Déclaration de M. Dominique de Villepin, Premier ministre, sur le développement de la région Alsace dans le cadre de la décentralisation, Strasbourg le 21 novembre 2005.

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Circonstance : Inauguration de la maison de la région Alsace, à Strasbourg (Bas-Rhin) le 21 novembre 2005

Texte intégral

Monsieur le Président,
Cher Adrien,
Messieurs les ministres,
Excellence,
Mesdames et messieurs les parlementaires,
Mesdames et messieurs les élus,
Mesdames et messieurs
Chers amis,
Les dieux sont avec nous. Ce matin, en me levant, j'écoutais la météo et l'on prédisait du beau temps presque partout, sauf en Alsace. Ils se sont une nouvelle fois de plus trompés. Les dieux sont avec nous et ici, à cet instant, souffle l'esprit, l'esprit de la région Alsace, l'esprit de la Nation auquel nous sommes tous si profondément attachés. Et ici aussi souffle l'Europe, l'esprit de l'Europe. Et c'est ce qui fait la force de cet instant. Et tout à l'heure, quand s'élevaient ces voix, si belles, quand se conjuguaient la lumière, la sensibilité et la générosité, qui font le caractère unique de cet espace architectural, de cet Hôtel de région, de cette terre aussi, nous avons tous compris qu'il se passait, à cet instant précis, quelque chose d'unique que nous partagions. Eh bien, ce moment est le reflet de la passion qui s'incarne ici, le reflet aussi du devoir qui est le nôtre, commun, de faire face à l'avenir, de nous rassembler pour préparer l'avenir, vous qui êtes au carrefour des géographies, au carrefour des Histoires, vous qui êtes des témoins exceptionnels et qui, de ce fait, avez une vocation pionnière, dans le cadre national mais aussi dans le cadre européen.
Cette visite à Strasbourg, c'est l'occasion de découvrir un bâtiment remarquable, un bâtiment, c'est vrai, qui sort de l'ordinaire, et quand je vois ces ponts et ces passerelles qui vous environnent, nous sommes loin du Pont des soupirs, mais si proches, au contraire, des ponts de l'enthousiasme, et j'imagine chacun ou chacune travaillant dans cet Hôtel de région, passant d'un bureau à l'autre, réglant un problème après l'autre, car on doit pouvoir en régler, des problèmes, quand on est porté par un espace comme celui-ci. (...) Oui, c'est un espace de joie et d'enthousiasme, et c'est donc, pour moi, un grand plaisir de revenir dans une région si fortement attachée à ses racines et à sa culture, dans une ville qui a à cur l'ambition européenne, où je retrouve des élus dynamiques et enthousiastes.
Je voudrais d'abord rendre hommage à l'action du président Zeller. Sous son impulsion et grâce au travail de tous les élus, l'Alsace reprend confiance et commence à surmonter ses difficultés. Cela montre que l'action résolue d'un conseil régional peut relayer et amplifier l'efficacité d'une politique gouvernementale. C'est d'autant plus vrai que nous sommes entrés dans une nouvelle phase de la décentralisation et les régions ont désormais un rôle clé. C'est vrai d'abord en matière d'aménagement du territoire. C'est un rôle ancien, mais aujourd'hui, plus que jamais, elles sont au centre des décisions dans ce domaine. Elles sont un partenaire incontournable pour l'Europe, l'État et les autres collectivités territoriales. Les régions ont aussi un rôle majeur en matière économique. La décentralisation leur a donné de nouvelles compétences pour coordonner les investissements publics ainsi que les aides directes aux entreprises - vous avez d'ailleurs déjà commencé à élaborer un schéma régional de développement. Je suis convaincu qu'en vous appuyant sur l'esprit d'entreprise des Alsaciens, vous réussirez à relever les défis économiques auxquels vous êtes confrontés.
Je suis également convaincu que vous saurez apporter des réponses aux difficultés que rencontrent les quartiers sensibles. Ces dernières semaines, comme beaucoup d'autres régions, l'Alsace a été confrontée à un défi commun. Ici comme ailleurs, la mobilisation des forces de l'ordre, le travail des magistrats a permis de rétablir l'ordre républicain. Mais ces évènements nous ont montré aussi combien un travail de prévention, un travail de mobilisation permettait de réussir ce que nous voulons réussir ailleurs. Et à ce titre aussi, Strasbourg est une ville exemplaire. Faire vivre l'égalité des chances dans notre pays, c'est bien l'ambition commune qui est la nôtre. Il ne saurait y avoir, en France, de territoires laissés pour compte. Malgré les efforts accomplis depuis près de trente ans, il reste, dans notre pays, des quartiers qui sont confrontés à des difficultés considérables. Leurs habitants ont trop souvent le sentiment d'être abandonnés par les pouvoirs publics. Pour transformer ces quartiers, pour redonner espoir à leurs habitants, le Gouvernement a engagé, dès 2002, un programme de rénovation urbaine sans précédent. Depuis trois ans, nous avons consacré des moyens considérables à la politique de Cohésion sociale et de rénovation urbaine. Au total, ce sont plus de 35 milliards qui ont été programmés ; grâce à l'action menée par J.-L. Borloo, ce sont des centaines de quartiers qui vont changer de visage. Face à l'urgence, nous allons accélérer les travaux. J'ai demandé à ce que les travaux de rénovation urbaine soient menés à bien, si possible dans un délai de dix-huit mois. Entre la démolition d'une tour et la reconstruction d'une résidence à visage humain, dix-huit mois : vous le voyez, c'est une performance tout à fait considérable mais possible.
Pour appuyer cette politique, nous avons besoin de la mobilisation de toutes les collectivités locales. Et je me réjouis de la signature, avec l'Agence nationale de rénovation urbaine, il y a quinze jours, de la première convention alsacienne en faveur d'une zone urbaine sensible, celle de Strasbourg-Neuhof. Elle prévoit la création d'une zone d'activités économiques, ainsi que la démolition et la reconstruction de 700 logements. Je sais aussi qua quatre autres projets sont en cours d'élaboration sur Strasbourg. L'ANRU, l'Agence nationale de rénovation urbaine, pourrait investir entre 150 et 170 millions d'euros pour les mener à bien. Enfin, sous l'impulsion de leurs élus, Colmar et Mulhouse sont également engagées dans des projets ambitieux. Je souhaite qu'ils aboutissent au plus vite.
Transformer les quartiers, c'est surtout donner des perspectives à leurs habitants, et en particulier aux jeunes. Cela veut dire d'abord permettre à chacun de trouver un emploi. Je compte sur les collectivités locales pour aider nos concitoyens les plus fragiles à retrouver une activité. Elles doivent tirer le meilleur parti des emplois aidés que nous avons simplifié et voulu rendre plus attractifs. Je compte également sur elles pour développer les services aux personnes, qui sont un formidable gisement d'emplois. Pour que personne ne soit laissé au bord du chemin, pour que chacun ait accès à un emploi, il faut aussi une action forte en matière de formation professionnelle. Les conseils régionaux ont tout leur rôle à jouer, notamment pour que les formations proposées apportent des compétences recherchées sur le marché du travail. Je souhaite que la Région, le service public de l'emploi et l'Assedic puissent établir un diagnostic partagé sur les besoins de formation de la région, des départements, voire des bassins d'emploi. Je souhaite aussi développer l'apprentissage. Vous avez signé avec l'État, en juillet dernier, un contrat d'objectifs et de moyens sur l'apprentissage qui prévoit d'augmenter de 40 % le nombre d'apprentis d'ici 2009. C'est un parcours d'excellence, qui offre une véritable alternative à la filière générale ; il constitue une voie royale pour accéder à un emploi. En France, 50 000 jeunes quittent chaque année l'école sans diplôme ni qualification ; 15 000 sont en situation d'échec scolaire grave. C'est d'autant plus inacceptable que beaucoup de ces jeunes auraient pu réussir dans un autre cadre. C'est pour cette raison que j'ai proposé que les élèves qui le souhaitent puissent entrer en apprentissage dès l'âge de quatorze ans. Ils continueront, bien entendu, à bénéficier d'une formation généraliste au collège, afin de maîtriser le socle indispensable de connaissances fondamentales, mais ils auront la possibilité de s'épanouir dans une formation qui les valorisent et qui facilitera leur insertion dans le marché de l'emploi. Quand on visite un lycée d'enseignement professionnel, quand on visite un centre d'apprentissage, la première surprise c'est d'être en contact avec des jeunes qui vous disent, les uns après les autres, "je suis passionné par ce que je fais, j'ai envie de travailler sur l'automobile, j'ai envie de travailler sur la bâtiment, j'ai envie d'être pâtissier, j'ai envie d'être boulanger" ; cette passion exprime le sentiment qu'ils ont enfin de pouvoir épanouir leurs qualités, de pouvoir épanouir un projet, de pouvoir faire des plans d'avenir, pouvoir enfin avoir ce sentiment d'être à la bonne place, de saisir l'occasion qui vous est tendue, de saisir l'occasion de donner le meilleur de soi-même. C'est une chance qu'il faut donner à chacun de ces enfants.
Nous devons enfin permettre à ceux qui n'ont pas de diplôme de valoriser leurs compétences sur le marché du travail. La validation des acquis de l'expérience constitue pour cela un outil remarquable. Il n'y a pas que le diplôme qui compte, il y a aussi l'expérience que l'on a acquise dans un travail, le chemin, l'effort que l'on a fait pour arriver à l'objectif que l'on s'est fixé. De pouvoir reconnaître cette expérience, pouvoir valider cette qualification, c'est une reconnaissance indispensable des mérites par la société. Avec le service public de l'emploi et de l'Education nationale les régions doivent participer pleinement à son développement, notamment en faveur des demandeurs d'emploi. C'est d'autant plus d'actualité que les points relais conseils vont passer sous l'autorité des régions au 1er janvier 2006. Comme cela a été fait dans certaines régions ; le Conseil régional a la compétence en termes d'organisation du dispositif de validation des acquis de l'expérience depuis 2004. Je sais, monsieur le président, que vous êtes très attaché à hausser son niveau de qualité ; les services de l'État, vous pouvez en être sûr vous apporterons tous leurs appuis.
Au-delà de ces mesures en partenariat avec les collectivités locales, et notamment les régions, nous devons tout faire pour renforcer l'attractivité de notre territoire. C'est indispensable si nous voulons redonner des perspectives à nos concitoyens. Favoriser la croissance, créer des emplois. Pour cela, le Gouvernement a décidé de relancer massivement l'investissement public. D'abord en faveur de la recherche et de l'innovation. Les pôles de compétitivité qui rassemblent les universités, les centres de recherche, les entreprises, autour d'un projet commun, nous fédérons à travers un véritable réseau toutes ces énergies, eh bien, ces pôles de compétitivité sont un élément clé de notre stratégie. En labellisant 67 pôles nous avons fait le choix de l'innovation, du dynamisme, de l'avenir dans l'ensemble de nos régions. Ici, en Alsace, trois projets ont été labellisés, le pôle "véhicules du futur", le pôle "fibres naturelles" du grand Est, ainsi qu'un pôle à vocation mondiale dans les biotechnologies et les innovations thérapeutiques. Ils témoignent du dynamisme des industriels, des chercheurs, des universitaires alsaciens, qui ont su construire des projets ambitieux. Ces trois pôles sont aussi la preuve de la mobilisation des élus et des collectivités locales pour relayer l'effort engagé en faveur de l'innovation.
Ici en Alsace, je sais combien la question de l'enseignement supérieur vous tient à cur. L'académie de Strasbourg attire un très grand nombre d'étudiants venus de toute la France ; la qualité de vos universités et de vos instituts de recherche a fait de vous la région qui attire le plus d'étudiants étrangers de troisième cycle. Or vous savez que, malgré sa tradition d'excellence dans ce domaine, notre pays, risque de prendre du retard. Nous avons donc lancé un plan ambitieux en faveur de la Recherche et de l'Université. Ce plan vise notamment à favoriser les coopérations entre les différents acteurs de la Recherche et de l'Enseignement supérieur, nous devons permettre à notre recherche d'être plus efficace, et nous devons lui donner une plus grande visibilité internationale. La loi sur la Recherche offre aux universités, aux grandes écoles, aux centres de recherche publics et aux entreprises, la possibilité de travailler ensemble et de constituer de véritables pôles de recherche et d'enseignement supérieur. Je souhaite que les universités, les établissements d'enseignement supérieur, et les organismes de recherche alsaciens présentent leur candidature lors des prochains appels à projets lancés dans le cadre du Pacte pour la recherche.
La relance de l'investissement public nous permettra également de lancer de grands projets d'infrastructure et je sais à quel point les attentes sont grandes dans votre région. Le développement des infrastructures ferroviaire est essentiel pour l'économie régionale et l'Etat continuera à y prendre toute sa part. Dès juin 2007, le TGV Est permettra de relier Paris à Strasbourg 15 fois par jour en deux heures et 19 minutes. Notre objectif est de poursuivre cette liaison à grande vitesse vers l'Allemagne. Dans ce projet, l'État s'est d'ores et déjà engagé à hauteur de 1,8 milliards d'euros. Le Gouvernement souhaite tout mettre en uvre pour permettre le lancement de la seconde phase du TGV Est. J'ai demandé au ministre de l'Équipement de faire avancer les travaux sur la convention de financement des études et des acquisitions foncières, et j'ai cru comprendre ce matin, en écoutant les uns et les autres, que ceci encore ne suffirait pas, et qu'il nous faudrait encore aller plus loin pour répondre à l'ambition, aux attentes qui sont les vôtres et croyez bien que c'est la feuille de route que je me fixe. Par ailleurs, le TGV-Rhin-Rhône offrira à l'Alsace une ouverture vers le Sud. L'État entend défendre avec détermination ce projet prioritaire ; nous avons fixé comme objectif un lancement des travaux en 2006. À ce sujet, D. Perben recevra dans les quinze prochains jours les quatre présidents de régions concernées. Pour réaliser ce projet la mobilisation des collectivités locales, nous le savons tous, est indispensable : partenaires privilégiés de l'État les régions ont tout leur rôle à jouer. En ce qui concerne le projet du TGV-Est, je tiens à saluer le partenariat exceptionnel entre l'État, les deux grandes entreprises publiques, de service public que sont la SNCF et RFF, et les collectivités territoriales au premier rang desquels la région Alsace. Je sais également que sous l'impulsion du sénateur H. Haenel a été à l'origine de la réforme des trains régionaux. Grâce à son engagement, le service public ferroviaire est en plein développement.
Mesdames, messieurs, chers amis, vous le voyez, cette politique volontariste nous permettra de renforcer l'attractivité de tous nos territoires, c'est en travaillant ensemble, État et régions, que nous pourrons redonner confiance à nos concitoyens et préparer l'avenir de notre pays. Or, préparer l'avenir, vous le savez, c'est aussi faire preuve de responsabilité et notamment en matière d'environnement. A cet égard, le bâtiment que nous inaugurons aujourd'hui est exemplaire. Je tiens à saluer, monsieur le président, cher Adrien, le travail accompli sous votre autorité pour bâtir cette maison de la Région. Elle est le fruit de l'engagement de vos écoutes et des nombreux partenaires industriels de ce projet. Cette réalisation témoigne aussi de l'attention que vous portez, en Alsace, aux questions d'environnement et de développement durable, notamment à travers votre mobilisation pour promouvoir les énergies renouvelables dans votre région. Mais nous le savons tous, pour relever le défi du réchauffement climatique nous devons aller encore plus loin. Dans cet esprit, j'ai annoncé un certain nombre de mesures, qu'il s'agisse d'une nouvelle réglementation thermique pour les bâtiments neufs, ou de crédits d'impôt en faveur des énergies propres. Pour atteindre nos objectifs de lutte contre le réchauffement climatique, l'Alsace a un rôle pilote. Le programme que nous allons signer ensemble prévoit un effort accru de l'État à vos cotés pour encourager les économies d'énergie et le développement des énergies renouvelables. Il nous permettra de relancer une nouvelle dynamique et d'en tirer tous les enseignements pour nos politiques nationales. Près de 30 millions d'euros seront mobilisés au cours des trois prochaines années par l'ensemble des partenaires, c'est important pour l'Alsace, c'est important pour la France.
A vous toutes, et à vous tous merci, merci pour le message que vous m'adressez aujourd'hui, ce message de volonté, ce message de détermination. Pour votre ville, Strasbourg, pour votre région, parce que c'est bien de ce partenariat qui est engagé entre les uns et les autres, que nous arriverons à relever ce grand défi, ce grand défi auquel la France est aujourd'hui confronté, ce défi de modernisation, ce défi pour faire de la société française, une société toujours plus forte et plus solidaire. Personne, aucun pays, aucune société n'est à l'abri des difficultés et des risques. Sachons faire en sorte que toute crise soit l'occasion d'un sursaut, l'occasion d'un renouveau, l'occasion de plus d'humilité, mais aussi de plus d'ambition. Pour faire mieux, pour faire de notre pays, pour faire de la France, un plus grand pays, pour faire de votre région, pour faire de l'Alsace, pour faire de Strasbourg le pont indispensable qu'il est entre notre pays et l'Europe.
A vous toutes et vous tous merci.
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 22 novembre 2005)