Interview de M. Christian Jacob, ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat, des professions libérales et de la consommation, dans "Valeurs actuelles" le 11 avril 2005, sur les principaux axes du projet de loi sur les PME : financement, statut de l'entrepreneur, transmission de l'entreprise, simplifications administratives, politique des prix.

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Média : Valeurs actuelles

Texte intégral

Votre loi sur les PME est enfin prête. Quelle est selon vous son originalité ?
Tout d'abord, sa méthode de préparation. J'ai mis en place en juin dernier des groupes de travail composés uniquement de chefs d'entreprise et de représentants du monde de l'entreprise, des chambres de commerce, des chambres de métiers, du Medef, de la CGPME, etc., ainsi que de quelques parlementaires. Leur travail a duré plus de trois mois et a permis de sortir deux rapports contenant quarante propositions. Nous en avons retenu vingt-cinq, dont dix propositions phares, toutes issues des besoins exprimés par les professionnels. Cette méthode nous a permis d'être concrets et pragmatiques. La première originalité de la loi, c'est que ses dispositions émanent du monde professionnel.
Donc, des dispositions claires et véritablement utiles aux entreprises...
Nous l'espérons. Notre projet comporte deux volets. L'un concerne directement les PME, l'autre traite du code de commerce, les deux sous-tendus par la volonté d'aider les petites entreprises à grandir et à créer des emplois.
Quels sont les axes principaux de votre projet de loi concernant directement les PME ?
Il y en a quatre. Le projet comporte des mesures destinées à faciliter le financement des PME, à conforter les statuts des entrepreneurs et de leurs conjoints, à transmettre leur entreprise dans les meilleures conditions possibles et à leur simplifier les démarches administratives. Par exemple, les entreprises pourront constituer une provision pour investissement, défiscalisée et plafonnée à 15 000 euros. Les dons familiaux pour la création ou la reprise d'entreprise pourront être effectués en franchise d'impôt jusqu'à 30 000 euros. Une mesure cumulable avec les 30 000 euros déjà prévus par la loi de finances pour les donations familiales.
Et pour le statut de l'entrepreneur ?
Deux dispositions importantes : désormais, pour les artisans, les commerçants, mais aussi pour les professions libérales, le conjoint qui participe à la marche de l'entreprise bénéficiera du statut de conjoint collaborateur qui lui ouvrira le droit à une retraite. Nous créons aussi, un peu sur le modèle de ce qui se pratique déjà chez les avocats, le statut de collaborateur libéral. Ceci permettra, par exemple, à un chirurgien-dentiste de mettre son fauteuil, quand il ne l'utilise pas, à la disposition d'un jeune qui sort de formation et qui n'a pas encore les moyens de s'installer. Tous deux y gagneront : l'un rentabilisera son équipement tandis que l'autre commencera à se constituer une clientèle, cela sans lien de subordination avec son aîné.
Vous voulez aussi aider la transmission...
C'est essentiel pour pérenniser les entreprises. Nous proposons de passer l'abattement sur les transmissions-donations en pleine propriété de 50 % à 75 % de la valeur de l'entreprise. Et - c'est une grande nouveauté - nous créons un abattement identique sur la réserve d'usufruit. Cela permet d'étaler dans le temps la cession et pour le chef d'entreprise d'accompagner son repreneur.
Sans plafond ?
Sans plafond. Dans le domaine de la transmission nous allons aussi mettre en place le tutorat. Un chef d'entreprise qui aura passé la main pourra accompagner son successeur en cumulant sa pension de retraite et un salaire, dans la limite, bien sûr, de sa rémunération lorsqu'il était en activité. Par ailleurs, la prime à la transmission accompagnée, qui concerne environ 4 000 commerçants cessant leur activité sans trouver de repreneur, sera renforcé pour ceux qui trouvent un repreneur. Ce qui diminuera d'autant leurs frais de cession de fonds.
Je tiens aussi à souligner, en matière de simplification, le lancement du chèque emploi TPE (très petites entreprises) : un seul document de cinq lignes se substituera à la déclaration préalable d'embauche, au contrat de travail, au bulletin de paye et au titre de paiement. Nous allons encore plus loin que le chèque emploi service !
Rien sur l'ISF ?
Rien pour l'instant.
En ce qui concerne le grand commerce, avez-vous abandonné l'idée de faire baisser les prix ?
Non. Mais mon approche est d'abord celle du pouvoir d'achat. Le pouvoir d'achat passe par un salaire et pour avoir un salaire il faut avoir un emploi. Si une guerre des prix se traduisait par des pertes d'emplois dans les PME, tout le monde y perdrait. C'est pourquoi le volet de la loi qui concerne le code de commerce vise avant tout à rétablir un meilleur équilibre entre fournisseurs et distributeurs. Ce qui peut se traduire par une baisse des prix, à condition que les distributeurs acceptent de baisser leurs marges.
Cet équilibre se traduira-t-il par une remise en question des " marges arrière " ?
Par un encadrement et une définition plus précise de la coopération commerciale payée par les fournisseurs ; désormais celle-ci devra être détaillée dans les contrats et la charge de la preuve sera renversée. Les fournisseurs n'ont pas les moyens de faire valoir leurs droits et ne peuvent porter plainte au risque de se voir " déréférencer ". Ce sont les contrôleurs de la DGCCRF (direction de la concurrence) qui demanderont au distributeur de justifier des engagements pris vis-à-vis des fournisseurs et d'apporter la preuve de leur respect. Ils disposeront en cas d'infraction d'un pouvoir de sanction immédiat. Si le distributeur fautif n'accepte pas la transaction proposée par le contrôleur, il passera devant le juge, qui prononcera une peine pouvant atteindre 75 000 euros.
Donc, les marges arrière sont maintenues mais réglementées
Oui, mais elles seront limitées à 20 %, contre une moyenne de 35 % aujourd'hui. Par ailleurs, toutes les techniques de promotion, si complexes qu'elles étaient devenues incompréhensibles et aboutissaient à faire payer des fournisseurs pour mettre en avant les produits d'autres fournisseurs, seront mieux encadrées. Nous allons aussi réglementer les accords de gamme pour éviter que de grands groupes ne monopolisent des rayons entiers au détriment de fournisseurs moins puissants.
Tout est donc fait pour favoriser les fournisseurs par rapport aux distributeurs ?
La logique, c'est de favoriser le secteur des PME, qui représente 60 % de l'emploi salarié en France. Cette loi s'inscrit d'ailleurs dans un plan d'ensemble, qui comportera d'autres mesures dans la loi de finances mais aussi des dispositions à caractère réglementaire. Dans le même esprit, nous venons de lancer un plan pour la redynamisation du commerce en centre-ville et, bientôt, une charte d'accueil des chefs d'entreprise dans les banques.
Quand espérez-vous que votre loi sera applicable ?
Avant la fin de l'année. Dès qu'elle aura été votée, avant l'été, je compte mettre en place des groupes de travail pour que puissent être très rapidement pris les décrets d'application. Il ne faut pas traîner.
Propos recueillis par David Victoroff et Michel Kempinski.
(Source http://www.PME.gouv.fr, le 12 mai 2005)