours un petit mot sympa du ministre de l'Economie qui explique pourquoi on paye des impôts, etc. C'est un petit mot signé toujours H. Gaymard. C'était trop cher pour refaire ces formulaires ?
R- Ecoutez, je crois que c'était effectivement le bon sens que de les conserver. La campagne déclarative effectivement est un gros processus. C'est vrai qu'à partir de là, il n'était pas raisonnable de vouloir revenir là-dessus, réimprimer de nouveaux papiers....
Q- On dit que cela aurait coûté 10 millions d'euros ?
R- Voilà, tout à fait. C'est 35 millions de déclarations qui sont déposées par les foyers français. Donc, je crois que ce point de vue, il fallait évidemment tenir compte d'une chose : c'est que quoi qu'il en soit, la politique de maîtrise des finances publiques se poursuit, naturellement.
Q- T. Breton, au bout d'une semaine, vous qui avez travaillé avec lui depuis lundi dernier, comment cela se passe ?
R- T. Breton a pris ses fonctions il y a une semaine. Moi, je le connais de très longue date. J'entretiens avec lui des relations très amicales, et mon sentiment est qu'il a très vite pris la mesure du poste et des fonctions qui sont les siennes, et donc, de ce point de vue, nous allons très vitre mettre en oeuvre l'ensemble des chantiers qu'il entend conduire,
poursuivre et créer.
Q- Un dernier mot, J.-F. Copé, la campagne du référendum, c'est parti. L'UMP s'est largement prononcé pour le "oui", hier. Est-ce que le climat social, notamment toutes ces grèves cette semaine, est-ce que cela va peser lourd sur le scrutin ?
R- Ecoutez, on verra bien. Moi, je crois qu'il faut tout faire pour éviter les amalgames entre les sujets de politique intérieure et les grands enjeux qui sont ce rendez-vous historique, qu'est le référendum européen. Et puis, il y a une chose aussi qu'il faut dire à ceux qui manifestent - et je le vois bien à travers ce qui est écrit sur les banderoles - c'est que beaucoup des réponses aux inquiétudes qui sont les leurs, je pense notamment dans le domaine de notre modèle social, beaucoup de ces réponses sont dans le traité constitutionnel européen. Et donc, cela faut peut-être la peine d'y regarder à deux fois. Par exemple dans le traité constitutionnel européen, on préserve les services publics, on préserve la place des partenaires sociaux. Autant de sujets sur lesquels d'autres pays auront des efforts à faire pour s'y conformer, mais dans lesquels nous-mêmes sommes en pointe. Donc, je crois que cela vaut peut-être la peine vraiment, pour une fois, de laisser de côté les aspects strictement partisans ou immédiats ou intérieurs, pour se mobiliser sur un référendum qui est absolument essentiel puisqu'il s'agit de permettre à l'Europe à 25 de fonctionner, d'être le moteur en matière de croissance, et puis aussi de faire en sorte que nous puissions préparer les Français aux atouts de la mondialisation, et les protéger des dangers de la mondialisation.
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 11 mars 2005)