Texte intégral
Messieurs les Présidents,
Madame et Messieurs les Ambassadeurs,
Mesdames et Messieurs,
Chers amis,
C'est en effet la Méditerranée qui nous réunit aujourd'hui, dans une perspective commune, une Méditerranée qui a produit quelques unes des plus belles civilisations de l'humanité et dont nous voudrions qu'elle soit un lieu de paix, de coopération et de prospérité partagée. Tels sont les objectifs de cet exercice : le processus euro-méditerranéen n'appartient pas aux seuls Etats, il a vocation à impliquer l'ensemble des sociétés concernées ; et c'est cela qui donne du sens à cette idée de "forum civil" qui n'en est pas à sa première édition.
Le choix de cette ville et de cette région comme lieu du Forum revêt une portée symbolique qui mérite d'être relevée. Fondée par les Phocéens, des Grecs - mais venus d'Asie, Marseille a vu, depuis ces temps éloignés, tous les peuples de la Méditerranée y débarquer, y transiter, s'y établir, et créer ensemble cette formidable métropole méridionale ouverte sur le large, point de passage privilégié entre l'Europe et la Méditerranée. Par son dynamisme sans cesse renouvelé, par sa capacité à surmonter au fil des générations toutes les difficultés rencontrées, Marseille nous offre un superbe exemple de vitalité, de coexistence féconde et de solidarité au quotidien.
Je veux devant vous en saluer tous les habitants, et bien sûr les élus de la ville, mais aussi ceux du département des Bouches du Rhône et de la région Provence-Côte d'Azur, qui nous réservent aujourd'hui un accueil très chaleureux.
Je veux saluer également l'ambassadeur Aly Maher, Représentant de la République arabe d'Egypte à Paris, et doyen du corps diplomatique arabe en France. Je suis heureux que cet homme de haute stature ait accepté de représenter ici nos partenaires du Sud, au nom d'un grand pays, médian et incontournable dans le processus de paix au Proche-Orient, mais aussi l'un des principaux acteurs de cet exercice euro-méditerranéen.
Est-il besoin de souligner enfin le plaisir que me procure la présence à mes côtés de l'inlassable représentante à Paris de la Palestine, Mme Leïla Chahid ?
Mesdames et Messieurs,
Autorisez d'abord le ministre en charge de la Coopération à dire toute l'importance qu'il attache à cette réunion : l'esprit de la réforme de la coopération française que j'ai mise en uvre avec Hubert Védrine, sous l'autorité du Premier ministre, visait précisément à accorder leur juste place à tous les acteurs, et notamment à ceux de la société civile. Je sais les difficultés de périmètre que suscite cette notion de société civile, son extraordinaire diversité, et parfois aussi ses contradictions, mais sa force ne réside-t-elle pas dans son caractère ouvert ? Je suis heureux, par exemple, de constater que les syndicats y trouvent leur place, moi qui ai souhaité développer la "coopération syndicale" au sein de mon ministère.
La Présidence française n'avait en tout cas aucun doute quant à l'utilité de vos travaux, qui concernent une zone géographique avec laquelle l'Union européenne entretient des liens particuliers, même si les enjeux communs demanderaient parfois à être mieux compris par l'ensemble des Etats membres.
Les travaux des trois collèges du Forum civil, les syndicats, les collectivités locales et les ONG, ont donc constitué un prélude aux travaux des ministres qui se réuniront à partir du 15 novembre au soir. Les débats et les échanges très libres que vous avez eus durant ces trois derniers jours, les idées, l'imagination et l'audace de certaines des propositions qui ont été formulées au sein de ce Forum civil, vont constituer en effet un apport précieux pour la conférence ministérielle.
Soyez assurés que vos recommandations seront bien répercutées au meilleur niveau des Etats et des gouvernements : je ne doute pas qu'elles seront entendues.
Vous avez organisé vos travaux autour de quelques thèmes prioritaires, qui correspondent précisément aux principaux axes du processus de Barcelone :
La paix et la prévention des conflits étaient naturellement au centre de vos réflexions. L'actualité, hélas souvent tragique, en faisait un sujet incontournable. Et j'observe que, sur ce point, vos discussions se sont déroulées dans une atmosphère où chacun a pu faire valoir ses convictions avec franchise et parfois, je le sais, avec passion.
Il est bon, il est important qu'un débat, aussi sensible dans le contexte actuel, ait pu se dérouler normalement, que des points de vue divergents aient trouvé ici un lieu d'expression. Car tel est bien l'esprit de notre partenariat euro-méditerranéen : dialoguer à 27, prendre acte de nos différences, mais conserver une volonté commune de faire progresser la cause de la paix et du respect de l'autre.
Vous avez consacré une part significative de vos travaux à l'Etat de droit, à la démocratie et aux Droits de l'Homme. L'Union européenne, vous le savez, place ce thème au rang des priorités à promouvoir. C'est une condition du succès de notre partenariat qui doit reposer sur l'affirmation de valeurs communes à l'ensemble de ses membres. Certes, le chemin qui reste à parcourir à cet égard est encore long. Nous savons que des réticences continuent de s'exprimer, que des appréhensions subsistent et que trop souvent encore, les Droits de l'Homme sont bafoués.
Il appartient aux gouvernements de faire avancer cette cause à laquelle vous êtes vous-mêmes très attachés. Mais l'établissement progressif de l'Etat de droit ne correspond pas à la transposition d'un modèle étranger à des cultures et des traditions que nous respectons. Il ne s'agit pas de s'ériger en donneur de leçons, mais de réaffirmer des principes fondamentaux auxquels nous sommes attachés. La démocratie ne se décrète pas, elle se constate au fil de ses progrès et de ses reculs. Sachons mettre la coopération au service de cette ambition.
L'objectif du partenariat consiste justement à favoriser la mise en place d'institutions stables, démocratiques qui garantissent efficacement le respect de la dignité humaine, les droits des citoyens et la régulation sociale, mais aussi les droits des femmes et les droits des enfants. C'est un enjeu majeur : ce cadre institutionnel et politique est une condition indispensable de la réussite et d'un développement durable, y compris dans sa dimension économique.
Certes, l'instauration de la zone de libre échange euro-méditerranéenne suppose un rapprochement des conditions et des régimes sociaux. Mais à quel rythme ? Selon quelles modalités et avec quelles aides ? Le libre-échange n'a de sens que si l'investissement productif est partagé ; à défaut, l'échange n'est pas libre et il contraint à sens unique. Vous avez raison de demander que la dimension sociale soit mieux prise en compte à l'avenir, dans les accords d'association et dans les orientations de la coopération financière. A cet égard, j'ai noté avec beaucoup d'intérêt les propositions faites par le collège des syndicats.
J'observe par ailleurs que vous avez voulu lier les débats sur le développement local à ceux sur l'environnement. Ce lien est en effet indispensable. Il doit être enrichi, et devenir systématique. A l'évidence, un défi majeur comme la protection de l'environnement passe par une mobilisation qui dépasse les frontières. La question de l'eau par exemple se prête naturellement à une coopération régionale associant une multiplicité d'acteurs : les Etats certes, mais également les collectivités locales, les ONG, le mouvement associatif, les entreprises. Les instruments mis en place à cet effet dans le partenariat, je pense en particulier au programme SMAP financé par les crédits MEDA, doivent être pleinement utilisés, c'est-à-dire mieux utilisés.
Vous avez également eu raison de rappeler que la culture et les échanges humains correspondent à deux dimensions majeures du processus euro-méditerranéen, qu'il est difficile de dissocier l'une de l'autre. Comme d'ailleurs il est difficile de dissocier chacun des trois volets de Barcelone, qui, chacun, forment un élément d'un tout indissociable. En tout cas, et comme cela été également rappelé par le représentant de la Commission, M. Jesse, sachez que la Présidence française n'entend pas confiner vos travaux au seul troisième volet.
Chacun sait bien que les échanges humains et les migrations recouvrent une question sensible pour les pays européens comme pour les pays de la rive Sud. Elle doit donc être abordée de façon équilibrée au sein de notre partenariat. C'est dans cet esprit que la France, durant sa présidence de l'Union européenne, a proposé que la réflexion engagée sur les migrations, à l'initiative des Pays Bas et de l'Algérie, soit approfondie et qu'elle se traduise par des avancées cohérentes au regard des objectifs que, par ailleurs, nous poursuivons ensemble dans le processus. Oui, ce n'est pas d'abord la dimension sécuritaire, mais bien la dimension du développement qui doit prévaloir dans le dossier des migrations.
Comme l'affirme la Déclaration de Barcelone, le rôle de la société civile sera primordial pour la réussite du partenariat. Il déterminera en grande partie l'adhésion des opinions publiques à cette démarche inédite de 27 pays. Il est un élément indispensable de la cohérence globale du processus.
C'est dans cette complémentarité qu'il nous faut avancer. Les ambitions que nous avons pour le partenariat euro-méditerranéen nous invitent à une vision audacieuse. Cinq ans après la Conférence de Barcelone, des progrès substantiels ont été obtenus, même si vous soulignez, à juste titre, les écueils qui restent à franchir. Le partenariat repose désormais sur un acquis que nul ne conteste. Il est naturellement perfectible. Il faut améliorer tout ce qui doit l'être. Ceci ne sera possible qu'à travers des efforts conjoints. Grâce à vous, l'impulsion politique donnée par les gouvernements doit trouver un écho au cur même des sociétés. Alors, engagez-vous résolument dans ce partenariat, afin d'en devenir un acteur essentiel.
Pour cela, plusieurs instruments sont utilisables, qui n'ont pas été suffisamment employés. Je veux me limiter à trois exemples :
Le premier concerne MEDA : le volume de coopération financière euro-méditerranéenne, c'est à dire principalement le programme MEDA, est important puisqu'il dépasse 3,4 milliards d'euros depuis 1995. Nous militons, vous le savez, pour qu'il soit reconduit à un niveau compatible avec les objectifs du partenariat. Ce programme a donné lieu à des critiques. Certaines ont été exprimées dans votre enceinte. Le nouveau règlement - MEDA II - va être simplifié : les dysfonctionnements passés ont incité la Commission à faire vite et simple, mais il n'est pas question que cette volonté de rationalisation se développe au détriment d'une intervention de la société civile nécessairement complexe.
La dimension régionale de MEDA II, qui ne représentait que 10% des crédits durant la période 1995 - 1999, doit être renforcée. Ceci correspond à une aspiration largement répandue sur les deux rives de la Méditerranée. Il s'agit d'un vaste domaine au sein duquel la société civile et ses représentants peuvent prendre toute leur part. Les résultats obtenus dans ce domaine constituent un premier acquis, qu'il nous faut développer. Je rappellerai sur ce chapitre que la coopération régionale a permis des avancées importantes dans plusieurs secteurs comme l'audiovisuel, la culture avec les programmes "Euromed Héritage", les sciences humaines, ou encore les actions en faveur de la jeunesse.
La poursuite de la coopération décentralisée - je vous remercie de l'importance que vous lui attachez, les uns et les autres, car vous savez qu'elle me tient à cur, comme à Michel Vauzelle ici présent - est un axe absolument essentiel. Il faut probablement en définir mieux les formes. Les collectivités locales en sont l'un des principaux acteurs. A l'initiative de plusieurs villes, départements ou régions, des rencontres ont d'ores et déjà été organisées, des contacts se sont noués. Ils contribuent directement au renforcement de l'Etat de droit et de la démocratie, et d'abord de la démocratie locale, qui est en réalité le préalable à la démocratie.
Les projets qui relèvent de "MEDA Démocratie" et qui ont vocation à accompagner les progrès dans le domaine de l'Etat de droit sont à développer. Les initiatives des ONG dans ce cadre seront les bienvenues. Dans ce secteur comme dans beaucoup d'autres, les avancées du partenariat euro-méditerranéen procéderont largement de l'implication de la société civile.
Mais puisqu'aussi bien, à l'instant, le représentant de la Commission, M. Jesse, évoquait le Conseil des ministres du Développement que j'ai présidé avant-hier vendredi à Bruxelles, il importe d'insister sur la déclaration de politique générale qui en est résulté et qui doit profiter aussi à la Méditerranée. Il était temps de prendre la mesure de la contradiction entre les sommes considérables engagées par l'Europe au service du développement et le peu de lisibilité de cette contribution. Je crois que cette déclaration de politique générale permettra une politique européenne de développement plus efficace et ouvre la voie à une Europe qui participe mieux à la lutte contre les inégalités du monde.
Messieurs les Présidents,
Mesdames et Messieurs ,
Chers Amis,
Le Forum civil clôture ses travaux et passe en quelque sorte le relais à la conférence des ministres. J'ai voulu, par ma présence parmi vous, témoigner de l'existence de ce lien et de cette complémentarité. Le partenariat euro-méditerranéen constitue une initiative sans précédent historique. C'est là toute sa difficulté, c'est aussi toute sa noblesse.
L'actualité de notre région nous démontre, de manière parfois dramatique, que le partenariat est vidé de son sens si les peuples s'en détournent. Cinq ans après Barcelone, nous sommes aujourd'hui en présence de l'alternative suivante : baisser les bras, nous résigner à l'incompréhension, à l'égoïsme, à la confrontation ou, pire, à la séparation ; ou alors, malgré tout, j'allais dire à cause de tout, faire le pari du dialogue, de la concertation, de la coopération. Il ne m'appartient pas ce soir d'apporter réponse à toutes les questions soulevées à cette tribune, et encore moins de commenter les interventions politiques qui ont précédé. Mais ceux qui me connaissent savent ce que j'en pense.
Je comprends à la richesse de vos travaux, à la liberté de ton avec laquelle vous avez débattu durant ces trois jours, mais aussi à l'esprit de tolérance dont vous avez su faire preuve, que vous avez choisi la seconde voie, celle du partenariat, celle de l'amitié entre les peuples de l'Europe et de la Méditerranée, tout comme les Etats ont choisi eux aussi la présence et le débat. C'est ce message d'espoir que je retiens de votre réunion ; il sera transmis à la conférence des ministres, dans ses aspirations politiques comme dans ses revendications pratiques ; je m'en fait le garant.
La journée d'hier, commémoration d'un 11 novembre qui a fait date en Europe, nous renvoyait au souvenir de confrontations révolues. Que la paix, que la vie triomphent ! .
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 20 novembre 2000)
Madame et Messieurs les Ambassadeurs,
Mesdames et Messieurs,
Chers amis,
C'est en effet la Méditerranée qui nous réunit aujourd'hui, dans une perspective commune, une Méditerranée qui a produit quelques unes des plus belles civilisations de l'humanité et dont nous voudrions qu'elle soit un lieu de paix, de coopération et de prospérité partagée. Tels sont les objectifs de cet exercice : le processus euro-méditerranéen n'appartient pas aux seuls Etats, il a vocation à impliquer l'ensemble des sociétés concernées ; et c'est cela qui donne du sens à cette idée de "forum civil" qui n'en est pas à sa première édition.
Le choix de cette ville et de cette région comme lieu du Forum revêt une portée symbolique qui mérite d'être relevée. Fondée par les Phocéens, des Grecs - mais venus d'Asie, Marseille a vu, depuis ces temps éloignés, tous les peuples de la Méditerranée y débarquer, y transiter, s'y établir, et créer ensemble cette formidable métropole méridionale ouverte sur le large, point de passage privilégié entre l'Europe et la Méditerranée. Par son dynamisme sans cesse renouvelé, par sa capacité à surmonter au fil des générations toutes les difficultés rencontrées, Marseille nous offre un superbe exemple de vitalité, de coexistence féconde et de solidarité au quotidien.
Je veux devant vous en saluer tous les habitants, et bien sûr les élus de la ville, mais aussi ceux du département des Bouches du Rhône et de la région Provence-Côte d'Azur, qui nous réservent aujourd'hui un accueil très chaleureux.
Je veux saluer également l'ambassadeur Aly Maher, Représentant de la République arabe d'Egypte à Paris, et doyen du corps diplomatique arabe en France. Je suis heureux que cet homme de haute stature ait accepté de représenter ici nos partenaires du Sud, au nom d'un grand pays, médian et incontournable dans le processus de paix au Proche-Orient, mais aussi l'un des principaux acteurs de cet exercice euro-méditerranéen.
Est-il besoin de souligner enfin le plaisir que me procure la présence à mes côtés de l'inlassable représentante à Paris de la Palestine, Mme Leïla Chahid ?
Mesdames et Messieurs,
Autorisez d'abord le ministre en charge de la Coopération à dire toute l'importance qu'il attache à cette réunion : l'esprit de la réforme de la coopération française que j'ai mise en uvre avec Hubert Védrine, sous l'autorité du Premier ministre, visait précisément à accorder leur juste place à tous les acteurs, et notamment à ceux de la société civile. Je sais les difficultés de périmètre que suscite cette notion de société civile, son extraordinaire diversité, et parfois aussi ses contradictions, mais sa force ne réside-t-elle pas dans son caractère ouvert ? Je suis heureux, par exemple, de constater que les syndicats y trouvent leur place, moi qui ai souhaité développer la "coopération syndicale" au sein de mon ministère.
La Présidence française n'avait en tout cas aucun doute quant à l'utilité de vos travaux, qui concernent une zone géographique avec laquelle l'Union européenne entretient des liens particuliers, même si les enjeux communs demanderaient parfois à être mieux compris par l'ensemble des Etats membres.
Les travaux des trois collèges du Forum civil, les syndicats, les collectivités locales et les ONG, ont donc constitué un prélude aux travaux des ministres qui se réuniront à partir du 15 novembre au soir. Les débats et les échanges très libres que vous avez eus durant ces trois derniers jours, les idées, l'imagination et l'audace de certaines des propositions qui ont été formulées au sein de ce Forum civil, vont constituer en effet un apport précieux pour la conférence ministérielle.
Soyez assurés que vos recommandations seront bien répercutées au meilleur niveau des Etats et des gouvernements : je ne doute pas qu'elles seront entendues.
Vous avez organisé vos travaux autour de quelques thèmes prioritaires, qui correspondent précisément aux principaux axes du processus de Barcelone :
La paix et la prévention des conflits étaient naturellement au centre de vos réflexions. L'actualité, hélas souvent tragique, en faisait un sujet incontournable. Et j'observe que, sur ce point, vos discussions se sont déroulées dans une atmosphère où chacun a pu faire valoir ses convictions avec franchise et parfois, je le sais, avec passion.
Il est bon, il est important qu'un débat, aussi sensible dans le contexte actuel, ait pu se dérouler normalement, que des points de vue divergents aient trouvé ici un lieu d'expression. Car tel est bien l'esprit de notre partenariat euro-méditerranéen : dialoguer à 27, prendre acte de nos différences, mais conserver une volonté commune de faire progresser la cause de la paix et du respect de l'autre.
Vous avez consacré une part significative de vos travaux à l'Etat de droit, à la démocratie et aux Droits de l'Homme. L'Union européenne, vous le savez, place ce thème au rang des priorités à promouvoir. C'est une condition du succès de notre partenariat qui doit reposer sur l'affirmation de valeurs communes à l'ensemble de ses membres. Certes, le chemin qui reste à parcourir à cet égard est encore long. Nous savons que des réticences continuent de s'exprimer, que des appréhensions subsistent et que trop souvent encore, les Droits de l'Homme sont bafoués.
Il appartient aux gouvernements de faire avancer cette cause à laquelle vous êtes vous-mêmes très attachés. Mais l'établissement progressif de l'Etat de droit ne correspond pas à la transposition d'un modèle étranger à des cultures et des traditions que nous respectons. Il ne s'agit pas de s'ériger en donneur de leçons, mais de réaffirmer des principes fondamentaux auxquels nous sommes attachés. La démocratie ne se décrète pas, elle se constate au fil de ses progrès et de ses reculs. Sachons mettre la coopération au service de cette ambition.
L'objectif du partenariat consiste justement à favoriser la mise en place d'institutions stables, démocratiques qui garantissent efficacement le respect de la dignité humaine, les droits des citoyens et la régulation sociale, mais aussi les droits des femmes et les droits des enfants. C'est un enjeu majeur : ce cadre institutionnel et politique est une condition indispensable de la réussite et d'un développement durable, y compris dans sa dimension économique.
Certes, l'instauration de la zone de libre échange euro-méditerranéenne suppose un rapprochement des conditions et des régimes sociaux. Mais à quel rythme ? Selon quelles modalités et avec quelles aides ? Le libre-échange n'a de sens que si l'investissement productif est partagé ; à défaut, l'échange n'est pas libre et il contraint à sens unique. Vous avez raison de demander que la dimension sociale soit mieux prise en compte à l'avenir, dans les accords d'association et dans les orientations de la coopération financière. A cet égard, j'ai noté avec beaucoup d'intérêt les propositions faites par le collège des syndicats.
J'observe par ailleurs que vous avez voulu lier les débats sur le développement local à ceux sur l'environnement. Ce lien est en effet indispensable. Il doit être enrichi, et devenir systématique. A l'évidence, un défi majeur comme la protection de l'environnement passe par une mobilisation qui dépasse les frontières. La question de l'eau par exemple se prête naturellement à une coopération régionale associant une multiplicité d'acteurs : les Etats certes, mais également les collectivités locales, les ONG, le mouvement associatif, les entreprises. Les instruments mis en place à cet effet dans le partenariat, je pense en particulier au programme SMAP financé par les crédits MEDA, doivent être pleinement utilisés, c'est-à-dire mieux utilisés.
Vous avez également eu raison de rappeler que la culture et les échanges humains correspondent à deux dimensions majeures du processus euro-méditerranéen, qu'il est difficile de dissocier l'une de l'autre. Comme d'ailleurs il est difficile de dissocier chacun des trois volets de Barcelone, qui, chacun, forment un élément d'un tout indissociable. En tout cas, et comme cela été également rappelé par le représentant de la Commission, M. Jesse, sachez que la Présidence française n'entend pas confiner vos travaux au seul troisième volet.
Chacun sait bien que les échanges humains et les migrations recouvrent une question sensible pour les pays européens comme pour les pays de la rive Sud. Elle doit donc être abordée de façon équilibrée au sein de notre partenariat. C'est dans cet esprit que la France, durant sa présidence de l'Union européenne, a proposé que la réflexion engagée sur les migrations, à l'initiative des Pays Bas et de l'Algérie, soit approfondie et qu'elle se traduise par des avancées cohérentes au regard des objectifs que, par ailleurs, nous poursuivons ensemble dans le processus. Oui, ce n'est pas d'abord la dimension sécuritaire, mais bien la dimension du développement qui doit prévaloir dans le dossier des migrations.
Comme l'affirme la Déclaration de Barcelone, le rôle de la société civile sera primordial pour la réussite du partenariat. Il déterminera en grande partie l'adhésion des opinions publiques à cette démarche inédite de 27 pays. Il est un élément indispensable de la cohérence globale du processus.
C'est dans cette complémentarité qu'il nous faut avancer. Les ambitions que nous avons pour le partenariat euro-méditerranéen nous invitent à une vision audacieuse. Cinq ans après la Conférence de Barcelone, des progrès substantiels ont été obtenus, même si vous soulignez, à juste titre, les écueils qui restent à franchir. Le partenariat repose désormais sur un acquis que nul ne conteste. Il est naturellement perfectible. Il faut améliorer tout ce qui doit l'être. Ceci ne sera possible qu'à travers des efforts conjoints. Grâce à vous, l'impulsion politique donnée par les gouvernements doit trouver un écho au cur même des sociétés. Alors, engagez-vous résolument dans ce partenariat, afin d'en devenir un acteur essentiel.
Pour cela, plusieurs instruments sont utilisables, qui n'ont pas été suffisamment employés. Je veux me limiter à trois exemples :
Le premier concerne MEDA : le volume de coopération financière euro-méditerranéenne, c'est à dire principalement le programme MEDA, est important puisqu'il dépasse 3,4 milliards d'euros depuis 1995. Nous militons, vous le savez, pour qu'il soit reconduit à un niveau compatible avec les objectifs du partenariat. Ce programme a donné lieu à des critiques. Certaines ont été exprimées dans votre enceinte. Le nouveau règlement - MEDA II - va être simplifié : les dysfonctionnements passés ont incité la Commission à faire vite et simple, mais il n'est pas question que cette volonté de rationalisation se développe au détriment d'une intervention de la société civile nécessairement complexe.
La dimension régionale de MEDA II, qui ne représentait que 10% des crédits durant la période 1995 - 1999, doit être renforcée. Ceci correspond à une aspiration largement répandue sur les deux rives de la Méditerranée. Il s'agit d'un vaste domaine au sein duquel la société civile et ses représentants peuvent prendre toute leur part. Les résultats obtenus dans ce domaine constituent un premier acquis, qu'il nous faut développer. Je rappellerai sur ce chapitre que la coopération régionale a permis des avancées importantes dans plusieurs secteurs comme l'audiovisuel, la culture avec les programmes "Euromed Héritage", les sciences humaines, ou encore les actions en faveur de la jeunesse.
La poursuite de la coopération décentralisée - je vous remercie de l'importance que vous lui attachez, les uns et les autres, car vous savez qu'elle me tient à cur, comme à Michel Vauzelle ici présent - est un axe absolument essentiel. Il faut probablement en définir mieux les formes. Les collectivités locales en sont l'un des principaux acteurs. A l'initiative de plusieurs villes, départements ou régions, des rencontres ont d'ores et déjà été organisées, des contacts se sont noués. Ils contribuent directement au renforcement de l'Etat de droit et de la démocratie, et d'abord de la démocratie locale, qui est en réalité le préalable à la démocratie.
Les projets qui relèvent de "MEDA Démocratie" et qui ont vocation à accompagner les progrès dans le domaine de l'Etat de droit sont à développer. Les initiatives des ONG dans ce cadre seront les bienvenues. Dans ce secteur comme dans beaucoup d'autres, les avancées du partenariat euro-méditerranéen procéderont largement de l'implication de la société civile.
Mais puisqu'aussi bien, à l'instant, le représentant de la Commission, M. Jesse, évoquait le Conseil des ministres du Développement que j'ai présidé avant-hier vendredi à Bruxelles, il importe d'insister sur la déclaration de politique générale qui en est résulté et qui doit profiter aussi à la Méditerranée. Il était temps de prendre la mesure de la contradiction entre les sommes considérables engagées par l'Europe au service du développement et le peu de lisibilité de cette contribution. Je crois que cette déclaration de politique générale permettra une politique européenne de développement plus efficace et ouvre la voie à une Europe qui participe mieux à la lutte contre les inégalités du monde.
Messieurs les Présidents,
Mesdames et Messieurs ,
Chers Amis,
Le Forum civil clôture ses travaux et passe en quelque sorte le relais à la conférence des ministres. J'ai voulu, par ma présence parmi vous, témoigner de l'existence de ce lien et de cette complémentarité. Le partenariat euro-méditerranéen constitue une initiative sans précédent historique. C'est là toute sa difficulté, c'est aussi toute sa noblesse.
L'actualité de notre région nous démontre, de manière parfois dramatique, que le partenariat est vidé de son sens si les peuples s'en détournent. Cinq ans après Barcelone, nous sommes aujourd'hui en présence de l'alternative suivante : baisser les bras, nous résigner à l'incompréhension, à l'égoïsme, à la confrontation ou, pire, à la séparation ; ou alors, malgré tout, j'allais dire à cause de tout, faire le pari du dialogue, de la concertation, de la coopération. Il ne m'appartient pas ce soir d'apporter réponse à toutes les questions soulevées à cette tribune, et encore moins de commenter les interventions politiques qui ont précédé. Mais ceux qui me connaissent savent ce que j'en pense.
Je comprends à la richesse de vos travaux, à la liberté de ton avec laquelle vous avez débattu durant ces trois jours, mais aussi à l'esprit de tolérance dont vous avez su faire preuve, que vous avez choisi la seconde voie, celle du partenariat, celle de l'amitié entre les peuples de l'Europe et de la Méditerranée, tout comme les Etats ont choisi eux aussi la présence et le débat. C'est ce message d'espoir que je retiens de votre réunion ; il sera transmis à la conférence des ministres, dans ses aspirations politiques comme dans ses revendications pratiques ; je m'en fait le garant.
La journée d'hier, commémoration d'un 11 novembre qui a fait date en Europe, nous renvoyait au souvenir de confrontations révolues. Que la paix, que la vie triomphent ! .
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 20 novembre 2000)