Texte intégral
Q- Jean-Michel Aphatie : Bonjour, Jean-Louis Borloo.
R- Jean-Louis Borloo : Bonjour.
Q- Un immeuble a brûlé, dans la nuit de jeudi à vendredi, dans le 13ème arrondissement de Paris : 17 personnes sont mortes parmi lesquelles 14 enfants. Cet immeuble était surpeuplé, vétuste, à la limite de l'insalubrité. Tout le monde le savait : on avait promis un relogement aux familles, des travaux sur l'immeuble. Rien n'a été fait. On peut parler de fatalité dans cet incendie ou la responsabilité de quelqu'un, de l'état, est-elle engagée, Jean-Louis Borloo ?
R- Vous savez, par nature, ce qui se passe sur le territoire national engage l'état quel que soit celui qui est l'opérateur. L'état ne gérait pas cet immeuble. L'état avait donné les financements pour la réhabilitation et, pour autant, vous imaginez bien qu'on considère, en dernier ressort, que c'est une responsabilité qui nous incombe.
Q- Qui incombe à qui ?
R- Qui incombe à la république et qui incombe à l'état. Le responsable de l'état se sent d'abord bouleversé et puis, en tout état de cause, il ne suffit pas de dire : "mais c'est quelqu'un d'autre qui gérait". Ça n'a strictement aucun sens. A l'extrême limite, changeons les règles si ça ne fonctionne pas.
Q- Ce n'est pas vous qui êtes en cause, Jean-Louis Borloo, mais différents ministres, depuis longtemps, avaient promis. Les promesses n'ont pas été tenues : vous avez vu comme nous ce reportage bouleversant rediffusé sur France 2, tourné le 28 avril dernier. L'une des occupantes dit : "si le feu prend dans cet escalier, on est dans la merde". Je la cite. Sa fille de 4 ans est morte vendredi. Il y a bien quelque chose, là, qui est de l'ordre de la responsabilité des décideurs, tout de même.
R- Mais c'est tout à fait évident. Les demandes de financement de réhabilitation avaient été faites, en 2003, avaient été accordées, en 2003. Et puis, et puis comme toujours quand il y a un accident, il y a une accumulation d'événements compliqués. Un contentieux d'un côté, problème de relogement de l'autre, un retard.Et le pire, je vais vous dire, on est dans un cas où les occupants de cet immeuble qui ont un droit au bail normal qui sont travailleurs, qui sont salariés, qui aident les parisiens à vivre parce que beaucoup d'entre eux travaillent la nuit ou très tôt de la nuit : donc ils font vraiment partie de la vie de la collectivité. Le tout est géré par une association au-dessus de tout soupçon. On n'est pas dans le cas des marchands de sommeil que l'on a, parfois, sur le territoire national. Donc, si vous voulez, on est dans le cas le plus - j'allais dire : le plus normal - le plus respectable des gens, des familles qui sont depuis longtemps, qui ont des enfants qui travaillent la nuit. Une association spécialiste au-dessus de tout soupçon, professionnelle : et le drame arrive. Alors, face à ça, deux choses quand même assez simples. La première, c'est que, au-delà cet accident, vous savez qu'on a une crise du logement et du logement social importante dans ce pays. Je suis très frappé de voir comment fonctionne notre société. Quand on lance le "Plan de Cohésion Sociale", l'année dernière, un des trois piliers, c'est le logement. On prévoit le doublement de la production de logements en France. A l'époque, on dit : "mais enfin, tout cet argent, ça rime à quoi !". Bref, on va passer de 40.000 à 80.000 parce qu'on était tombé à 38.000 logements sociaux par an alors qu'il faut 80.000, en 1999. La machine se remet en route. Quand, le 21 décembre, je signe avec Michel Delebarre, président de l'Union des HLM, l'engagement de la profession - en échange de contreparties de l'état - le doublement. A l'époque, ça n'avait pas, non pas, intéressé mais au fond, ému personne parce qu'on est une société qui fonctionne comme ça.
Q- On n'a pas conscience des problèmes, c'est ce que vous voulez dire ?
R- Oui, parce qu'on s'habitue aux choses. Donc, on est sur ce programme de doublement dans le cadre du "Plan de Cohésion Sociale". L'Union des HLM s'est engagée à doubler la production : on fait le point, d'ailleurs, à la fin du mois. Ca, c'est pour le fonds.On est aux deux tiers de la progression qui avait été prévue dans la profession. Jamais on a construit autant de logements que cette année, en France. Et pourtant...
Q- Les besoins sont toujours là.
R- Ça, c'est un aspect mais un aspect plus d'actualité. Si vous permettez, un deuxième aspect. J'ai demandé - j'ai eu une longue réunion hier soir avec deux personnes exceptionnelles : le président de l'ANA et un dirigeants de ces associations. Avant quatre semaines, indépendamment du dossier de logement social et de construction - sous trois, quatre semaines - ils nous fassent les propositions très pratiques, très opérationnelles, immédiates en matière de sécurité pure avec le premier problème qui est le risque d'incendie pour tous ces logements qui sont, non pas des HLM, parce qu'eux sont équipés, mais vous savez, ces logements qui accueillent des personnes à vocation sociale sans pour autant que ça soit des HLM. Alors, ça va de l'hôtel meublé à ce type d'immeuble. Est-ce qu'il faut - de meilleure urgence - supprimer lorsqu'il n'y a pas de double escalier - ce qui est souvent le cas - qu'il n'y ait plus un seul escalier en bois ? Est-ce qu'il faut qu'il y ait des portes pare-feu partout ? Des détecteurs ? Enfin, bref.
Q- Vous promettez de prendre des décisions rapidement, c'est ce que vous voulez dire ?
R- Sur ce sujet particulier de l'hôtel meublé à ces immeubles où il y a pourtant un droit au bail normal. Et puis, par ailleurs, on a eu une réunion avec le premier ministre, hier, très longue. Il annoncera jeudi des mesures très longues.
Q- Sur ce sujet ?
R- Sur ça et sur un programme national complémentaire pour l'Île-de-France. Il faut bien comprendre qu'il y a une crise sociale du logement en France partout, mais il y a un problème : Paris/Ile-de-France particulier.
Q- Justement, le "Parisien" publiait, dans son édition d'hier, la liste - en tout cas la carte - des 1.000 immeubles insalubres ou des risques identiques qu'on a connus dans le 13ème peuvent se produire. 1.000 immeubles, c'est beaucoup. C'est 100.000 personnes concernées.
R- 453.
Q- 453 immeubles. La carte du "Parisien" dit plus de 1.000 bâtiments dangereux à Paris. Et puis, Nicolas Sarkozy n'avait pas l'air de savoir qu'elle existait puisque, vendredi matin, il l'a demandée au préfet de police de Paris. Vous l'avez, vous, cette liste ?
R- Nous, on a une liste de 453. C'est là-dessus que porte l'émission d'ailleurs. Le vrai problème que nous avons, c'est Paris. Paris nous a demandés d'ailleurs, en avril dernier, d'avoir l'intégralité de la compétence. On lui a donné.
Q- Donc, c'est à la ville de Paris de se débrouiller ?
R- Non, pas du tout. Ce n'est pas ce que je veux dire. Mais la délégation, la compétence complète - parce que c'est vrai qu'il faut un pilote - et que moi, maire de Valenciennes, je suis responsable de ce qui se passe sur mon terrain. Donc, je comprends la demande du maire de Paris d'autant que Paris, c'est à la fois la ville et le département de la Seine. La ville de Paris met 860 millions d'euros sur le programme et nous leur en avons mis 560. La collaboration, le soutien de l'état à la ville de Paris, département de la Seine, est indispensable. Mais ce n'est pas suffisant : il faut fédérer l'ensemble des offres de tous les HLM de l'Île-de-France. Paris attire beaucoup et la solidarité régionale est indispensable. Nous avons une réunion dans 10 jours avec les différents protagonistes. Et puis, le premier ministre a fait une réunion hier après-midi. Il va proposer un programme d'intérêt national "Île-de-France Logement Social" en plus.
Q- Il faut aller vite pour éviter qu'une nouvelle catastrophe comme celle-là se produise.
R- Impossible que ça recommence.
Jean-Louis Borloo, ministre du Logement, était l'invité de RTL ce matin. Bonne journée.
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 29 août 2005)
R- Jean-Louis Borloo : Bonjour.
Q- Un immeuble a brûlé, dans la nuit de jeudi à vendredi, dans le 13ème arrondissement de Paris : 17 personnes sont mortes parmi lesquelles 14 enfants. Cet immeuble était surpeuplé, vétuste, à la limite de l'insalubrité. Tout le monde le savait : on avait promis un relogement aux familles, des travaux sur l'immeuble. Rien n'a été fait. On peut parler de fatalité dans cet incendie ou la responsabilité de quelqu'un, de l'état, est-elle engagée, Jean-Louis Borloo ?
R- Vous savez, par nature, ce qui se passe sur le territoire national engage l'état quel que soit celui qui est l'opérateur. L'état ne gérait pas cet immeuble. L'état avait donné les financements pour la réhabilitation et, pour autant, vous imaginez bien qu'on considère, en dernier ressort, que c'est une responsabilité qui nous incombe.
Q- Qui incombe à qui ?
R- Qui incombe à la république et qui incombe à l'état. Le responsable de l'état se sent d'abord bouleversé et puis, en tout état de cause, il ne suffit pas de dire : "mais c'est quelqu'un d'autre qui gérait". Ça n'a strictement aucun sens. A l'extrême limite, changeons les règles si ça ne fonctionne pas.
Q- Ce n'est pas vous qui êtes en cause, Jean-Louis Borloo, mais différents ministres, depuis longtemps, avaient promis. Les promesses n'ont pas été tenues : vous avez vu comme nous ce reportage bouleversant rediffusé sur France 2, tourné le 28 avril dernier. L'une des occupantes dit : "si le feu prend dans cet escalier, on est dans la merde". Je la cite. Sa fille de 4 ans est morte vendredi. Il y a bien quelque chose, là, qui est de l'ordre de la responsabilité des décideurs, tout de même.
R- Mais c'est tout à fait évident. Les demandes de financement de réhabilitation avaient été faites, en 2003, avaient été accordées, en 2003. Et puis, et puis comme toujours quand il y a un accident, il y a une accumulation d'événements compliqués. Un contentieux d'un côté, problème de relogement de l'autre, un retard.Et le pire, je vais vous dire, on est dans un cas où les occupants de cet immeuble qui ont un droit au bail normal qui sont travailleurs, qui sont salariés, qui aident les parisiens à vivre parce que beaucoup d'entre eux travaillent la nuit ou très tôt de la nuit : donc ils font vraiment partie de la vie de la collectivité. Le tout est géré par une association au-dessus de tout soupçon. On n'est pas dans le cas des marchands de sommeil que l'on a, parfois, sur le territoire national. Donc, si vous voulez, on est dans le cas le plus - j'allais dire : le plus normal - le plus respectable des gens, des familles qui sont depuis longtemps, qui ont des enfants qui travaillent la nuit. Une association spécialiste au-dessus de tout soupçon, professionnelle : et le drame arrive. Alors, face à ça, deux choses quand même assez simples. La première, c'est que, au-delà cet accident, vous savez qu'on a une crise du logement et du logement social importante dans ce pays. Je suis très frappé de voir comment fonctionne notre société. Quand on lance le "Plan de Cohésion Sociale", l'année dernière, un des trois piliers, c'est le logement. On prévoit le doublement de la production de logements en France. A l'époque, on dit : "mais enfin, tout cet argent, ça rime à quoi !". Bref, on va passer de 40.000 à 80.000 parce qu'on était tombé à 38.000 logements sociaux par an alors qu'il faut 80.000, en 1999. La machine se remet en route. Quand, le 21 décembre, je signe avec Michel Delebarre, président de l'Union des HLM, l'engagement de la profession - en échange de contreparties de l'état - le doublement. A l'époque, ça n'avait pas, non pas, intéressé mais au fond, ému personne parce qu'on est une société qui fonctionne comme ça.
Q- On n'a pas conscience des problèmes, c'est ce que vous voulez dire ?
R- Oui, parce qu'on s'habitue aux choses. Donc, on est sur ce programme de doublement dans le cadre du "Plan de Cohésion Sociale". L'Union des HLM s'est engagée à doubler la production : on fait le point, d'ailleurs, à la fin du mois. Ca, c'est pour le fonds.On est aux deux tiers de la progression qui avait été prévue dans la profession. Jamais on a construit autant de logements que cette année, en France. Et pourtant...
Q- Les besoins sont toujours là.
R- Ça, c'est un aspect mais un aspect plus d'actualité. Si vous permettez, un deuxième aspect. J'ai demandé - j'ai eu une longue réunion hier soir avec deux personnes exceptionnelles : le président de l'ANA et un dirigeants de ces associations. Avant quatre semaines, indépendamment du dossier de logement social et de construction - sous trois, quatre semaines - ils nous fassent les propositions très pratiques, très opérationnelles, immédiates en matière de sécurité pure avec le premier problème qui est le risque d'incendie pour tous ces logements qui sont, non pas des HLM, parce qu'eux sont équipés, mais vous savez, ces logements qui accueillent des personnes à vocation sociale sans pour autant que ça soit des HLM. Alors, ça va de l'hôtel meublé à ce type d'immeuble. Est-ce qu'il faut - de meilleure urgence - supprimer lorsqu'il n'y a pas de double escalier - ce qui est souvent le cas - qu'il n'y ait plus un seul escalier en bois ? Est-ce qu'il faut qu'il y ait des portes pare-feu partout ? Des détecteurs ? Enfin, bref.
Q- Vous promettez de prendre des décisions rapidement, c'est ce que vous voulez dire ?
R- Sur ce sujet particulier de l'hôtel meublé à ces immeubles où il y a pourtant un droit au bail normal. Et puis, par ailleurs, on a eu une réunion avec le premier ministre, hier, très longue. Il annoncera jeudi des mesures très longues.
Q- Sur ce sujet ?
R- Sur ça et sur un programme national complémentaire pour l'Île-de-France. Il faut bien comprendre qu'il y a une crise sociale du logement en France partout, mais il y a un problème : Paris/Ile-de-France particulier.
Q- Justement, le "Parisien" publiait, dans son édition d'hier, la liste - en tout cas la carte - des 1.000 immeubles insalubres ou des risques identiques qu'on a connus dans le 13ème peuvent se produire. 1.000 immeubles, c'est beaucoup. C'est 100.000 personnes concernées.
R- 453.
Q- 453 immeubles. La carte du "Parisien" dit plus de 1.000 bâtiments dangereux à Paris. Et puis, Nicolas Sarkozy n'avait pas l'air de savoir qu'elle existait puisque, vendredi matin, il l'a demandée au préfet de police de Paris. Vous l'avez, vous, cette liste ?
R- Nous, on a une liste de 453. C'est là-dessus que porte l'émission d'ailleurs. Le vrai problème que nous avons, c'est Paris. Paris nous a demandés d'ailleurs, en avril dernier, d'avoir l'intégralité de la compétence. On lui a donné.
Q- Donc, c'est à la ville de Paris de se débrouiller ?
R- Non, pas du tout. Ce n'est pas ce que je veux dire. Mais la délégation, la compétence complète - parce que c'est vrai qu'il faut un pilote - et que moi, maire de Valenciennes, je suis responsable de ce qui se passe sur mon terrain. Donc, je comprends la demande du maire de Paris d'autant que Paris, c'est à la fois la ville et le département de la Seine. La ville de Paris met 860 millions d'euros sur le programme et nous leur en avons mis 560. La collaboration, le soutien de l'état à la ville de Paris, département de la Seine, est indispensable. Mais ce n'est pas suffisant : il faut fédérer l'ensemble des offres de tous les HLM de l'Île-de-France. Paris attire beaucoup et la solidarité régionale est indispensable. Nous avons une réunion dans 10 jours avec les différents protagonistes. Et puis, le premier ministre a fait une réunion hier après-midi. Il va proposer un programme d'intérêt national "Île-de-France Logement Social" en plus.
Q- Il faut aller vite pour éviter qu'une nouvelle catastrophe comme celle-là se produise.
R- Impossible que ça recommence.
Jean-Louis Borloo, ministre du Logement, était l'invité de RTL ce matin. Bonne journée.
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 29 août 2005)