Interview de M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales, à France-Info le 26 octobre 2006, sur notamment la réforme des collectivités locales et son soutien à la proposition de Nicolas Sarkozy en faveur du droit de vote des étrangers aux élections municipales.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : France Inter

Texte intégral

Olivier de LAGARDE - Brice HORTEFEUX, bonjour. Vous êtes ministre délégué aux Collectivités territoriales. Vous êtes un très proche de Nicolas SARKOZY, on va parler de la stratégie de votre champion à 8h15, vous êtes notre invité, mais un petit mot sur votre action à vous. Vous vous êtes lancé dans une réforme de la fonction publique territoriale. Ça représente 1,7 millions de personnes. C'est quoi, c'est un nouveau petit mammouth à dégraisser ?
Brice HORTEFEUX : Non, ce n'est pas exactement le cas. Il est vrai que cela concerne beaucoup de monde mais nous avons à faire face à un défi, qui est un défi démographique : d'ici à cinq ans, 38 % de la fonction publique territoriale partira à la retraite, la moitié de l'encadrement partira à la retraite, c'est-à-dire que si nous ne faisons rien, cette fonction publique qui est une fonction publique de proximité sera décimée. La fonction publique territoriale, c'est quand vous allez à la mairie retirer des passeports, retirer des fiches d'état civil, déclarer des naissances, bref faire ces formalités que tout le monde accomplit. Il risque d'y avoir un problème rapidement, il faut aller donc bouger les choses. Et donc nous avons préparé un projet qui concilie à la fois l'attractivité, la mobilité, des passerelles avec la fonction publique d'Etat, des passerelles avec le privé, donnant davantage d'intérêt, la recentrant sur ses métiers. Il y a 253 métiers dans la fonction publique territoriale. Bref, ce que nous voulons c'est bouger, imaginer, oxygéner et la rendre plus attractive. Voilà l'objectif.
QUESTION : Mais il est question de réduire les effectifs ou non ?
Brice HORTEFEUX : Non, non, d'abord ce sont les employeurs qui sont eux-mêmes décideurs, c'est la différence avec l'Etat, l'Etat qui est un employeur unique. Avec la fonction publique territoriale, c'est près de 50000 employeurs. Qui sont ces 50000 employeurs ? Ce sont tous les maires, les 38000 maires, les présidents de groupements intercommunaux, ce sont les présidents de conseils généraux, les présidents de régions. Donc, s'il y a 50000 employeurs, il y a 50000 personnes qui décident. Mais nous, nous souhaitons donner un cadre juridique qui soit plus attractif et plus souple.
QUESTION : [...] Vous êtes très proche de Nicolas SARKOZY, qui souhaite que les immigrés de longue date obtiennent le droit de vote aux municipales. Mais à quoi ça sert d'exprimer un souhait comme ça quand on se fait taper sur les doigts ensuite par le Premier ministre ? Vous avez lu Le Parisien-Aujourd'hui en France, Dolinique de VILLEPIN dit, " Non ".
Brice HORTEFEUX : Oui mais chacun naturellement est libre et, au contraire, je crois qu'il faut revendiquer cette liberté. Dominique de VILLEPIN exprime la conception classique, il ne souhaite pas d'évolution, ce qui est d'ailleurs totalement respectable. Nicolas SARKOZY, lui, simplement constate qu'il y a sans doute un problème et il ose l'imagination. Que propose-t-il ? Il propose qu'on prenne en compte effectivement la situation d'étrangers qui sont là depuis très longtemps, c'est-à-dire des étrangers qui sont là depuis dix ans, qui sont en situation naturellement régulière, qui travaillent effectivement, qui paient des impôts, c'est-à-dire qui participent à l'effort public. Il ne propose pas qu'ils participent à toutes les élections, simplement aux élections municipales. Il pose une question simple, finalement : ne serait-il pas juste que celui qui s'est intégré et qui paie ses impôts puisse voir ce que l'on fait de son argent ? Je prends des exemples très simples : on connaît tous le restaurateur asiatique qui a fui par exemple le régime oppressant communiste terrible de Pol Pot, ses enfants sont aujourd'hui français, mais lui souhaite conserver un lien avec son pays d'origine ; eh bien, il n'a pas le droit de voter. Vous prenez le père de ZIDANE. Eh bien sans doute le père de ZIDANE n'a-t-il pas le droit de voter. Donc, ce qui est proposé, c'est, encore une fois, des mesures qui simples, qui sont justes, c'est un débat, c'est ouvert, nous sommes naturellement prêts à la discussion mais nous disons simplement : ne faisons pas de montagne de ce qui n'est qu'une proposition et une proposition d'ailleurs qui a été concrétisée il y a très longtemps puisque cette procédure existe depuis 1850 en Suisse, 1850, et il y a aujourd'hui quatorze pays en Europe qui la pratiquent. Donc, vous voyez, c'est simplement oser l'audace et l'imagination.
QUESTION : Alors, oser l'imagination, moi, je veux bien, mais ce le rôle d'un candidat à la présidentielle, pas celui d'un ministre de l'Intérieur qui se doit à une certaine discipline. Il y a eu la loi de 1905, maintenant les immigrés. Vous vous souvenez de la petite phrase de Jean-Pierre CHEVÈNEMENT, " Un ministre ça démissionne ou ça ferme sa gueule ".
Brice HORTEFEUX : Mais, écoutez, au contraire, nous, nous avons une conception totalement rénovée de la vie civique et de la vie démocratique. Nous souhaitons pouvoir imaginer, nous souhaitons pouvoir proposer. Vous savez, le mieux c'est quand il y a un problème, c'est de mettre toutes les données sur la table et d'essayer d'y apporter des solutions. Ce que fait Nicolas SARKOZY - et je vous le concède -, c'est une très grande originalité dans la vie politique française, c'est que lui il bouscule un peu les tabous, il a son franc-parler, il propose des pistes et il ne souhaite pas les imposer. Il est responsable d'une formation politique, il ne demande pas à ce que tous les élus, les militants de cette formation politique soient alignés comme autant de petits pois. Simplement, il dit : j'apporte ma contribution à la rénovation de la société française et il le fait effectivement sur des sujets qui méritent de s'y approfondir.
QUESTION : Mais tout de même, vous vous êtes un très proche de Nicolas SARKOZY, vous le voyez souvent, on sent bien qu'il est pris en tenailles entre Jacques CHIRAC et Dominique de VILLEPIN. Honnêtement, Nicolas SARKOZY n'a pas envie de claquer la porte de temps en temps ?
Brice HORTEFEUX : Écoutez, je pense exactement l'inverse. Je pense qu'il occupe aujourd'hui une place qu'aucun autre homme politique français peut assumer, c'est-à-dire qu'il peut à la fois agir concrètement - il est ministre de l'Intérieur, il est sur le terrain, il y était encore hier soir, il obtient des résultats ; je ne vais pas vous donner l'avalanche de chiffres, mais enfin depuis 2002, la délinquance globale a diminué de 10 % alors qu'elle augmentait de 7,69 % chaque année précédemment, il y avait 4 millions de crimes et délits, on est passé en deçà, cela veut dire qu'il agit concrètement, qu'il obtient des résultats, qu'il mobilise pour répondre à cette première inégalité sociale qu'est l'insécurité -, et, en même temps, effectivement, il propose, il imagine, il Suggère, il ouvre des pistes. Finalement, lui, il a la chance de pouvoir marcher sur ses deux jambes. D'un côté l'action, de l'autre côté la proposition.

QUESTION : Il était sur le terrain hier et d'ailleurs ça ne s'est pas très bien passé à Argenteuil, où il a été reçu plus que fraîchement par les jeunes.
Brice HORTEFEUX : Mais qu'est-ce que vous croyez ? Vous croyez qu'il va simplement discuter dans les palais de la République, dans les bâtiments officiels ? Non, c'est une autre conception qui est la sienne et je me reconnais pleinement dans cette démarche, il va là où il y a des interrogations, là où il y a des difficultés et il ne craint absolument pas le débat, mais pas le débat des marquis de salon, le débat du terrain, le débat de la réalité. Aujourd'hui, nous devons apporter une réponse à la jeunesse, et particulièrement à la jeunesse des banlieues. Eh bien, lui, au lieu de rester dans son ministère, il va les rencontrer, il va dialoguer, il va imaginer, il va proposer et surtout il reviendra.
QUESTION : B. Hortefeux, L. Jospin sort son livre. Certains y voient déjà la marque de son retour politique. C'est quoi le rêve d'un sarkozyste ? Un deuxième tour de la présidentielle Sarkozy-Jospin ou Sarkozy-Villepin ?
Brice HORTEFEUX : Oh là là, c'est très compliqué même si vous faites des rimes, finalement c'est le mérite de votre question. En réalité, moi je suis surtout très impressionné parce que Lionel JOSPIN publie un livre et, finalement, qu'est-ce qu'on retient de tout ça ? C'est qu'il joue à l'homme invisible, c'est-à-dire qu'il disparaît quand ça l'arrange et puis il réapparaît quand de nouveau il y a une opportunité. Je pense que c'est très grave parce que dans son livre, Lionel JOSPIN, à aucun moment, ne fait de mea culpa sur le 21 avril. Lui qui a imaginé la formule " droit d'inventaire ", il refuse de se l'appliquer à lui-même. C'est beaucoup d'orgueil et surtout c'est un double message négatif pour l'opinion publique. D'abord, c'est un message concernant le langage des hommes politiques : il a annoncé son retrait, eh bien quand on annonce son retrait, on se retire, on ne revient pas. Et le deuxième message, c'est qu'il faut savoir faire son mea culpa et il ne le fait à aucun moment. Donc, c'est pour cela que je considère que ce n'est pas une bonne nouvelle pour la démocratie.
(Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 28 octobre 2005)