Texte intégral
Monsieur le vice-Président de la République,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs,
Je veux d'abord, en ma double qualité de ministre français de la Coopération et de président en exercice du Conseil européen des ministres du Développement, féliciter le gouvernement du Gabon et l'Organisation mondiale du commerce pour cette réunion à laquelle je suis particulièrement heureux de pouvoir participer. Mon collègue, le ministre français du Commerce extérieur, François Huwart, est invité à participer à la séance de clôture.
Le rythme des rencontres consacrées aux finances du monde, au commerce dans le monde aura été extraordinairement soutenu au cours de l'année écoulée : en décembre, l'OMC à Seattle ; en février la dixième session de la CNUCED à Bangkok ; en juin, la signature des nouveaux accords ACP à Cotonou ; en juillet, le G7 d'Okinawa ; le sommet du Millénaire, en septembre ; les assemblées du Fonds monétaire et de la Banque mondiale à Prague, le même mois ; et puis Libreville.
A chaque fois, la question du développement a été au cur des débats. A chaque fois, le constat a été le même : jamais le monde n'a été aussi riche, jamais non plus les inégalités n'ont été aussi fortes. Avec seulement 1% du commerce mondial et 1,5% des flux mondiaux d'investissement - pourcentages d'ailleurs en régression -, l'Afrique reste le continent où les défis du développement sont sans doute les plus difficiles à relever.
Mais, depuis Seattle, le contexte a changé, s'appuyant sur les progrès fulgurants des techniques de communication servies par des médias qui, à défaut d'être toujours invités à l'intérieur des salles de conférence, montrent abondamment la rue et les manifestants. La société civile, dans son incroyable diversité, dans ses contradictions, mais avec une richesse incontestable, a fait irruption sur la scène internationale. Les politiques ne peuvent pas ignorer cette réalité.
Seattle a révélé une triple crise de confiance :
- tout d'abord vis à vis des responsables politiques, accusés d'impuissance à maîtriser une mondialisation qui aggraverait, voire créerait les inégalités :
- crise de confiance dans les relations Nord-Sud, l'encouragement au libre-échange apparaissant comme un nouvel avatar du néocolonialisme ;
- crise de confiance des populations vis à vis des politiques de développement : des populations du Nord qui comprennent mal que tant d'efforts déployés, tant d'argent mobilisé, leur argent, n'aient produit que des résultats décevants en terme de lutte contre la pauvreté ; crise de confiance des populations du Sud qui ne voient que rarement se concrétiser sur le terrain l'optimisme des discours officiels.
Nous, responsables politiques, au Nord comme au Sud, avons l'obligation de restaurer la confiance, de reconstituer le lien. Il y va quelque part de l'avenir de notre planète.
C'est en tout cas avec cette ambition que l'Europe a entrepris de redéfinir sa relation avec les pays ACP, de réécrire la Convention de Lomé. La conclusion à Bruxelles d'une longue, difficile mais fructueuse négociation, la signature en juin à Cotonou d'une nouvelle convention, ont fait la preuve que l'écoute, la patience, la compréhension mutuelle, la volonté aussi d'aboutir, pouvaient non seulement préserver cette relation exceptionnelle entre les 15 Européens et les 77 Etats africains, des Caraïbes et du Pacifique, mais également moderniser et enrichir cette relation.
D'abord en réaffirmant une ambition partagée de mettre le dialogue politique au service de la démocratie et des droits humains, parce que considérés comme indispensables à la paix, mais aussi au développement durable et à la prospérité partagée.
En reconnaissant plus clairement le rôle indispensable de l'investissement privé dans la réalisation d'équipements productifs, seuls capables, en valorisant les ressources premières, de donner du sens à l'échange commercial. Il est vrai que la notion de libre échange entre des pays qui ont des industries et des pays qui n'en ont pas est une relation perverse ; ce n'est plus du libre-échange, c'est de l'échange contraint et trop souvent à sens unique.
Mais aussi en encourageant avec force l'intégration régionale, parce que synonyme d'un vrai marché, d'une meilleure stabilité, parce que susceptible de renforcer l'intégration à l'économie mondiale dès lors que la négociation avec l'Organisation mondiale du commerce a permis de définir cet objectif synonyme de transition maîtrisée, l'intégration à l'économie mondiale.
Je crois que nous avons quelques raisons de nous féliciter d'avoir su finaliser cette convention. L'Union européenne a aussi le mérite, j'y insiste, de rappeler le caractère indispensable de l'aide publique au développement. Je veux dire, en observant là aussi les inégalités trop marquées de la part des pays industrialisés, que le fait que quelques-uns uns participent si peu, si mal à l'aide publique au développement tire vers le bas toute l'aide publique. L'aide publique au développement doit, pendant longtemps encore, permettre les nécessaires compensations. Il nous faut savoir la rendre plus efficace.
Vendredi dernier, j'ai eu la grande chance de présider à Bruxelles le Conseil du développement qui a, en adoptant une déclaration de politique générale en matière de développement, refondé en quelque sorte l'identité européenne de développement. Nous avons fait le choix de recentrer les aides européennes, le choix surtout d'en modifier la procédure, de poser le principe d'une meilleure coordination entre la Commission, les Etats membres et les grandes organisations internationales et d'aller jusqu'à une division du travail organisée sur le terrain afin que la valeur ajoutée de chacun puisque contribuer à une meilleure efficacité de l'ensemble de cette aide.
Nous devons aussi mettre fin à une contradiction : l'Europe représente près de 55 % de l'aide publique au développement et l'influence qui est la sienne dans les grandes enceintes où l'on parle de développement n'est pas à la mesure de cette contribution. Il est vrai aussi que cette aide européenne a, notamment au lendemain de la disparition de l'empire soviétique, dû se diversifier, alimenter des programmes différents. Au FED se sont ajoutés les programmes PHARE, TACIS et MEDA, dont on parle beaucoup, à la veille de la Conférence euro-Méditerranée. De toute évidence, si les crédits ont été augmentés, les moyens de les gérer ne l'ont pas été suffisamment. Cette question est posée. Pascal Lamy, le Commissaire européen, ici présent, en est très conscient. Il faut que tous les pays européens sachent mettre à la disposition de la Commission les outils nécessaires pour que l'aide qu'elle entend dispenser soit mieux gérée.
Je veux rassurer à cette occasion nos amis africains. Il n'est pas question que les nouvelles ambitions de l'Europe en matière de politique extérieure se développent au détriment de la relation privilégiée que l'Europe a et continuera d'avoir avec les pays africains.
Je voudrais dire aussi d'ailleurs à cet égard ma conviction qu'entre l'Union européenne et l'Afrique, les liens s'inscrivent dans une histoire déjà ancienne, mais aussi dans des convictions partagées. Je veux en évoquer deux : la conviction par exemple que l'agriculture n'a pas seulement un rôle économique, mais un rôle social, multifonctionnel comme nous disons. Elle est garante de liens sociaux, d'un développement en harmonie avec les identités locales. Elle a un rôle privilégié à jouer dans la préservation et l'enrichissement des ressources naturelles.
Nous partageons aussi avec l'Afrique la certitude que les biens culturels ne sont pas de simples marchandises, qu'ils doivent faire l'objet d'une vigilance particulière dans la réflexion commerciale.
Je voudrais insister sur la nouvelle réflexion que nous avons engagée autour du lien commerce et développement. Il est clair que nous ne réussirons le processus majeur d'ouverture et de globalisation économique que, si à côté de la libéralisation, il y a un accord sur les valeurs fondamentales de l'humanité et les moyens de la promouvoir.
Acteur commercial de premier plan, l'Union européenne sait que les politiques de développement et les politiques commerciales et d'investissement doivent être cohérentes et complémentaires.
Il est vrai que le lien commerce-développement a été longtemps absorbé par la problématique des produits de base avec les désillusions qui en ont résulté. Il a fallu intégrer la Convention de Lomé à la mondialisation, je veux dire aux règles de l'OMC. Ces règles n'interdisent pas la discrimination positive en faveur des pays du sud mais elles obligent à la justifier et à l'encadrer.
L'intégration régionale, dont je disais la part qu'elle a prise désormais dans la nouvelle convention, devrait représenter une contribution déterminante à la paix et à la prévention des conflits. Paix et prévention des conflits qui ont été au cur du Sommet du Millenium et de la réunion entre les cinq chefs d'Etats, membres permanents du Conseil de sécurité, à laquelle j'ai eu la chance de participer. Je peux porter témoignage que les cinq chefs des plus grandes puissances du monde ont d'abord parlé du maintien de la paix comme d'un préalable au développement.
Après un certain essoufflement, les dynamiques d'intégration régionale connaissent un regain d'intérêt en Afrique. Nous voulons nous en féliciter. Les processus en cours en Afrique de l'Ouest, en Afrique australe et en Afrique de l'Est, témoignent de l'engagement des Etats africains et sont un gage de l'insertion plus équitable de l'Afrique dans l'économie internationale.
Je rappelle d'ailleurs que les accords de partenariat envisagés dans la nouvelle convention entre l'Union européenne et les ACP impliquent le démantèlement progressif des obstacles au commerce, ce qui ne manquera pas d'avoir pour effet de dynamiser les relations commerciales bilatérales et d'associer davantage les Etats ACP au système commercial multilatéral.
La Francophonie a également un rôle à jouer pour favoriser la concertation dans le cadre de l'OMC. Lors de la conférence qui s'est tenue à Monaco les 14 et 15 août 1999, les ministres de l'Economie et des Finances francophones sont convenus de renforcer la concertation sur toutes les questions intéressant le commerce international, et en particulier sur les questions touchant à la concertation dans le cadre de l'OMC. La Francophonie organisera à Genève, à la fin de ce mois, à l'intention des ACP, un séminaire conjoint avec le Commonwealth sur l'articulation de l'Accord de Cotonou avec les engagements internationaux pris par ailleurs. Cet exercice est appelé à se poursuivre. D'autres rendez-vous sont déjà pris. Je laisse au directeur général de la Francophonie le soin d'en dire davantage.
Il est évident que nous devons continuer à tisser cette solidarité commerciale pour intégrer les pays les plus pauvres dans l'économie mondiale. C'est l'Union européenne qui est à l'origine de l'initiative en faveur des pays les moins avancés décidée lors de la dixième session de la CNUCED à Bangkok en février dernier : l'accès en franchise de droit et de quota pour l'essentiel des produits en provenance des PMA. Sachant les intérêts de nos pays qu'il nous faut prendre en compte à cet égard, je peux porter témoignage qu'il s'agit là d'une avancée considérable et qui exige de nous un travail d'explication à nos opinions qui n'est pas croyez-le, si évident. Je voudrais que vous puissiez nous en donner crédit. Je me félicite en tout cas que les chefs d'Etat et de gouvernement, lors de l'assemblée du Millénaire, aient demandé aux pays industrialisés de tenir leur engagement, d'adopter cette politique d'ouverture, de préférence avant la troisième conférence des Nations unies sur les pays les moins avancés qu'accueillera à Bruxelles en mai 2001 l'Union européenne.
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs,
L'amélioration de l'accès aux marchés des pays industrialisés ne suffit évidemment pas. Il convient de prendre en compte les contraintes de l'offre et de la compétitivité, la capacité des pays en développement à bénéficier de l'ouverture du marché, une coopération renforcée dans les domaines liés au commerce, les transferts de technologies, l'accès aux réseaux mondiaux de l'information, les stratégies de promotion de l'investissement et de développement du secteur privé.
La prise en compte de l'ensemble de ces dimensions nécessite des appuis appropriés. Outre l'ouverture des marchés et l'appui financier des pays industrialisés, une assistance technique est nécessaire pour encourager la participation des pays en développement aux travaux de l'OMC et les aider à adapter leur réglementation, leurs produits aux exigences du marché mondial. C'est tout cela qui donne du sens à cette réunion de Libreville.
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs,
Au moment de conclure, permettez-moi de revenir à l'enjeu du développement pour la France et pour ses partenaires de l'Union européenne.
Nous sommes convaincus que le développement est en réalité un enjeu de civilisation.
Nous reconnaissons que la mondialisation de l'économie est irréversible parce qu'elle a d'abord des causes extérieures, technologiques. Vouloir empêcher la mondialisation serait aussi vain qu'essayer d'inverser le cours d'un fleuve.
La mondialisation de l'économie est en réalité une force, mais c'est le développement, c'est à dire le progrès de l'humanité, qui lui donne du sens.
Il faut une mondialisation maîtrisée, nous la voulons pour nous-mêmes, et nous considérons que c'est dans le rapport au monde en développement que se joue une grande partie de la capacité de notre planète à se réguler.
Oui il faut des règles. A l'appui de ma démonstration, je citerai cette phrase d'un philosophe français, Lacordaire, qui dit : "Dans la relation du faible au fort, c'est la liberté qui opprime et c'est la loi qui protège". C'est dans cet esprit que je crois indispensable le rôle de l'Organisation mondiale du commerce, à condition que nous sachions mobiliser celles et ceux qui pensent que l'intégration sociale est une ambition indispensable et que la croissance n'a de sens que si elle prend racine au plus profond du corps social.
Vous voyez que pour construire cette indispensable régulation, nous avons besoin de gouvernements décidés à agir. C'est la condition pour avoir des institutions multilatérales efficaces et légitimes. A cette exigence, l'Union européenne est profondément attachée et elle entend continuer à uvrer en ce sens en poursuivant et en renouvelant sa politique de solidarité envers les pays en développement.
Je vous remercie, Monsieur le Président, de m'avoir donné l'occasion d'exprimer à cette tribune ce que beaucoup d'Européens et très largement notre opinion publique pensent aujourd'hui du développement..
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 20 novembre 2000)
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs,
Je veux d'abord, en ma double qualité de ministre français de la Coopération et de président en exercice du Conseil européen des ministres du Développement, féliciter le gouvernement du Gabon et l'Organisation mondiale du commerce pour cette réunion à laquelle je suis particulièrement heureux de pouvoir participer. Mon collègue, le ministre français du Commerce extérieur, François Huwart, est invité à participer à la séance de clôture.
Le rythme des rencontres consacrées aux finances du monde, au commerce dans le monde aura été extraordinairement soutenu au cours de l'année écoulée : en décembre, l'OMC à Seattle ; en février la dixième session de la CNUCED à Bangkok ; en juin, la signature des nouveaux accords ACP à Cotonou ; en juillet, le G7 d'Okinawa ; le sommet du Millénaire, en septembre ; les assemblées du Fonds monétaire et de la Banque mondiale à Prague, le même mois ; et puis Libreville.
A chaque fois, la question du développement a été au cur des débats. A chaque fois, le constat a été le même : jamais le monde n'a été aussi riche, jamais non plus les inégalités n'ont été aussi fortes. Avec seulement 1% du commerce mondial et 1,5% des flux mondiaux d'investissement - pourcentages d'ailleurs en régression -, l'Afrique reste le continent où les défis du développement sont sans doute les plus difficiles à relever.
Mais, depuis Seattle, le contexte a changé, s'appuyant sur les progrès fulgurants des techniques de communication servies par des médias qui, à défaut d'être toujours invités à l'intérieur des salles de conférence, montrent abondamment la rue et les manifestants. La société civile, dans son incroyable diversité, dans ses contradictions, mais avec une richesse incontestable, a fait irruption sur la scène internationale. Les politiques ne peuvent pas ignorer cette réalité.
Seattle a révélé une triple crise de confiance :
- tout d'abord vis à vis des responsables politiques, accusés d'impuissance à maîtriser une mondialisation qui aggraverait, voire créerait les inégalités :
- crise de confiance dans les relations Nord-Sud, l'encouragement au libre-échange apparaissant comme un nouvel avatar du néocolonialisme ;
- crise de confiance des populations vis à vis des politiques de développement : des populations du Nord qui comprennent mal que tant d'efforts déployés, tant d'argent mobilisé, leur argent, n'aient produit que des résultats décevants en terme de lutte contre la pauvreté ; crise de confiance des populations du Sud qui ne voient que rarement se concrétiser sur le terrain l'optimisme des discours officiels.
Nous, responsables politiques, au Nord comme au Sud, avons l'obligation de restaurer la confiance, de reconstituer le lien. Il y va quelque part de l'avenir de notre planète.
C'est en tout cas avec cette ambition que l'Europe a entrepris de redéfinir sa relation avec les pays ACP, de réécrire la Convention de Lomé. La conclusion à Bruxelles d'une longue, difficile mais fructueuse négociation, la signature en juin à Cotonou d'une nouvelle convention, ont fait la preuve que l'écoute, la patience, la compréhension mutuelle, la volonté aussi d'aboutir, pouvaient non seulement préserver cette relation exceptionnelle entre les 15 Européens et les 77 Etats africains, des Caraïbes et du Pacifique, mais également moderniser et enrichir cette relation.
D'abord en réaffirmant une ambition partagée de mettre le dialogue politique au service de la démocratie et des droits humains, parce que considérés comme indispensables à la paix, mais aussi au développement durable et à la prospérité partagée.
En reconnaissant plus clairement le rôle indispensable de l'investissement privé dans la réalisation d'équipements productifs, seuls capables, en valorisant les ressources premières, de donner du sens à l'échange commercial. Il est vrai que la notion de libre échange entre des pays qui ont des industries et des pays qui n'en ont pas est une relation perverse ; ce n'est plus du libre-échange, c'est de l'échange contraint et trop souvent à sens unique.
Mais aussi en encourageant avec force l'intégration régionale, parce que synonyme d'un vrai marché, d'une meilleure stabilité, parce que susceptible de renforcer l'intégration à l'économie mondiale dès lors que la négociation avec l'Organisation mondiale du commerce a permis de définir cet objectif synonyme de transition maîtrisée, l'intégration à l'économie mondiale.
Je crois que nous avons quelques raisons de nous féliciter d'avoir su finaliser cette convention. L'Union européenne a aussi le mérite, j'y insiste, de rappeler le caractère indispensable de l'aide publique au développement. Je veux dire, en observant là aussi les inégalités trop marquées de la part des pays industrialisés, que le fait que quelques-uns uns participent si peu, si mal à l'aide publique au développement tire vers le bas toute l'aide publique. L'aide publique au développement doit, pendant longtemps encore, permettre les nécessaires compensations. Il nous faut savoir la rendre plus efficace.
Vendredi dernier, j'ai eu la grande chance de présider à Bruxelles le Conseil du développement qui a, en adoptant une déclaration de politique générale en matière de développement, refondé en quelque sorte l'identité européenne de développement. Nous avons fait le choix de recentrer les aides européennes, le choix surtout d'en modifier la procédure, de poser le principe d'une meilleure coordination entre la Commission, les Etats membres et les grandes organisations internationales et d'aller jusqu'à une division du travail organisée sur le terrain afin que la valeur ajoutée de chacun puisque contribuer à une meilleure efficacité de l'ensemble de cette aide.
Nous devons aussi mettre fin à une contradiction : l'Europe représente près de 55 % de l'aide publique au développement et l'influence qui est la sienne dans les grandes enceintes où l'on parle de développement n'est pas à la mesure de cette contribution. Il est vrai aussi que cette aide européenne a, notamment au lendemain de la disparition de l'empire soviétique, dû se diversifier, alimenter des programmes différents. Au FED se sont ajoutés les programmes PHARE, TACIS et MEDA, dont on parle beaucoup, à la veille de la Conférence euro-Méditerranée. De toute évidence, si les crédits ont été augmentés, les moyens de les gérer ne l'ont pas été suffisamment. Cette question est posée. Pascal Lamy, le Commissaire européen, ici présent, en est très conscient. Il faut que tous les pays européens sachent mettre à la disposition de la Commission les outils nécessaires pour que l'aide qu'elle entend dispenser soit mieux gérée.
Je veux rassurer à cette occasion nos amis africains. Il n'est pas question que les nouvelles ambitions de l'Europe en matière de politique extérieure se développent au détriment de la relation privilégiée que l'Europe a et continuera d'avoir avec les pays africains.
Je voudrais dire aussi d'ailleurs à cet égard ma conviction qu'entre l'Union européenne et l'Afrique, les liens s'inscrivent dans une histoire déjà ancienne, mais aussi dans des convictions partagées. Je veux en évoquer deux : la conviction par exemple que l'agriculture n'a pas seulement un rôle économique, mais un rôle social, multifonctionnel comme nous disons. Elle est garante de liens sociaux, d'un développement en harmonie avec les identités locales. Elle a un rôle privilégié à jouer dans la préservation et l'enrichissement des ressources naturelles.
Nous partageons aussi avec l'Afrique la certitude que les biens culturels ne sont pas de simples marchandises, qu'ils doivent faire l'objet d'une vigilance particulière dans la réflexion commerciale.
Je voudrais insister sur la nouvelle réflexion que nous avons engagée autour du lien commerce et développement. Il est clair que nous ne réussirons le processus majeur d'ouverture et de globalisation économique que, si à côté de la libéralisation, il y a un accord sur les valeurs fondamentales de l'humanité et les moyens de la promouvoir.
Acteur commercial de premier plan, l'Union européenne sait que les politiques de développement et les politiques commerciales et d'investissement doivent être cohérentes et complémentaires.
Il est vrai que le lien commerce-développement a été longtemps absorbé par la problématique des produits de base avec les désillusions qui en ont résulté. Il a fallu intégrer la Convention de Lomé à la mondialisation, je veux dire aux règles de l'OMC. Ces règles n'interdisent pas la discrimination positive en faveur des pays du sud mais elles obligent à la justifier et à l'encadrer.
L'intégration régionale, dont je disais la part qu'elle a prise désormais dans la nouvelle convention, devrait représenter une contribution déterminante à la paix et à la prévention des conflits. Paix et prévention des conflits qui ont été au cur du Sommet du Millenium et de la réunion entre les cinq chefs d'Etats, membres permanents du Conseil de sécurité, à laquelle j'ai eu la chance de participer. Je peux porter témoignage que les cinq chefs des plus grandes puissances du monde ont d'abord parlé du maintien de la paix comme d'un préalable au développement.
Après un certain essoufflement, les dynamiques d'intégration régionale connaissent un regain d'intérêt en Afrique. Nous voulons nous en féliciter. Les processus en cours en Afrique de l'Ouest, en Afrique australe et en Afrique de l'Est, témoignent de l'engagement des Etats africains et sont un gage de l'insertion plus équitable de l'Afrique dans l'économie internationale.
Je rappelle d'ailleurs que les accords de partenariat envisagés dans la nouvelle convention entre l'Union européenne et les ACP impliquent le démantèlement progressif des obstacles au commerce, ce qui ne manquera pas d'avoir pour effet de dynamiser les relations commerciales bilatérales et d'associer davantage les Etats ACP au système commercial multilatéral.
La Francophonie a également un rôle à jouer pour favoriser la concertation dans le cadre de l'OMC. Lors de la conférence qui s'est tenue à Monaco les 14 et 15 août 1999, les ministres de l'Economie et des Finances francophones sont convenus de renforcer la concertation sur toutes les questions intéressant le commerce international, et en particulier sur les questions touchant à la concertation dans le cadre de l'OMC. La Francophonie organisera à Genève, à la fin de ce mois, à l'intention des ACP, un séminaire conjoint avec le Commonwealth sur l'articulation de l'Accord de Cotonou avec les engagements internationaux pris par ailleurs. Cet exercice est appelé à se poursuivre. D'autres rendez-vous sont déjà pris. Je laisse au directeur général de la Francophonie le soin d'en dire davantage.
Il est évident que nous devons continuer à tisser cette solidarité commerciale pour intégrer les pays les plus pauvres dans l'économie mondiale. C'est l'Union européenne qui est à l'origine de l'initiative en faveur des pays les moins avancés décidée lors de la dixième session de la CNUCED à Bangkok en février dernier : l'accès en franchise de droit et de quota pour l'essentiel des produits en provenance des PMA. Sachant les intérêts de nos pays qu'il nous faut prendre en compte à cet égard, je peux porter témoignage qu'il s'agit là d'une avancée considérable et qui exige de nous un travail d'explication à nos opinions qui n'est pas croyez-le, si évident. Je voudrais que vous puissiez nous en donner crédit. Je me félicite en tout cas que les chefs d'Etat et de gouvernement, lors de l'assemblée du Millénaire, aient demandé aux pays industrialisés de tenir leur engagement, d'adopter cette politique d'ouverture, de préférence avant la troisième conférence des Nations unies sur les pays les moins avancés qu'accueillera à Bruxelles en mai 2001 l'Union européenne.
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs,
L'amélioration de l'accès aux marchés des pays industrialisés ne suffit évidemment pas. Il convient de prendre en compte les contraintes de l'offre et de la compétitivité, la capacité des pays en développement à bénéficier de l'ouverture du marché, une coopération renforcée dans les domaines liés au commerce, les transferts de technologies, l'accès aux réseaux mondiaux de l'information, les stratégies de promotion de l'investissement et de développement du secteur privé.
La prise en compte de l'ensemble de ces dimensions nécessite des appuis appropriés. Outre l'ouverture des marchés et l'appui financier des pays industrialisés, une assistance technique est nécessaire pour encourager la participation des pays en développement aux travaux de l'OMC et les aider à adapter leur réglementation, leurs produits aux exigences du marché mondial. C'est tout cela qui donne du sens à cette réunion de Libreville.
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs,
Au moment de conclure, permettez-moi de revenir à l'enjeu du développement pour la France et pour ses partenaires de l'Union européenne.
Nous sommes convaincus que le développement est en réalité un enjeu de civilisation.
Nous reconnaissons que la mondialisation de l'économie est irréversible parce qu'elle a d'abord des causes extérieures, technologiques. Vouloir empêcher la mondialisation serait aussi vain qu'essayer d'inverser le cours d'un fleuve.
La mondialisation de l'économie est en réalité une force, mais c'est le développement, c'est à dire le progrès de l'humanité, qui lui donne du sens.
Il faut une mondialisation maîtrisée, nous la voulons pour nous-mêmes, et nous considérons que c'est dans le rapport au monde en développement que se joue une grande partie de la capacité de notre planète à se réguler.
Oui il faut des règles. A l'appui de ma démonstration, je citerai cette phrase d'un philosophe français, Lacordaire, qui dit : "Dans la relation du faible au fort, c'est la liberté qui opprime et c'est la loi qui protège". C'est dans cet esprit que je crois indispensable le rôle de l'Organisation mondiale du commerce, à condition que nous sachions mobiliser celles et ceux qui pensent que l'intégration sociale est une ambition indispensable et que la croissance n'a de sens que si elle prend racine au plus profond du corps social.
Vous voyez que pour construire cette indispensable régulation, nous avons besoin de gouvernements décidés à agir. C'est la condition pour avoir des institutions multilatérales efficaces et légitimes. A cette exigence, l'Union européenne est profondément attachée et elle entend continuer à uvrer en ce sens en poursuivant et en renouvelant sa politique de solidarité envers les pays en développement.
Je vous remercie, Monsieur le Président, de m'avoir donné l'occasion d'exprimer à cette tribune ce que beaucoup d'Européens et très largement notre opinion publique pensent aujourd'hui du développement..
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 20 novembre 2000)