Déclaration de M. François Huwart, secrétaire d'Etat au commerce extérieur, sur la coopération entre la France et l'Allemagne en faveur du développement du partenariat public-privé, Berlin, le 19 septembre 2000.

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Circonstance : Séminaire franco-allemand Partenariat public-privé à Berlin, le 19 septembre 2000

Texte intégral

Mesdames et Messieurs,
Je suis très heureux d'être ici à Berlin aujourd'hui pour conclure devant vous, ce séminaire franco-allemand consacré au partenariat entre les secteurs publics et privés. Permettez-moi d'abord de remercier chaleureusement le maire de Berlin, M. Diepgen, Claude Martin, notre ambassadeur de France, Philippe Gros, notre ministre-conseiller, en charge du développement économique et commercial à Berlin, enfin le CFME-Actim. Tous ont contribué à l'organisation de cette réunion.
Cette notion de partenariat public-privé recouvre en effet des enjeux fondamentaux. Ces enjeux, vous en avez abordé la plupart des aspects. Si j'en crois le programme de vos travaux, vous avez évoqué la dimension juridique de ce partenariat ainsi que sa dimension industrielle au travers de grandes entreprises, notamment avec BNP-Paribas, Vivendi ou Suez-Lyonnaise des Eaux du côté français ou Warnowquerung et RBE du côté allemand. Vous avez également abordé la dimension territoriale en écoutant le point de vue d'élus locaux particulièrement concernés : M. Arno Pöker, maire de Rostock, M. Delsol , Vice-Président de la communauté urbaine de Lyon et bien sûr, M. Branoner, sénateur à l'économie de Berlin.
Je souhaite pour ma part vous proposer une approche plus politique de ce Partenariat public-privé et de son cadre d'expression, à savoir la gestion des délégations de service public.
1).En France comme en Allemagne, le terme de service public a une charge politique et pour ainsi dire affective, très forte. Le terme n'est pas neutre. Il a une traduction concrète dans la vie quotidienne de tous les citoyens. Le service public désigne d'abord une mission d'intérêt général. La prise en compte par la puissance publique de l'intérêt général trouve son expression dans un certain nombre de prestations offertes aux citoyens. En ce sens, la notion de service public se trouve au cur de tout projet politique. Les services publics correspondent d'abord aux missions régaliennes traditionnelles de l'Etat qui sont autant de missions d'intérêt général : la police, la justice, la politique étrangère et la défense.
Mais ces grands services administratifs ne sont pas l'objet de ce séminaire. Le terme de service public renvoie à une autre catégorie qui nous intéresse aujourd'hui : les services de proximité. Ceux-ci ont un impact très immédiat sur la qualité de vie des citoyens : le ramassage scolaire et plus largement le transport de proximité, la gestion des déchets, le traitement des eaux usées, ainsi que des services à forte valeur technologique telle que l'électricité ou les télécommunications. On le voit, autant de services qui déterminent un certain confort de vie au quotidien.
Ces services sont naturellement mis en uvres par les acteurs publics les plus proches des citoyens : les collectivités territoriales et locales. Ces services publics de proximité ont des enjeux locaux très forts. Ils ont dans le même temps un rôle important à jouer dans le développement équilibré et durable de l'ensemble du territoire. En d'autres termes, les services publics de proximité sont un instrument efficace de la politique d'aménagement du territoire menée par les Etats. C'est un aspect que je souhaite souligner ici, dans cette ville magnifique de Berlin, géographiquement et symboliquement au cur de l'Allemagne réunifiée. Personne ne sait mieux que vous, l'importance de ces politique d'aménagement, de rééquilibrage entre régions d'un même territoire. Permettez-moi d'insister : si ces services publics ont un impact local, sur la vie quotidienne, ils doivent également être mis au service d'objectifs nationaux de cohésion géographique, mais aussi de cohésion économique et sociale.
Cette politique d'aménagement du territoire compte d'ailleurs parmi les ambitions les plus anciennes de l'Etat. A titre d'exemple, la prise en compte de ces besoins était un aspect essentiel de la mise en place au 19ème siècle d'un réseau ferroviaire sur l'ensemble du territoire. Aujourd'hui, la libre gestion de ces services publics de proximité par les collectivités territoriales est le point fort d'une autre politique : la décentralisation. La politique d'un Etat qui ne gère plus directement, mais impulse, coordonne et sait déléguer aux acteurs locaux la gestion des préoccupations quotidiennes du citoyen. En déléguant ainsi aux collectivités territoriales la responsabilité de leur développement économique et social, l'Etat affirme sa volonté de renforcer la décentralisation. La France a beaucoup fait en la matière. Mais, si je prends pour modèle l'organisation territoriale de l'Allemagne, le chemin qui nous reste à parcourir est encore long. Les Lander disposent en effet d'une très large autonomie de gestion et d'un gouvernement local qui fixe lui-même les objectifs et les moyens de sa politique.
Ce processus, engagé en France à partir de 1982 par les lois Deferre qui confiait des compétences aux différents échelons, local, départemental et régional, doit maintenant trouver sa vitesse de croisière.
Déjà, la loi Sapin de 1993 définissait juridiquement la notion de délégation de service public : il s'agissait d'un pas supplémentaire important en faveur de la décentralisation.
2).C'est d'abord en qualité d'élu local que je veux évoquer les avantages concrets du partenariat public privé dont j'ai pu apprécier l'impact positif. En effet, la gestion, par les entreprises, de services publics délégués représente une valeur ajoutée importante. Contrairement à certaines idées reçues, elle est une pratique très développée en France. Au delà du fait que les pouvoirs publics n'ont pas vocation, ni intérêt, à tout gérer, l'efficacité et le pragmatisme commandent de nous appuyer sur l'expertise, les compétences techniques et les qualités de gestionnaire du secteur privé. Prenons un exemple concret : cela veut dire que nous pouvons tout à la fois augmenter la qualité de l'eau et garder dans des limites raisonnables le prix du mètre cube pour l'usager.
Autre avantage concret pour les collectivités territoriales cette délégation prévoit le transfert d'une partie des risques et des responsabilités du partenaire public vers le partenaire privé, au premier rang desquels l'investissement. En reportant ces investissements vers le secteur privé, les collectivités locales réduisent leur endettement et retrouvent des marges de manuvre budgétaires . Elles peuvent ainsi réorienter leur action vers d'autres services de proximité non-pris en charge par le secteur lucratif : actions de solidarité, sécurité locale, éducation. Evidemment, il ne s'agit pas de demander une participation généreuse et désintéressée aux entreprises sous forme d'investissement. Mais ce faisant, elles améliorent la gestion des services dont elles ont reçu délégation et peuvent amortir ces investissements sur le long terme. Il s'agit bel et bien pour les différents acteurs d'une politique gagnant-gagnant. S'il appartient donc à la puissance publique de fixer des objectifs contractuels en termes de qualité et de prix. La réussite de la délégation de service public tient aussi au respect du cahier des charges, fixé par l'acteur public en étroite concertation avec le partenaire privé. C'est le juste équilibre que nous devons trouver entre intérêt général et profitabilité des acteurs privés.
Enfin, outre les gains en termes de qualité, de coût et modernisation des services public, la participation du secteur privé offre un avantage décisif en termes d'innovation. Les grands groupes industriels disposent de capacités de recherche et de développement très importantes. Pourquoi ne pas les combiner avec l'expérience le savoir-faire des régies locales pour innover en matière de traitement des déchets ou de procédés écologiques ?
Dans le domaine des Services publics, il paraît totalement infondé de vouloir opposer partenaires publics et privé. Ni nationalisation, ni privatisation, la méthode de délégation ouvre une troisième voie que nous prônons : celle du partenariat. Elle insiste sur la complémentarité opérationnelle des secteurs publics et privés au service de la qualité de vie des citoyens. Il s'agit en dernier ressort d'offrir un service de qualité constante à un prix qui permette l'accès du plus grand nombre. N'est-ce pas justement la définition que proposait la Commission européenne en 1992 : " un service de base offert à des conditions tarifaires abordables et avec un niveau de bonne qualité. "
3).Ceci m'amène naturellement sur le terrain communautaire et l'élu local cède maintenant la place au ministre du commerce extérieur si vous le voulez bien Comme vous le savez, la reprise de l'acquis communautaire souligne la nécessité de répondre aux exigences des chapitres relatifs aux marchés publics, à l'élimination des distorsions de la concurrence ainsi qu'à la nécessaire transparence. Les règles de concurrence et de procédure inhérentes aux délégations de services publics offrent justement une réponse à ces exigences communautaires.
En matière d'appel d'offres comme pour ce qui touche à la transparence de la vie économique, la délégation de service public telle que définie et encadrée, en France, par la Loi Sapin de 1993 me semble offrir toute les garanties.
Surtout, elle a valeur d'exemplarité pour les pays en phase d'accession à l'Union Européenne. Lors de chacun de mes déplacements dans ces pays ayant vocation à nous rejoindre prochainement, j'ai constaté que l'offre de nos industriels spécialisés, la qualité de l'offre des entreprises françaises ou allemandes, correspondaient aussi bien aux besoins locaux qu'aux exigences communautaires. J'ai pu vérifier également combien le partenariat industriel franco-allemand fonctionnait déjà de manière efficace, en particulier dans le cadre de projets communs en Pologne et en Hongrie.
A l'échelle multilatérale, ces règles de transparence et de libre concurrence sont recommandées avec la même insistance par les grandes institutions financières internationales dans le cadre du partenariat Nord-Sud. Or les besoins d'investissement dans les infrastructures sont énormes. La Banque mondiale les estimait à 1 500 milliards de $ pour la décennie 1994-2004.
Les entreprises allemandes et françaises possèdent l'expérience et le savoir-faire pour répondre à ces besoins. Mais elles ajoutent au cadre rigoureux et exigeant d'un partenariat public-privé le souci de participer à un programme de coopération et de développement par des transferts de technologies et par la prise en compte de la dimension sociale.
Pour conclure, l'idée de ce séminaire a été avancée à l'occasion du sommet de Mayence en juin dernier. Nos gouvernements avaient décidé de jeter les passerelles d'une coopération bilatérale sur ce thème du partenariat entre secteurs publics et privés. Notre rencontre aujourd'hui est le premier point d'application de cette initiative politique qui s'inscrit pleinement dans les orientations stratégiques de la présidence française.
La France, je le rappelle, s'est fixé trois objectifs pour sa présidence de l'Union :
Concilier la modernisation du économique et le renforcement du modèle social européen.
Rendre l'Europe plus proche des citoyens
Préparer l'élargissement de l'Union
Le partenariat public-privé est l'un des instruments de cette ambition. Mais nos gouvernements ne sauraient se substituer ni aux acteurs économiques ni aux pouvoirs publics locaux. Il VOUS appartient de concrétiser maintenant l'élan donné par les gouvernements de nos deux pays. Les enjeux sont de taille, tant pour la démocratie locale que pour le dynamisme économique de l'Union. La France est aujourd'hui le 3ème exportateur mondial de services et l'Allemagne occupe la 4ème position. Additionnons donc nos talents, conjuguons les compétences de nos entreprises, plaçons nos régions au cur de l'économie globalisée, propulsons ainsi l'Europe au premier rang des exportateurs mondiaux de services.
(Source http://www.commerce-exterieur.gouv.fr, le 25 septembre 2000)