Texte intégral
La France agricole : Quand et comment les négociations sur l'agriculture vont-elles reprendre à l'OMC ?
* François Huwart : Elles commencent le 23 mars à Genève. Mais dans la mesure où il n'y a pas eu de lancement d'un cycle de négociations global à Seattle, elles reprendront à leur rythme, c'est-à-dire qu'il n'y pas de calendrier contraignant. Nous n'avons pas l'intention de donner une sorte d'acompte agricole préalable au démarrage d'un nouveau cycle. Nous n'allons pas discuter, à nouveau, sur la base des textes de Seattle, car nous n'acceptons ni la formule d'élimination des restitutions, ni la remise en cause de la spécificité de l'agriculture. De plus, les choses n'étaient pas suffisamment claires au sujet de la multifonctionnalité.
Allez-vous bloquer les négociations en attendant un nouveau cycle ?
* Notre priorité va au lancement d'un nouveau cycle. Mais nous nous sommes engagés à reprendre les négociations agricoles en 2000 sur la base de l'article 20 de l'accord sur l'agriculture conclu à Marrakech en 1994. Celui-ci vise à poursuivre la réduction progressive des soutiens. L'Agenda 2000, qui est le socle de la position européenne, a déjà pris en compte cet engagement. Enfin, parlons de tout et pas seulement des subventions à l'exportation européennes, mais aussi de celles pratiquées par d'autres, et notamment les Etats-Unis. Ce pays finance son agriculture plus largement que ne le fait l'Union européenne. Nous sommes attachés à la vocation exportatrice de notre agriculture et à sa multifonctionnalité qui prend en compte sa dimension environnementale et d'aménagement du territoire.
Les aides américaines peuvent-elles être remises en cause à l'OMC ?
* Si les Etats-Unis restent en dessous de leurs engagements, ces aides ne sont pas attaquables. Mais lorsqu'on veut la transparence du marché, la moindre des choses est de tout mettre sur la table. Et là on voit bien que les aides alimentaires américaines ou le marketing loan sont des soutiens peu transparents.
Est-ce un atout supplémentaire pour l'Europe ?
* Incontestablement, c'est un élément très utile. On ne peut pas à la fois vouloir que l'accès aux marchés agricoles soit complètement libéralisé, et en même temps aider toujours plus ses agriculteurs.
Quels pourraient être les alliés de l'Europe dans la négociation ?
* Le groupe des amis de la multifonctionnalité, comme le Japon, la Corée, la Norvège, la Suisse ou bien encore les pays de l'Est de l'Europe.
Ça ne fait pas beaucoup ?
* Ce n'est pas négligeable. Et je crois beaucoup à la force de conviction, d'autant plus, qu'outre les alliés et les adversaires, il y a beaucoup d'Etats membres de l'OMC qui sont neutres sur la question.
La clause de paix qui expire fin 2003 est-elle une contrainte inéluctable ?
* Notre ambition est qu'un cycle soit lancé avant. Je ne veux pas séparer les négociations qui s'engagent à Genève de la perspective d'un nouveau cycle. De plus, les Etats-Unis vont mettre en place un nouveau Farm Bill. Il est donc trop tôt pour se prononcer sur la contrainte que constituera l'expiration de la clause de paix dans quatre ans...
Quelles peuvent être les conséquences sur les aides directes, les quotas laitiers ou les restitutions ?
* Le processus de libéralisation ne doit pas entraîner une baisse du revenu des agriculteurs. Nous serons bien sûr très vigilants s'il devait y avoir pour conséquence une augmentation de la jachère. Nous souhaitons que des agricultures comme celle des Etats-Unis concourent également à une stabilisation des prix mondiaux, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Par ailleurs, j'ai conscience des risques d'une réduction rapide des restitutions à l'exportation. Ce n'est pas ce que nous souhaitons faire.
Allons-nous vers une banalisation du traitement de l'agriculture ?
* Non. Justement pas. A l'OMC, nous voulons que se confirme le traitement spécifique de l'agriculture. Des questions non commerciales comme la sécurité sanitaire et alimentaire seront demain des sujets très importants. A Montréal, il y a eu une première reconnaissance du principe de précaution dans le protocole biodiversité.
Quel est le poids de l'accord de Montréal face à l'OMC ?
* Ce qui pèse, c'est qu'un certain nombre d'idées font leur chemin, pays par pays. Par exemple, l'opinion américaine évolue sur le principe de précaution et sur la question des OGM. Ce qu'expriment les consommateurs sur ces questions est pris en compte par les marchés. Demain, ces préoccupations auront de plus en plus d'importance. Dans les cycles précédents on discutait de l'agriculture du simple point de vue de l'accès au marché. Aujourd'hui, nous sommes passés à une problématique diversifiée qui prend en compte bien d'autres paramètres non commerciaux. Et c'est plutôt à l'avantage de notre modèle agricole.
Les gens dans la rue, est-ce un atout pour la France à l'OMC ?
* Le rôle des gouvernements est de savoir écouter pour être plus légitimes. Le mieux est donc d'assurer une concertation permanente, comme je l'ai fait avant Seattle et sur place lors de la conférence ministérielle. Le 2 mars je vais reprendre cette concertation avec la société civile pour faire le point sur l'OMC. L'agriculture est très importante à nos yeux. Ce n'est pas un secteur que l'on brade, ce n'est pas une monnaie d'échange.
Propos recueillis par Michel Collonge et Yvon Herry
(source http://www.commerce-exterieur.gouv.fr, le 10 avril 2000)
* François Huwart : Elles commencent le 23 mars à Genève. Mais dans la mesure où il n'y a pas eu de lancement d'un cycle de négociations global à Seattle, elles reprendront à leur rythme, c'est-à-dire qu'il n'y pas de calendrier contraignant. Nous n'avons pas l'intention de donner une sorte d'acompte agricole préalable au démarrage d'un nouveau cycle. Nous n'allons pas discuter, à nouveau, sur la base des textes de Seattle, car nous n'acceptons ni la formule d'élimination des restitutions, ni la remise en cause de la spécificité de l'agriculture. De plus, les choses n'étaient pas suffisamment claires au sujet de la multifonctionnalité.
Allez-vous bloquer les négociations en attendant un nouveau cycle ?
* Notre priorité va au lancement d'un nouveau cycle. Mais nous nous sommes engagés à reprendre les négociations agricoles en 2000 sur la base de l'article 20 de l'accord sur l'agriculture conclu à Marrakech en 1994. Celui-ci vise à poursuivre la réduction progressive des soutiens. L'Agenda 2000, qui est le socle de la position européenne, a déjà pris en compte cet engagement. Enfin, parlons de tout et pas seulement des subventions à l'exportation européennes, mais aussi de celles pratiquées par d'autres, et notamment les Etats-Unis. Ce pays finance son agriculture plus largement que ne le fait l'Union européenne. Nous sommes attachés à la vocation exportatrice de notre agriculture et à sa multifonctionnalité qui prend en compte sa dimension environnementale et d'aménagement du territoire.
Les aides américaines peuvent-elles être remises en cause à l'OMC ?
* Si les Etats-Unis restent en dessous de leurs engagements, ces aides ne sont pas attaquables. Mais lorsqu'on veut la transparence du marché, la moindre des choses est de tout mettre sur la table. Et là on voit bien que les aides alimentaires américaines ou le marketing loan sont des soutiens peu transparents.
Est-ce un atout supplémentaire pour l'Europe ?
* Incontestablement, c'est un élément très utile. On ne peut pas à la fois vouloir que l'accès aux marchés agricoles soit complètement libéralisé, et en même temps aider toujours plus ses agriculteurs.
Quels pourraient être les alliés de l'Europe dans la négociation ?
* Le groupe des amis de la multifonctionnalité, comme le Japon, la Corée, la Norvège, la Suisse ou bien encore les pays de l'Est de l'Europe.
Ça ne fait pas beaucoup ?
* Ce n'est pas négligeable. Et je crois beaucoup à la force de conviction, d'autant plus, qu'outre les alliés et les adversaires, il y a beaucoup d'Etats membres de l'OMC qui sont neutres sur la question.
La clause de paix qui expire fin 2003 est-elle une contrainte inéluctable ?
* Notre ambition est qu'un cycle soit lancé avant. Je ne veux pas séparer les négociations qui s'engagent à Genève de la perspective d'un nouveau cycle. De plus, les Etats-Unis vont mettre en place un nouveau Farm Bill. Il est donc trop tôt pour se prononcer sur la contrainte que constituera l'expiration de la clause de paix dans quatre ans...
Quelles peuvent être les conséquences sur les aides directes, les quotas laitiers ou les restitutions ?
* Le processus de libéralisation ne doit pas entraîner une baisse du revenu des agriculteurs. Nous serons bien sûr très vigilants s'il devait y avoir pour conséquence une augmentation de la jachère. Nous souhaitons que des agricultures comme celle des Etats-Unis concourent également à une stabilisation des prix mondiaux, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Par ailleurs, j'ai conscience des risques d'une réduction rapide des restitutions à l'exportation. Ce n'est pas ce que nous souhaitons faire.
Allons-nous vers une banalisation du traitement de l'agriculture ?
* Non. Justement pas. A l'OMC, nous voulons que se confirme le traitement spécifique de l'agriculture. Des questions non commerciales comme la sécurité sanitaire et alimentaire seront demain des sujets très importants. A Montréal, il y a eu une première reconnaissance du principe de précaution dans le protocole biodiversité.
Quel est le poids de l'accord de Montréal face à l'OMC ?
* Ce qui pèse, c'est qu'un certain nombre d'idées font leur chemin, pays par pays. Par exemple, l'opinion américaine évolue sur le principe de précaution et sur la question des OGM. Ce qu'expriment les consommateurs sur ces questions est pris en compte par les marchés. Demain, ces préoccupations auront de plus en plus d'importance. Dans les cycles précédents on discutait de l'agriculture du simple point de vue de l'accès au marché. Aujourd'hui, nous sommes passés à une problématique diversifiée qui prend en compte bien d'autres paramètres non commerciaux. Et c'est plutôt à l'avantage de notre modèle agricole.
Les gens dans la rue, est-ce un atout pour la France à l'OMC ?
* Le rôle des gouvernements est de savoir écouter pour être plus légitimes. Le mieux est donc d'assurer une concertation permanente, comme je l'ai fait avant Seattle et sur place lors de la conférence ministérielle. Le 2 mars je vais reprendre cette concertation avec la société civile pour faire le point sur l'OMC. L'agriculture est très importante à nos yeux. Ce n'est pas un secteur que l'on brade, ce n'est pas une monnaie d'échange.
Propos recueillis par Michel Collonge et Yvon Herry
(source http://www.commerce-exterieur.gouv.fr, le 10 avril 2000)