Texte intégral
Q - Quand la France supprimera-t-elle les restrictions pour les citoyens (travailleurs) tchèques et s'ouvrira-t-elle entièrement à eux ? Y a-t-il une chance que cela arrive déjà l'année prochaine - deux années après l'élargissement de l'Union européenne ?
R - Tout d'abord, permettez-moi de vous dire combien je suis heureux de venir dans votre pays et de rencontrer, avec Catherine Colonna, les autorités tchèques. La République tchèque est un très bel exemple de la réussite de la construction européenne, et de son élargissement.
Nous sommes particulièrement attentifs à tout ce qui peut contribuer à l'égalité de traitement entre anciens et nouveaux Etats membres ainsi qu'à la convergence économique et sociale en Europe. La perspective est claire : la liberté de circulation des salariés sera pleine et entière dans tous les Etats membres à l'échéance prévue par le Traité d'adhésion. Nous ferons tout ce que nous pourrons pour accélérer cette perspective, en particulier en ce qui concerne la République tchèque. Mais il est dans l'intérêt de tous que nous prenions en compte le niveau du chômage dans nos pays. J'ai bien conscience de l'importance politique de ce sujet en République tchèque, tout comme en France, et je peux vous assurer que nous avons un dialogue étroit avec le gouvernement tchèque à ce sujet.
Q - L'Union européenne se trouve dans une crise après les référendums sur la Constitution européenne en France et aux Pays-Bas. Pensez-vous que l'Union européenne est capable de surmonter cette crise ? Que veut faire la France maintenant avec cela ? Pouvez-vous imaginer par exemple un nouveau référendum en France sur la Constitution ? Quand ?
R - Je suis certain que l'Union européenne en sortira renforcée, mais il est urgent d'apporter une réponse aux attentes légitimes exprimées par les citoyens : celle d'un projet politique clair et concret. Les Français n'ont pas, le 29 mai, rejeté l'Europe mais ont exprimé leurs craintes quant à son évolution. Nous devons en tenir compte et prendre le temps de conduire une réflexion et un débat approfondis pour préparer la poursuite du processus d'intégration de l'Union élargie.
Mettre l'accent sur le développement de projets concrets renforçant le dynamisme économique et de la capacité d'innovation de l'Union européenne ainsi que de la réforme et l'adaptation des politiques communes dans le sens d'une meilleure efficacité au service d'une Union dynamique, compétitive et solidaire, constitue la priorité. Le dialogue avec les nouveaux Etats membres est crucial à cet égard. En République tchèque, j'ai conscience d'être dans un pays profondément européen et suis convaincu que notre excellente coopération franco-tchèque contribuera à conduire l'Union dans la bonne direction.
Q - Pour l'année 2007 deux élections sont prévues en France - les législatives et les présidentielles. Ne craignez-vous pas que la lutte préélectorale puisse influencer négativement le débat et la politique de votre pays dans les affaires européennes ?
R - Je crois au contraire que les échéances électorales sont une occasion privilégiée pour débattre des enjeux au fond, et notamment du projet européen car l'Europe a besoin, plus que jamais, d'un projet politique. Permettez-moi de vous redire que je suis convaincu que le vote des Français lors du référendum du 29 mai dernier sur le traité constitutionnel ne signifie pas que les Français veulent renoncer à l'Europe, mais qu'ils veulent au contraire que l'Europe leur dise clairement où elle va. Les responsables européens doivent porter une vision claire et politique de l'avenir de l'Union et nourrir l'attente que les citoyens expriment à son égard.
Q - Dans le public français il y a une grande résistance contre l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne. Quelle est et quelle sera la politique officielle de la France dans cette affaire ? Etes-vous d'accord avec l'idée que la Turquie ne devrait pas être membre de l'Union européenne mais qu'on devrait lui offrir seulement un partenariat privilégié ?
R - Comme l'avait décidé le Conseil européen de décembre 2004, des négociations d'adhésion viennent de s'ouvrir avec la Turquie le 3 octobre. Il s'agit du début d'un processus long et difficile, dont l'issue est par nature ouverte. Si ce processus aboutit à un projet de traité d'adhésion de la Turquie à l'Union européenne, les Français, comme le prévoit notre Constitution, seront appelés à se prononcer par référendum sur cette question. L'Europe ne peut se faire sans les peuples et nous avons besoin du soutien des citoyens européens pour poursuivre l'élargissement. En toute hypothèse, en ouvrant les négociations avec la Turquie, l'Union lui donne la possibilité de se réformer en profondeur et de prouver ainsi aux Etats membres et à leurs citoyens qu'elle aura un jour la capacité de partager, d'une façon ou d'une autre, le projet européen.
Q - Comment appréciez-vous la situation actuelle en Irak ? Plus de deux années après l'invasion militaire, la situation est très dangereuse. Où voyez-vous une solution ?
R - La situation irakienne est préoccupante : la sécurité n'y est pas assurée, les différentes communautés se divisent dangereusement. A cet égard, il est essentiel que l'ensemble des Irakiens se prononcent sur le projet de Constitution qui sera soumis à référendum. Les autorités irakiennes doivent susciter un véritable dialogue national, afin de rejeter l'engrenage de la violence et construire un consensus sur l'avenir du pays entre toutes les composantes de la société irakienne.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 14 octobre 2005)