Déclarations de M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, sur la modernisation des administrations publiques dans chaque pays de l'Union européenne, l'importance et le champ d'action du dialogue social et sur la coordination des actions des administrations publiques notamment l'échange des pratiques et les méthodes de comparaison ou d'évaluation de la qualité réglementaire, Strasbourg les 7 et 8 novembre 2000.

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Circonstance : Ouverture, à Strasbourg, de la 8ème réunion des ministres européens de la fonction publique et de l'administration, le 7 novembre 2000 et clôture de la réunion le 8 novembre 2000

Texte intégral

Discours d'introduction le 7 novembre 2000 :
Mesdames et Messieurs les ministres, chers collègues,
Je vous renouvelle mes voeux de bienvenue et vous remercie d'être présents aujourd'hui.
Je souhaite tout d'abord insister sur l'importance que revêt à mes yeux cette réunion des ministres chargés de la fonction publique et de l'administration au sein de l'Union européenne, la huitième depuis la première initiative prise par les Pays-Bas en 1988.
Nos administrations publiques ne relèvent pas du champ communautaire, pour des raisons que l'on conçoit aisément : elles sont, plus que toute autre chose, le produit d'une histoire, celle de la construction d'un État, et le reflet de cultures politiques diverses. Elles sont d'autant plus difficiles à " communautariser " qu'elles diffèrent, dans leur organisation, parfois centralisée, parfois fédérale, leur structure géographique, par le statut de leurs agents.
Pour toutes ces raisons, notre réunion d'aujourd'hui porte le qualificatif de réunion ad hoc. Elle est aussi, de ce fait, ad libitum, c'est-à-dire qu'elle est ce que nous en ferons ensemble : aucune sanction formelle ne viendrait stigmatiser notre inaction ou notre impuissance, et nous aurions pu tout aussi bien, sans violer aucune règle ni aucun calendrier, ne pas nous réunir. J'ai jugé cependant important, essentiel et même indispensable que nous nous réunissions aujourd'hui, et je me réjouis que cette démarche ait rencontré vos faveurs.
L'histoire des réunions des ministres européens de la fonction publique, faite, bien que fort récente, d'une succession d'impulsions et de pauses, démontre si besoin était, combien nos travaux ne vont pas de soi. J'en tire la conclusion qu'une impulsion forte est aujourd'hui nécessaire, pour stabiliser et approfondir notre action.
L'enjeu est aujourd'hui de quitter une attitude essentiellement passive pour prendre les devants en matière de modernisation des administrations : le rôle des administrations publiques est trop fondamental dans une société pour qu'elles demeurent plus longtemps à l'écart de la construction européenne. Construire l'Europe sociale passe aussi, et peut-être même surtout, par la construction d'une Europe des services collectifs.
Cette Europe des services collectifs, il nous revient, dans cette enceinte, de la construire. Notre diversité réelle - plusieurs d'entre nous conjuguent ces responsabilités avec celles de l'Intérieur, des Finances ou de la Justice - recouvre en effet une convergence de préoccupations : avec la gestion de nos fonctions publiques nationales, nous sommes tous chargés de contribuer à la réforme de l'État, à la simplification administrative, à la transparence de la gestion publique, à l'amélioration des relations entre l'État et les citoyens.
Chacun de nous a entrepris d'y travailler au niveau national, et c'est très bien ainsi. Mais nous pouvons aussi aller plus vite, être plus efficaces en échangeant nos expériences et en comparant nos initiatives : avec la libre-circulation, nos citoyens bougent, voyagent et séjournent de plus en plus fréquemment dans d'autres pays de l'Union européenne. Ils observent, comparent, font circuler les idées, et sont aussi plus exigeants en rentrant chez eux. Ils ont raison et nous devons faire de même : le contact entre administrations, l'échange d'idées, et la comparaison des performances doivent créer, dans le respect le plus absolu de la diversité, une émulation positive et constructive entre administrations publiques européennes, pour accélérer les réformes au niveau national.
Les sujets que je vous ai proposé d'inscrire à notre ordre du jour sont au nombre de quatre : qualité des services publics, qualité de la réglementation, tant nationale que communautaire, développement de l'administration électronique, qui est une promesse formidable de rapidité des procédures et de transparence des administrations, dialogue social, qui est non seulement un exercice obligé dans une administration démocratique, mais aussi un gage d'adhésion des agents aux réformes.
Pour tous ces sujets, la question de la compétence, nationale ou communautaire, n'est pas prioritaire par rapport à l'objectif recherché qui est de favoriser l'association des expériences et la synergie des compétences, pour proposer les solutions les mieux adaptées dans chaque cas. Les compétences de chacun doivent contribuer, de manière coordonnée et transparente, à la mise en place de solutions d'intérêt commun, chacun bénéficiant de l'apport de l'autre.
C'est le sens du mandat donné par le Conseil européen de Lisbonne en matière de qualité de la réglementation, à la Commission, au Conseil et aux États-membres.
C'est également le sens de la méthode dite " ouverte de coordination " définie et recommandée par ce même Conseil européen. Il s'agit de définir ensemble les lignes directrices et les objectifs de réforme, à court, moyen et long terme, de permettre une large diffusion des meilleures pratiques, et d'élaborer des indicateurs quantitatifs et qualitatifs permettant d'évaluer et de comparer pour mieux motiver.
Depuis l'accélération donnée à notre action sous présidence autrichienne, en 1998, et depuis les travaux menés sous présidence portugaise - et je pense notamment au colloque de Lisbonne sur les bonnes pratiques -, plusieurs initiatives ont été lancées.
Ce que je vous propose aujourd'hui, c'est de porter en avant ces sujets d'intérêt commun, de poursuivre et d'approfondir notre action coordonnée. Il importe pour cela que nous nous donnions les moyens d'avancer, en adoptant des résolutions ambitieuses, en nous appuyant sur le travail de nos directeurs généraux, auxquels je tiens à rendre hommage aujourd'hui, en renforçant nos structures de coopération et en mettant en place l'ensemble des instruments, y compris politiques, nécessaires pour traduire en actions concrètes nos décisions communes.
Si vous en êtes d'accord, je vous propose de commencer nos travaux par la première de ces résolutions, sur le dialogue social. Nous y consacrerons la moitié de la matinée, avant de passer à la résolution suivante. Nous avions prévu de travailler ensuite sur la qualité et l'efficacité des services publics, mais je crois que notre collègue allemande, Mme ZYPRIES, a des obligations en fin d'après-midi, et souhaiterait que nous abordions ce matin la question de l'administration électronique. Si cette solution vous agrée, nous parlerons donc ce matin de dialogue social et d'administration électronique, avant de nous pencher sur la réforme de la Commission européenne, en présence du vice-président de la Commission européenne, Neil KINNOCK, qui nous rejoindra en fin de matinée. Puis nous aborderons, à l'occasion du déjeuner, la résolution politique, avant de consacrer l'après-midi aux résolutions sur la qualité réglementaire et la qualité des services publics. Je serai heureux, enfin, de vous accueillir à dîner, pour conclure nos travaux en toute amitié.
(Source : http://www.fonction-publique.gouv.fr, le 9 novembre 2000)
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Discours de clôture du Forum social le 8 novembre 2000 :
Je suis très heureux de m'exprimer devant vous à l'occasion de ce forum social - deuxième en date, puisque la première réunion à porter ce nom s'est tenue sous présidence finlandaise en novembre 1999.
Ce forum s'inscrit au cur d'une semaine européenne dense, au lendemain de la réunion des ministres, et à la veille de la réunion des directeurs généraux. Qui plus est, pour la première fois, le thème du dialogue social a fait l'objet d'une résolution des ministres.
I. Je suis très heureux, disais-je, de m'exprimer aujourd'hui devant vous, d'abord et avant tout parce que j'accorde une grande importance au dialogue social, au niveau national comme au niveau européen.
Outre un trait de caractère qui m'est propre, et qui fait que j'aime profondément le débat, la concertation et la négociation, je crois au dialogue social pour au moins deux raisons : parce qu'il est tout à la fois une source d'informations précieuses et un outil pour l'action, profondément utile et absolument indispensable.
Le dialogue social est d'abord profondément utile : il est véritablement, avec l'écoute des usagers, la clé de la modernisation de l'administration. Car qui mieux que les agents connaît et vit, jour après jour, les dysfonctionnements, les lenteurs, les insuffisances de l'administration ? Qui prend l'initiative, sur le terrain ? Qui est quotidiennement au contact des usagers, qui entend les plaintes souvent, les remerciements parfois ?
La concertation et la négociation sur des projets de réforme doivent donc être précédées d'une consultation des agents. C'est cette consultation qui doit permettre de construire l'avant-projet de réforme. Dialoguer, ce n'est pas seulement négocier, c'est aussi savoir entendre ce que les agents vivent au quotidien, ce dont ils souffrent, ce qu'ils attendent, ce qu'ils regrettent.
Le dialogue social est ensuite absolument indispensable : c'est un fait avéré, on ne réforme pas contre la volonté des agents. Ceux qui n'aiment pas le dialogue doivent se faire une raison : on ne réforme ni une entreprise, ni une administration, du haut d'une direction générale ou d'une administration centrale. Trop de réformes, dont certaines de qualité, ont avorté par manque de concertation, par incompréhension mutuelle entre dirigeants et agents. Le dialogue social est non seulement utile, mais aussi indispensable.
II. Avec beaucoup de satisfaction, j'ai pu constater hier combien mon intérêt pour le dialogue social était partagé par l'ensemble de mes collègues européens.
La meilleure preuve en est que nous nous sommes mis d'accord hier sur une résolution consacrée au dialogue social européen pour tout ce qui touche à la fonction publique et à la modernisation des administrations.
Nous ne partons pas de rien : des avancées ont été faites depuis mai 1999, sous présidence allemande, et depuis le premier forum social organisé sous présidence finlandaise en novembre 1999, grâce au travail des directeurs généraux à qui je tiens ici à rendre hommage.
Il nous faut aujourd'hui franchir une étape supplémentaire.
Au-delà des points d'actualité - et ils sont toujours nombreux -, le dialogue entre les ministres, les directeurs généraux de la fonction publique et vous doit donner naissance à une véritable réflexion en commun sur des sujets de fond.
Le champ de notre dialogue doit être le plus large possible, dans le strict respect bien sûr du principe de subsidiarité. Les sujets abondent, et suffisent à nourrir un dialogue de qualité :
Dans le domaine de la fonction publique, je souhaite ainsi que nous traitions ensemble des questions relatives à :
- la mobilité entre les fonctions publiques des Etats-membres,
- l'égalité des chances entre les hommes et les femmes,
- l'hygiène et la sécurité,
- la formation professionnelle, et notamment la formation aux questions européennes,
- l'emploi des handicapés...
De même, dans le domaine de la modernisation des administrations, notre dialogue doit porter :
- tant sur les attentes des usagers,
- que sur la qualité des services publics en Europe,
- la modernisation et la réorganisation des services publics,
- la qualité de nos réglementations
- le développement de l'administration électronique...
Mais améliorer le dialogue social, c'est aussi le dynamiser, en le rendant à la fois moins formel et plus régulier, pour ne pas dire permanent.
En renouvelant ce semestre le forum social, nous contribuons à créer l'habitude d'un rendez-vous régulier. Au-delà, je souhaite que le dialogue entre les ministres, leurs représentants et les organisations syndicales puisse être, à l'avenir, plus fréquent et donc en rapport plus direct avec l'actualité et l'évolution des dossiers. Un mandat a été donné aux directeurs généraux pour en définir les modalités pratiques.
Enfin, les ministres ont rappelé hier leur attachement au pluralisme syndical, et constaté que la représentation des agents publics différait d'un Etat-membre à l'autre. Nous avons donc demandé aux directeurs généraux, dans le droit fil de la communication de la Commission du 20 mai 1998, intitulée " Adapter et promouvoir le dialogue social au niveau communautaire ", de mettre en uvre, avec la Commission, les critères de reconnaissance de la représentativité des organisations d'agents publics.
Dans cette attente, nous poursuivons le dialogue, de manière adaptée, avec les branches " services publics ", tant de la CES, que de la CESI, d'EUROFEDOP et de la Confédération européenne des cadres.
Je sais l'émulation qui existe entre les organisations syndicales européennes. Je les connais aussi fort bien au niveau national. Mais l'émulation est saine car elle est tonifiante, et le pluralisme est fécond, parce qu'il est démocratique. Il ne s'agit pas, pour les ministres de la fonction publique, d'arbitrer une légitime concurrence entre organisations - il ne saurait être question pour un employeur, sous nos climats démocratiques, de choisir en fonction de ses intérêts ou de son confort tel interlocuteur syndical. Nous nous devons, modestement, en notre qualité de puissance publique-employeur, de dialoguer avec celles des organisations syndicales qui se sont forgées une représentativité.
IV. Je conclurai en disant que nous ne manquerons pas, dans les semaines et les mois qui viennent, d'applications concrètes.
Les premières applications concrètes concerneront les décisions prises hier par les ministres européens de la fonction publique, sur trois sujets majeurs pour la modernisation de nos administrations :
En matière de qualité et d'efficacité des administrations publiques, la coopération européenne passe d'abord par l'échange de bonnes pratiques et la comparaison de méthodes et de résultats. A cette fin, et dans le prolongement des travaux du colloque de Lisbonne de mai 2000 sur " le partage des bonnes pratiques ", des indicateurs de référence visant à mesurer la qualité des services publics auxquels les citoyens recourent le plus souvent dans leur vie de tous les jours seront élaborés, et un cadre commun d'auto-évaluation de la qualité permettra à l'ensemble des administrations publiques européennes d'apprécier leurs performances au regard de celle des autres.
La qualité d'une administration passe aussi par la qualité de sa réglementation. A cet effet, une action coordonnée est entreprise à l'échelle européenne pour simplifier l'environnement réglementaire, tant au niveau national que communautaire. Ainsi, une méthode commune d'évaluation de la qualité réglementaire sera élaborée, tandis que des recommandations seront formulées, visant notamment à systématiser les études d'impact et à accroître la transparence des processus de concertation des citoyens en amont de la rédaction des textes.
Enfin, une démarche similaire sera adoptée pour la promotion de l'" administration électronique " : des indicateurs de performance définis en commun permettront d'effectuer des comparaisons pertinentes et homogènes sur les réalisations des pouvoirs publics dans ce domaine, et un forum européen sera prochainement créé. Il aura pour vocation de favoriser les échanges d'expériences et de bonnes pratiques et de valoriser les meilleures initiatives en matière de services publics en ligne, et contribuera ainsi à l'affirmation d'un savoir-faire européen en la matière.
Ces trois grands chantiers s'ajouteront, dès les prochaines semaines, aux différentes questions d'actualité qui ponctuent notre quotidien. Nous aurons également à traiter les sujets susceptibles de concerner la fonction publique retenus dans l'agenda social qui sera arrêté à Nice. Les agents publics européens, et vous qui les représentez, en êtes la cheville ouvrière. Je compte sur vous pour les mener à bien.
D'ici là, je souhaite que nous poursuivions sans plus attendre notre réflexion sur les modalités du dialogue social. Mme FISCHBACH-PYTTEL a accepté d'intervenir à l'occasion du colloque que nous organisons, le 27 novembre à Paris. Ce colloque a un titre qui s'inscrit parfaitement dans nos discussions d'aujourd'hui, puisqu'il traite... du dialogue social au service du changement dans les services publics
(Source : http://www.fonction-publique.gouv.fr, le 10 novembre 2000)