Texte intégral
M. de VILLEPIN - Comme vous le savez les enjeux de ce 60ème sommet, qu'il s'agisse du développement de la réforme des Nations Unies ou encore des nouvelles menaces auxquelles la communauté internationale doit faire face, sont essentiels. Il s'agit de trouver de nouvelles solutions pour être plus efficaces.
Pour nous, et c'est la position constante de la France, les Nations Unies doivent demeurer l'enceinte privilégiée de l'action et de la sécurité collective et pour cela nous nous fixons quatre grandes priorités. La première priorité c'est la lutte contre la pauvreté et pour le développement, ici même il y a cinq ans, nous nous étions rassemblés autour des objectifs du millénaire, à tiers parcours, il faut être lucide et constater que nous sommes encore loin du compte, même si les efforts considérables ont été accomplis en matière d'aide publique au développement.
La France, vous le savez, s'est engagée à porter son aide publique au développement à 0,7 % de son produit intérieur brut d'ici à 2012, l'Union européenne de son côté fournit aujourd'hui 55 %, c'est-à-dire la majeure partie de l'aide internationale. Malgré donc ces efforts, nous n'atteindrons pas les objectifs et nous avons besoin de nouveaux instruments de financement et c'était l'un des objectifs pour la France, à l'occasion de ce sommet que de soutenir de tels financements innovants, nous l'avons fait avec cinq autres pays, soutenir l'idée et la nécessité de prélèvements internationaux de solidarité. Cette démarche est d'ores et déjà soutenue par 66 pays et la liste devrait s'accroître progressivement.
Comme vous le savez, le Président de la République française, Jacques CHIRAC, a proposé de prélever une taxe sur les billets d'avion. Nous mettrons ce système en place en 2006, et nous organiserons une conférence en février de l'année prochaine sur ce sujet. Pour prendre des chiffres indicatifs, donner un ordre de grandeur, une taxe de 5 Euros sur les billets économiques et de 25 euros sur les billets de classe affaire ou de première classe permettrait de dégager dix milliards d'Euros. Donc vous voyez nous parlons de montants tout à fait considérables à l'échelle de l'aide publique au développement. Cette somme pourrait être dans notre esprit consacrée en priorité à la lutte contre le sida, tuberculose et le paludisme pour l'achat de médicaments.
Deuxième grande priorité, c'est de renforcer les outils de défense des droits de l'homme et de bonne gouvernance, c'est pourquoi la France a mis tout son poids pour la création d'un conseil des droits de l'homme qui renforcera la responsabilité des Nations Unies dans ce domaine. C'est pourquoi aussi la bonne gouvernance et la défense des libertés ont été au cur de la réunion des Chefs d'Etat et de gouvernement francophones qui s'est tenue ce matin.
Troisième priorité, c'est une lutte plus efficace contre le terrorisme, c'était le thème de la réunion d'hier du Conseil de Sécurité ? Nous avons obtenu une résolution obligeant les Etats à lutter contre les discours incitant à la haine, c'est un combat que nous menons en France de longue date puisque nous nous sommes dotés d'une législation spécifique contre les incitations à la violence, contre l'antisémitisme, contre le racisme. J'ai rappelé lors de mes différentes interventions que dans cette lutte contre le terrorisme, l'exemplarité des démocraties était selon la France la première de nos armes et nous devions donc rester fidèles en toute circonstance à ces valeurs.
Pour atteindre ces objectifs, c'est la quatrième priorité, nous devons renforcer les Nations Unies en les réformant. Ces changements, nous le savons tous, sont indispensables pour faire face aux nouvelles menaces qu'il s'agisse de la prolifération, de la criminalité organisée, du terrorisme où de la situation des Etats déchus. Changements indispensables aussi, compte tenu des grands enjeux de la planète, la lutte contre la pauvreté, les pandémies, les migrations, les problèmes d'environnement.
Compte tenu également de la nécessité de renforcer la légitimité de l'organisation et dans ce contexte, nous sommes parvenus et nous nous en réjouissons à un accord sur une déclaration finale. Les discussions ont été longues, elles ont été difficiles, mais cet accord constitue un premier pas, un pas en avant, en particulier avec la reconnaissance des financements innovants, nous y étions particulièrement attachés, avec la création d'une commission de consolidation de la paix, avec la création également d'un conseil des droits de l'homme pour succéder à la commission des droits de l'homme, avec enfin un principe très important dans les relations internationales, la responsabilité de protéger. Vous le savez, après le Cambodge, le Rwanda, la Bosnie, le Kosovo, il était important de tirer les leçons et dans la lignée de la cour pénale internationale, la reconnaissance de ce principe constitue une étape extrêmement importante. En cas de défaillance d'un Etat, il appartiendra à la communauté internationale de se substituer à cet Etat.
Au-delà, nous poursuivons nos efforts pour avancer et aller plus loin dans cette réforme des Nations Unies, avec en particulier le projet d'élargissement du Conseil de Sécurité proposé par le G4, l'enjeu de cette réforme c'est bien sûr la représentativité, donc la légitimité du Conseil de Sécurité, nous devons redoubler d'efforts pour aboutir et nous voulons le faire d'ici la fin de l'année, vous le savez.
Le deuxième projet, c'est le renforcement de la cohérence de l'action des Nations Unies, comme l'a proposé le Président de la République. Face aux risques écologiques, nous préconisons une organisation des Nations Unies pour l'environnement face à la mondialisation et à certaines de ses difficultés, nous souhaitons mettre en place une enceinte de gouvernance économique.
Voilà les grands traits et les grandes priorités que je voulais rapidement brosser devant vous avant de répondre à vos questions.
QUESTION - Hier le Président Bush a allié la lutte contre le terrorisme et la lutte contre la pauvreté, est-ce que ça vous parait être une inflexion de la politique américaine, de l'expression de ses politiques, une véritable évolution, est-ce que cela vous a surpris, est-ce que vous pensez que c'est durable ?
M. de VILLEPIN - Ce n'est pas une nouveauté dans le discours américain, donc je me réjouis de tout ce qui va dans ce sens, on ne peut pas nier le fait que dans notre planète, la pauvreté, la justice puisse alimenter le cycle de violence, donc il est très important de prendre cette question et ce sujet si difficile à la source. Ce qui est important aussi pour un pays comme la France, c'est que nous soyons conscients que la meilleure façon de lutter contre la pauvreté, de lutter en faveur du développement et bien, c'est de le faire dans un cadre multilatéral, donc dans le cadre des Nations Unies, dans le cadre des instances compétentes qui collectivement sont le plus susceptibles de nous permettre d'être efficaces. Donc vous voyez bien, il est important de progresser à la fois dans l'affirmation des principes, la réalité du constat, mais aussi dans le souci d'avancer tous ensemble pour trouver des réponses adaptées à de tels fléaux.
QUESTION - Vous avez rencontré le Président Lagos, cet après-midi ou ce matin pour la réunion de la Francophonie et vous avez également rencontré M. Hariri ce matin ou hier, avez-vous soulevé la question de l'évolution de l'enquête de milice en Syrie et aussi pourriez vous réitérer la position de la France concernant la mise en application complète de la résolution 1559, notamment le départ définitif de l'appareil militaire et agents de sécurité syriens, le désarmement de Hezbollah et la démarcation de la frontière Liban-Syrie et Liban-Israel et enfin l'initialisation des relations diplomatiques entre le Liban et la France ?
M. de VILLEPIN - C'est toute la question libanaise que vous me posez. Vous le savez, l'enquête sur l'assassinat de Rafic Hariri est menée dans le cadre de la résolution 1595 et la position de la France est bien sûr que cette enquête doit être menée jusqu'à son terme. Alors nous n'avons pas de commentaires à faire sur une commission qui est une commission indépendante, nous respectons le travail de cette commission et nous souhaitons qu'elle puisse être menée jusqu'à son terme. Mais il est tout à fait important que l'ensemble des parties puisse coopérer, coopérer pleinement avec la commission et les déclarations à la presse du Président syrien sur la coopération de son pays avec la commission doivent bien sûr dans cette perspective être suivies d'effet. Le Conseil de Sécurité examinera le rapport final de M. Mehlis, en tirera les conséquences qui s'imposent le moment venu.
Alors la France est mobilisée également pour que les objectifs de la révolution 1595 puissent être atteints. Nous serons très attentifs au rapport que remettra au Conseil de sécurité en octobre l'Envoyé spécial du Secrétaire général des Nations Unies, M. Terje Roed-Larsen. Vous le savez, le désarmement du Hezbollah, doit s'opérer dans le cadre d'un accord et d'un processus politique entre les Libanais.
Alors, seul un état consolidé, nous le savons aura les moyens de traiter la question du Hezbollah, nous devons laisser donc le temps nécessaire au Liban pour renforcer ses institutions et l'aider à avancer dans la voie de cette consolidation. C'est pourquoi, nous pensons qu'il est important d'appuyer ce processus comme nous l'avons toujours fait.
QUESTION - Sur la réforme du Conseil de sécurité que pensez vous de la proposition du Président sénégalais Wade d'accorder un siège tout de suite à l'Afrique, un siège permanent avec droit de veto, tout de suite à l'Afrique, sans attendre une réforme plus large et deuxièmement qu'attendez vous de la réunion de cet après-midi avec le Président iranien si elle a toujours lieu sur le dossier du nucléaire iranien ?
M. de VILLEPIN - Alors, en ce qui concerne la réforme du Conseil de Sécurité, vous le savez, nous soutenons les initiatives du G4, nous considérons qu'il est important que pour défendre la meilleure représentativité du Conseil de Sécurité, toute la place nécessaire puisse être faite à ces quatre nouveaux Etats et que de la même façon l'Afrique puisse également y trouver toute sa place.
Je crois qu'il faut respecter le cadre général et essayer d'apporter des réponses globales à ces questions, c'est la meilleure façon de prendre en compte au bon moment l'ensemble des demandes, l'ensemble des aspirations légitimes en ce sens.
Alors, il appartient aux pays africains, aux pays du G4, de dialoguer, de voir ensemble comment nous pourrions donner satisfaction à l'ensemble de ces Etats et je crois que c'est un processus qui va se poursuivre au cours du prochain mois et ce que nous espérons c'est bien sûr qu'un accord puisse être obtenu d'ici la fin de l'année.
En ce qui concerne la question de l'Iran que vous avez évoquée, vous le savez, l'Iran a décidé de se retirer de la négociation qui a été engagée depuis deux ans. L'Iran a repris ses activités de conversion de l'uranium. Il n'a pas répondu de manière précise et claire à l'offre ambitieuse qu'avaient fait les trois pays Européens, la France avec l'Allemagne et la Grande-Bretagne. Nous proposions une coopération dans des domaines politiques, économiques, mais aussi énergétiques dès lors que des garanties objectives seraient apportées sur le caractère pacifique des programmes de ce pays.
La priorité dans ce domaine, vous le savez, c'est le dialogue, c'est le travail qui est engagé par les différents ministres européens, dialogue que nous souhaitons poursuivre pour que l'Iran puisse revenir à la suspension de ses activités. Nous pensons qu'il y a encore place pour la négociation, pour le dialogue, et vous le savez, si les choses n'aboutissent pas, nous n'aurons pas d'autre choix que de saisir le Conseil de Sécurité. Donc, nous avons de ce point de vue, une position parfaitement claire. Le dialogue se poursuit la France, la Grande-Bretagne, l'Allemagne souhaite continuer à avancer dans cette voie du dialogue et c'est le sens des messages que nous adressons à l'Iran.
QUESTION - Je crois que vous avez rencontré ce matin le Président argentin, est-ce que vous avez évoqué cet épineux dossier du retrait de Suez d'Argentine ?
M. de VILLEPIN - Je n'ai pas rencontré ce matin le Président argentin. J'espère pouvoir le faire cet après-midi et si c'est le cas, je ne manquerai pas de vous donner des compléments d'information.
QUESTION - Est-ce que vous avez bien dit qu'un accord sur la réforme du Conseil de sécurité peut être attendu avant la fin de l'année ?
M. de VILLEPIN - C'est ce à quoi nous travaillons et nous espérons que cela sera possible. Si tout le monde travaille dans la même ligne et souhaite que nous ayons une bonne conclusion, c'est possible.
QUESTION - En ce qui concerne la taxe sur les billets d'avion, le Président Chirac a dit que si cela fonctionnait bien, il y aura d'autres types de prélèvement internationaux de solidarité. Pouvez-vous expliquer également comment cela va fonctionner les taxes sur les billets d'avions ? Les entreprises vont obtenir ce montant, quel est le pourcentage qu'elles vont garder ? Et quel type de règles en ce qui concerne le fait que les pays doivent consacrer ce montant affecté au développement par rapport à autres choses, comment faire ?
M. de VILLEPIN - Je crois que la dramatisation que vous faites ne correspond pas à la réalité de l'évolution du transport aérien mondial, qui n'a cessé de connaître une croissance, y compris une croissance de 5 % dans la dernière année. Cela veut dire que le trafic continue de s'accroître. La position qui est la nôtre c'est de dire l'effort qui a été engagé en matière d'aide publique au développement ne donne pas des résultats suffisamment rapides compte tenu des engagements internationaux que nous avons pris et compte tenu de la priorité que nous voulons donner au développement.
Dans ce contexte, il faut trouver d'autres moyens. Parmi ces moyens, nous mettons l'accent sur les financements innovants. Le Président de la République, Jacques CHIRAC, a souhaité proposer cette taxe sur les billets d'avion, cette contribution sur les billets d'avion et nous avons indiqué une taxe modique sur un billet d'avion qui pourrait être de cinq Euros pour un billet normal voire d'un peu plus pour un billet d'affaires ou un billet de première classe, permettrait d'apporter une aide très substantielle puisque j'ai cité le chiffre de dix milliards d'euros qui pourraient résulter d'une telle collecte.
Notre idée est très simple, c'est celle de la boule de neige. A partir du soutien de la France, de pays comme la Grande-Bretagne ou le Chili, d'autres pays qui, d'ores et déjà, souhaitent s'engager dans cette voie, c'est d'ouvrir une brèche, d'ouvrir à partir de là une nouvelle possibilité de financement. D'autres idées sont possibles et d'autres réflexions seront possibles dans d'autres domaines comme les échanges financiers. La voie ouverte par les Britanniques, d'une facilité financière internationale, constitue aussi une réflexion intéressante puisqu'elle viendra en appui pour faciliter tout ce qui est la vaccination, en particulier la vaccination des enfants dans les pays pauvres. Vous le voyez, il y a place pour la générosité, pour l'imagination et nous n'avons pas à nous satisfaire de ce qui existe et qui est évidemment insuffisant.
QUESTION - Pour la Syrie qui était assez présent dans les réunions bilatérales pendant votre visite, avec le Président des Etats-Unis notamment, est-ce qu'il faut isoler la Syrie ou faut-il, au contraire, la faire participer sur la question du Liban en particulier. Le moment n'est-il pas venu d'avoir un nouveau memorandum d'entente entre les Syriens et le rapport Mehlis, comme par exemple celui qui existe entre les autorités libanaises et la Commission Mehlis. Est-ce qu'il ne serait pas temps d'avoir un mémoire entre eux et les jugements, est-ce qu'on envisage la possibilité de procès en dehors du territoire concerné qu'il s'agisse du Liban ou de la Syrie ? Où en est la discussion ? De quoi parle-t-on à ce niveau ? Envisage-t-on des procès qui se dérouleront dans des pays ?
M. de VILLEPIN - La Commission Mehlis poursuit son travail dans un cadre qui est fixé par la communauté internationale, qui est celui de la résolution 1595. C'est une commission indépendante, la justice libanaise fait son travail. Il ne m'appartient pas de rentrer dans ce qui est un processus judiciaire. Ce que nous souhaitons et ce que nous affirmons, c'est la nécessité pour chacun d'apporter son concours. Donc, distinguons bien ce qui doit être distingué. Il s'agit là d'un processus judiciaire d'une bonne volonté affirmée par l'ensemble de ceux qui sont susceptibles de disposer d'informations. Donc c'est un mouvement et un processus qui doit se dérouler et de ce point de vue là, je n'ai pas de commentaires, d'appréciations ou de jugement à porter.
Pour le reste, je l'ai dit toute à l'heure pour ce qui concerne, la politique libanaise, notre souhait de voir pleinement appliquée la résolution 1559, nous souhaitons de ce point de vue là aussi que les choses puissent avancer rapidement.
QUESTION - Faut-il isoler ou faire participer la Syrie ?
M. de VILLEPIN - Non, distinguons bien. Il s'agit d'une commission indépendante. Il ne s'agit pas d'autre chose. Nous n'avons pas de commentaire à faire sur le reste sauf, une fois de plus, à renouveler notre souhait que chacun puisse apporter son concours aux bons travaux de cette commission.
QUESTION - Cette semaine, il y a eu des articles dans le Financial Times et dans le Washington Post, selon lesquels le Pentagone cherche à obtenir une autorisation pour une utilisation préventive d'arme nucléaire contre des pays où il y aurait une suspicion d'existence d'armes, dans les régions massives d'organisations terroristes. C'est une histoire ancienne. Vous avez déjà vous-même essayé d'empêcher le cas précédent. Est-ce que ceci est en contradiction avec ce qu'a dit le Président Bush qui nous a dit que c'est la pauvreté qui est la cause du terrorisme. Disons qu'il a envoyé un double message au monde. Est-ce que vous avez des commentaires ?
M. de VILLEPIN - Il est extrêmement difficile de faire des commentaires sur la base d'histoires hypothétiques. Je ne connais pas du tout la nature et la portée des indications que vous donnez. Donc j'en reste à ce qui est la position que j'ai exprimée en attendant d'éventuelles précisions.
QUESTION - Monsieur le Premier ministre, depuis votre dernier passage à l'ONU le 14 février 2003, est-ce que vous avez le sentiment que la position française que vous exprimiez alors sur la défense du multilatéralisme a marqué des points ou pas ?
M. de VILLEPIN - Vous savez c'est un combat permanent. Il ne vous a pas échappé que nous sommes dans un monde difficile, marqué par beaucoup d'insécurité, beaucoup d'instabilité, beaucoup de fragilité. Donc, le combat en faveur du multilatéralisme n'est pas gagné d'avance. Ce que je constate c'est qu'un monde qui se rassemble et qui appuie les institutions légitimes dont nous nous sommes dotés sur le plan international, c'est un monde qui avance vers plus de sécurité, vers plus de stabilité. Je crois, partout où nous regardons ces situations difficiles, ces situations de crise, force est de noter que chaque fois la communauté internationale peut traiter ces questions, s'appuyer sur des principes, mettre en place des mécanismes, eh bien sa contribution est une contribution forte.
Nous prenons le cas de l'Irak, la résolution 1546 a offert un cadre, nous allons jusqu'au bout du cadre qui a été présenté avec le référendum pour ratifier la Constitution, les élections qui se dérouleront au mois de décembre. Et puis, il faudra que la communauté internationale se penche à nouveau sur la situation de l'Irak pour tracer le nouveau cadre et le nouveau chemin. Ce qui est important, bien sûr, c'est qu'au-delà de ce que peut faire le multilatéralisme, au-delà de ce que peut faire la sécurité collective, l'engagement des Etats soit au rendez-vous. Engagement de l'ensemble des puissances, engagement, je prenais le cas de l'Irak, de toutes les puissances régionales et ça redonne une certaine actualité à une proposition française que nous avions faite, qui était celle d'une conférence régionale qui pourrait venir en appui au processus, de la même façon qu'il y a eu la conférence de Charm El-Sheikh. Il faudra peut-être réfléchir à la réactivation d'une telle conférence pour permettre justement de continuer d'avancer. Donc, c'est un travail permanent. La vie de notre communauté internationale ne s'arrête pas, les difficultés non plus.
Mais ce dont je suis sûr, c'est plus nous nous rassemblons, plus nous nous mettons ensemble, plus nous définissons des outils et des principes communs, plus nous avançons. C'est pour ça que je suis heureux de voir qu'aujourd'hui, l'idée d'un conseil des droits de l'Homme avance. Certes, je n'ignore pas que ce sera une bataille difficile que de lui donner un contenu, que d'en préciser la force et la portée de la même façon, la responsabilité de protéger. C'est une étape quand on regarde en arrière et quand on se rappelle des épreuves aussi fortes pour la communauté internationale, que le Rwanda, que le Cambodge, que le Kosovo. Nous disposerons, il nous appartient une fois de plus de lui donner toute la portée que nous souhaitons, d'un outil très important en cas d'aggravation de la situation internationale, en cas de difficulté rencontrée par un Etat avec cette nécessité pour la communauté internationale de s'y substituer le cas échéant. Donc, vous le voyez, il y a des éléments de progrès, il y a des atouts mais rien ne peut remplacer la volonté des hommes. C'est bien ce qui est au rendez-vous d'une telle assemblée comme celle de cette semaine, c'est de bien voir l'engagement que nous prenons les uns et les autres, l'engagement que prend chaque Etat. Au bout du compte, quand nous sommes mobilisés, nous avons des résultats. Quand, au contraire, la communauté internationale agit en ordre dispersé, nous en voyons aussi les conséquences. Je crois ce qui progresse derrière tout cela, au-delà des Etats, c'est la conscience internationale, la conscience des peuples. Les peuples, eux, ont compris l'importance qu'il y avait à se rassembler, à se mobiliser. Je crois que cela rien ne pourra l'arrêter.
QUESTION - Il est maintenant admis, Monsieur le Premier ministre, que les élections en Côte d'Ivoire n'auront pas lieu à la date prévue. Quelle est maintenant la prochaine étape envisagée par les Nations Unies ?
M. de VILLEPIN - Même si vous avez raison de dire qu'il y a toujours une incertitude sur la date, l'échéance essentielle dans le processus ivoirien c'est bien les élections présidentielles. C'est une étape essentielle pour la reconstruction de la Côte d'Ivoire. Nous souhaitons qu'elles soient, bien entendu, libres et transparentes. C'est au Haut représentant du Secrétaire général des Nations Unies pour les élections, Monsieur MONTEIRO, qu'il appartient de déterminer la nature et l'ampleur du report de l'échéance. Vous vous rappelez que ces élections devaient avoir lieu le 30 octobre. Il est important que le Conseil de sécurité puisse accompagner le processus en maintenant la pression sur l'ensemble des parties pour obtenir une pleine application des accords. Il faut travailler également à un processus et à un projet de réinsertion qui soit une véritable incitation au désarmement. La France entend poursuivre aux côtés des Nations Unies son action dans le cadre de l'opération Licorne et dans le cadre de ses responsabilités au Conseil de sécurité. Il est, pour nous, essentiel que ces élections aient lieu le plus rapidement possible et que toutes les parties comprennent qu'il y va de l'intérêt supérieur de la Côte d'Ivoire.
Je vous remercie.
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 3 octobre 2005)
Pour nous, et c'est la position constante de la France, les Nations Unies doivent demeurer l'enceinte privilégiée de l'action et de la sécurité collective et pour cela nous nous fixons quatre grandes priorités. La première priorité c'est la lutte contre la pauvreté et pour le développement, ici même il y a cinq ans, nous nous étions rassemblés autour des objectifs du millénaire, à tiers parcours, il faut être lucide et constater que nous sommes encore loin du compte, même si les efforts considérables ont été accomplis en matière d'aide publique au développement.
La France, vous le savez, s'est engagée à porter son aide publique au développement à 0,7 % de son produit intérieur brut d'ici à 2012, l'Union européenne de son côté fournit aujourd'hui 55 %, c'est-à-dire la majeure partie de l'aide internationale. Malgré donc ces efforts, nous n'atteindrons pas les objectifs et nous avons besoin de nouveaux instruments de financement et c'était l'un des objectifs pour la France, à l'occasion de ce sommet que de soutenir de tels financements innovants, nous l'avons fait avec cinq autres pays, soutenir l'idée et la nécessité de prélèvements internationaux de solidarité. Cette démarche est d'ores et déjà soutenue par 66 pays et la liste devrait s'accroître progressivement.
Comme vous le savez, le Président de la République française, Jacques CHIRAC, a proposé de prélever une taxe sur les billets d'avion. Nous mettrons ce système en place en 2006, et nous organiserons une conférence en février de l'année prochaine sur ce sujet. Pour prendre des chiffres indicatifs, donner un ordre de grandeur, une taxe de 5 Euros sur les billets économiques et de 25 euros sur les billets de classe affaire ou de première classe permettrait de dégager dix milliards d'Euros. Donc vous voyez nous parlons de montants tout à fait considérables à l'échelle de l'aide publique au développement. Cette somme pourrait être dans notre esprit consacrée en priorité à la lutte contre le sida, tuberculose et le paludisme pour l'achat de médicaments.
Deuxième grande priorité, c'est de renforcer les outils de défense des droits de l'homme et de bonne gouvernance, c'est pourquoi la France a mis tout son poids pour la création d'un conseil des droits de l'homme qui renforcera la responsabilité des Nations Unies dans ce domaine. C'est pourquoi aussi la bonne gouvernance et la défense des libertés ont été au cur de la réunion des Chefs d'Etat et de gouvernement francophones qui s'est tenue ce matin.
Troisième priorité, c'est une lutte plus efficace contre le terrorisme, c'était le thème de la réunion d'hier du Conseil de Sécurité ? Nous avons obtenu une résolution obligeant les Etats à lutter contre les discours incitant à la haine, c'est un combat que nous menons en France de longue date puisque nous nous sommes dotés d'une législation spécifique contre les incitations à la violence, contre l'antisémitisme, contre le racisme. J'ai rappelé lors de mes différentes interventions que dans cette lutte contre le terrorisme, l'exemplarité des démocraties était selon la France la première de nos armes et nous devions donc rester fidèles en toute circonstance à ces valeurs.
Pour atteindre ces objectifs, c'est la quatrième priorité, nous devons renforcer les Nations Unies en les réformant. Ces changements, nous le savons tous, sont indispensables pour faire face aux nouvelles menaces qu'il s'agisse de la prolifération, de la criminalité organisée, du terrorisme où de la situation des Etats déchus. Changements indispensables aussi, compte tenu des grands enjeux de la planète, la lutte contre la pauvreté, les pandémies, les migrations, les problèmes d'environnement.
Compte tenu également de la nécessité de renforcer la légitimité de l'organisation et dans ce contexte, nous sommes parvenus et nous nous en réjouissons à un accord sur une déclaration finale. Les discussions ont été longues, elles ont été difficiles, mais cet accord constitue un premier pas, un pas en avant, en particulier avec la reconnaissance des financements innovants, nous y étions particulièrement attachés, avec la création d'une commission de consolidation de la paix, avec la création également d'un conseil des droits de l'homme pour succéder à la commission des droits de l'homme, avec enfin un principe très important dans les relations internationales, la responsabilité de protéger. Vous le savez, après le Cambodge, le Rwanda, la Bosnie, le Kosovo, il était important de tirer les leçons et dans la lignée de la cour pénale internationale, la reconnaissance de ce principe constitue une étape extrêmement importante. En cas de défaillance d'un Etat, il appartiendra à la communauté internationale de se substituer à cet Etat.
Au-delà, nous poursuivons nos efforts pour avancer et aller plus loin dans cette réforme des Nations Unies, avec en particulier le projet d'élargissement du Conseil de Sécurité proposé par le G4, l'enjeu de cette réforme c'est bien sûr la représentativité, donc la légitimité du Conseil de Sécurité, nous devons redoubler d'efforts pour aboutir et nous voulons le faire d'ici la fin de l'année, vous le savez.
Le deuxième projet, c'est le renforcement de la cohérence de l'action des Nations Unies, comme l'a proposé le Président de la République. Face aux risques écologiques, nous préconisons une organisation des Nations Unies pour l'environnement face à la mondialisation et à certaines de ses difficultés, nous souhaitons mettre en place une enceinte de gouvernance économique.
Voilà les grands traits et les grandes priorités que je voulais rapidement brosser devant vous avant de répondre à vos questions.
QUESTION - Hier le Président Bush a allié la lutte contre le terrorisme et la lutte contre la pauvreté, est-ce que ça vous parait être une inflexion de la politique américaine, de l'expression de ses politiques, une véritable évolution, est-ce que cela vous a surpris, est-ce que vous pensez que c'est durable ?
M. de VILLEPIN - Ce n'est pas une nouveauté dans le discours américain, donc je me réjouis de tout ce qui va dans ce sens, on ne peut pas nier le fait que dans notre planète, la pauvreté, la justice puisse alimenter le cycle de violence, donc il est très important de prendre cette question et ce sujet si difficile à la source. Ce qui est important aussi pour un pays comme la France, c'est que nous soyons conscients que la meilleure façon de lutter contre la pauvreté, de lutter en faveur du développement et bien, c'est de le faire dans un cadre multilatéral, donc dans le cadre des Nations Unies, dans le cadre des instances compétentes qui collectivement sont le plus susceptibles de nous permettre d'être efficaces. Donc vous voyez bien, il est important de progresser à la fois dans l'affirmation des principes, la réalité du constat, mais aussi dans le souci d'avancer tous ensemble pour trouver des réponses adaptées à de tels fléaux.
QUESTION - Vous avez rencontré le Président Lagos, cet après-midi ou ce matin pour la réunion de la Francophonie et vous avez également rencontré M. Hariri ce matin ou hier, avez-vous soulevé la question de l'évolution de l'enquête de milice en Syrie et aussi pourriez vous réitérer la position de la France concernant la mise en application complète de la résolution 1559, notamment le départ définitif de l'appareil militaire et agents de sécurité syriens, le désarmement de Hezbollah et la démarcation de la frontière Liban-Syrie et Liban-Israel et enfin l'initialisation des relations diplomatiques entre le Liban et la France ?
M. de VILLEPIN - C'est toute la question libanaise que vous me posez. Vous le savez, l'enquête sur l'assassinat de Rafic Hariri est menée dans le cadre de la résolution 1595 et la position de la France est bien sûr que cette enquête doit être menée jusqu'à son terme. Alors nous n'avons pas de commentaires à faire sur une commission qui est une commission indépendante, nous respectons le travail de cette commission et nous souhaitons qu'elle puisse être menée jusqu'à son terme. Mais il est tout à fait important que l'ensemble des parties puisse coopérer, coopérer pleinement avec la commission et les déclarations à la presse du Président syrien sur la coopération de son pays avec la commission doivent bien sûr dans cette perspective être suivies d'effet. Le Conseil de Sécurité examinera le rapport final de M. Mehlis, en tirera les conséquences qui s'imposent le moment venu.
Alors la France est mobilisée également pour que les objectifs de la révolution 1595 puissent être atteints. Nous serons très attentifs au rapport que remettra au Conseil de sécurité en octobre l'Envoyé spécial du Secrétaire général des Nations Unies, M. Terje Roed-Larsen. Vous le savez, le désarmement du Hezbollah, doit s'opérer dans le cadre d'un accord et d'un processus politique entre les Libanais.
Alors, seul un état consolidé, nous le savons aura les moyens de traiter la question du Hezbollah, nous devons laisser donc le temps nécessaire au Liban pour renforcer ses institutions et l'aider à avancer dans la voie de cette consolidation. C'est pourquoi, nous pensons qu'il est important d'appuyer ce processus comme nous l'avons toujours fait.
QUESTION - Sur la réforme du Conseil de sécurité que pensez vous de la proposition du Président sénégalais Wade d'accorder un siège tout de suite à l'Afrique, un siège permanent avec droit de veto, tout de suite à l'Afrique, sans attendre une réforme plus large et deuxièmement qu'attendez vous de la réunion de cet après-midi avec le Président iranien si elle a toujours lieu sur le dossier du nucléaire iranien ?
M. de VILLEPIN - Alors, en ce qui concerne la réforme du Conseil de Sécurité, vous le savez, nous soutenons les initiatives du G4, nous considérons qu'il est important que pour défendre la meilleure représentativité du Conseil de Sécurité, toute la place nécessaire puisse être faite à ces quatre nouveaux Etats et que de la même façon l'Afrique puisse également y trouver toute sa place.
Je crois qu'il faut respecter le cadre général et essayer d'apporter des réponses globales à ces questions, c'est la meilleure façon de prendre en compte au bon moment l'ensemble des demandes, l'ensemble des aspirations légitimes en ce sens.
Alors, il appartient aux pays africains, aux pays du G4, de dialoguer, de voir ensemble comment nous pourrions donner satisfaction à l'ensemble de ces Etats et je crois que c'est un processus qui va se poursuivre au cours du prochain mois et ce que nous espérons c'est bien sûr qu'un accord puisse être obtenu d'ici la fin de l'année.
En ce qui concerne la question de l'Iran que vous avez évoquée, vous le savez, l'Iran a décidé de se retirer de la négociation qui a été engagée depuis deux ans. L'Iran a repris ses activités de conversion de l'uranium. Il n'a pas répondu de manière précise et claire à l'offre ambitieuse qu'avaient fait les trois pays Européens, la France avec l'Allemagne et la Grande-Bretagne. Nous proposions une coopération dans des domaines politiques, économiques, mais aussi énergétiques dès lors que des garanties objectives seraient apportées sur le caractère pacifique des programmes de ce pays.
La priorité dans ce domaine, vous le savez, c'est le dialogue, c'est le travail qui est engagé par les différents ministres européens, dialogue que nous souhaitons poursuivre pour que l'Iran puisse revenir à la suspension de ses activités. Nous pensons qu'il y a encore place pour la négociation, pour le dialogue, et vous le savez, si les choses n'aboutissent pas, nous n'aurons pas d'autre choix que de saisir le Conseil de Sécurité. Donc, nous avons de ce point de vue, une position parfaitement claire. Le dialogue se poursuit la France, la Grande-Bretagne, l'Allemagne souhaite continuer à avancer dans cette voie du dialogue et c'est le sens des messages que nous adressons à l'Iran.
QUESTION - Je crois que vous avez rencontré ce matin le Président argentin, est-ce que vous avez évoqué cet épineux dossier du retrait de Suez d'Argentine ?
M. de VILLEPIN - Je n'ai pas rencontré ce matin le Président argentin. J'espère pouvoir le faire cet après-midi et si c'est le cas, je ne manquerai pas de vous donner des compléments d'information.
QUESTION - Est-ce que vous avez bien dit qu'un accord sur la réforme du Conseil de sécurité peut être attendu avant la fin de l'année ?
M. de VILLEPIN - C'est ce à quoi nous travaillons et nous espérons que cela sera possible. Si tout le monde travaille dans la même ligne et souhaite que nous ayons une bonne conclusion, c'est possible.
QUESTION - En ce qui concerne la taxe sur les billets d'avion, le Président Chirac a dit que si cela fonctionnait bien, il y aura d'autres types de prélèvement internationaux de solidarité. Pouvez-vous expliquer également comment cela va fonctionner les taxes sur les billets d'avions ? Les entreprises vont obtenir ce montant, quel est le pourcentage qu'elles vont garder ? Et quel type de règles en ce qui concerne le fait que les pays doivent consacrer ce montant affecté au développement par rapport à autres choses, comment faire ?
M. de VILLEPIN - Je crois que la dramatisation que vous faites ne correspond pas à la réalité de l'évolution du transport aérien mondial, qui n'a cessé de connaître une croissance, y compris une croissance de 5 % dans la dernière année. Cela veut dire que le trafic continue de s'accroître. La position qui est la nôtre c'est de dire l'effort qui a été engagé en matière d'aide publique au développement ne donne pas des résultats suffisamment rapides compte tenu des engagements internationaux que nous avons pris et compte tenu de la priorité que nous voulons donner au développement.
Dans ce contexte, il faut trouver d'autres moyens. Parmi ces moyens, nous mettons l'accent sur les financements innovants. Le Président de la République, Jacques CHIRAC, a souhaité proposer cette taxe sur les billets d'avion, cette contribution sur les billets d'avion et nous avons indiqué une taxe modique sur un billet d'avion qui pourrait être de cinq Euros pour un billet normal voire d'un peu plus pour un billet d'affaires ou un billet de première classe, permettrait d'apporter une aide très substantielle puisque j'ai cité le chiffre de dix milliards d'euros qui pourraient résulter d'une telle collecte.
Notre idée est très simple, c'est celle de la boule de neige. A partir du soutien de la France, de pays comme la Grande-Bretagne ou le Chili, d'autres pays qui, d'ores et déjà, souhaitent s'engager dans cette voie, c'est d'ouvrir une brèche, d'ouvrir à partir de là une nouvelle possibilité de financement. D'autres idées sont possibles et d'autres réflexions seront possibles dans d'autres domaines comme les échanges financiers. La voie ouverte par les Britanniques, d'une facilité financière internationale, constitue aussi une réflexion intéressante puisqu'elle viendra en appui pour faciliter tout ce qui est la vaccination, en particulier la vaccination des enfants dans les pays pauvres. Vous le voyez, il y a place pour la générosité, pour l'imagination et nous n'avons pas à nous satisfaire de ce qui existe et qui est évidemment insuffisant.
QUESTION - Pour la Syrie qui était assez présent dans les réunions bilatérales pendant votre visite, avec le Président des Etats-Unis notamment, est-ce qu'il faut isoler la Syrie ou faut-il, au contraire, la faire participer sur la question du Liban en particulier. Le moment n'est-il pas venu d'avoir un nouveau memorandum d'entente entre les Syriens et le rapport Mehlis, comme par exemple celui qui existe entre les autorités libanaises et la Commission Mehlis. Est-ce qu'il ne serait pas temps d'avoir un mémoire entre eux et les jugements, est-ce qu'on envisage la possibilité de procès en dehors du territoire concerné qu'il s'agisse du Liban ou de la Syrie ? Où en est la discussion ? De quoi parle-t-on à ce niveau ? Envisage-t-on des procès qui se dérouleront dans des pays ?
M. de VILLEPIN - La Commission Mehlis poursuit son travail dans un cadre qui est fixé par la communauté internationale, qui est celui de la résolution 1595. C'est une commission indépendante, la justice libanaise fait son travail. Il ne m'appartient pas de rentrer dans ce qui est un processus judiciaire. Ce que nous souhaitons et ce que nous affirmons, c'est la nécessité pour chacun d'apporter son concours. Donc, distinguons bien ce qui doit être distingué. Il s'agit là d'un processus judiciaire d'une bonne volonté affirmée par l'ensemble de ceux qui sont susceptibles de disposer d'informations. Donc c'est un mouvement et un processus qui doit se dérouler et de ce point de vue là, je n'ai pas de commentaires, d'appréciations ou de jugement à porter.
Pour le reste, je l'ai dit toute à l'heure pour ce qui concerne, la politique libanaise, notre souhait de voir pleinement appliquée la résolution 1559, nous souhaitons de ce point de vue là aussi que les choses puissent avancer rapidement.
QUESTION - Faut-il isoler ou faire participer la Syrie ?
M. de VILLEPIN - Non, distinguons bien. Il s'agit d'une commission indépendante. Il ne s'agit pas d'autre chose. Nous n'avons pas de commentaire à faire sur le reste sauf, une fois de plus, à renouveler notre souhait que chacun puisse apporter son concours aux bons travaux de cette commission.
QUESTION - Cette semaine, il y a eu des articles dans le Financial Times et dans le Washington Post, selon lesquels le Pentagone cherche à obtenir une autorisation pour une utilisation préventive d'arme nucléaire contre des pays où il y aurait une suspicion d'existence d'armes, dans les régions massives d'organisations terroristes. C'est une histoire ancienne. Vous avez déjà vous-même essayé d'empêcher le cas précédent. Est-ce que ceci est en contradiction avec ce qu'a dit le Président Bush qui nous a dit que c'est la pauvreté qui est la cause du terrorisme. Disons qu'il a envoyé un double message au monde. Est-ce que vous avez des commentaires ?
M. de VILLEPIN - Il est extrêmement difficile de faire des commentaires sur la base d'histoires hypothétiques. Je ne connais pas du tout la nature et la portée des indications que vous donnez. Donc j'en reste à ce qui est la position que j'ai exprimée en attendant d'éventuelles précisions.
QUESTION - Monsieur le Premier ministre, depuis votre dernier passage à l'ONU le 14 février 2003, est-ce que vous avez le sentiment que la position française que vous exprimiez alors sur la défense du multilatéralisme a marqué des points ou pas ?
M. de VILLEPIN - Vous savez c'est un combat permanent. Il ne vous a pas échappé que nous sommes dans un monde difficile, marqué par beaucoup d'insécurité, beaucoup d'instabilité, beaucoup de fragilité. Donc, le combat en faveur du multilatéralisme n'est pas gagné d'avance. Ce que je constate c'est qu'un monde qui se rassemble et qui appuie les institutions légitimes dont nous nous sommes dotés sur le plan international, c'est un monde qui avance vers plus de sécurité, vers plus de stabilité. Je crois, partout où nous regardons ces situations difficiles, ces situations de crise, force est de noter que chaque fois la communauté internationale peut traiter ces questions, s'appuyer sur des principes, mettre en place des mécanismes, eh bien sa contribution est une contribution forte.
Nous prenons le cas de l'Irak, la résolution 1546 a offert un cadre, nous allons jusqu'au bout du cadre qui a été présenté avec le référendum pour ratifier la Constitution, les élections qui se dérouleront au mois de décembre. Et puis, il faudra que la communauté internationale se penche à nouveau sur la situation de l'Irak pour tracer le nouveau cadre et le nouveau chemin. Ce qui est important, bien sûr, c'est qu'au-delà de ce que peut faire le multilatéralisme, au-delà de ce que peut faire la sécurité collective, l'engagement des Etats soit au rendez-vous. Engagement de l'ensemble des puissances, engagement, je prenais le cas de l'Irak, de toutes les puissances régionales et ça redonne une certaine actualité à une proposition française que nous avions faite, qui était celle d'une conférence régionale qui pourrait venir en appui au processus, de la même façon qu'il y a eu la conférence de Charm El-Sheikh. Il faudra peut-être réfléchir à la réactivation d'une telle conférence pour permettre justement de continuer d'avancer. Donc, c'est un travail permanent. La vie de notre communauté internationale ne s'arrête pas, les difficultés non plus.
Mais ce dont je suis sûr, c'est plus nous nous rassemblons, plus nous nous mettons ensemble, plus nous définissons des outils et des principes communs, plus nous avançons. C'est pour ça que je suis heureux de voir qu'aujourd'hui, l'idée d'un conseil des droits de l'Homme avance. Certes, je n'ignore pas que ce sera une bataille difficile que de lui donner un contenu, que d'en préciser la force et la portée de la même façon, la responsabilité de protéger. C'est une étape quand on regarde en arrière et quand on se rappelle des épreuves aussi fortes pour la communauté internationale, que le Rwanda, que le Cambodge, que le Kosovo. Nous disposerons, il nous appartient une fois de plus de lui donner toute la portée que nous souhaitons, d'un outil très important en cas d'aggravation de la situation internationale, en cas de difficulté rencontrée par un Etat avec cette nécessité pour la communauté internationale de s'y substituer le cas échéant. Donc, vous le voyez, il y a des éléments de progrès, il y a des atouts mais rien ne peut remplacer la volonté des hommes. C'est bien ce qui est au rendez-vous d'une telle assemblée comme celle de cette semaine, c'est de bien voir l'engagement que nous prenons les uns et les autres, l'engagement que prend chaque Etat. Au bout du compte, quand nous sommes mobilisés, nous avons des résultats. Quand, au contraire, la communauté internationale agit en ordre dispersé, nous en voyons aussi les conséquences. Je crois ce qui progresse derrière tout cela, au-delà des Etats, c'est la conscience internationale, la conscience des peuples. Les peuples, eux, ont compris l'importance qu'il y avait à se rassembler, à se mobiliser. Je crois que cela rien ne pourra l'arrêter.
QUESTION - Il est maintenant admis, Monsieur le Premier ministre, que les élections en Côte d'Ivoire n'auront pas lieu à la date prévue. Quelle est maintenant la prochaine étape envisagée par les Nations Unies ?
M. de VILLEPIN - Même si vous avez raison de dire qu'il y a toujours une incertitude sur la date, l'échéance essentielle dans le processus ivoirien c'est bien les élections présidentielles. C'est une étape essentielle pour la reconstruction de la Côte d'Ivoire. Nous souhaitons qu'elles soient, bien entendu, libres et transparentes. C'est au Haut représentant du Secrétaire général des Nations Unies pour les élections, Monsieur MONTEIRO, qu'il appartient de déterminer la nature et l'ampleur du report de l'échéance. Vous vous rappelez que ces élections devaient avoir lieu le 30 octobre. Il est important que le Conseil de sécurité puisse accompagner le processus en maintenant la pression sur l'ensemble des parties pour obtenir une pleine application des accords. Il faut travailler également à un processus et à un projet de réinsertion qui soit une véritable incitation au désarmement. La France entend poursuivre aux côtés des Nations Unies son action dans le cadre de l'opération Licorne et dans le cadre de ses responsabilités au Conseil de sécurité. Il est, pour nous, essentiel que ces élections aient lieu le plus rapidement possible et que toutes les parties comprennent qu'il y va de l'intérêt supérieur de la Côte d'Ivoire.
Je vous remercie.
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 3 octobre 2005)