Déclaration de M. Christian Poncelet, président du Sénat, sur le développement durable de la montagne, l'aménagement du territoire, le tourisme et l'élevage, Gérardmer, le 27 octobre 2000.

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Circonstance : Clôture du 16ème congrès de l'association des élus de la montagne (ANEM) à Gérardmer (Vosges) le 27 octobre 2000

Texte intégral

Monsieur le Président nouvellement élu, cher Jean-Louis IDIART,
Monsieur le Président sortant, cher Michel BOUVARD,
Madame la Secrétaire générale, chère Janine BARDOU,
Monsieur le Ministre de l'Industrie,
Monsieur le Vice-président de l'ANEM, cher Jean VALROFF,
Monsieur le Maire de Gérardmer,
Messieurs les députés et sénateurs des départements de montagne,
Monsieur le Président de la Fédération européenne des communes forestières, cher Jean-Claude MONIN,
Messieurs les fonctionnaires internationaux, de l'Etat et des collectivités locales,
Mesdames et messieurs les élus français et européens, chers collègues et amis,
Décidément, et c'est peu dire que cela me réjouit, la montagne et ses nombreuses spécificités font recette ! Cette affluence s'explique à l'évidence par la qualité et la densité des travaux de votre association, qui en fait un interlocuteur incontournable pour traiter des dossiers d'aménagement des territoires de montagne.
Mais déjà, mesdames et messieurs, je prononce le mot qui est au coeur de nos démarches, à vous, élus des massifs montagneux, comme à moi, qui préside le Sénat, l'assemblée spécifiquement chargée par la Constitution, en son article 24, de représenter les collectivités territoriales de la République. Ce mot, bien sur, c'est celui de TERRITOIRES.
Dans une société en mouvement, qui se mondialise à marche forcée et qui tend à s'uniformiser, dans une société où nos populations sont tentées, en réaction, par l'individualisme et le repli identitaire, ethnique ou linguistique, le territoire apparaît comme l'indispensable pôle de rassurance, comme le socle irremplaçable de la démocratie et de la République.
Mais encore faut-il s'entendre sur notre ambition pour les territoires, notre conception du développement et de l'aménagement de ceux-ci. Tel est, me semble-t-il, le fil conducteur des débats que vous avez poursuivis depuis ce matin.
Je prêche pour ma part, et comme chacun de vous, sans doute, pour une conception résolument moderne et progressiste de l'aménagement de nos territoires, en particulier des territoires de montagne. Il ne s'agit donc pas seulement, même si c'est essentiel, de maintenir l'existant, qu'il s'agisse des services publics, des activités économiques ou des centres de vie.
Le véritable enjeu est de permettre le développement durable de nos montagnes, ce qui suppose notamment de mener une politique ambitieuse de désenclavement routier, ferroviaire et technologique et de nous donner les moyens d'accueillir des populations permanentes nouvelles.
Dès lors, la ligne de clivage apparaît nettement, et elle ne recoupe pas les habituels clivages partisans : d'un côté, les authentiques défenseurs de l'aménagement des territoires, qui revendiquent les moyens de leurs ambitions, de l'autre des conservateurs frileux, qui s'enferment dans des logiques de gel de l'existant.
Ce clivage me semble éclairer les récents débats sur l'urbanisme en zone de montagne : les auteurs de la loi montagne de 1985, dont personne ne conteste l'utilité et le bien-fondé, avaient choisi, en réaction à certaines dérives incontestables constatées précédemment, une logique particulièrement restrictive : les élus devaient se contenter des logements existants, quelque soit leur état et leur nombre, ainsi que leur accessibilité. Cette logique restrictive - mais d'ailleurs peu efficace pour empêcher les véritables abus - était devenue une sorte de pierre philosophale pour les tenants du conservatisme, ceux qui multiplient les procès d'intention et sous-entendent que les élus locaux seraient tous des irresponsables.
Moi qui suis particulièrement attaché à la préservation des sites naturels vosgiens, souvent exceptionnels, et qui sont le premier vecteur du développement touristique de nos massifs, vous me permettrez de me réjouir, avec vous, que les travaux parlementaires sur le projet de loi " solidarité et renouvellement urbains ", aient notamment permis, à l'issue d'un fructueux dialogue républicain, un assouplissement raisonnable et équilibré de la règle d'urbanisation en continuité en zone de montagne et, à l'initiative du Sénat, la délivrance de permis de construire en vue de l'adaptation de constructions existantes. Le Sénat est également à l'origine d'une innovation importante en matière de développement touristique, la légalisation des aménagements des rivages lacustres au profit d'activités de promenade et de randonnée.
Mes chers collègues, si j'ai pour souci de ne pas retarder abusivement la partie festive de votre programme, à La Bresse, je voudrais dire encore quelques mots à propos de quelques dossiers qui sont au coeur de vos préoccupations comme des miennes.
Un mot, tout d'abord, des secours en montagne, puisque votre assemblée est l'occasion de passer un message insistant à certains de mes collègues qui siègent à l'Assemblée Nationale : sur ce dossier important, que mon ami Jean-Paul AMOUDRY connaît tout particulièrement, le Sénat a pris ses responsabilités, et a adopté, sans coup férir, une proposition de loi de notre collègue Jean FAURE, ami fidèle de l'ANEM.
Ce texte qui visait à permettre aux communes d'exiger des intéressés le remboursement des frais de secours - souvent lourds à l'échelle de petites communes de montagne - qu'elles ont engagés à l'occasion d'accidents provoqués par l'imprudence des sportifs. Beaucoup de bon sens, et rien de bien révolutionnaire dans ce texte qui vise à étendre le régime applicable depuis plus de 10 ans au ski à toutes les autres activités sportives de montagne, dont certaines, récentes, sont particulièrement dangereuses. Le dispositif n'est pas obligatoire, et permet de préserver la dimension d'espace de liberté des territoires de montagne. Il n'est pas une fin en soi, mais un moyen de responsabilisation mis à la disposition des élus de la montagne. Je souhaite donc qu'une navette parlementaire entre les deux assemblées permette de parvenir à un texte aussi satisfaisant et équilibré que possible, conformément à la logique de nos institutions. Il n'est jamais trop tard pour bien faire.
Un mot, enfin, de l'élevage de montagne, qui est une dimension importante de l'aménagement des territoires. Il s'agit d'un dossier un peu complexe, qui est au coeur de la politique agricole commune de l'Union européenne. Si, je comprends que le " sur-pâturage " ne soit pas encouragé, je souhaite, et je le dis très solennellement, que les petites exploitations très extensives ne soient pas pénalisées par le critère des têtes de bétail à l'hectare. Et, si les organisations agricoles ont pris en charge, comme cela est normal, cette question, je ne saurais trop vous inciter par l'intermédiaire de vos sénateurs, à recourir aux services de l'antenne que le Sénat a ouvert à Bruxelles.
Qu'il s'agisse des dotations de l'Etat et de la solidarité nationale, de la forêt de montagne,... il y a nombre d'autres sujets que nous aurions pu aborder ensemble...
Mais au moment de conclure, je souhaite seulement, mes chers collègues, vous dire que j'ai confiance dans notre avenir. Vous êtes l'honneur de la démocratie. Et si l'on vous donne les moyens d'agir, vous pourrez continuer de transformer et de développer nos départements de montagne, de jouer la carte du tourisme et de la qualité de la vie, l'été comme l'hiver, en vous appuyant sur les sites remarquables dont nos territoires sont abondamment pourvus.
Quelles que puissent être les difficultés, les complications technocratiques ou administratives, qui vous font croire, parfois, et non sans raison, que vous ne parlez pas le même langage que vos interlocuteurs, je vous invite très instamment à conserver l'espoir et la foi, chers collègues.
Sachez que vous pouvez compter sur la détermination sans faille du Sénat et de son Président.
Je vous remercie et je vous souhaite une soirée chaleureuse dans ce département des Vosges qui est fier, vraiment fier, de vous accueillir cette année.
(source http://www.senat.fr, le 21 novembre 2000)