Déclaration de M. Alain Juppé, Premier ministre, sur la vie associative et le partenariat de l'Etat avec les associations dans le cadre de la lutte pour l'emploi, Paris le 9 juin 1995.

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Circonstance : Conférence de presse à l'issue de la réunion du Conseil national de la vie associative à Matignon, Paris le 9 juin 1995

Texte intégral

Je viens de réunir, ici, à Matignon, le Conseil national de la vie associative. C'est sinon tout à fait une première, du moins un geste qui avait été un peu perdu de vue. Ce Conseil national est un organe consultatif, placé auprès du Premier ministre, il a été créé en 1983, et il regroupe des représentants de toutes les sensibilités, de tous les secteurs d'activités associatifs, et je le répète, c'est, je crois, la première fois depuis bien longtemps que, peu de temps après sa prise de fonctions, un Premier ministre le réunit à Matignon. J'ai voulu par-là montrer toute l'importance que le gouvernement attache à son partenariat avec les associations, vous savez que c'est une idée que le Président de la République a longuement développée, que j'ai reprise moi-même dans ma déclaration de politique générale. Pourquoi ? Parce qu'il y a 700 000 associations en France, ce chiffre n'est pas très précis et il est difficile de savoir exactement celles qui sont en vie, il s'en crée beaucoup, il en disparaît d'autres, mais je crois qu'il est à peu près réaliste. Et ce sont plusieurs millions de personnes, 7 à 8, qui d'une manière ou d'une autre, en tant que bénévole ou en tant que salarié des associations, sont engagées dans la vie associative. C'est donc une réalité tout à fait importante. J'ajoute que l'une des réponses aux problèmes que nous nous posons, réduction de la fracture sociale, reconstitution du pacte républicain, c'est précisément l'engagement associatif, de même que les associations peuvent faire beaucoup en ce qui concerne la lutte pour l'emploi. On m'indiquait tout à l'heure que entre bénévolat et création d'emplois, il y a dans le tissu associatif un lien en réalité beaucoup plus étroit qu'on ne le pense. Voilà donc le geste que j'ai voulu faire avec monsieur Raoult et monsieur Drut, qui chacun dans leur secteur, ont l'occasion de travailler souvent avec les associations. J'ai défini à cette occasion - je ne sais pas ce qui se passe là, mais c'est vraiment un magnétophone rétif, c'est ça - j'ai donc défini un certain nombre d'objectifs et une méthode de travail, et j'ai, en particulier, fixé un prochain rendez-vous à la fin de cette année avec une nouvelle réunion du Conseil national, qui nous permettra de faire le bilan des travaux engagés. Travaux engagés dans trois domaines, trois chantiers, ai-je dit, tout d'abord, le bénévolat. Il faut que nous parvenions à définir un véritable statut du bénévolat permettant d'ouvrir aux bénévoles un certain nombre de droits. Droit à la formation, droit également à la protection lorsqu'il s'agit des accidents du trajet ou des accidents du travail. Pour concrétiser ce premier objectif, j'ai annoncé un doublement des crédits du Fonds national de développement de la vie associative dès le collectif de cette fin de mois. Ce fonds finance, en particulier, des actions de formation des bénévoles. J'ai également indiqué qu'il était important d'attirer davantage de Françaises et de Français encore dans le bénévolat, et j'ai suggéré que la prochaine grande cause nationale, 96, soit précisément la promotion du bénévolat. Le deuxième grand chantier, c'est celui du financement et du statut fiscal des associations, il y a beaucoup de problèmes à régler de ce point de vue, soit strictement français, soit parfois européens d'ailleurs, régime de la TVA, régime de l'impôt sur les sociétés, etc. Un certain nombre de groupes de travail seront mis en place dans cet esprit. Enfin le troisième chantier, c'est le chantier de l'emploi associatif, j'ai annoncé que le contrat initiative-emploi, qui sera institué au mois de juillet, après l'examen, le vote du Parlement serait ouvert aux associations qui peuvent constituer un secteur de création d'emplois très vigoureux. Le président du Conseil national de la vie associative me rappelait qu'au cours des dernières années, dans le tissu associatif, la progression de l'emploi a été supérieure à 3 %, ce qui est assez rare, il faut bien le dire dans d'autres secteurs d'activités. Voilà quelques-unes des idées que j'ai lancées, ou des mesures concrètes que j'ai d'ores et déjà annoncées, j'y ajoute la mise en uvre effective, d'ici le 15 juillet, et des consignes ont été adressées en ce sens à tous les départements ministériels, quelque chose qui a été créé par la loi il y a plusieurs années mais qui n'est pas entré réellement en vigueur en vérité, c'est le congé de représentation des militants associatifs pour participer à un certain nombre de commissions ou d'organismes pendant leur travail. C'est dans cet esprit de partenariat que nous allons maintenant travailler, nous sommes convenus de créer plusieurs groupes de travail qui seront directement pilotés par mon cabinet en liaison avec les ministères compétents. C'est donc une concrétisation, je crois, assez rapide d'un des thèmes forts développés par le Président de la République, et par le gouvernement, à savoir l'attention toute particulière portée au secteur associatif.
JOURNALISTE - Monsieur le Premier ministre, est-ce que vous avez évoqué ce matin les incidents de Noisy-le-Grand de la nuit dernière ?
ALAIN JUPPÉ- Nous ne les avons pas évoqués au cours de ce conseil naturellement, mais je les ai suivis de très près, bien entendu. Il faut, comme à l'habitude, élucider rapidement les conditions dans lesquelles cet incident ou cet accident s'est produit, et les enquêtes nécessaires ont été prescrites, mais je voudrais dire quand même avec beaucoup de fermeté que quelle que soit notre volonté de dialogue, de compréhension, d'ouverture - et elle est grande, je l'ai dite à plusieurs reprises, monsieur Raoult l'a dite aussi, et sa présence sur le terrain l'atteste, et nous préparons un programme d'actions pour l'insertion, l'intégration et contre l'exclusion - donc, quelle que soit cette volonté, qui est intacte et qui est forte, on ne saurait tolérer de véritables actes criminels. Ce n'est pas en incendiant les collèges ou des bâtiments publics ou privés qu'on fait avancer sa cause et sa compréhension, et de ce point de vue, il faut aussi que l'ordre républicain soit respecté.
JOURNALISTE - Est-ce que la vie associative, monsieur le Premier ministre, va permettre de résoudre les problèmes dans le pays ?
ALAIN JUPPÉ - Vaste sujet, la vie associative peut faire beaucoup de choses. En tout cas, je crois que, face à ce risque de dissociation qui guette notre pays, à l'individualisme, à l'incompréhension, qui sont particulièrement fortes dans les quartiers difficiles, la vie associative est, à n'en pas douter, une réponse parce que c'est la solidarité, c'est la générosité, c'est l'engagement, c'est le bénévolat, et je crois qu'on n'a pas assez au cours des dernières années attaché d'importance à ce phénomène associatif. Il se manifeste dans tous les domaines, dans le domaine culturel, dans le domaine sportif, dans le domaine social, dans d'autres encore, dans celui de l'environnement, et je crois que c'est vraiment une réponse à la fracture sociale que nous avons évoquée à plusieurs reprises, y compris aux problèmes des quartiers en difficulté, nous avons, par exemple, évoqué ce matin, dans les débats du Conseil national, la nécessité d'offrir aux jeunes des possibilités pendant l'été de participation à des activités culturelles ou de vacances, dont certains peuvent hélas être privés, et je crois que, aussi bien monsieur Drut que monsieur Raoult, sont en train de travailler sur ces sujets.
JOURNALISTE - Comment expliquez-vous les incidents de cette nuit ? Est-ce que vous pouvez y revenir ? Et l'expression le malaise des banlieues ?
ALAIN JUPPÉ - Je vous ai dit ce que j'entendais... Il y a l'expression du malaise des banlieues, il y a aussi parfois, peut-être, on peut se poser la question, derrière tout ça, une volonté de casser et d'affronter. Donc, je crois qu'il faut que toutes les enquêtes soient faites pour s'assurer qu'il n'y 'a pas eu d'erreurs de la part des services administratifs, mais il faut aussi tenir un langage très clair et très ferme en disant que nous ne laisserons pas dériver les choses dans le sens de la violence et de l'atteinte à l'ordre public.
JOURNALISTE - (Question inaudible) Il me semble quand même qu'il y a des difficultés croissantes entre les jeunes et les forces de police...
ALAIN JUPPÉ - Certes, par expérience, je le sais, il m'est arrivé moi-même de présider dans des quartiers difficiles - je pense à mon arrondissement de Paris - des rencontres entre la police et les jeunes. Il y a un gros travail de mise en relation, de dialogue, de compréhension à faire, des initiatives importantes ont été prises dans le passé, il faut les développer, et comme je le disais récemment à Marseille, la volonté d'ouverture de générosité et de dialogue, elle doit aller de paire avec la volonté de faire respecter l'ordre républicain, il faut les deux. Je ne tombe ni dans un excès, ni dans l'autre.
JOURNALISTE - Il y a pourtant des zones dans lesquels les services administratifs, la police, a peur d'aller. Ce n'est pas toujours évident de se déplacer dans certains endroits.
ALAIN JUPPÉ - Certes, monsieur Raoult pourrait le dire plus savamment que nous tous parce qu'il y va souvent. C'est la raison pour laquelle nous avons, précisément, mis en chantier un programme d'action pour réimplanter dans ces quartiers en difficulté, les services de proximité qui sont nécessaires et pas simplement les services de police, les services sociaux, culturels. Je crois beaucoup à la chance que peut constituer dans de tels quartiers le développement des activités culturelles qui sont des activités de convivialité, de dialogue particulièrement adaptées aux attentes des jeunes. Donc, bien sûr que nous allons faire cela, des choses ont été faites, qui n'ont pas été parfaites, et c'est la raison pour laquelle nous bâtissons ce programme que j'ai demandé à monsieur Raoult pour septembre-octobre, sans préjudice des initiatives immédiates qui peuvent être prises, bien sur.
JOURNALISTE - (Question inaudible) (Est-ce que le genre de réactions...)
ALAIN JUPPÉ - Oui, attendez, je suis venu vous parler essentiellement du Conseil national de la vie associative, je vous ai déjà dit à plusieurs reprises ce que je pensais des évènements de cette nuit, voilà, je suis naturellement très attentif à tout ce qui se passe, je comprends votre souci de l'actualité immédiate mais mon but, aujourd'hui, j'ai répondu à votre question, c'était aussi de vous délivrer un message sur ce qui vient de se passer ici, j'espère que les deux choses seront bien répercutées. Merci.
JOURNALISTE - Monsieur Raoult ? Pas de commentaire ?