Déclarations de M. Alain Richard, ministre de la défense, sur les projets de loi autorisant la ratification de la convention d'Ottawa sur les mines antipersonnel et sur la proposition de loi tendant à leur élimination, au Sénat le 4 juin 1998 et à l'Assemblée nationale le 25.

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Circonstance : Présentation d'un projet de loi portant ratification de la convention internationale d'interdiction des mines antipersonnel au Sénat le 4 juin 1998 et à l'Assemblée nationale le 25

Texte intégral

La question qui nous réunit aujourd'hui revêt, aux yeux du Gouvernement, une grande importance - vous vous en doutez - et nous sommes heureux qu'elle soit traitée, dans le cadre du dialogue législatif, avec méthode et détermination.
Les mines antipersonnel constituent un fléau qui tue ou mutile chaque année plus de 20 000 personnes dans le monde, civils, femmes et enfants. La dissémination de ces armes, qui continuent à frapper leurs victimes bien longtemps après la fin des conflits, entraîne des tragédies et des perturbations socio-économiques profondes dans les pays où elles ont été massivement utilisées.
N'oublions pas que le déminage de notre pays, en 1945, a pu être considéré comme le dernier acte de la Seconde Guerre mondiale en France. De 1944 à 1947, 484 démineurs ont été tués sur le sol français et 809 autres blessés, tandis que, dans les rangs des prisonniers de guerre, les victimes se comptaient par milliers. Depuis un demi-siècle, l'utilisation des mines a connu un développement amplifié, tant par la variété des modèles employés que par la quantité posée sur le terrain. Tous les belligérants les ont utilisées pour mettre hors de combat les personnels, les véhicules, les navires, et ce sur tous les fronts. Les mines antipersonnel terrestres ont été utilisées de façon de plus en plus anarchique ces dernières années dans le but non dissimulé de terroriser les populations et de désorganiser des régions entières. Le largage à distance par avion, par hélicoptère ou encore la projection par artillerie se sont multipliés. Au total, plusieurs dizaines de millions de ces armes ont été disséminées sans que leur utilisation s'accompagne de marquages ou de plans de pose rigoureux. Chaque jour, des victimes sont à déplorer dans les pays en guerre ou qui étaient antérieurement en guerre, mais aussi du fait d'explosions inopinées ou de manipulations imprudentes.
Dans ce contexte, l'ancien secrétaire général des Nations unies, M. Boutros Boutros-Ghali, a eu raison de parler de " désastre humanitaire ". Dans soixante-dix pays, quelque 110 millions de mines antipersonnel sont enfouies - d'après les statistiques approximatives dont nous disposons - et demeurent actives longtemps après la fin du conflit qui a entraîné leur pose. En France, ces engins provoquaient encore le décès de onze personnes en 1990 et en 1991. Tous les continents ont été touchés par ce fléau, de l'Angola à l'Afghanistan, en passant par le Tchad, le Cambodge et, plus près de nous en Europe balkanique : trois millions de mines antipersonnel seraient encore enfouies en Bosnie-Herzégovine, et autant en Croatie.
Certes, les conflits laissent sur leurs théâtres d'affrontements des millions de mines enfouies et davantage encore de bombes, d'obus, percutés ou non et souvent très sensibles, sans compter les munitions abandonnées, individuellement ou en stock. Mais, chaque mois, les mines antipersonnel terrestres causent à elles seules la mort de 800 personnes et la mutilation de 2 000 autres. Lorsqu'ils survivent, les blessés victimes de l'explosion d'une mine antipersonnel sont atteints de lésions graves, multiples, durables, nécessitant en général des interventions chirurgicales répétées, une longue période de rééducation et des appareillages performants. Or, malheureusement, la plupart des atteintes dues aux mines se produisent dans des pays pauvres ou désorganisés, qui ont des capacités limitées en matière de soins médicaux et de services de rééducation. Pour les blessés, il est donc très souvent impossible de bénéficier du traitement et des soins requis.
Toutefois, je voudrais devant vous me féliciter des partenariats qui se développent entre les centres d'appareillage que l'histoire nous a imposé de développer pour nos victimes et les organisations humanitaires. Le partenariat qui existe ainsi entre le secrétariat d'Etat aux anciens combattants, le centre d'études et de recherche sur l'appareillage des handicapés, le CERAH, à Metz, et Handicap international est exemplaire. Il permettra au plus grand nombre de bénéficier de ce qu'il faut bien appeler notre savoir-faire et notre expérience.
Outre les ravages que les mines antipersonnel provoquent sur les personnes, elles entraînent également de graves conséquences sur le plan économique et social pour les Etats, en particulier les plus démunis d'entre eux. La présence de mines antipersonnel rend inutilisables de vastes portions de territoires. Souvenons-nous que, en 1945, 500 000 hectares avaient dû être classés zone dangereuse en France métropolitaine ! Les travaux de déminage sont longs, dangereux, coûteux et complexes, sans commune mesure avec la simplicité d'emploi des mines. Le développement des technologies de détection et de neutralisation des mines en série demeure insatisfaisant. Des efforts dans ce secteur devront être consentis car, aujourd'hui, déminer suppose recourrir à des opérations manuelles, lentes et périlleuses. Les militaires français, qui, de longue date, ont développé une expertise très poussée dans cette technique, y ont consacré énormément d'efforts et de dévouement. Malgré toutes les mesures de sécurité dont je peux personnellement vérifier la rigueur - huit militaires ont trouvé la mort et quatre-vingt-sept ont été blessés depuis le début de cette décennie. Nous pouvons penser particulièrement à eux et à leurs familles en cet instant où notre législation évolue positivement.
Face à la situation que je viens de décrire, la France a marqué de façon résolue son engagement, tant au plan national que sur la scène internationale, à lutter contre ce fléau. Elle a été l'un des tout premiers Etats à donner l'exemple et n'a cessé, au cours de ces dernières années, de prendre des initiatives en ce sens.
A titre unilatéral, plusieurs décisions ont marqué notre volonté d'oeuvrer en faveur de l'élimination des mines antipersonnel. Il est tout d'abord apparu à notre pays que la dissémination de ces engins à travers le monde et aux mains d'Etats irresponsables, voire de bandes armées ou de mouvements insurrectionnels, était un élément important de danger. Réduire la disponibilité et la circulation de ces engins apparaît indispensable. C'est à cette fin que la France a adopté, en février 1993, un moratoire absolu et illimité dans le temps sur l'exportation de toutes les mines antipersonnel. C'est, ensuite, sous la présidence de la France que l'Union européenne a adopté un moratoire sur l'exportation qui concerne la totalité de l'Union. En outre, notre pays, qui n'a pas exporté ces engins depuis plus de quinze ans, a décidé, en septembre 1995, d'appliquer un moratoire absolu et illimité dans le temps, sur la production des mines antipersonnel
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A la même date, la France a annoncé son engagement de réduire progressivement, par destruction totale, son stock national de mines antipersonnel. Les opérations de destruction ont débuté en septembre 1996 et ont été réalisées, jusqu'à présent, par les établissements spécialisés de l'armée de terre. A ce jour, environ 50 000 mines ont été ainsi détruites. Nous accélérons maintenant le rythme des opérations de destruction : un appel d'offres public a été lancé à la fin du mois d'octobre 1997 afin d'industrialiser la destruction de ces armes ; une lettre de notification de marché a été adressée en mars dernier aux trois entreprises qui ont été qualifiées pour ces opérations. Dans le cadre de ce marché, la moitié du stock français - soit plusieurs centaines de milliers de mines - sera détruite d'ici à la fin de cette année ; les opérations se poursuivront en 1999 pour se clore soit à la fin de l'année 1999, soit, au plus tard, au début de l'année 2000 ; la France aura détruit la totalité de ses mines antipersonnel en l'an 2000, bien avant le terme fixé par la convention dont nous allons débattre. Je crois qu'il faut s'en réjouir.
De plus, sur le plan opérationnel, la France n'emploie plus, depuis plusieurs années, de mines antipersonnel. Cette doctrine de non-emploi, je le rappelle, ne comporte aucune exception géographique et s'applique à toutes les catégories de mines antipersonnel. En juin 1997, nous avons annoncé que nous renoncerions définitivement et sans exception à toute forme d'emploi des mines antipersonnel dès l'entrée en vigueur d'un traité efficace et, unilatéralement, au plus tard à la fin de l'année 1999. C'est ce que, au nom du Gouvernemment, je vous propose d'inscrire dans notre législation aujourd'hui.
Dans le domaine diplomatique, la France a pris activement part à toutes les négociations engagées sur la question des mines antipersonnel. En vous proposant aujourd'hui de ratifier la convention d'Ottawa, le Gouvernement vous invite à franchir une nouvelle étape importante. En 1993, le président François Mitterrand a demandé la révision du protocole II annexé à la convention de 1980 sur certaines armes classiques. En mai 1996, nous avons signé la version révisée du protocole II qui réglemente et limite l'emploi des mines antipersonnel, dans les conflits internationaux comme dans les conflits internes. La ratification de ce texte a été approuvée par le Sénat le 24 juin 1997 et sera complétée par le vote de l'Assemblée nationale d'ici à la fin de la présente session. Le mouvement en faveur d'une interdiction des mines antipersonnel n'a alors plus cessé de prendre de l'ampleur sur la scène internationale, et nous devons nous en réjouir. De même, il faut se féliciter du rôle des organisations non gouvernementales, en premier lieu de Handicap International, mais également de la sensibilisation de nos associations d'anciens combattants, dans toute leur diversité.
Sur la scène internationale, la conférence diplomatique d'Oslo de septembre 1997 a permis d'achever, enfin, l'élaboration du texte de la convention d'Ottawa. La France a, tout au long des négociations, participé activement à l'élaboration de ce document international et a souligné son attachement à l'adoption d'une norme d'interdiction totale, sans exception ni ambiguïté. Cette convention que j'ai l'honneur de vous présenter définit une norme d'interdiction totale. Son article 1er prohibe l'emploi, la mise au point, la production, l'acquisition, le stockage, la conservation et le transfert des mines antipersonnel. Il interdit également d'assister, d'encourager ou d'inciter de quelque manière quiconque à s'engager dans cette activité. Les stocks existants devront être détruits dès que possible, et au plus tard quatre ans après l'entrée en vigueur de cette convention.
En prohibant la production, le stockage, le transfert et l'emploi des mines antipersonnel, la convention d'Ottawa contribue de manière importante à enrayer la dissémination de ces engins. Toutefois, aussi longtemps que les millions de mines antipersonnel mises en place sur le terrain n'auront pas été enlevées et détruites, elles continueront à faire courir de graves dangers aux populations. La convention tente donc également de répondre à cette préoccupation majeure en imposant à chaque Etat partie la disparition des zones minées sous sa juridiction ou sous son contrôle. Sur notre sol, des mines antipersonnel n'ont été mises en place que pour la protection de la base aérienne 126 de Solenzara, en Corse. Ces mines ont été disposées en 1978 après un attentat contre les installations radar et alors que les menaces d'autres agressions planaient sur nos sites militaires dans l'île. Toutefois, les mines ont été disposées selon un plan de pose rigoureux : pose entre double grillage de sécurité, marquage parfaitement reconnaissable et durable, inspection régulière par du personnel militaire. Ces précautions sont telles qu'une pénétration involontaire dans la zone est absolument impossible. Le retrait des mines est en cours et sera achevé d'ici à la fin de cette année, étant entendu que des moyens de protection non mortels, indispensables à la protection de cette installation, sur laquelle continuent à peser certaines tensions, seront mis en place.
Nous savons que certains Etats particulièrement affectés auront, en comparaison de l'effort limité de la France, d'énormes difficultés à procéder dans un délai de dix ans à la destruction de toutes les mines antipersonnel qui sont sur leur sol. Cette réalité doit nous inciter à nous engager dans des coopérations élargies, avec une recherche d'efficacité maximale.
Outre le déminage, l'un des grands défis que doit relever la communauté internationale est de déterminer la meilleure façon de répondre aux besoins des victimes de ces mines. A cette fin, la convention prévoit que chaque Etat partie qui est en mesure de le faire devra fournir une assistance pour les soins aux victimes des explosions de mines, pour leur réadaptation ainsi que pour leur réintégration sociale et économique. Le service de santé de nos armées apportera, pour ce qui concerne la France, toute sa compétence à ces efforts. De surcroît, une réflexion interministérielle s'est engagée, dont les conclusions seront présentées prochainement au Gouvernement.
Par ailleurs, un mécanisme de vérification du respect des dispositions de la convention a été prévu, à la demande, notamment, de la France. En effet, pour le Gouvernement, les dispositions relatives à la transparence et à la vérification revêtent une importance particulière. La vérification est un élément essentiel à la maîtrise des armements. Elle a, en l'occurrence, pour objet de renforcer la sécurité de l'ensemble des Etats parties à un traité en accroissant la confiance que peut avoir chacun dans le respect, par tous, de leurs engagements. De plus, les mesures de vérification dissuadent ceux qui seraient tentés de violer les dispositions du traité et constituent la base à partir de laquelle les cas de violation sont définis et les mesures de redressement prises.
Les négociateurs de la convention d'Ottawa ont donc introduit un système complet de transparence, de règlement des différends et de vérification qui, à nos yeux, concourra efficacement à l'autorité des nouvelles règles internationales et au développement de la confiance entre tous les Etats qui y adhèrent. A cette fin, chaque Etat partie doit présenter au secrétaire général des Nations unies un rapport annuel sur les mesures qu'il a prises pour respecter les dispositions de la convention. La France prépare un premier rapport qui sera transmis cet été à New York.
Enfin, la convention d'Ottawa prévoit le recours à une procédure d'enquête si l'un des Etats parties soupçonne un autre Etat partie de ne pas avoir respecté les dispositions de ladite convention. La convention d'Ottawa marque donc une étape déterminante sur la voie de l'élimination des mines antipersonnel.
La loi autorisant la ratification de cette convention, sur laquelle vous êtes appelés à vous prononcer aujourd'hui, mesdames, messieurs les sénateurs, fera de la France l'un des premiers Etats parties, et le premier Etat membre du Conseil de sécurité, à adhérer à cette norme. Cela marquera avec force et détermination notre volonté d'aboutir à une interdiction totale et universelle des mines antipersonnel. D'autres combats restent néanmoins à mener. La dynamique instaurée par cette convention doit être maintenue. La France se joindra, tout d'abord, à tous les efforts qui seront entrepris en vue de promouvoir l'universalisation de la convention d'Ottawa. Nous continuerons à militer en faveur de l'ouverture rapide de négociations sur les mines antipersonnel à la conférence du désarmement. En effet, une action dans cette enceinte, qui compte parmi ses membres je dirai non pas les principaux opposants, mais ceux qui sont les plus réticents à la convention d'Ottawa, peut permettre d'obtenir de ces Etats un engagement sur des objectifs, dans un premier temps, plus modestes. A cet égard, un accord sur l'interdiction des transferts, des cessions de mines, pourrait être, de notre point de vue, un premier objectif réaliste et utile. Il assécherait les marchés d'approvisionnement de certains gouvernements et des groupements non étatiques qui sont tentés d'en acheter. Les suites de la convention d'Ottawa devront aussi se traduire par une action concrète en faveur du déminage et en direction des victimes.
Le Gouvernement a annoncé, lors de la conférence d'Ottawa, en décembre dernier, son plan d'action contre les mines antipersonnel, dont je vous rappelle les principales dispositions. Six objectifs guideront, dans les années à venir, l'action de la France.
L'effort financier consenti par notre pays sera poursuivi et intensifié autant que possible. Près de 120 millions de francs ont été consacrés, depuis 1994, à des actions de déminage ou d'assistance aux victimes. Cet effort sera poursuivi dans les années à venir, notamment dans le cadre de nos contributions aux programmes européens.
La coordination de notre action contre les mines doit être renforcée afin d'en accroître l'efficacité. A l'échelon national, un comité interministériel est chargé de coordonner l'action des différents intervenants français dans ce domaine. Nous opérons dans les organismes publics chargés du déminage les efforts de rationalisation nécessaires et nous soutenons le développement d'entreprises spécialisées présentant toutes les garanties souhaitables pour relayer notre action publique et pour valoriser les savoir-faire acquis par les personnels français. De même, à l'échelle européenne, nous souhaitons la désignation rapide d'un coordinateur communautaire supervisant l'ensemble des programmes de déminage et d'assistance aux victimes mis en oeuvre par l'Union européenne.
Notre action en matière de formation au déminage sera aussi substantiellement renforcée. Nous pouvons, à cet égard, tirer partie de l'expérience et de la grande compétence de nos armées dans le domaine de l'enlèvement des explosifs. A cette fin, le ministère de la défense ouvrira plus largement à des stagiaires étrangers, y compris à des organisations non gouvernementales, les portes de l'école supérieure et d'application du génie d'Angers, qui est, notre lieu principal de formation en la matière. Je rencontrerai prochainement les partenaires du monde associatif pour définir avec eux les modalités de mise en oeuvre de ce programme.
Nous devons, également, pour guider l'effort international et en accroître l'efficacité, constituer un état des lieux précis de la situation des zones minées dans le monde. Nous encourageons donc la mise en place rapide d'une banque de données mondiale, qui pourrait être placée sous l'égide du secrétariat général des Nations unies, et nous accompagnons les efforts de nos partenaires helvétiques dans la mise en place d'un centre international. La France apportera son concours actif à ces initiatives, en communiquant, notamment, les données qui sont détenues par son centre d'expertise sur les mines de l'école d'Angers.
Notre politique reste délibérément orientée vers le déminage de proximité. Une telle ambition impose que s'établisse un dialogue beaucoup plus étroit entre l'ensemble des acteurs engagés dans le déminage et l'assistance aux victimes. Notre action sera, avant tout, régie par la volonté de développer un partenariat renforcé avec les gouvernements des principaux pays concernés, d'une part, et avec les organisations non gouvernementales, d'autre part. Pour ce faire, nous nous attacherons à apporter aux gouvernements une assistance systématique dans la mise en place de plans nationaux de déminage ainsi que de structures plus locales permettant d'assurer le suivi et la pérennité des opérations. Nous renforcerons, en outre, notre collaboration avec les organisations non gouvernementales, notamment avec Handicap international. Nous chercherons, par ce biais, à créer sur le territoire même des principaux Etats concernés des ateliers de travail réunissant les acteurs praticiens du terrain, institutionnels et non gouvernementaux.
Par ailleurs, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, la bonne application de la convention d'Ottawa suppose que la France adopte, sur le plan interne, un certain nombre de dispositions législatives. C'est la raison pour laquelle le projet de loi de ratification de la convention et la proposition de loi transcrivant ses dispositions en droit interne sont l'objet commun de votre débat d'aujourd'hui.
La tâche législative, pour ce qui la concerne, consiste d'abord, puisqu'il y aura des conséquences pénales, à définir les actes déclarés interdits. Devront ainsi être définis la mise au point, la fabrication, l'acquisition, le stockage, la conservation, la cession, l'importation, l'exportation, le transfert et l'emploi des mines antipersonnel.
Seules deux exceptions à l'interdiction totale, énoncées par la convention d'Ottawa, ont été prévues et définies de manière très limitative dans la proposition de loi. Il s'agit, tout d'abord, d'une exception à l'interdiction de stockage et de transfert, qui est justifiée par le maintien d'un stock pour la mise au point de techniques de détection des mines, de techniques de déminage ou de destruction et pour la formation à ces différentes techniques.
Cette disposition d'exception permettra à la France de conserver son avance dans la poursuite des études nécessaires en matière de recherche et de développement de technologies et de matériels de déminage, ainsi que de consolider la formation de ses démineurs, notamment ses équipes cynophiles. Dans ce cadre, le Gouvernement souhaite conserver un stock de 5 000 mines antipersonnel. La convention d'Ottawa ne fixe pas expressément le nombre de mines dont la détention reste autorisée. Elle prévoit simplement que le nombre de ces mines ne doit pas excéder le minimum absolument nécessaire aux fins de mise au point des techniques de détection, de déminage ou de destruction des mines et pour la formation à ces techniques. Les Etats ayant participé aux négociations de la convention d'Ottawa se sont en effet refusé à fixer arbitrairement un chiffre pour ces mines. Il était toutefois entendu par tous que ce chiffre devait se limiter à quelques milliers. Le chiffre de 5 000 retenu par la France correspond donc à nos besoins techniques tout en étant conforme à l'esprit des négociations de la convention d'Ottawa. Nos partenaires les plus proches ont adopté des positions similaires.
La deuxième exception permettra de transférer ou de stocker des mines antipersonnel à des fins de destruction. Cette disposition sera particulièrement utile aux Etats qui, à la différence de la France, ne disposent pas de personnels formés et d'installations adaptées. Ainsi, les Pays-Bas ont confié, en 1997, la destruction de leur stock de mines antipersonnel à l'Allemagne et à la France.
La future loi doit également prévoir des sanctions pénales rigoureuses tant à l'égard des personnes physiques que des personnes morales qui la violeraient.Une commission nationale pour l'élimination des mines antipersonnel, réunissant l'ensemble des partenaires - administration, Parlement, associations à vocation humanitaire, personnalités qualifiées - assurera le contrôle de l'application de la loi et veillera à l'action internationale de la France en matière d'assistance aux victimes.
La loi doit également transcrire en droit interne toutes les dispositions relatives à la transparence et à la vérification qui confèrent des prérogatives d'exception à des autorités internationales et prévoir, en particulier, les prescriptions relatives à l'accueil en France des missions dites d'établissement des faits, c'est-à-dire des missions d'enquête préalable.
Enfin, pour achever la mise en conformité du dispositif de défense avec nos engagements, il convient de prévoir un délai de quelques mois pour l'entrée en vigueur des dispositions législatives appliquant la convention en droit interne.
Telles sont les principales observations que je souhaitais faire devant le Sénat dans la discussion générale. Je remercie les membres de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées pour le travail constructif qu'ils ont accompli, en particulier son rapporteur, M. Goulet, et son président, M. de Villepin. Je remercie également tous les parlementaires qui, forts de leurs valeurs humanistes, ont joué un rôle dynamique dans cette action. Ces textes nous permettront de porter un coup décisif dans la lutte contre ce fléau, lutte dans laquelle la France aura gardé de bout en bout sa place exemplaire.
(Source http://www.senat.fr, le 8 novembre 2001)
Je souhaiterais très brièvement répondre aux orateurs. Je tiens tout d'abord à saluer la qualité de leurs interventions. Je rejoins tout à fait l'appréciation globale qu'a portée M. le rapporteur sur le texte de la convention en disant que ce texte était simple, clair, dépourvu d'ambiguïté. Il constitue effectivement une bonne base pour l'élaboration de la loi ; pour l'essentiel, les termes nous satisfont, nous n'allons donc pas chercher à les modifier. M. le rapporteur a très justement souligné que, maintenant, la tâche la plus importante était d'élargir le cercle des Etats signataires de cette convention puisque, chacun l'a noté, des Etats dont l'importance est grande sur le plan stratégique et militaire n'y ont toujours pas adhéré.
M. Huriet a souligné à juste titre le rôle majeur qu'ont joué les organisations non gouvernementales dans l'aboutissement de ce projet. Je tiens d'ailleurs à signaler au Sénat que des représentants de certaines de ces organisations assistent aujourd'hui à la séance, ce qui est le signe qu'elles reconnaissent la continuité de l'action entre le monde non institutionnel, le monde associatif, et ceux qui, au Parlement et au Gouvernement, s'efforcent de défendre les mêmes valeurs. Dans une démocratie en bonne santé, il n'y a aucune raison d'opposer les uns aux autres, comme s'il y avait d'un côté les purs, ceux qui n'ont pas le pouvoir, et d'un autre côté ceux qui auraient le pouvoir et seraient nécessairement impurs. Je crois que, parmi les dirigeants des ONG, nombreux sont ceux qui partagent cette vision. M. Huriet a également souligné l'opportunité d'une entrée en vigueur immédiate des dispositions de la convention. Nous en reparlerons à propos des amendements, mais il faut aussi veiller à ce que notre système de défense garde sa cohérence. Il a souhaité un développement accru de l'élimination. A cette fin, le Gouvernement tente de renforcer la coordination des différents services et se dispose à confier à un officier général particulièrement expérimenté la mission de nouer, au nom de l'Etat, des contacts avec le monde des entreprises et celui des organisations non gouvernementales.
M. Guy Penne a souligné la cohérence des textes proposés avec une réflexion d'ordre plus général sur le désarmement, qui, a-t-il précisé, doit être équilibré et mené avec un souci stratégique : le désarmement est le contraire du démembrement unilatéral et désordonné d'un système d'armes ; il doit tenir compte des forces des uns et des autres et de leur rôle international. Fort de son expérience, M. Penne a insisté sur l'importance de la démarche de vérification. Le dispositif d'armement - j'y reviendrai à l'occasion de l'examen des amendements - ne peut faire l'objet d'une définition technique qui prévienne tous les risques de détournement. Il n'existe pas de définition des mines antipersonnel qui permette de prendre en compte l'apparition, dans cinq ans, dix ans ou quinze ans, de technologies capables de produire les mêmes dommages. Il s'agit - chacun l'a rappelé - de dispositifs d'armement très simples et banalisables. Le dispositif de vérification constitue donc, en réalité, la clé de voûte de l'efficacité du système.
M. Serge Vinçon a relevé le rôle propre de la France dans la mise en oeuvre du projet et le dynamisme diplomatique dont elle a fait preuve. Il a également rappelé les efforts que nous avons entrepris pour adapter notre dispositif de défense. En effet, les mines antipersonnel avaient pour objet de protéger nos forces et nos installations les plus vulnérables sur le champ de bataille ou sur le territoire français. Il est donc important que nous nous dotions d'une réponse efficace au principe d'interdiction, que nous appliquerons scrupuleusement mais qui ne nous dispense pas de protéger nos forces, notre pays étant fréquemment exposé dans les conflits, sur les théâtres d'opération où les crises sont les plus violentes.
Je souhaite à cet égard apporter à Mme Beaudeau les précisions qu'elle m'a demandées. Il n'existe pas de système de substitution aux mines antipersonnel. Par définition, il s'agit d'un système explosif qui se déclenche automatiquement au contact d'une personne. Il ne peut pas être remplacé par un système de même nature. Pour assurer la protection soit d'unités dispersées sur le terrain, soit d'installations sensibles, deux systèmes sont en cours de développement.
Le premier, le système MODER, remplit la fonction de neutralisation de l'assaillant en envoyant, par commande manuelle, des projectiles à une certaine distance. Ces projectiles ont pour objectif non pas de tuer mais d'assourdir ou de rendre vulnérable. Ils s'apparentent à certaines grenades offensives qu'ont connues ceux qui ont accompli leurs obligations militaires voilà quelques décennies. Il s'agit d'objets à manipulation unitaire et volontaire.
Le second, le système Cougar, qui concerne les installations fixes, est un système d'alerte et de protection à partir de clôtures de détection faiblement électrifiées, complétées par des systèmes de détection électronique.
Le système MODER va être mis en dotation dans nos forces à partir de 1999. C'est la raison pour laquelle nous préconisons la date d'application qui a été prévue. Le système Cougar, quant à lui, va être expérimenté sur un certain nombre de sites sensibles.
Mme Beaudeau nous a invités à réfléchir sur le rôle de l'opinion publique internationale pour faire pression dans le sens d'un désarmement, ce qui est tout à fait légitime. Mais j'insiste sur le fait que ce désarmement doit correspondre à un raisonnement et à la prise en compte de rapports de force internationaux qui continueront à exister. Je suis moins d'accord avec elle quand elle établit une différenciation éthique entre les pays riches et le tiers monde. Lorsque des dictateurs, des chefs de bandes armées, des gouvernements agressifs utilisent, de façon massive et indiscriminée, de telles armes, en visant manifestement les populations civiles, qu'ils appartiennent ou non au tiers monde, je les considère comme des criminels.
En tout cas, je crois que nous devons nous montrer très circonspects par rapport à une différenciation morale entre celui qui, sciemment délibérément, au nom d'une stratégie agressive, utilise des armes de façon inhumaine et celui qui, dans un autre pays, les a fabriquées. A mes yeux, l'un et l'autre appellent la même condamnation.
En conclusion, j'insisterai sur la volonté du Gouvernement d'appliquer cette convention de façon loyale et efficace, et le plus vite possible, de manière à provoquer l'effet d'entraînement que nous souhaitons tous vis-à-vis des Etats encore réticents.
(Source http://www.senat.fr, le 8 novembre 2001)
Si ce débat a lieu dès aujourd'hui, c'est dû non pas au Gouvernement, Monsieur Rochebloine en conviendra, mais à la Conférence des présidents, qui a opté pour la procédure simplifiée afin que notre pays soit l'un des premiers à conclure à la fois le processus de ratification et la mise en conformité de son droit interne. Aujourd'hui seuls une quinzaine de pays, sur les 120 qui ont signé la convention d'Ottawa, ont achevé la procédure.
Notre pays est en effet de longue date préoccupé par le désastre humanitaire tenant à l'utilisation des mines antipersonnel. Sur la scène internationale comme au plan national, nous avons montré notre engagement à lutter contre ce fléau et avons été l'un des tout premiers pays à donner l'exemple, comme le prouve encore le vote d'aujourd'hui.
C'est dans un esprit d'efficacité que le Gouvernement a proposé d'examiner simultanément les projets de loi de ratification et le proposition de loi tendant à l'élimination des mines antipersonnel.
Le Président Mitterrand avait pris l'initiative, en février 1993, pendant son voyage au Cambodge, de proposer la révision de la convention de 1980, qui réglemente notamment l'usage des mines antipersonnel. Les Etats parties à cette convention ont adopté, le 3 mai 1996 à Genève, un protocole II modifié qui en interdit ou limite l'emploi.
La ratification par la France de ce protocole revêt, aux yeux du Gouvernement, une grande signification. Il constitue, en effet, une avancée importante pour réglementer l'usage et le transfert des mines antipersonnel. Le texte nouveau renforce le protocole initial en étendant sa portée aux conflits armés non internationaux, qui sont le cadre privilégié d'emploi des mines antipersonnel. Il impose des règles d'emploi beaucoup plus strictes et vise à faciliter les opérations de déminage en interdisant l'emploi des mines antipersonnel indétectables, en posant un principe de responsabilité du poseur de mines quant à leur enlèvement, en prévoyant des mesures de coopération et d'assistance technique en matière de déminage.
Il vise, en outre, à protéger certains acteurs internationaux tels que les forces des Nations Unies et les missions à caractère humanitaire du danger des mines.
Si ces dispositions sont conformes à l'objectif que nous nous étions fixé de lutte contre l'usage indiscriminé des mines antipersonnel et contre leur dissémination, elles restent cependant limitées en raison du délai de grâce très long accordé aux Etats qui le demanderaient et, malgré l'insistance de la France, de l'absence de moyens efficaces de vérification.
Je note avec satisfaction que tous les orateurs se sont dits favorables à la ratification de ce protocole, qui impose des règles minimales de comportement aux Etats, trop nombreux, qui ne sont pas encore prêts à renoncer totalement aux mines antipersonnel. En attendant l'entrée en vigueur de la convention d'Ottawa qui peut prendre encore plusieurs années, ce protocole constitue la seule base légale internationale pour limiter l'usage des mines antipersonnel.
Pour ce qui est de la France, elle a adopté depuis des années des mesures qui vont bien au-delà de ce texte, relatives à l'interdiction des transferts, de la production et de l'emploi des mines antipersonnel, ainsi qu'à leur destruction, sans parler de nos actions d'assistance au déminage, dans lesquelles nos forces armées se sont illustrées. Nos efforts restent constants comme en témoigne notamment l'action du service de santé des armées qui met des chirurgiens à la disposition du ministère de la coopération. Concernant le ministère de la défense, je viens d'accepter la prolongation, pour six mois, de la mission de nos officiers spécialistes du déminage en Bosnie-Herzégovine.
J'insiste sur les efforts que nous accomplissons dans le domaine du contre-minage à travers la direction des mines et leur neutralisation. Le directeur de mines métalliques portables DHPM est déjà en service. D'autre part, nous privilégions trois approches que nous espérons prometteuses : la détection lointaine des champs de mines, la détection des mines par micro-ondes et leur détection par multisenseur. Enfin, sur la scène internationale, la France a soutenu, au cours des derniers mois, l'objectif de parvenir à un instrument international juridiquement contraignant et vérifiable qui interdise, dans le monde entier, la production, l'emploi, le stockage et le transfert de ces armes.
Dès le lancement des négociations, en octobre 1996, nous avons participé activement à l'élaboration de ce qui est devenu la convention d'Ottawa. Il y a bien eu solidarité dans la démarche des gouvernements successifs et la distribution des critiques, Monsieur Rochebloine, doit donc être équitable.
Cela dit, le mouvement en faveur d'une interdiction des mines antipersonnel n'a cessé de prendre de l'ampleur sur la scène internationale. J'exprime, à mon tour, la gratitude du Gouvernement aux organisations non gouvernementales et aux mouvements de citoyens qui ont stimulé les autorités politiques. C'est ainsi que nous avons pris part, à Ottawa, à la signature de la convention avec 120 autres pays. J'en viens à nos efforts pour convaincre les Etats qui n'en sont pas encore signataires.
D'un point de vue moral, je comprends qu'on fasse une gradation entre la culpabilité ou la responsabilité de tel ou tel pays. Mais faut-il critiquer davantage une démocratie qui fait un choix de ce genre qu'une dictature ?
En concentrant en permanence les critiques sur les démocraties, qui sont toujours perfectibles, on semble considérer comme acquis que les dictatures doivent rester telles et être à l'abri des critiques.
En termes de responsabilité quant à l'utilisation de cette arme des lâches que sont les mines antipersonnel, il n'est pas logique de distinguer entre les Etats du Nord et ceux du Sud, entre les grands et les petits pays... Nous avons le devoir de rechercher l'adhésion la plus large possible à ce traité, à rechercher son efficacité dans tous les Etats, démocratiques ou non.
Dans toutes les instances internationales, aussi bien au sein de la conférence du désarmement des Nations Unies que dans les enceintes régionales, la France s'emploie à démontrer aux différents Etats l'avantage qu'ils auraient, notamment pour leur image internationale, à renoncer à l'emploi des mines.
La convention d'Ottawa de décembre 1997 pose désormais une norme d'interdiction totale des mines antipersonnel. Elle interdit également d'assister, d'encourager ou d'inciter quiconque à s'engager dans toute activité interdite à un Etat partie à la convention. Les stocks existants doivent être détruits au plus tard quatre ans après l'entrée en vigueur de la convention.
En ce qui concerne notre pays, des mines antipersonnel terrestres n'ont été employées, depuis une vingtaine d'années, que pour protéger la base aérienne de Solenzara et le déminage de ce site militaire est achevé depuis la fin du mois dernier.
Quant à la destruction des stocks des armées, elle se poursuit normalement. Le premier marché de destruction, qui porte sur 700 000 mines, a été notifié le 22 avril 1998 aux trois sociétés retenues -AZF Demil, Formetal, Sotradex- qui ont commencé à travailler. Un deuxième marché sera passé pour la destruction du reliquat en 1999 et 2000. Le ministère de la défense surveille attentivement les travaux pour s'assurer qu'aucun résidu ne pourra être réutilisé après destruction.
En prohibant la production, le stockage, le transfert et l'emploi des mines antipersonnel, la convention d'Ottawa contribuera à enrayer leur dissémination. Toutefois, aussi longtemps que des millions de mines antipersonnel déjà posées n'auront pas été enlevées et détruites, les populations continueront à courir de graves dangers. Pour remédier à cette situation, la convention d'Ottawa impose à chaque Etat partie la destruction de toutes les mines antipersonnel dans les zones placées sous sa juridiction. La France sera très rapidement à jour.
La convention reconnaît toutefois que certains Etats pourraient avoir des difficultés à détruire toutes leurs mines antipersonnel dans le délai imparti. Ils pourront alors obtenir une prolongation, allant jusqu'à dix ans, du délai fixé et requérir l'aide technique et financière dont ils ont besoin. C'est ainsi que nous répondons actuellement aux demandes qui nous sont faites par l'Albanie, l'Egypte, le Tchad, l'Angola et les organisations internationales, tel le PNUD.
Outre le déminage, il faut déterminer la meilleure façon de répondre aux besoins des victimes des mines. A cette fin, la convention prévoit que chaque Etat partie qui est en mesure de le faire devra assister les victimes des mines.
D'autre part, un mécanisme de vérification du respect des dispositions de la convention efficace a été prévu.
La France présentera prochainement au secrétaire général des Nations Unies son rapport annuel sur les mesures prises pour respecter les dispositions de la convention. En outre, nous serons attentifs à la constitution rapide de la Commission nationale de suivi de la convention d'Ottawa. Le projet de décret est à l'étude et le Gouvernement vous tiendra informés par l'intermédiaire de votre commission de la défense.
La loi autorisant la ratification de cette convention fera de la France l'un des tout premiers Etats parties -et le premier Etat membre permanent du conseil de sécurité- à adhérer à cette norme. Cela marquera notre volonté d'aboutir à une interdiction totale et universelle.
Cette volonté nous a conduits tout récemment à préciser à l'OTAN que la France appliquera sans réserve la convention, qu'elle interdira à tout militaire français d'employer des mines antipersonnel lors d'opérations, ainsi que de planifier une opération militaire envisageant l'utilisation de telles mines. La France n'acceptera pas non plus de règles d'engagement prévoyant l'emploi de mines antipersonnel.
La dynamique instaurée par cette convention doit être entretenue : la France se joindra à tous les efforts en vue de promouvoir l'universalisation de la convention d'Ottawa. Nous continuerons à militer en faveur de l'ouverture rapide de négociations sur les mines antipersonnel à la conférence du désarmement, en vue d'obtenir d'abord des Etats encore réticents un engagement sur des objectifs précis, fussent-ils modestes.
La bonne application de la convention suppose que la France adopte un certain nombre de dispositions législatives, conformément à son article 9 : "Chaque Etat partie prend toutes les mesures, y compris l'imposition de sanctions pénales, pour prévenir et réprimer toute activité interdite, en vertu de la convention".
La proposition de loi répond à ces prescriptions.
Quelques mots, enfin, à propos des mines antichar. On pourrait décider, bien sûr, de ne plus utiliser de blindés : mais tant que cela n'est pas fait, pourquoi interdire certains éléments du combat de chars et pas les autres -missiles, hélicoptères notamment. Quand un combattant manipule une mine, il se livre à une action de combat.
Quant aux sous-munitions, elles sont concernées si elles se déclenchent au passage d'une personne. Mais si elles agissent tout de suite, elles ne sont qu'un type d'obus particulier.
S'agissant, enfin, de la proposition de loi, les quelques divergences entre l'Assemblée et le Sénat portaient sur la présentation juridique, et le Gouvernement n'est pas intervenu. Je salue la volonté d'aboutir qui s'est manifestée sur tous les bancs et au sein des deux commissions. Le vote conforme permettra une application rapide du texte. Je remercie les membres des commissions de leur travail approfondi, et les représentants des groupes de leur approbation unanime. Nous arrivons ainsi au terme d'un processus au long duquel la France n'aura cessé de tenir une place exemplaire.
(Source http://www.assemblee-nationale.fr, le 6 décembre 2001)