Texte intégral
Mesdames, Messieurs
Les inspecteurs d'Académie,
Les directeurs du travail de l'emploi et de la formation professionnelle
Les directeurs des affaires sanitaires et sociales
Nous voici réunis dans une formation inhabituelle.
C'est parce que j'ai souhaité avoir un échange direct avec les services de l'Etat les plus directement concernés - au moins dans l'immédiat - par la mise en oeuvre de la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.
Je tiens à vous remercier de votre présence aujourd'hui et de votre implication sur ce sujet à la fois complexe et essentiel.
La loi du 11 février est une loi ambitieuse. Pour la première fois, les personnes handicapées n'auront plus à accomplir ce qui ressemble encore trop souvent à un parcours du combattant pour obtenir l'information qu'elles souhaitent et faire valoir leurs droits. Un lieu unique, les Maisons départementales des personnes handicapées, leur offrira l'accueil, l'information, l'aide, le conseil dont elles ont besoin. Pour la première fois, l'évolution du handicap ne sera plus une procédure administrative unilatérale et parfois éloignée des besoins réels. Ce seront maintenant les personnes handicapées qui demanderont la compensation de leur handicap dans un dialogue d'évaluation fondé à la fois sur leur projet de vie et sur un référentiel national d'évaluation des besoins de compensation. Pour la première fois, les personnes handicapées et leurs représentants participeront directement aux décisions qui les concernent par leur présence dans la CNSA, dans les commissions d'attribution des droits et dans l'administration des MDPH.
Je souhaite avoir avec vous un échange approfondi sur les dispositions de cette loi déjà mises en oeuvre aussi bien que sur celles en cours d'élaboration. Je souhaite aussi vous dire ce que j'attends de vous sur un sujet d'une importance décisive pour la mise en oeuvre de la loi, je veux parler des Maisons départementales des personnes handicapées.
I - Où en sommes-nous aujourd'hui ?
Dans la masse des quelque 80 décrets nécessaires pour l'application de cette loi, mon souci et mon exigence ont été de faire face à l'urgence en apportant sans tarder aux personnes les plus fragiles les nouvelles prestations prévues par la loi.
La réforme des ressources a été mise en oeuvre dès le 1er juillet dans toutes ses composantes :
- meilleur cumul de l'AAH avec un revenu d'activité,
- garantie de ressources jusqu'à 80 % du SMIC net pour les personnes handicapées qui ne peuvent pas travailler,
- augmentation du reste à vivre dans les établissements de 12 ou 17 % à 30 %.
La prestation de compensation a elle-même été anticipée pour les personnes très lourdement handicapées. Une circulaire du 22 mars 2005, des instructions complémentaires et une délégation partielle de crédits ont permis d'ouvrir droit, dès le 1er juillet, à une prise en charge moyenne de l'ordre de 5070 euros par mois. Il me revient, qu'ici ou là, telle association a contesté la manière dont les choses se sont passées. Il faut que nous en parlions.
J'ai aussi signé cet été, avec Xavier Bertrand, la circulaire qui organise les groupes d'entraide mutuelle grâce auxquels les personnes handicapées psychiques pourront prendre conscience de leurs difficultés mutuelles, des solutions que certains ont trouvées et ainsi de se soutenir les uns, les autres.
Avec Gilles de Robien, nous avons dégagé des moyens complémentaires pour réussir la rentrée scolaire des enfants handicapés. 9000 auxiliaires de vie scolaire, 8000 " emplois vie scolaire " et 200 unités pédagogiques d'intégration ont été mobilisés pour accueillir les enfants handicapés désormais inscrits de droit dans l'école ordinaire de leur quartier ou de leur village.
Enfin, la CNSA a été installée, le 2 mai dernier, par le Premier ministre. Son conseil s'est déjà réuni par deux fois. Elle a déjà adopté son budget 2006 et s'est attelée sans tarder à accompagner et soutenir l'installation des maisons départementales des personnes handicapées. La CNSA a par ailleurs débloqué 50 millions d'euros dès cet été pour financer cette installation.
Mes services et ceux des autres ministères travaillent en ce moment à la rédaction des décrets qui doivent être publiés. Je tiens à saluer leur travail.
Certains de ces décrets sont en cours de concertation ou soumis à l'avis du CNCPH. C'est notamment le cas des décrets tant attendus sur la prestation de compensation. Je veux souligner que jamais une instance consultative n'a été autant sollicitée et ne s'est autant investie, aux côtés de l'administration, dans l'élaboration d'une réforme. C'est la meilleure garantie que la loi soit pleinement respectée dans sa lettre et dans son esprit. En novembre, le CNCPH aura rendu son avis sur tous les décrets qui revêtent une importance essentielle pour la vie quotidienne des personnes handicapés. La loi, je le rappelle, doit s'appliquer dès le 1er janvier 2006.
Parmi les décrets actuellement soumis à l'avis du CNCPH, je veux m'arrêter un instant sur les décrets relatifs à l'emploi des personnes handicapées. Comme vous le savez, le taux de chômage des personnes handicapées est trois fois supérieur au taux de chômage moyen. C'est inadmissible.
La loi du 11 juillet a opéré une profonde réforme de l'emploi des personnes handicapées. L'obligation d'emploi prévue par la loi de 1987 sera plus lisible, plus transparente et plus efficace grâce au nouveau mode de décompte de l'effectif global de salariés et des bénéficiaires de l'obligation d'emploi. Les entreprises seront aussi mieux incitées à l'emploi direct ou au maintien dans l 'emploi des travailleurs handicapés grâce à une modulation à la baisse de leur contribution annuelle au fonds de développement pour l'insertion professionnelle des handicapés. Simultanément, elles seront aussi davantage mises à contribution en cas de non exécution de leurs obligations.
A ces dispositions générales, s'ajoutent plusieurs dispositions particulières au nombre desquelles je veux citer la transformation des ateliers protégés en entreprises adaptées. Entreprises de droit commun, celles-ci bénéficieront d'une aide au poste forfaitaire qui se substitue à l'actuelle Garantie de ressources des travailleurs handicapés (GRTH). Les entreprises soumises à l'obligation d'emploi pourront satisfaire partiellement à cette obligation en passant avec ces entreprises adaptées des contrats de sous-traitance, de fournitures ou de services.
Par ailleurs, des dispositions relatives à l'aménagement des formations permettront de tenir compte des contraintes particulières des personnes handicapées.
II - Les maisons départementales des personnes handicapées
une ardente obligation : 1er janvier 2006
Je voudrais m'arrêter quelques minutes sur les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH).
Les MDPH portent tous les espoirs du monde du handicap.
Parce qu'elles seront le guichet unique qui met fin au parcours du combattant.
Parce qu'elles associeront à leur gestion les associations de personnes handicapées.
Parce qu'elles regrouperont en leur sein les équipes d'évaluation et les commissions d'attribution des droits.
Ces MDPH doivent être opérationnelles dès le 1er janvier. Cela nécessite un engagement total de tous, de notre part mais aussi de la vôtre.
La création des Maisons sous forme de GIP permet d'associer l'ensemble des acteurs du secteur. Les premiers concernés, les départements s'impliquent fortement. Ils prennent à coeur la réussite de ces Maisons. L'Etat est lui-même membre de droit du GIP. On ne comprendrait pas qu'il soit moins allant que les départements dans cette affaire. Par conséquent, je vous demande de vous impliquer totalement dans un partenariat de conviction et de faire remonter sans délai les difficultés dont vous pourriez avoir connaissance dans la signature des conventions. Des conventions sont déjà signées ; d'autres, nombreuses, sont en cours de signature. Mais cela ne suffit pas. Toutes les conventions doivent être signées avant la fin de cette année. L'Etat, membre du GIP, doit prendre sa part de travail dans la constitution des GIP, solliciter les partenaires locaux possibles, notamment la Mutualité sociale agricole et assurer la bonne installation et le bon fonctionnement des Maisons. Je précise, sur ce point, qu'une association de personnes handicapées peut être membre de la commission administrative sans être membre du GIP. Il y a d'un côté le nouveau mode de gouvernance que la loi a établit à tous les niveaux, et de l'autre la constitution du GIP. Ce sont deux choses différentes.
III - L'Etat met tout en oeuvre pour que la réforme aboutisse
L'Etat est responsable de la mise en oeuvre de la loi dans toutes ses implications. Je veux vous dire que l'Etat fait et fera face à ses responsabilités.
Le financement de la réforme est assuré : L'ONDAM médico-social 2006, volet handicap, progresse de 6,16 %. Il permettra de financer :
51 projets de Centre d'action médico-social précoce, centres médico-psycho-pédagogiques et centres ressources autisme.
1800 places dans les établissements et services pour enfants
4000 places dans les établissements et services pour adultes
750 places en services d'accompagnement médico-social pour adultes handicapés (SAMSAH)
A cela s'ajoutent les 20 millions d'euros destinés à financer 300 clubs pour personnes handicapées psychiques.
La journée de solidarité apporte 850 millions à la mise en oeuvre de la loi. 300 millions iront, en année pleine, aux créations de places en établissements et dans les services. 550 millions iront à la prestation de compensation dont 360 millions pour les aides humaines. Ils s'ajoutent aux quelques 580 millions que les départements consacrent aujourd'hui à l'ACTP. C'est ainsi de l'ordre d'un milliard d'euros qui sera consacré aux aides humaines pour permettre un meilleur recours à une tierce personne ou un vrai dédommagement des aidants familiaux (En fait, seront consacrés aux aides humaines : 580 millions d'euros précédemment dépensés à travers l'ACTP, et 360 millions d'euros parmi les 550 millions d'euros qui proviennent de la journée de solidarité)
J'attire tout particulièrement votre attention sur le fait que les différents financeurs doivent maintenir leurs engagements tant financiers que matériels ou humains. Il est nécessaire que chacun puisse tenir les engagements qu'il avait pris antérieurement. Je serai vigilant et rappellerai à chacun, si cela s'averrait nécessaire, le rôle qu'il doit jouer, dans l'intérêt de la prise en charge des personnes handicapées. Mais vous devez vous-même solliciter les services sociaux des départements comme l'ensemble des acteurs qui apportent des financements propres. Je sais que certains départements ont déjà mis fin à leurs financements propres en considérant que l'augmentation du reste à vivre dans les établissements les délivraient désormais de leur obligation d'assistance aux personnes handicapées. Il faut les convaincre de redéployer ces crédits dans le fonds de compensation. A vous de prendre l'initiative de réunions avec vos homologues du département pour faire connaître la volonté de l'Etat, pour imaginer des actions conjointes ou une répartition des rôles qui apportent aux personnes handicapées la garantie que les crédits de la compensation leur sont destinés et ne sont pas un effet d'aubaine pour les financeurs.
Les projets de décrets transmis au Conseil d'Etat permettent aux départements une meilleure gestion administrative du dispositif. Ils prévoient des procédures simplifiées et des procédures d'urgence, pour permettre aux commissions de traiter rapidement les dossiers. Ils contiennent également des mesures transitoires, comme cela avait été instamment demandé par les représentants des Conseils généraux.
L'Etat accompagne aussi très concrètement la mise en place des maisons départementales des personnes handicapées.
Les moyens matériels ont fait l'objet d'engagements forts du Gouvernement. Je rappelle que la loi a prévu la mise à disposition des personnels de l'Etat aujourd'hui affectés aux COTOREP, aux CDES et aux SIVA. Vous devez vous assurer que tous les personnels seront mis à disposition. Je précise que la question de la Notification de la Bonification Indiciaire (NBI) est en voie d'être réglée.
Par ailleurs, la CNSA a inscrit 50 millions d'euros à son budget 2005 pour aider à l'installation de ces MDPH. Ces sommes ont déjà été versées dans de nombreux départements. Elle continuera d'affecter chaque année 20 millions d'euros pour garantir aux départements les moyens nécessaires à leur bon fonctionnement.
Un accompagnement opérationnel a été mis en place : une première réflexion pratique a été conduite par le sénateur Paul BLANC, rapporteur du projet de loi, entre mars et juin à la demande du Gouvernement, sur l'installation des GIP. Un modèle de convention, élaboré conjointement par l'Etat et l'association des départements de France, vous a été adressé cet été ainsi qu'aux Conseils généraux.
Un suivi régulier des opérations de constitution des maisons départementales permet un pilotage fin de cette réforme par mes services ainsi que ceux du ministère de l'emploi et de l'éducation nationale. Un état des lieux sera dressé le 14 décembre. Votre rôle est déterminant pour assurer cette remontée d'information. Je compte sur votre pleine implication.
IV - La CNSA est un relais essentiel de l'action de l'Etat
La CNSA est dédiée au risque nouveau de la dépendance, qu'elle soit liée à l'âge ou au handicap. En tant que Caisse, elle marque un triple progrès en ce qu'elle permet :
- la gestion par un opérateur unique des crédits liés à la journée solidarité et ceux issus de l'ONDAM médico-social ;
- la gestion par un opérateur unique des problématiques liées, notamment, aux personnes handicapées, permettant à terme un véritable décloisonnement des politiques, au demeurant prévu par la loi du 11 février.
- une gestion participative des crédits. La composition des participants du conseil en est un symbole.
Mais la CNSA est bien plus qu'une caisse dédiée au financement de la dépendance.
Elle est le relais contractuel de l'Etat pour la mise en place et l'animation d'un réseau local d'accès aux droits. Au cours des derniers mois, ses équipes ont porté, aux côtés de l'administration, le travail d'animation nécessaire pour permettre aux maisons départementales des personnes handicapées d'être constituées au premier janvier 2006. Elle anime, avec les responsables locaux, un travail visant à faire émerger les recommandations et les bonnes pratiques pour la mise en oeuvre concrète des Maisons. Un service de réponse aux questions a été mis en place. Il est aujourd'hui prolongé par un site d'information en ligne à destination des acteurs locaux (www.cnsa-infos2005.org).
Elle est garante de l'égalité de traitement sur l'ensemble du territoire.
Elle constitue par son rôle original et sa composition innovante un rouage essentiel de notre protection sociale pour une meilleure prise en compte de la dépendance.
La CNSA est un partenaire essentiel de la politique de mise en oeuvre de la loi du 11 février pour les handicapés. Elle doit être un référent, un pôle ressource mais également un initiateur d'actions.
La Convention d'objectif et de gestion, qui sera bientôt signée entre l'Etat et la CNSA, identifie clairement ses missions d'animation, de soutien et d'impulsion des réseaux locaux dans la mise en oeuvre de la politique de la dépendance et du handicap.
Vous aurez là un interlocuteur à l'écoute de vos préoccupations. Réciproquement, il est essentiel que vous mainteniez le dialogue et que vous l'associez le plus possible à vos démarches.
V - Feuille de route
Dans quelques instants, nous me ferez part de votre perception des choses, sur le terrain. J'attacherai une importance particulière à ce que vous pourrez me dire sur la mise en oeuvre de la prestation de compensation pour les PTLH. Je sais que plusieurs départements n'ont pas souhaité s'engager avant le 1er janvier 2006 ; que certains TPG n'ont pas voulu anticiper la loi et ont refusé de verser directement au mandataire les crédits affectés à cette prestation. Je sais aussi que certaines associations ont regretté d'être écartées des comités d'attribution alors que leurs homologues d'autres départements y étaient associés.
Feuille de route
Votre feuille de route est claire. Il s'agit de :
Faire connaître la loi. Nous avons une grande loi qui offre le paradoxe d'être peu connue y compris de ceux qui en seront les premiers bénéficiaires. Vous devez informer, expliquer, répondre aux questions qui se posent.
Porter le message de l'Etat. Les réformes sont financées, les accompagnements nécessaires sont organisés, les moyens d'installation sont disponibles. Il faut le faire savoir très largement.
Pousser à la signature des conventions. Elles doivent être signées avant la fin de l'année. C'est un impératif !
Aider à la constitution des GIP : vous devez mobiliser tous les partenaires locaux susceptibles de l'être à cette fin.
Favoriser la mise à disposition des personnels. Je compte sur votre force de persuasion pour vaincre les réticences éventuelles et d'abord bien informer les personnes concernées.
Soutenir le Fonds de compensation : faites tout ce qui est nécessaire pour prévenir les désengagements des différents partenaires.
Faciliter la coordination avec CNSA : maintenez le dialogue avec elle, associez là à vos actions ou réflexions. C'est un partenaire essentiel, qui compte désormais dans notre paysage. Nous avons tout à gagner à travailler main dans la main avec elle.
Ces points sont essentiels. Nous devons être totalement mobilisés sur ces questions. Le chemin à parcourir est encore long et le temps limité. Mais il s'agit d'une attente forte de tous et notamment des personnes handicapées. Nous n'avons pas le droit de les décevoir.
Je compte sur vous.
Je vous remercie.
(Source http://www.cnsa-infos2005.org, le 14 novembre 2005)