Déclaration de M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités, sur les résultats prévisionnels de la Sécurité sociale pour 2005 et les axes de l'action gouvernementale dans la cadre du PLFSS, Paris le 28 septembre 2005.

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Circonstance : Réunion de la Commission des comptes de la Sécurité sociale à Paris le 28 septembre 2005

Texte intégral

Monsieur le Ministre,
Monsieur le Secrétaire général,
Mesdames et messieurs,
Nous voici à nouveau réunis pour cette commission des comptes de la sécurité sociale d'automne. C'est un rendez-vous traditionnel mais qui s'inscrit cette année dans un contexte exceptionnel. D'abord parce que nous sommes à quelques jours de la commémoration du 60ème anniversaire de la Sécurité sociale, cet élément essentiel de notre pacte républicain, garant de la justice sociale et de la solidarité dans notre pays, et que le devoir et la mission du Gouvernement est de sauvegarder et de conforter. Ensuite parce que notre commission des comptes et le projet de loi de financement de la sécurité sociale de cette année interviennent à la suite de deux années, 2003 et 2004, où ont été mises en uvre des réformes majeures visant précisément à sauvegarder et pérenniser deux branches décisives de notre système de sécurité sociale : la réforme des retraites avec la loi du 21 août 2003, et la réforme de l'assurance maladie avec la loi du 13 août 2004. A quoi il faut ajouter aussi la loi relative à la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées du 30 juin 2004 et la loi handicap du 11 février 2005. Enfin, sur un plan davantage procédural et formel, mais tout aussi décisif pour l'amélioration du pilotage financier de la sécurité sociale, la loi organique du 2 août 2005 est venue rénover en profondeur la présentation et le contenu des lois de financement de la Sécurité sociale, et le PLFSS dont je vais vous exposer les grandes lignes est le premier à être présenté en application de la loi organique. Malgré la publication très récente de cette loi, nous avons en effet tenu, conformément aux engagements que nous avions pris notamment devant la Représentation nationale, à l'appliquer dès le PLFSS 2006.
Avant de revenir sur les résultats prévisionnels pour 2005 et de vous présenter les axes de notre action dans le cadre de ce PLFSS, je voudrais au préalable remercier chaleureusement, en votre nom, le secrétaire général de la commission des comptes, Monsieur François Monier, pour la qualité de ses travaux et la clarté de son exposé. J'associe à mes remerciements le directeur de la sécurité sociale, Monsieur Dominique LIBAULT et l'ensemble des équipes de sa direction qui ont accompli, comme à l'accoutumée, un travail très important dans des délais toujours très serrés.
1. Je voudrais centrer en premier lieu mon propos sur le résultats des comptes de la sécurité sociale en 2005, que vient de nous présenter le secrétaire général.
En 2005, le déficit de l'ensemble des comptes du régime général reste stationnaire par rapport à 2004, à un niveau de - 11,9 Milliards d'euros, et ce malgré le redressement important de l'assurance maladie. Cette stagnation est d'abord due au fait que la situation financière de la sécurité sociale pâtit en 2005 du ralentissement de la croissance de la masse salariale : par rapport aux prévisions initiales de l'an dernier, nous avons ainsi perdu 0,8 point de masse salariale, ce qui traduit par une moindre progression des recettes de 1,2 Milliards d'euros.
La réduction significative du déficit de l'assurance maladie, qui passe de - 11,6 Milliards d'euros à - 8,3 Milliards d'euros, conformément aux engagements du Gouvernement et grâce aux premiers effets de la mise en uvre de la réforme sur lesquels je vais revenir dans un instant, marque une rupture très nette avec le phénomène de creusement du déficit que connaissait cette branche jusqu'en 2004. Elle ne suffit pourtant pas à compenser les soldes négatifs enregistrés par les autres branches. La branche famille en particulier, après avoir enregistré en 2004 un déficit de 400 M, voit celui-ci atteindre 1,1 Milliards d'euros en 2005, du fait du dynamisme plus rapide que prévu de trois catégories de prestations : les aides au logement, les prestations d'action sociale et surtout la prestation d'accueil du jeune enfant (PAJE). L'assurance vieillesse quant à elle voit son déficit se creuser en 2005 à 2,0 Milliards d'euros en raison notamment de la montée en charge de la mesure permettant les départs anticipés à la retraite, mesure d'équité nécessaire à l'équilibre de la réforme des retraites et dont il y a tout lieu de se féliciter du succès, même s'il se traduit dans un premier temps par une dégradation des comptes.
Au total, le déficit de l'ensemble du régime général se maintient donc au même niveau qu'en 2004, à -11,9 Milliards d'euros. Ce niveau élevé de déficit, nous avons l'ambition et le devoir de le réduire significativement, pour préserver la viabilité de notre système de sécurité sociale, en le ramenant à -8,9 Milliards d'euros, soit une baisse de 25 %.
2. Je commencerai par la branche de l'assurance maladie.
En effet, alors que jusqu'à l'an dernier l'accumulation des déficits de cette branche entraînait à la baisse l'ensemble des comptes du régime général, aujourd'hui, grâce à la mise en uvre de la loi du 13 août 2004, c'est au contraire elle qui contribue le plus significativement à la stabilisation de ses comptes. Ce mouvement doit être poursuivi et approfondi, dans la continuité de la mise en uvre de la réforme de l'Assurance maladie. Cette réforme, dont la philosophie repose sur la maîtrise médicalisée et les changements de comportement, seuls à même de permettre un retour durable à l'équilibre, doit être menée dans la durée, avec détermination et vigilance. Telle est bien notre ambition.
2.1. 2005 a été la première année de mise en uvre de cette réforme.
Elle a permis d'enrayer la dérive des déficits et de sauvegarder l'Assurance maladie. Sans la réforme, le déficit aurait été de 16 Milliards d'euros en 2005, et les résultats que vient de nous présenter M. Monier font état d'un déficit prévisionnel de 8,3 Milliards d'euros. L'effort est considérable, d'autant que ce résultat a été atteint malgré un manque à gagner en recettes de l'ordre de 900 M d'euros en raison des révisions à la baisse des prévisions de croissance de la masse salariale, même si, comme l'a rappelé François Monier, l'assurance maladie a bénéficié de prélèvements complémentaires dans le cadre du plan de redressement. La mise en uvre de la réforme se traduit donc par une réelle maîtrise des dépenses, notamment s'agissant des soins de ville. Pour la première fois depuis des années, et malgré le scepticisme initial de certains observateurs, l'objectif de dépenses d'assurance maladie - l'ONDAM - sera respecté en 2005. Pour les soins de ville, cela se traduit par un important infléchissement des dépenses : alors que les dépenses de soins de ville progressaient jusqu'en 2003 sur des rythmes de 6 à 7 %, leur croissance, d'après les dernières données de la CNAMTS, n'est que de 1,9 % pour les huit premiers mois de l'année 2005 par rapport à la même période en 2004, et ce alors même que le début de l'année 2005 a été marqué par une forte épidémie hivernale absente en 2004. L'inflexion est particulièrement nette pour les honoraires médicaux, qui affichent sur les premiers mois de l'année une quasi stabilité, en raison d'un effet de modération du volume des consultations. Elle est encore plus marquée pour les indemnités journalières qui décroissent de 2,6 % sur les huit premiers mois, après des hausses de plus de 10 % en 2002 et de 6,6 % en 2003.
Cet effort est dû à l'engagement de tous. Pour s'en convaincre, il n'est que de considérer l'adhésion massive dont les Français ont fait preuve envers l'un des dispositifs centraux de cette réforme qui vise à réformer les comportements et à promouvoir la maîtrise médicalisée : je veux bien sûr parler du parcours de soins, dont l'objectif est en premier lieu d'améliorer la qualité des soins, en garantissant l'orientation personnalisée et coordonnée du patient dans le système de soins et d'éviter ensuite les actes inutiles et redondants, grâce à une information médicale mieux partagée et organisée. Aujourd'hui, plus de 31 Millions de Français ont choisi leur médecin traitant, soit plus de deux tiers des assurés. Les médecins s'impliquent également activement dans le dispositif, puisque plus de 99 % d'entre eux ont été choisis comme médecin traitant.
Les Français se sont donc appropriés la réforme. Ils ont compris la nécessité d'un changement de comportement, et les premiers fruits de la maîtrise médicalisée sont là.
Ces résultats témoignent également de la nouvelle impulsion donnée à la politique de gestion du risque par les caisses d'assurance maladie et du renouveau de la politique conventionnelle de maîtrise médicalisée, mise en uvre par la convention médicale du 12 janvier 2005. Cette convention a retenu six objectifs prioritaires de maîtrise sur lesquels un milliard d'euros d'économies doivent être réalisés. Ces objectifs correspondant à des domaines où la consommation de soins est nettement supérieure en France à ce qu'elle est dans d'autres pays (statines, antibiotiques, psychotropes). Ils visent également à obtenir un meilleur respect des règles de prise en charge par l'assurance maladie des affections de longue durée (respect de l'ordonnancier bizone). Ils visent enfin à promouvoir la prescription des génériques et à réduire les arrêts de travail injustifiés. L'inflexion des prescriptions d'indemnités journalières est réelle, je l'ai évoquée à l'instant, produisant des résultats supérieurs aux objectifs puisqu'elle dégage une économie de l'ordre de 500 M d'euros. De même, on constate un première infléchissement des prescriptions de psychotropes de -3,2 % en montant remboursé, inférieur cependant à l'objectif de - 10, %. Pour les autres postes en revanche, les résultats ne sont pas encore au rendez-vous. Je réunirai dans les prochains jours les syndicats de médecins pour examiner avec eux les moyens d'améliorer ces résultats et d'atteindre les objectifs.
Sur le volet médicament, le plan de réforme de l'assurance maladie porte également ses premiers fruits. Le développement du médicament générique a connu une nouvelle impulsion. Il a gagné près de cinq points de part de marché en 18 mois, passant d'un peu plus de cinq boîtes à six boîtes sur 10 de génériques achetés lorsqu'il existe une prescription dans le répertoire, soit un taux de pénétration de 60 %. Or nous pouvons faire mieux, puisque 89 % des Français se déclarent prêts à utiliser des génériques quand ils existent. De nouvelles tailles de conditionnements ont été introduites sur le marché, permettant une meilleure adaptation des conditionnements aux prescriptions, par exemple en permettant la délivrance de boîte de 3 mois aux malades chroniques. En Allemagne, où cette mesure existe depuis le début de l'année 2004, elle a permis dans certaines pathologies, comme l'ostéoporose, d'améliorer l'observance des traitements de façon très importante, contribuant ainsi à une meilleure prise en charge des patients et à une réelle politique de maîtrise médicalisée des dépenses. La mise en place de boîtes plus petites contribuera aussi à cette adaptation des conditionnements aux traitements. La charte de la visite médicale a été mise en uvre dans le but de limiter la promotion, qui contribue indéniablement, même si ce n'est pas la seule explication, à la forte consommation de médicaments par les Français. A propos de ce phénomène de surconsommation, à nouveau mis en exergue par le dernier rapport de la Cour des comptes, je rappelle que nous consommons en moyenne une boite de médicament par personne et par semaine, soit 1 fois et demi de plus que les Allemands et les Espagnols.
2.2 Ces bons résultats, il faut les conforter et les approfondir.
Nous devons poursuivre résolument mise en uvre de la réforme de l'Assurance maladie. Ces premiers résultats sont encourageants, ils ne doivent pas nous conduire à relâcher l'effort, mais au contraire à maintenir la mobilisation de tous. Les Français ont compris la nécessité d'un changement de comportement, mais il convient d'approfondir et de pérenniser encore cette prise de conscience afin de réussir une réforme structurelle dont le succès dépend de l'appropriation par tous les acteurs des nouveaux dispositifs qu'elle propose et de la responsabilisation de chacun. C'est pourquoi le PLFSS comporte notamment un important volet de renforcement des actions de lutte contre les fraudes et abus. La Sécurité sociale est notre bien commun, nous en sommes tous responsables, et si l'on veut que la solidarité nationale continue de garantir à tous ceux qui en ont besoin un haut niveau de prise en charge de leurs dépenses de santé, il faut faire cesser les dépenses abusives et a fortiori frauduleuses, financièrement et moralement inacceptables. Le PLFSS prévoit ainsi de poursuivre les efforts de contrôles des indemnités journalières et de sanction des comportements abusifs grâce à plusieurs mesures :
- l'obligation pour les caisses de sécurité sociale d'engager des poursuites lorsqu'elles détectent des fraudes, parce qu'il n'est pas envisageable que certains fraudeurs puissent échapper aux sanctions ;
- le renforcement de la coopération entre les organismes de sécurité sociale, parce qu'il n'est pas normal que les cloisonnements entre administrations puissent permettre aux fraudeurs d'échapper aux sanctions ;
- un meilleur contrôle des ressources perçues à l'étranger, parce qu'il n'est pas supportable de voir certains étrangers bénéficier gratuitement de la CMU, alors qu'ils perçoivent par ailleurs des revenus confortables dans leur pays ;
- un meilleur encadrement des associations de domiciliation, parce qu'il n'est pas possible d'abandonner sans suivi suffisant les personnes les plus marginalisées.
La maîtrise sera également approfondie à travers des actions portant spécifiquement sur les actes de biologie et les transports sanitaires, dont les dépenses croissent à des rythmes élevés, comme vient de nous le rappeler la Cour des comptes. Concernant notamment les transports, un référentiel médicalisé de prescription sera établi d'ici la fin de l'année par l'Assurance maladie, les représentants des médecins et des transporteurs sanitaires ; les mêmes règles devront s'appliquer aux prescripteurs hospitaliers.
Enfin, la mise en uvre du plan médicament doit elle aussi être résolument poursuivie. Malgré les signes encourageants et les premiers résultats que j'évoquais à l'instant, la croissance des dépenses de remboursement de médicaments est restée vive en 2004 (+6%), et demeurera sans doute autour de 4 % en 2005, alors que l'engagement des industriels portait sur 1% de croissance seulement. Il nous faut donc accentuer nos efforts afin de mieux contrôler l'évolution de ces dépenses.
A ce stade, le Gouvernement n'a pas souhaité instaurer une participation forfaitaire par boîte de médicaments. Il convient cependant d'être très vigilant pour veiller à ce que les dépenses de médicaments rendent le meilleur service thérapeutique au meilleur coût. Ce n'est que de cette manière que la prise en charge par l'assurance maladie des médicaments innovants et souvent coûteux pourra continuer d'être garantie. Je rappelle en effet que c haque année, l'Assurance maladie dépense près d'un milliard de plus pour le remboursement de nouveaux médicaments, notamment pour des traitements très onéreux, qui permettent d'améliorer l'espérance et la qualité de vie de patients atteints de cancer, de diabète, de polyartrites-rhumatoïdes ou de maladies orphelines.
Trois axes guident la politique du médicament dans le cadre du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2006 :
- la prise en charge du médicament à son juste prix, que ce soit par l'extension du remboursement des médicaments au prix du générique ou par la baisse de prix de certaines spécialités que le progrès permet de produire à meilleur coût.
- l'adaptation de la prise en charge des médicaments dont la Haute Autorité de Santé a jugé le service médical rendu insuffisant.
- l'accélération de la contribution de l'industrie pharmaceutique à la modération de la croissance des dépenses de médicaments.
En ce qui concerne l'accélération des économies liées à l'arrivée des médicaments génériques
Le développement des médicaments génériques représente un axe privilégié de la réforme de l'assurance maladie. La politique de substitution volontaire menée de concert avec les professionnels de santé - pharmaciens et médecins - a déjà permis de diffuser considérablement l'usage des médicaments génériques et de populariser leur emploi auprès du grand public. En trois ans, la part des médicaments génériques dans les prescriptions est ainsi passée de 30 à 60 %. J'ai dit tout à l'heure que 89 % des Français sont prêts à utiliser des génériques.
Dans la continuité de cette politique, l'assurance maladie basera son remboursement sur le prix du générique (tarif forfaitaire de responsabilité), dès qu'un générique apparaîtra dans un groupe de médicaments.
Par ailleurs, des baisses de prix seront également recherchées sur un certain nombre de spécialités.
En ce qui concerne enfin l'accélération de la contribution de l'industrie pharmaceutique à la modération de la croissance des dépenses de médicaments.
L'industrie pharmaceutique s'était engagée à respecter une croissance des dépenses de médicaments limitée à 1% en 2005, 2006 et 2007 ; l'augmentation de la taxe sur le chiffre d'affaires des médicaments remboursables par l'assurance maladie permettra de compenser en partie le non respect de cet engagement.
2.3 Il nous faut mieux gérer l'assurance maladie, il nous faut aussi continuer à mieux organiser notre système de santé à moyen terme, aussi bien s'agissant du système hospitalier que de la démographie des professions de santé et de leur répartition équilibrée sur le territoire.
2.3.1 Le monde hospitalier est engagé dans un mouvement de réforme de grande ampleur. Les établissements de santé s'approprient les réformes mises en uvre depuis 2002. Réforme de la gouvernance, nouvelles règles de planification, modernisation de la gestion, tarification à l'activité sont des réformes de fond qui nécessitent un temps d'adaptation pour tous les acteurs.
Je n'ignore pas la situation financière tendue de nombre d'établissements de santé, ni le défi considérable que représente la mise en uvre des réformes profondes des modes de tarification et de gouvernance des hôpitaux. C'est pourquoi je souhaite accompagner les établissements dans leurs efforts d'adaptation, les aider à réussir leur modernisation pour mieux répondre aux besoins de nos concitoyens.
L'année 2005 a connu une montée en charge significative de la tarification à l'activité dans les établissements financés jusqu'alors par dotation globale (établissements publics et PSPH). Ce changement important a rendu plus délicates les prévisions et un dépassement de l'ONDAM hospitalier de l'ordre de 650 M pourrait être constaté à la fin de l'exercice, alors que cette prévision était de 500 M lors de la commission des comptes de juin.
Afin de permettre aux établissements de santé de poursuivre leur modernisation et de répondre à leurs missions de service public, les moyens consacrés à l'hospitalisation progresseront de plus de 2 milliards d'euros après prise en compte du dépassement 2005, soit + 3, 44 % .
Ces moyens nouveaux permettront de faire face à l'accroissement de la masse salariale et à la hausse du coût de la vie mais également de financer la relance de l'investissement prévue dans le plan hôpital 2007 d'une part et les plans de santé publique : urgences, cancer, périnatalité, santé mentale et maladies rares d'autre part.
Si nous voulons donner un nouvel élan à l'hôpital et promouvoir sa modernisation - et telle est bien ma volonté -, il faut aussi poursuivre les efforts d'amélioration de la gestion hospitalière. Le volet hospitalier du plan de réforme de l'assurance maladie sera poursuivi, à travers l'amélioration de la politique des achats et de la gestion interne des établissements.
Ceux-ci devront également s'engager dans la maîtrise médicalisée. Les prescripteurs hospitaliers, comme leurs collègues exerçant en ville, doivent être responsabilisés sur leurs prescriptions, que celles-ci soient faites en ville, en sortie d'hôpital ou au sein des établissements. S'agissant des prescriptions hospitalières en ville, la loi du 13 août 2004 a instauré le dispositif des accords d'amélioration des pratiques hospitalières ; un premier accord cadre national vient d'être signé sur les antibiotiques : il conviendra de le décliner rapidement au niveau local, et d'identifier d'autres objectifs prioritaires de maîtrise médicalisée articulés avec ceux de la médecine ambulatoire. Pour prendre l'exemple des transports sanitaires, cela n'aurait guère de sens de limiter la démarche de maîtrise aux seuls prescripteurs libéraux alors que nous savons que 60 % de la prescription est faite à l'hôpital. S'agissant des prescriptions internes à l'hôpital, les contrats de bon usage, prévus par la loi de financement 2004 et dont le décret d'application vient d'être publié en août, devront être développés pour limiter les prescriptions des médicaments et des dispositifs médicaux les plus coûteux, facturés en sus des tarifs.
2.3.2 S'agissant de la démographie des professions de santé, le projet de loi de financement de la sécurité sociale comportera des dispositions qui s'inscrivent dans le cadre du rapport Berland de mai dernier et complètent les mesures déjà prises par le Gouvernement relatives à la répartition sur le territoire des professions de santé. En particulier, les aides conventionnelles à l'installation seront élargies aux remplaçants : le remplacement, passage quasi obligé des jeunes professionnels avant l'installation, est en effet une période importante pour faire naître des vocations d'installation ; cette nouvelle aide pourra être versée aux jeunes médecins effectuant des remplacements dans des zones déficitaires, ce qui permettra également d'alléger la charge de travail des médecins installés dans ces zones. Par ailleurs, les patients qui consulteront un médecin récemment installé qui n'est pas leur médecin traitant ne se verront pas appliquer la majoration de ticket modérateur, de façon à ne pas pénaliser la constitution de patientèles des jeunes médecins. Les moyens du FAQSV sont également renforcés et sa pérennité assurée dans le cadre du PLFSS, afin d'affirmer sa vocation à financer des projets facilitant la permanence des soins ou la bonne répartition des professionnels sur le territoire. Enfin, l'information des professionnels sur les opportunités et les conditions d'installation, dont l'insuffisance est dénoncée par le rapport Berland, sera améliorée : l'assurance maladie se verra ainsi confier une mission d'accueil et d'information des professionnels de santé, que certains organismes ont d'ailleurs commencé à développer.
Ces propositions seront complétées dans le cadre du plan de démographie médicale que le Gouvernement mettra en place d'ici le 1er janvier 2006 afin de garantir à tous un égal accès aux soins sur tout le territoire.
2.4 L'ensemble de ces mesures nous conduisent au total à un ONDAM de 138,5 Milliards d'euros à champ constant 2005, en progression de 2,7 %.
Pour nous permettre d'atteindre notre objectif de réduction significative du déficit, des recettes complémentaires seront également affectées à l'assurance maladie. Le plan de redressement conçu à l'été 2004 avait en effet été bâti sur des hypothèses de croissance de la masse salariale de 4,7 %, alors que la prévision d'évolution de la masse salariale est aujourd'hui 3,7 % ; cette différence d'un point fait perdre près d'un milliard d'euros de recettes à la branche maladie. Pour compenser cette perte, le PLFSS prévoit de prélever par anticipation les cotisations dues sur les intérêts capitalisés des plans d'épargne logement de plus de 10 ans.
Il en résulte un solde prévisionnel de la branche maladie du régime général de -6,1 Milliards d'euros, en amélioration significative par rapport à 2005, conformément aux objectifs que s'est assigné le Gouvernement dans le cadre du plan de redressement de l'assurance maladie.
Après avoir évoqué l'assurance maladie, je laisserai maintenant Philippe Bas exposer les grandes lignes du PLFSS relatives aux branches vieillesse, famille et accidents du travail.
PRISE DE PAROLE DE PHILIPPE BAS
Comme vient de le souligner Xavier Bertrand, le PLFSS pour l'année 2006 intervient à un moment particulier de l'histoire de notre système de sécurité sociale. La sécurité sociale a aujourd'hui 60 ans. Et cet âge représente soixante ans de solidarité nationale, soixante ans d'assurance collective contre les risques de tous pour la meilleure protection de chacun, soixante ans de fraternité.
Cette Sécurité sociale qui fête ses soixante ans ne cesse de se moderniser. J'en veux pour preuve la création cette année du Régime social des travailleurs indépendants, dont je salue les représentants.
Ce qui me paraît important dans le projet que nous vous présentons, c'est qu'il permet de conforter ce système de protection sociale. Le PLFSS 2006 montre que nous avons à cur d'en assurer la pérennité, mais aussi les fondements. À ce titre, notre projet de loi est la manifestation concrète de plusieurs engagements forts.
Un engagement fort, tout d'abord, pour l'Assurance maladie et pour la modernisation de l'hôpital.
Un engagement fort également pour les personnes âgées. Sur ce point, l'effort est considérable. Pour la seule enveloppe de l'ONDAM, l'augmentation est de l'ordre de 9% ! Et les fonds dégagés par la journée de solidarité viennent s'ajouter encore à cette enveloppe, en nous permettant de redoubler d'efforts pour répondre aux défis de la longévité et de la dépendance.
Un engagement fort pour les personnes handicapées. Le PLFSS 2006 est la première traduction de la loi du 11 février 2005 qui entend permettre la participation effective des personnes handicapées à la vie citoyenne. La création de la prestation de compensation du handicap marque un tournant : entièrement individualisée, cette mesure prend en compte tous les besoins des personnes handicapées, et permet aussi la réalisation de leur projet de vie. Dès janvier prochain, l'installation des maisons départementales des personnes handicapées manifestera concrètement l'implication de tous dans cette cause nationale.
Un engagement fort, enfin, pour le modèle français de vie familiale. Nous voulons favoriser la bi-activité au sein du couple, permettre aux deux parents d'exercer une profession et de s'impliquer dans l'éducation de leurs enfants. C'est le sens des mesures annoncées récemment à la conférence de la famille.
3. La branche vieillesse
S'agissant de la branche vieillesse, deux facteurs pèsent lourdement sur les dépenses.
L'année 2006 ouvre en effet la période de l'arrivée massive à l'âge de la retraite des générations nombreuses d'après-guerre : ainsi, 450 000 personnes ont atteint l'âge de 60 ans en 2002; elles seront 600 000 en 2006 et 800 000 en 2008. Pour 2006, les charges induites par le nombre supplémentaire de retraités, au regard de 2005, s'élèvent à près de 600 M.
Dans le même temps, la montée en charge des départs anticipés se poursuivra en 2006. Au total, ce sont 290 000 entrées qui seront comptabilisées depuis la création de cette mesure, dont 80 000 pour la seule année 2006. Cette mesure centrale de la réforme des retraites et que justifie l'impératif d'équité, présentera ainsi un coût pour le régime général de 1,7 Milliards d'euros en 2006, soit 400 M d'euros de plus qu'en 2005.
Pour faire face à ces dépenses accrues, et conformément aux décisions prises en 2003 lors de la concertation sur la réforme des retraites, les cotisations seront majorées par voie réglementaire de 0,2 point en 2006, ce qui représentera 880 M d'euros de recettes supplémentaires pour la branche vieillesse.
Cet apport de ressources supplémentaires participera à la pérennisation du régime général et permettra d'accompagner dans le temps les effets de la réforme des retraites. Le solde de la branche vieillesse devrait ainsi être ramené à - 1,4 Milliards d'euros en 2006.
4. La branche des accidents du travail et des maladies professionnelles
Pour ce qui regarde la branche accidents du travail, vous savez que la loi du 13 août 2004 a invité les partenaires sociaux à émettre des propositions pour une réforme de la branche, qui devrait notamment passer par une refonte du système de tarification des accidents du travail et des maladies professionnelles.
Dans l'attente du résultat de cette concertation, le gouvernement propose de procéder à une augmentation provisoire et immédiate de 0,1% du taux de cotisation. Cette mesure aura pour effet de ramener le déficit prévisionnel de la branche de 590 M d'euros à 175 M d'euros.
5. La branche famille
Je voudrais enfin terminer cet exposé par quelques remarques sur la branche famille, qui contribue si fortement à assurer l'avenir de notre système de protection sociale.
Conformément à la prévision de la commission des comptes de juin dernier, la branche enregistre un déficit de 1,1 Milliards d'euros.
Ce solde s'explique par deux raisons principales.
Il reflète d'abord la croissance des aides au logement, inévitable dans le marché du travail peu dynamique que nous avons connu en 2004 et 2005. Fortement corrélées au nombre de chômeurs, ces aides ont pleinement joué leur rôle de stabilisateur.
Les comptes de la branche famille reflètent aussi le succès de la Prestation d'Accueil du Jeune Enfant (PAJE). L'objectif que le gouvernement s'était fixé est déjà atteint et sera dépassé : au total, ce seront près de 250 000 familles qui d'ici 2007 devraient bénéficier d'une revalorisation de leur pouvoir d'achat et d'une aide pour la garde d'enfant.
Nous souhaitons poursuivre dans la voie d'une politique familiale qui permet de concilier vie familiale et vie professionnelle.
La France réussit aujourd'hui à cumuler un indice de fécondité de 1,9 enfants par femme et un taux d'activité des femmes de 80%. Cette forte activité des femmes et cette performance démographique ne sont pas un hasard. Deux parents qui travaillent, ce sont deux revenus, c'est plus de sécurité contre les aléas et plus de confiance pour avancer dans la vie. C'est pourquoi le gouvernement a annoncé la semaine dernière la création d'un congé parental d'un an, mieux rémunéré et qui s'inscrit plus facilement dans le parcours professionnel des pères et des mères.
Nous souhaitons aussi continuer à développer fortement l'offre de garde. C'est le sens de la Convention d'Objectifs et de Gestion (COG) ambitieuse que nous avons passée cette année avec la Caisse Nationale d'Assurances Familiales (CNAF) et qui prévoit une évolution de 5,7% par an du fonds d'action social.
Enfin, parce que les familles doivent aussi être soutenues dans les moments difficiles, nous avons prévu la mise en uvre d'un nouveau congé de présence parentale assoupli et revalorisé. Les parents pourront prendre leur congé de manière fractionnée ; ils bénéficieront d'un complément, lorsque leur enfant est hospitalisé loin de leur domicile.
Les prévisions pour 2006 continuent à manifester notre ambition pour la branche famille. Le déficit devrait atteindre 1,2 Milliards d'euros en 2006, mais il décroîtra dans les années à venir. Car vous le savez, le déficit de la branche famille est un déficit conjoncturel et non structurel : les recettes évoluent tendanciellement plus vite que les dépenses car elles sont assises sur les salaires, tandis que les dépenses suivent la progression de l'inflation.
REPRISE DE PAROLE XAVIER BERTRAND EN CONCLUSION
En conclusion, Monsieur le Ministre, Monsieur le Secrétaire général, ce PLFSS, vous l'avez constaté, s'inscrit dans la continuité de la politique de redressement des comptes sociaux menée par le Gouvernement. Pour l'assurance maladie en particulier, la philosophie de cette politique repose sur la maîtrise médicalisée et la responsabilisation. Cet accès aux soins pour tous dont notre pays s'honore, mais qui demeure exceptionnel dans le monde actuel, il faut que chacun se sente responsable de sa préservation. Seule l'évolution des comportements, aussi bien de prescription que de consommation de soins, permettra un retour durable à l'équilibre. Cette évolution des comportements a commencé, il convient de la conforter, en menant une action de long terme. Cela requiert vigilance et détermination. Mais si collectivement nous relevons ce défi, nous éviterons les dépenses inutiles, redondantes ou abusives, que la Cour des comptes, reprenant une étude de la CNAMTS, estime dans son dernier rapport entre 5 et 6 Milliards d'euros. Ces dépenses représentent non seulement une charge financière qu'on ne peut plus tolérer, mais en plus sont préjudiciables à la qualité des soins : il y a donc une réelle marge de manuvre, et c'est là tout l'enjeu de la maîtrise médicalisée.
Ce PLFSS s'inscrit également dans le cadre de la politique en faveur du retour vers l'emploi. La Sécurité sociale doit contribuer à cette priorité assignée par le Gouvernement à l'ensemble des politiques publiques. Les axes de la politique familiale que Philippe Bas vient de vous présenter sont articulés autour de cet objectif, pour soutenir les parents dans leur retour à l'emploi. D'autres mesures plus ponctuelles du PLFSS contribueront aussi à cet objectif, s'agissant des prestations en espèces (indemnités journalières de l'assurance maladie). Ainsi, afin d'éviter une rupture dans les droits aux indemnités journalières pour les chômeurs qui reprennent une activité, ceux-ci pourront conserver pendant trois mois les droits à indemnités journalières au titre de leur régime chômage. Dès lors, ils ne seront plus privés d'indemnisation maladie ou maternité en cas d'arrêt de travail survenant seulement quelques semaines après leur reprise d'activité. Nous ne pouvions tout évoquer dans le cadre de cette présentation d'ensemble des grandes lignes du PLFSS, mais je tenais à préciser ce point.
Je vous remercie.

(Source http://www.sante.gouv.fr, le 30 septembre 2005)