Texte intégral
Mesdames, Messieurs,
Permettez-moi, tout d'abord, de vous exprimer le plaisir qui est le mien, de clôturer vos travaux. Ces deux jours sont en effet une étape importante de la réflexion politique et juridique qui sert de cadre à la construction européenne depuis l'adoption du Traité d'Amsterdam en 1997.
Il va sans dire aussi que c'est un moment essentiel de la présidence française dans la mesure où ce séminaire permet à la France de proposer une réflexion sur une vision à la fois cohérente et volontariste de la politique d'intégration des étrangers, susceptible d'être partagée par l'ensemble des Etats membres. Cette politique européenne concerne des étrangers installés régulièrement et de longue date dans nos pays, sans pour autant bénéficier du principe de libre circulation et d'installation reconnu aux seuls citoyens de l'Union ainsi qu'aux membres de leur famille.
Ces deux journées, organisées conjointement par le ministère de l'emploi et de la solidarité et le ministère de l'intérieur avec le soutien de la Commission européenne, s'inscrivent dans la droite ligne des conclusions du Conseil européen de Tampere qui a entendu mettre en exergue un certain nombre de priorités politiques dont il revient aux institutions communautaires d'assurer la mise en oeuvre et la traduction en termes juridiques.
Le développement économique, la croissance et l'espace de paix, de liberté et de sécurité que représente l'Europe, renforcent l'attraction de nos Etats pour des populations moins favorisées, souvent éprouvées par l'instabilité économique ou politique de leur pays d'origine.
L'Europe est aujourd'hui plus que jamais une terre d'immigration, soumise à des flux de plus en plus importants et à des trafics de clandestins de plus en plus soutenus. Il est donc nécessaire que des moyens de lutte efficaces contre l'immigration clandestine et les trafics odieux organisés par de véritables filières de " passeurs " soient mobilisés pour leur faire échec au niveau européen. Mais, parallèlement, les étrangers en situation régulière doivent bénéficier d'une possibilité d'intégration rapide et protectrice.
Pour atteindre cet objectif d'équilibre, nous devons d'abord confronter ces modèles nationaux d'intégration des étrangers qu'ont éclairés des recherches comme celles d'Emmanuel TODD sur " le destin des immigrés ". Ensuite, la convergence de nos législations nationales doit être recherchée de manière volontaire et globale. Pour ce faire, les conclusions de Tampere ont fixé quatre objectifs qui doivent être suivis de manière concomitante :
Le développement des pays d'origine ;
Le respect absolu du droit d'asile ;
L'intégration des ressortissants de pays tiers régulièrement installés ;
La maîtrise des flux migratoires.
Si ces quatre sujets sont inscrits dans le programme de travail de la présidence française de l'Union, le troisième touche directement la question qui vous a mobilisés pendant ce séminaire et sur laquelle la Commission a l'intention de faire des propositions au Conseil, notamment en matière d'harmonisation des titres de séjour.
Sur tous ces points, et s'agissant de la question de l'intégration des étrangers, il ressort clairement que, si les législations nationales présentent des spécificités propres aux différentes traditions juridiques existant en Europe, elles partagent toutefois de nombreux points de convergence, notamment, une prise en compte commune de l'ancienneté et de l'intensité des liens établis sur le territoire d'accueil.
De ce fait, un rapprochement de nos manières de faire n'est pas un pari impossible, mais bien une chance à saisir pour donner à l'Union européenne sur ce terrain de l'immigration, sujet juridiquement complexe et humainement sensible, les moyens d'une action réaliste, respectueuse des droits et de la dignité de chacun, résolue en terme d'intégration des résidents de longue durée.
C'est aussi l'occasion d'être plus ambitieux en s'engageant sur des voies nouvelles, ouvertes par le traité d'Amsterdam :
Telle que la définition d'un statut, proche du statut actuel des ressortissants d'Etats membres, pour pérenniser les droits des ressortissants d'Etats tiers résidents de longue durée ;
Telle que la possibilité de s'installer dans un autre Etat membre, de participer à la vie de la cité ;
Telle qu'un accès facilité à la nationalité d'un Etat membre, et par là même, à la citoyenneté de l'Union européenne.
Parce que ces questions sont essentielles, la recherche d'une harmonisation du traitement des résidents de longue durée, objet de ce séminaire , revêt un intérêt fondamental.
Ce traitement équitable et non discriminant des résidents de longue durée passerait par la reconnaissance d'un mode uniforme d'acquisition d'un statut protecteur (I), et par un consensus sur le contenu des droits attachés à ce statut (II). Ce sont ces deux points que je souhaite développer successivement .
I° ] EN CE QUI CONCERNE LA DEFINITION COMMUNE D'UN ACCES AU STATUT
Cette définition reposerait sur un mode d'accès uniforme au statut de résident de longue durée. Un dénominateur commun serait celui d'une présence préalable de l'étranger qui garantit une certaine forme d'intégration.
Cette présence s'inscrit dans la durée, car il ne saurait y avoir de réelle intégration en l'absence de liens suffisamment stables car ancrés dans la durée avec l'Etat d'accueil. Il semble, d'ailleurs, ressortir de l'enquête réalisée par l'Université de Nimègue et qui vous a été présentée hier matin, qu'un consensus pourrait être dégagé sur une durée de cinq ans.
De la même façon, un critère alternatif pourrait être mis en évidence, celui tiré des liens personnels et familiaux dans le pays d'accueil, au sens de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme. Là encore, il s'agirait de prendre en compte les divers liens affectifs et sociaux que l'étranger a pu nouer dans le pays d'accueil, dans la mesure où l'importance de ces attaches constitue manifestement un gage d'intégration. Ces principes ne sont-ils pas, d'ailleurs, à la base du projet de directive de la Commission sur le regroupement familial qui est actuellement examiné par les groupes de travail du Conseil, et dont je souhaite l'adoption rapide.
Hormis ces hypothèses, il serait bon d'introduire un peu de souplesse dans les modes d'acquisition du statut de résident de longue durée, en permettant à un Etat de reconnaître un tel statut à d'autre personnes en fonction de la stabilité de l'insertion économique et sociale des intéressés.
Une fois ces modalités d'accès unifiées, les droits attachés au statut devraient, eux aussi, être harmonisés.
II °] CE STATUT SERAIT AINSI A LA FOIS PROTECTEUR ET PROMOTEUR DE L'EXERCICE DE DROITS ET LIBERTES
Il m'apparaît que les droits attachés au statut pourraient être rangés en deux catégories : des droits de protection, en reconnaissance de la volonté d'intégration de son bénéficiaire, et des droits de promotion, ouvrant l'accès aux droits sociaux et au delà à une participation à la vie de la cité.
-1- Un statut de protection
Le statut dont bénéficierait le résident de longue durée devrait d'abord être un statut protecteur, garantissant un séjour durable voire permanent, comme c'est déjà le cas dans 13 Etats membres. Bien évidemment, une énumération limitative des cas possibles de non renouvellement serait une garantie supplémentaire, gage de l'éviction de tout arbitraire.
Enfin, le statut emporterait aussi une protection contre l'expulsion, qui ne pourrait intervenir que dans des cas circonscrits à des atteintes graves à l'ordre public.
-2- Un statut de promotion d'accès aux droits et libertés.
Au delà de sa volonté protectrice, ce statut nouveau, offert à l'étranger intégré en Europe, devrait être positif en ce sens qu'il ouvrirait l'accès à un certain nombre de droits et de libertés.
Ainsi, un accès garanti et uniforme aux droits sociaux, à égalité avec les nationaux, serait le ciment d'une Europe plus solidaire proposée aux résidents de longue durée. Le droit à se faire rejoindre par sa famille, le droit au travail (sans autorisation préalable, ni remise en cause a posteriori en raison d'aléas économiques), le droit à la formation professionnelle, le droit à une protection sociale et à l'assistance sociale afin de constituer un rempart contre les risques d'exclusion et de marginalisation, le droit à l'éducation et au logement seraient le contenu incontournable d'un statut équitable et non discriminant. Je suis certain que vos travaux constituent sur ces points, des contributions essentielles au débat qui va avoir lieu.
En revanche, se pose la question de l'accès à d'autres droits, dont l'exercice était jusqu'alors réservé aux seuls ressortissants d'Etats membres. C'est à cette question que le débat européen devra apporter une réponse.
Et c'est aussi sur cette question que, je n'en doute pas, vos réflexions ont là encore été riches et constructives, et qu'elles permettront d'avancer sur le contenu même de ces droits.
Permettez moi d'énumérer quelques uns des grands aspects de cette question, qui je le sais, ne vous ont pas laissés insensibles et sur lesquels les travaux européens devront être volontaristes.
Le premier de ces droits est sans doute celui du séjour, et de l'installation. Parlant de l'intégration des étrangers, nous parlons de l'immigration, c'est-à-dire de l'installation, non de la simple circulation des étrangers qui est règlée notamment par les accords de Schengen.
Le processus d'intégration est une affaire de chaque société d'accueil, dont, dans l'Union européenne, de chaque Etat membre. Mais, une fois l'intégration faite - dans notre hypothèse après cinq ans de séjour - le titre de long séjour qui le constate et l'atteste doit donner, alors, des droits au séjour semblables à ceux des ressortissants communautaires, donc valables aussi dans l'ensemble des Etats membres.
Cela serait l'aboutissement d'une démarche, certes très ambitieuse, mais qui reposerait sur un postulat simple : La reconnaissance par un Etat de la réalisation d'une intégration préalable offrirait, en quelque sorte, un passeport pour l'Europe tout entière. Ce serait donner tout son sens à un statut unique du résident de longue durée en Europe et ce serait sans nul doute la promotion d'un principe européen d'intégration.
Vient, ensuite, la question du droit de participer à la vie sociale et d'accéder à la société civile par l'exercice du droit d'association, bien sûr, par la liberté syndicale, et enfin par l'accès à des fonctions de représentativité dans le monde du travail, avec l'éligibilité aux élections professionnelles. Il faudrait, là encore, que ces questions soient posées, au niveau du contenu que l'on entend donner à ce statut et à cette reconnaissance d'une intégration volontaire, qui s'est réalisée avant tout par l'activité professionnelle et l'implication dans l'entreprise.
Enfin et surtout, il ne faudrait pas dissimuler la question de la participation à l'exercice de certains droits civiques, notamment, l'exercice du droit de vote aux élections municipales. Le traité d'Amsterdam est silencieux sur ce point. Pourtant les conclusions du sommet de Tampere prévoient que les Etats membres doivent octroyer aux résidents de longue durée " un ensemble de droits uniformes aussi proche que possible de ceux dont jouissent les citoyens de l'Union européenne ". Mais, vous le savez, une telle question, à laquelle le Premier ministre a déjà donné une réponse de principe, soulève en France des difficultés d'ordre constitutionnel et politique. De façon générale, et dans chaque Etat membre, un débat au sein de l'opinion publique est indispensable pour avancer dans ce domaine, comme vous l'avez souligné dans vos discussions pendant ce séminaire.
Ce serait évidemment, dans la même logique et dans le même souci du respect du contrat social que chaque Etat a pu passer avec ses citoyens, la question de l'accès à la nationalité de l'Etat d'accueil.
Ainsi, en France, Martine AUBRY a facilité les naturalisations en reconnaissant la durée du séjour comme un élément clé d'intégration.
Cette question n'est pas simple, mais elle mériterait d'être posée en des termes clairs, et sans passion excessive, au niveau de l'Europe.
Je ne doute pas que sur ces derniers développements, le débat soit riche, nourri de vos travaux et stimulé par la recherche de l'harmonisation des normes.
En outre, il me paraît indispensable, pour que l'exercice de ces droits soit effectif, de mettre en uvre des politiques d'accompagnement. Ces politiques devraient être conduites principalement dans deux directions, l'accueil et la lutte contre les discriminations. Certains Etats ont déjà une expérience dans ces domaines, que ce soit, pour n'en citer que deux, les Pays-Bas pour les politiques d'accueil, ou bien le Royaume Uni dans la lutte contre les discriminations. La France, quant à elle, a fait de ces politiques, une priorité. L'échange approfondi sur ces politiques d'accompagnement qui a eu lieu pendant ce séminaire, a montré tout l'intérêt des rencontres entre Etats membres. Il pourrait donc être renouvelé.
Enfin, droits et devoirs sont inséparables. Comme l'a dit hier matin, le Président de la Commission des Libertés du Parlement européen, M. WATSON, nous devons demander aux ressortissants désirant s'installer durablement sur le sol d'un Etat membre l'acceptation des règles établies démocratiquement. Nous devons aussi leur demander de partager les valeurs fondamentales communes. Parallèlement, les ressortissants des pays tiers attendent des Etats membres une clarification des règles, la construction d'un système écartant tout abus administratif, une action d'information pour toucher les populations concernées.
En conclusion, je tiens à vous informer que je vais déposer dans quelques jours, à Bruxelles, avec l'accord du Gouvernement, un memorandum s'inspirant des résultats des discussions de ce séminaire, dont l'objectif sera de fixer des directions précises pour le développement d'une harmonisation du statut de résidents de longue durée.
Je demanderai aux Ministres de se prononcer sur ces orientations au conseil Justice-Affaires Intérieures des 30 novembre et 1er décembre, pour qu'ensuite, elles puissent être communiquées à la Commission dans le cadre des travaux de rédaction d'un projet de directive dans ce domaine qu'elle va entreprendre, comme M. VITORINO l'a indiqué hier matin.
Ainsi, la place reconnue aux résidents de longue durée dans l'espace communautaire, par l'octroi et la reconnaissance par tout Etat membre d'un statut protecteur et généreux, sera un élément fondamental de la progression de la construction européenne.
Il faut avoir à l'esprit qu'au delà de cette convergence nécessaire du droit, le but de notre conception de l'Europe, le moteur de sa construction, sont aussi et avant tout, la recherche d'une plus grande cohésion entre les Européens . Il faut renforcer cette volonté de vivre ensemble, pour le bénéfice de tous ceux qui sont nés sur son sol et ceux qui ont choisi d'y vivre durablement.
(Source http://www.intérieur.gouv.fr, le 31 octobre 2000).
Permettez-moi, tout d'abord, de vous exprimer le plaisir qui est le mien, de clôturer vos travaux. Ces deux jours sont en effet une étape importante de la réflexion politique et juridique qui sert de cadre à la construction européenne depuis l'adoption du Traité d'Amsterdam en 1997.
Il va sans dire aussi que c'est un moment essentiel de la présidence française dans la mesure où ce séminaire permet à la France de proposer une réflexion sur une vision à la fois cohérente et volontariste de la politique d'intégration des étrangers, susceptible d'être partagée par l'ensemble des Etats membres. Cette politique européenne concerne des étrangers installés régulièrement et de longue date dans nos pays, sans pour autant bénéficier du principe de libre circulation et d'installation reconnu aux seuls citoyens de l'Union ainsi qu'aux membres de leur famille.
Ces deux journées, organisées conjointement par le ministère de l'emploi et de la solidarité et le ministère de l'intérieur avec le soutien de la Commission européenne, s'inscrivent dans la droite ligne des conclusions du Conseil européen de Tampere qui a entendu mettre en exergue un certain nombre de priorités politiques dont il revient aux institutions communautaires d'assurer la mise en oeuvre et la traduction en termes juridiques.
Le développement économique, la croissance et l'espace de paix, de liberté et de sécurité que représente l'Europe, renforcent l'attraction de nos Etats pour des populations moins favorisées, souvent éprouvées par l'instabilité économique ou politique de leur pays d'origine.
L'Europe est aujourd'hui plus que jamais une terre d'immigration, soumise à des flux de plus en plus importants et à des trafics de clandestins de plus en plus soutenus. Il est donc nécessaire que des moyens de lutte efficaces contre l'immigration clandestine et les trafics odieux organisés par de véritables filières de " passeurs " soient mobilisés pour leur faire échec au niveau européen. Mais, parallèlement, les étrangers en situation régulière doivent bénéficier d'une possibilité d'intégration rapide et protectrice.
Pour atteindre cet objectif d'équilibre, nous devons d'abord confronter ces modèles nationaux d'intégration des étrangers qu'ont éclairés des recherches comme celles d'Emmanuel TODD sur " le destin des immigrés ". Ensuite, la convergence de nos législations nationales doit être recherchée de manière volontaire et globale. Pour ce faire, les conclusions de Tampere ont fixé quatre objectifs qui doivent être suivis de manière concomitante :
Le développement des pays d'origine ;
Le respect absolu du droit d'asile ;
L'intégration des ressortissants de pays tiers régulièrement installés ;
La maîtrise des flux migratoires.
Si ces quatre sujets sont inscrits dans le programme de travail de la présidence française de l'Union, le troisième touche directement la question qui vous a mobilisés pendant ce séminaire et sur laquelle la Commission a l'intention de faire des propositions au Conseil, notamment en matière d'harmonisation des titres de séjour.
Sur tous ces points, et s'agissant de la question de l'intégration des étrangers, il ressort clairement que, si les législations nationales présentent des spécificités propres aux différentes traditions juridiques existant en Europe, elles partagent toutefois de nombreux points de convergence, notamment, une prise en compte commune de l'ancienneté et de l'intensité des liens établis sur le territoire d'accueil.
De ce fait, un rapprochement de nos manières de faire n'est pas un pari impossible, mais bien une chance à saisir pour donner à l'Union européenne sur ce terrain de l'immigration, sujet juridiquement complexe et humainement sensible, les moyens d'une action réaliste, respectueuse des droits et de la dignité de chacun, résolue en terme d'intégration des résidents de longue durée.
C'est aussi l'occasion d'être plus ambitieux en s'engageant sur des voies nouvelles, ouvertes par le traité d'Amsterdam :
Telle que la définition d'un statut, proche du statut actuel des ressortissants d'Etats membres, pour pérenniser les droits des ressortissants d'Etats tiers résidents de longue durée ;
Telle que la possibilité de s'installer dans un autre Etat membre, de participer à la vie de la cité ;
Telle qu'un accès facilité à la nationalité d'un Etat membre, et par là même, à la citoyenneté de l'Union européenne.
Parce que ces questions sont essentielles, la recherche d'une harmonisation du traitement des résidents de longue durée, objet de ce séminaire , revêt un intérêt fondamental.
Ce traitement équitable et non discriminant des résidents de longue durée passerait par la reconnaissance d'un mode uniforme d'acquisition d'un statut protecteur (I), et par un consensus sur le contenu des droits attachés à ce statut (II). Ce sont ces deux points que je souhaite développer successivement .
I° ] EN CE QUI CONCERNE LA DEFINITION COMMUNE D'UN ACCES AU STATUT
Cette définition reposerait sur un mode d'accès uniforme au statut de résident de longue durée. Un dénominateur commun serait celui d'une présence préalable de l'étranger qui garantit une certaine forme d'intégration.
Cette présence s'inscrit dans la durée, car il ne saurait y avoir de réelle intégration en l'absence de liens suffisamment stables car ancrés dans la durée avec l'Etat d'accueil. Il semble, d'ailleurs, ressortir de l'enquête réalisée par l'Université de Nimègue et qui vous a été présentée hier matin, qu'un consensus pourrait être dégagé sur une durée de cinq ans.
De la même façon, un critère alternatif pourrait être mis en évidence, celui tiré des liens personnels et familiaux dans le pays d'accueil, au sens de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme. Là encore, il s'agirait de prendre en compte les divers liens affectifs et sociaux que l'étranger a pu nouer dans le pays d'accueil, dans la mesure où l'importance de ces attaches constitue manifestement un gage d'intégration. Ces principes ne sont-ils pas, d'ailleurs, à la base du projet de directive de la Commission sur le regroupement familial qui est actuellement examiné par les groupes de travail du Conseil, et dont je souhaite l'adoption rapide.
Hormis ces hypothèses, il serait bon d'introduire un peu de souplesse dans les modes d'acquisition du statut de résident de longue durée, en permettant à un Etat de reconnaître un tel statut à d'autre personnes en fonction de la stabilité de l'insertion économique et sociale des intéressés.
Une fois ces modalités d'accès unifiées, les droits attachés au statut devraient, eux aussi, être harmonisés.
II °] CE STATUT SERAIT AINSI A LA FOIS PROTECTEUR ET PROMOTEUR DE L'EXERCICE DE DROITS ET LIBERTES
Il m'apparaît que les droits attachés au statut pourraient être rangés en deux catégories : des droits de protection, en reconnaissance de la volonté d'intégration de son bénéficiaire, et des droits de promotion, ouvrant l'accès aux droits sociaux et au delà à une participation à la vie de la cité.
-1- Un statut de protection
Le statut dont bénéficierait le résident de longue durée devrait d'abord être un statut protecteur, garantissant un séjour durable voire permanent, comme c'est déjà le cas dans 13 Etats membres. Bien évidemment, une énumération limitative des cas possibles de non renouvellement serait une garantie supplémentaire, gage de l'éviction de tout arbitraire.
Enfin, le statut emporterait aussi une protection contre l'expulsion, qui ne pourrait intervenir que dans des cas circonscrits à des atteintes graves à l'ordre public.
-2- Un statut de promotion d'accès aux droits et libertés.
Au delà de sa volonté protectrice, ce statut nouveau, offert à l'étranger intégré en Europe, devrait être positif en ce sens qu'il ouvrirait l'accès à un certain nombre de droits et de libertés.
Ainsi, un accès garanti et uniforme aux droits sociaux, à égalité avec les nationaux, serait le ciment d'une Europe plus solidaire proposée aux résidents de longue durée. Le droit à se faire rejoindre par sa famille, le droit au travail (sans autorisation préalable, ni remise en cause a posteriori en raison d'aléas économiques), le droit à la formation professionnelle, le droit à une protection sociale et à l'assistance sociale afin de constituer un rempart contre les risques d'exclusion et de marginalisation, le droit à l'éducation et au logement seraient le contenu incontournable d'un statut équitable et non discriminant. Je suis certain que vos travaux constituent sur ces points, des contributions essentielles au débat qui va avoir lieu.
En revanche, se pose la question de l'accès à d'autres droits, dont l'exercice était jusqu'alors réservé aux seuls ressortissants d'Etats membres. C'est à cette question que le débat européen devra apporter une réponse.
Et c'est aussi sur cette question que, je n'en doute pas, vos réflexions ont là encore été riches et constructives, et qu'elles permettront d'avancer sur le contenu même de ces droits.
Permettez moi d'énumérer quelques uns des grands aspects de cette question, qui je le sais, ne vous ont pas laissés insensibles et sur lesquels les travaux européens devront être volontaristes.
Le premier de ces droits est sans doute celui du séjour, et de l'installation. Parlant de l'intégration des étrangers, nous parlons de l'immigration, c'est-à-dire de l'installation, non de la simple circulation des étrangers qui est règlée notamment par les accords de Schengen.
Le processus d'intégration est une affaire de chaque société d'accueil, dont, dans l'Union européenne, de chaque Etat membre. Mais, une fois l'intégration faite - dans notre hypothèse après cinq ans de séjour - le titre de long séjour qui le constate et l'atteste doit donner, alors, des droits au séjour semblables à ceux des ressortissants communautaires, donc valables aussi dans l'ensemble des Etats membres.
Cela serait l'aboutissement d'une démarche, certes très ambitieuse, mais qui reposerait sur un postulat simple : La reconnaissance par un Etat de la réalisation d'une intégration préalable offrirait, en quelque sorte, un passeport pour l'Europe tout entière. Ce serait donner tout son sens à un statut unique du résident de longue durée en Europe et ce serait sans nul doute la promotion d'un principe européen d'intégration.
Vient, ensuite, la question du droit de participer à la vie sociale et d'accéder à la société civile par l'exercice du droit d'association, bien sûr, par la liberté syndicale, et enfin par l'accès à des fonctions de représentativité dans le monde du travail, avec l'éligibilité aux élections professionnelles. Il faudrait, là encore, que ces questions soient posées, au niveau du contenu que l'on entend donner à ce statut et à cette reconnaissance d'une intégration volontaire, qui s'est réalisée avant tout par l'activité professionnelle et l'implication dans l'entreprise.
Enfin et surtout, il ne faudrait pas dissimuler la question de la participation à l'exercice de certains droits civiques, notamment, l'exercice du droit de vote aux élections municipales. Le traité d'Amsterdam est silencieux sur ce point. Pourtant les conclusions du sommet de Tampere prévoient que les Etats membres doivent octroyer aux résidents de longue durée " un ensemble de droits uniformes aussi proche que possible de ceux dont jouissent les citoyens de l'Union européenne ". Mais, vous le savez, une telle question, à laquelle le Premier ministre a déjà donné une réponse de principe, soulève en France des difficultés d'ordre constitutionnel et politique. De façon générale, et dans chaque Etat membre, un débat au sein de l'opinion publique est indispensable pour avancer dans ce domaine, comme vous l'avez souligné dans vos discussions pendant ce séminaire.
Ce serait évidemment, dans la même logique et dans le même souci du respect du contrat social que chaque Etat a pu passer avec ses citoyens, la question de l'accès à la nationalité de l'Etat d'accueil.
Ainsi, en France, Martine AUBRY a facilité les naturalisations en reconnaissant la durée du séjour comme un élément clé d'intégration.
Cette question n'est pas simple, mais elle mériterait d'être posée en des termes clairs, et sans passion excessive, au niveau de l'Europe.
Je ne doute pas que sur ces derniers développements, le débat soit riche, nourri de vos travaux et stimulé par la recherche de l'harmonisation des normes.
En outre, il me paraît indispensable, pour que l'exercice de ces droits soit effectif, de mettre en uvre des politiques d'accompagnement. Ces politiques devraient être conduites principalement dans deux directions, l'accueil et la lutte contre les discriminations. Certains Etats ont déjà une expérience dans ces domaines, que ce soit, pour n'en citer que deux, les Pays-Bas pour les politiques d'accueil, ou bien le Royaume Uni dans la lutte contre les discriminations. La France, quant à elle, a fait de ces politiques, une priorité. L'échange approfondi sur ces politiques d'accompagnement qui a eu lieu pendant ce séminaire, a montré tout l'intérêt des rencontres entre Etats membres. Il pourrait donc être renouvelé.
Enfin, droits et devoirs sont inséparables. Comme l'a dit hier matin, le Président de la Commission des Libertés du Parlement européen, M. WATSON, nous devons demander aux ressortissants désirant s'installer durablement sur le sol d'un Etat membre l'acceptation des règles établies démocratiquement. Nous devons aussi leur demander de partager les valeurs fondamentales communes. Parallèlement, les ressortissants des pays tiers attendent des Etats membres une clarification des règles, la construction d'un système écartant tout abus administratif, une action d'information pour toucher les populations concernées.
En conclusion, je tiens à vous informer que je vais déposer dans quelques jours, à Bruxelles, avec l'accord du Gouvernement, un memorandum s'inspirant des résultats des discussions de ce séminaire, dont l'objectif sera de fixer des directions précises pour le développement d'une harmonisation du statut de résidents de longue durée.
Je demanderai aux Ministres de se prononcer sur ces orientations au conseil Justice-Affaires Intérieures des 30 novembre et 1er décembre, pour qu'ensuite, elles puissent être communiquées à la Commission dans le cadre des travaux de rédaction d'un projet de directive dans ce domaine qu'elle va entreprendre, comme M. VITORINO l'a indiqué hier matin.
Ainsi, la place reconnue aux résidents de longue durée dans l'espace communautaire, par l'octroi et la reconnaissance par tout Etat membre d'un statut protecteur et généreux, sera un élément fondamental de la progression de la construction européenne.
Il faut avoir à l'esprit qu'au delà de cette convergence nécessaire du droit, le but de notre conception de l'Europe, le moteur de sa construction, sont aussi et avant tout, la recherche d'une plus grande cohésion entre les Européens . Il faut renforcer cette volonté de vivre ensemble, pour le bénéfice de tous ceux qui sont nés sur son sol et ceux qui ont choisi d'y vivre durablement.
(Source http://www.intérieur.gouv.fr, le 31 octobre 2000).