Texte intégral
Je souhaite vous faire-part de ma satisfaction d'assister aujourd'hui à cette séance du conseil supérieur du travail social:
le CSTS regroupe les principaux partenaires du champ social et représente ainsi le lieu pertinent pour émettre des avis autorisés sur de nombreuses questions
les travaux du CSTS durant ses divers mandats sont d'une qualité reconnue et participent à l'émergence d'une culture commune. Vous portez l'évolution du contenu et de la qualité des pratiques du travail social
Je tiens à remercier Mme Sylviane LEGER, directrice générale de l'action sociale ainsi que M. Jacques LADSOUS, vice-président du CSTS, autorité reconnue dans le secteur du travail social et qui a bien voulu être associé au groupe de travail "famille et pauvreté" que j'ai mis en place. Ma présence témoigne de l'importance que j'attache aux missions dévolues aux travailleurs sociaux.
Je souhaite profiter de l'occasion qui m'est donnée de m'entretenir avec vous pour vous présenter la politique du gouvernement en matière d'enfance et de famille: les travailleurs sociaux ont un rôle central à jouer dans sa mise en uvre.
Cet échange doit aussi être l'occasion pour moi de préciser l'approche qui est la mienne quant à vos pratiques. Je sais que ces professionnels exercent un travail complexe et sensible dont l'importance n'est pas toujours reconnue à sa juste valeur. Au-delà d'un problème de reconnaissance, il convient de s'interroger sur le sens et les missions du travail social.
La politique de la famille et de l'enfance du gouvernement
La politique que j'entends conduire s'organise autour de cinq idées qui fondent, à mes yeux, une politique moderne et durable pour les familles.
D'abord, il s'agit de faciliter la conciliation entre la vie familiale et la vie professionnelle, pour les femmes - vous connaissez mes préoccupations dans ce domaine - mais aussi pour les hommes, et d'encourager la parité parentale. Si des mesures sont prises aujourd'hui en faveur des crèches et de la garde par des assistantes maternelles, c'est parce que, parallèlement, nous avons engagé un travail considérable pour alléger, par la voie réglementaire, le fonctionnement des structures d'accueil collectives, avec le décret sur les crèches qui a été publié cet été, et je crois que nous en reparlerons tout à l'heure. En tant que professionnels, vous pouvez activement participer à cet effort en direction de la petite enfance.
Deuxième idée : il s'agit d'accompagner le retour vers l'emploi des femmes qui désirent retravailler. Nous avons maintenu en France un taux élevé de fécondité, précisément parce que nous concevons la politique familiale de façon féministe. On ne peut opposer les droits des femmes et ceux de la famille, ils doivent aller de pair. C'est pourquoi le Gouvernement a créé une aide à la reprise d'activité et vous propose le maintien de l'allocation parentale d'éducation pendant deux mois avec le salaire en cas de reprise d'activité.
La troisième piste très forte, qui représentent des investissements publics considérables, c'est la réforme des aides au logement, qui représente 6,5 milliards de francs. Elle est très importante parce que le droit de se loger est un droit fondamental des familles. Lorsque nous harmonisons les barèmes de l'aide au logement en les alignant vers le haut, c'est un geste très fort pour les familles.
Quatrième idée : il s'agit d'aider les parents à partager la responsabilité parentale. Je souhaite développer l'autorité parentale conjointe et plus particulièrement faire évoluer le regard des institutions sur le rôle des pères. Un groupe de travail a été mis en place pour faire l'inventaire de toutes les mesures législatives et réglementaires qui doivent permettre à la paternité de mieux s'exercer dans notre pays.
Par ailleurs, nous poursuivons le travail assuré par les réseaux d'aide et d'accompagnement des parents.
Le congé enfant malade a été récemment créé. Ce nouveau droit participe de l'exercice d'une responsabilité parentale partagée.
Le dernier élément, c'est la réforme du droit de la famille. Adapter le droit à l'évolution des familles, qu'il s'agisse de la possibilité pour tout enfant d'accéder à ses origines ou de la réforme permettant d'assurer une certaine stabilité à l'enfant en termes de filiation, c'est le cur de la réforme du droit de la famille sur laquelle je travaille actuellement avec Marylise Lebranchu.
Ces importantes décisions ont été prises en coopération avec l'ensemble des partenaires de la politique familiale. La famille doit être pour chaque enfant un lieu d'affection, de solidarité et d'éducation.
Mon ministère est celui de la famille et de l'enfance, ce n'est pas un hasard, l'une et l'autre sont étroitement liées, leurs droits ne sauraient être dissociés. Il n'est pas question pour moi de jouer les droits de l'enfant contre ceux des familles.
Le premier droit de l'enfant est celui d'être aimé et de vivre dans sa famille.
Si les attentes des parents par rapport au bonheur et à la réussite de leurs enfants sont peut-être plus prégnantes que par le passé, c'est parce que cela s'inscrit dans une plus grande diversité des parcours familiaux et conjugaux. La politique du gouvernement s'adresse aujourd'hui à toutes les familles, je le répète, dans leur diversité, qu'elles soient dans le mariage ou hors du mariage, monoparentales ou recomposées. La famille contemporaine offre de multiples visages, et ma conception de la politique familiale, c'est d'accompagner cette pluralité des formes familiales en étant respectueuse des libertés conquises, attentive aux fragilités nouvelles qui en résultent parfois, et fidèle à un certain nombre de valeurs partagées, l'universalité, mais aussi la solidarité, qui consiste à donner plus aux familles qui en ont le plus besoin, et une responsabilité parentale équitablement assumée.
Les pratiques du travail social
Si j'ai souhaité vous présenter les grandes lignes de la politique de la famille et de l'enfance que je conduis, c'est que je considère que le conseil supérieur du travail social peut jouer un rôle important dans sa mise en uvre. Ceci du fait de sa composition, de la qualité des débats et des travaux que vous menez et de la nécessité pour les travailleurs sociaux qui sont éclatés entre une pluralité de métiers, d'employeurs, de statuts différents de mener une réflexion commune sur leurs missions.
Je crois que c'est aussi parce que, dans leur ensemble, les travailleurs sociaux par leurs pratiques sont des leviers importants de la politique de la famille et de l'enfance.
Ils anticipent souvent sur cette politique. Ils sont à l'avant-garde de cette politique.
A/ En effet, quel est le rôle aujourd'hui des travailleurs sociaux?
Face aux difficultés auxquelles sont confrontées les familles, il n'est pas de devoir faire face à toute la misère du monde. A mes yeux, il estd'aider, sans disqualifier, d'aider sans démobiliser.
En réalité, votre rôle est de mettre en uvre les solidarités que la Nation définit pour les siens. C'est une mission essentielle de service public dans laquelle les travailleurs sociaux sont confrontés à des situations difficiles, complexes et sensibles. Dans ce cadre, vous accomplissez un travail difficile d'aide, de soutien et d'accompagnement des personnes et des enfants en situation de fragilité sociale.
Ma priorité c'est la prévention que je considère toujours comme préférable.
Cette action, depuis ces vingt dernières années a permis, sans nul doute, d'atténuer fortement les effets dévastateurs du chômage et de ses résultantes parfois dramatiques pour un nombre élevé de personnes, en raison de la difficulté pour une partie de la population à garder des repères alors que le lien social s'est étiolé.
Il est clair que les professionnels du travail social méritent, à cet égard, qu'un hommage leur soit rendu. Ceci est d'autant plus vrai que les moyens qui leur ont été donnés pour exercer leur mission n'ont pas toujours été suffisants et qu'ils devaient souvent faire face à un manque crucial de référentiels sur lesquels ils pouvaient s'appuyer dans l'exercice de leur travail quotidien.
B/ Au-delà de ces principes, j'ai cependant le sentiment que les missions qui vous sont confiées ne sont pas toujours empreintes de clarté.
De plus, lorsque des objectifs vous sont malgré tout assignés, vous êtes souvent confrontés à des discours contradictoires:
La demande de protection de l'enfant mineur, d'un côté, et la dénonciation de l'agressivité des jeunes délinquants, de l'autre;
Le souci de renforcer l'autorité et la responsabilité parentales, d'un côté, et la critique des familles qui seraient démissionnaires, de l'autre.
Ces exemples illustrent toute la difficulté du travail que vous accomplissez
C/ C'est pourquoi, il me paraît vivement souhaitable d'inviter les travailleurs sociaux à mener une réflexion sur l'évolution de leurs modalités d'exercice afin qu'ils puissent accompagner au mieux les mutations de la société. Ceci est particulièrement vrai dans le domaine de la famille et de l'enfance même si cet effort peut intéresser l'ensemble de vos secteurs d'intervention.
L'enjeu de votre pratique, c'est d'abord la qualité de votre intervention. Qualité dictée non pas par des considérations économiques mais par simple nécessité démocratique.
A cet égard, vous recherchez la participation active des usagers aux projets qui les concernent.
Les travailleurs sociaux ont le souci d'aller à la rencontre des usagers pour appréhender leur environnement de manière à agir sur celui-ci et à aider la personne à s'y insérer. Cet objectif rejoint le projet plus global de modernisation de l'Etat dans ses rapports avec les citoyens.
Vous privilégiez une approche globale des situations des usagers.
De même, il est important, à mon sens, de développer une action collective et partagée dans une approche par projet : échanges d'expériences entre les travailleurs sociaux, élaboration de projets communs tendant à décloisonner les institutions. Vous savez bien que pour être efficace votre intervention doit prendre les familles dans leur globalité. Il importe donc de mutualiser les éléments dont vous disposez pour assurer un meilleur service public.
D/ Ces questions sont complexes, tout comme les situations auxquelles vous êtes confrontés. Aussi, je souhaite que le CSTS puisse activement participer à la préparation d'un travail commun sur ces aspects du travail social.
En effet, je vais réunir dans les prochains mois des Assises nationales sur l'évolution des pratiques du travail social face aux mutations des familles, car il me paraît important que l'ensemble des acteurs puisse s'appuyer sur les expériences et bonnes pratiques.
Je souhaite vivement que le conseil supérieur du travail social prenne une part active à ce projet.
Cette journée de réflexion doit permettre de mieux faire connaître et de valoriser l'action des travailleurs sociaux.
E/ Avant d'évoquer la question de la formation, je tiens à attirer votre attention sur la politique de bientraitrance de l'enfance que j'entends conduire, notamment contre la maltraitance en institutions, parce que, là encore, vous avez un rôle primordial à jouer.
Lors de la journée nationale de l'enfance maltraitée du 26 septembre 2000, j'ai annoncé un plan d'actions en faveur de la bientraitance des enfants. Un effort particulier doit être accompli en direction des institutions.
Un conseil de sécurité intérieure présidé par le Premier ministre a également été consacré à la question des atteintes et violences sexuelles à l'égard des mineurs.
Je me suis adressée aux Préfets pour leur présenter la circulaire interministérielle qui leur sera prochainement adréssée. Celle ci a pour objectif de mobiliser l'ensemble des services de l'Etat (éducation nationale, justice, DDASS) que les préfets seront invités à réunir en coordination afin de renforcer les dynamiques locales, la mutualisation des moyens, et d'élaborer des outils de coordination de l'intervention publique en partenariat avec les départements et les autres acteurs intervenants dans ces secteurs.
De ce point de vue, les travailleurs sociaux ont pu se sentir fragilisés. Les réalités locales, les craintes d'un licenciement peuvent faire obstacle au signalement. C'est une question importante pour l'éthique des travailleurs sociaux. Sur ma proposition,l'Assemblée Nationale a adopté en première lecture en octobre dernier un amendement de M. Vuilque organisant la protection contre le licenciement des salariés qui signalent des faits de maltraitance.
Au-delà, je tiens à vous dire ma détermination à ce que les cas de maltraitance en institutions ne soient plus tolérés, mais poursuivis et sanctionnés. Je sais compter sur le soutien des professionnels, qu'ils soient comme vous travailleurs sociaux, ou qu'ils occupent au sein des institutions concernées d'autres fonctions. J'ai demandé aux préfets, avec mes collègues concernés, de conduire une politique de prévention, de prise en charge et de traitement de l'enfance en danger qui contribue à briser la loi du silence.
***
J'en viens maintenant à la formation.
Pour que les pratiques évoluent et que le travail social puisse s'exercer dans toutes ses dimensions, nous devons accorder ensemble à la formation une place toute particulière.
La formation
La formation est un levier majeur et déterminant pour adapter les pratiques. Formation initiale, bien sûr, mais aussi formation continue.
A) Compte tenu des responsabilités de l'Etat en matière de formation initiale, vous comprendrez que je détaille plus longuement devant vous mes choix en la matière.
La formation initiale doit tenir compte des évolutions et des mutations que j'ai déjà décrites. Pour constituer une véritable "caisse à outils", la formation initiale doit pouvoir permettre à chaque travailleur social de faire face aux situations qu'il rencontre dans l'exercice de sa pratique.
Le schéma national des formations sociales va constituer à cet égard un élément de progrès très important. Vous aurez à en délibérer en janvier prochain avant que le gouvernement ne le valide. Ce schéma, vous le savez, définit les grands principes qui doivent guider la conception et la réalisation des programmes de formation.
En outre, le rôle des schémas régionaux, en respectant la cohérence générale définie par le schéma national, doivent participer à son enrichissement en établissant un diagnostic de l'existant en matière de postes, de métiers et des besoins à satisfaire dans une démarche prospective. Ce relevé doit être mené à partir des expériences et des évolutions perceptibles au plus près des réalités locales en intégrant des données socio- démographiques et économiques.
Cet ensemble peut constituer, à mon sens, un levier susceptible de permettre d'assurer la refonte de l'architecture des formations et la définition de référentiels professionnels satisfaisants. Il doit aussi permettre d'améliorer les capacités de veille sur l'évolution des besoins qui pourront être appréhendés de façon transversale et garantir un meilleur lien entre le sanitaire et le social.
En ce qui me concerne, je souhaite que nous saisissions cette occasion pour bien prendre en compte les dimensions importantes de la politique familiale que je promeus:
soutenir l'exercice des responsabilités parentales;
aider une famille en évitant de la disqualifier lors de l'intervention auprès des enfants et des jeunes en grande difficulté;
renforcer les solidarités pour mieux garantir l'accès effectif de toutes les familles au droit commun et notamment pour assurer l'accessibilité de tous aux prestations familiales et améliorer les relations des familles populaires avec les institutions. Pour moi,les familles pauvres ne sont pas de pauvres familles.
B) Toujours en ce qui concerne la formation initiale, vous avez été nombreux a attiré mon attention sur la procédure d'agrément et le nombre des places offertes dans les centres de formation.
En ce qui concerne le régime juridique d'attribution des agréments, je tiens à vous indiquer que j'ai souhaité accélérer sa publication: pour que les DRASS puissent rapidement exercer cette nouvelle responsabilité, le gouvernement veillera à publier dans les prochaines semaines le décret qui définit les modalités de la déconcentration de ces agréments.
S'agissant du nombre des places offertes dans les centres de formation, j'ai bien entendu les demandes qui ont été formulées par de nombreuses organisations qui siègent autour de cette table pour que les quotas de places soient relevés.
Nous voyons bien la nécessité d'accroître le volume des formations: développement de nouveaux services, prise en compte de la pyramide des âges, adaptation de l'organisation du travail et amélioration des qualifications, enfin pourvoi des postes vacants.
Je relève d'ailleurs que la loi d'orientation et de lutte contre les exclusions a permis au cours des dernières années d'accroître de l'ordre de 1.000 places par an le volume des formations initiales.
Pour poursuivre cet effort et répondre aux besoins que je viens d'identifier, je souhaite que l'Etat puisse, dès 2002, mettre en place un effort au moins aussi important que celui accompli au cours des dernières années.
C) Cet effort de formation doit aussi porter sur la formation continue.
Il est vain de penser qu'une formation initiale, quelle que soit sa qualité, puisse permettre aux professionnels d'appréhender l'ensemble des situations qu'ils seront amenés à gérer au cours de leur carrière. La société évolue sans cesse et sans doute de plus en plus vite et le travailleur social doit impérativement être soutenu par des apports de recherches et pratiques nécessaires pour accompagner ces évolutions.
De la même façon qu' en matière de formation initiale, l'Etat se mobilise, je pense qu'il convient que les partenaires en charge de la formation continue se saisissent eux aussi de ce dossier que nous les y aidions, et fassent que l'ensemble des travailleurs sociaux puisse bénéficier d'une formation adaptée à l'évolution des besoins.
Celle-ci peut être conduite grâce à des outils nouveaux et doit permettre une clarification des missions pour chacun permettant une meilleure articulation des différents champs d'intervention entre eux.
Vous savez que le gouvernement a, dans le cadre du projet de loi de modernisation sociale, qui vous a été présenté en mai dernier, fait le choix d'instaurer un dispositif innovant de valorisation des acquis dont l'Assemblée Nationale débattra dans les premiers jours de janvier prochain.
Vous le voyez, la formation des travailleurs sociaux est un enjeu important pour le gouvernement. Les travailleurs sociaux sont au fait du maintien du lien social /du lien familial. Dans ce sens il me semble essentiel que les nombreuses recherches /actions menées par les travailleurs sociaux de terrain puissent être valorisées et connues. Je viens d'ouvrir un site qui permettra de mutualiser les travaux, les savoirs, les projets, les expérimentations qui concourent à enrichir l'intervention en faveur des familles et des enfants.
---oOo---
Aujourd'hui, nous savons que le travail social a évolué.
Les années soixante étaient marquées par l'éclosion de nouvelles tâches, l'idée du progrès qui dominait et la perspective de pouvoir accompagner chacun dans cette voie.
Les années soixante-dix ont été celles des premières critiques, des premiers doutes, des premiers débats sur la nature de l'intervention du travailleur social et la crainte d'un contrôle social.
Les années quatre-vingt et quatre-vingt-dix ont été celles de la maturité, dans un contexte économique et social qui s'est durci. Le rôle des travailleurs sociaux s'est affirmé, face à une demande sociale plus forte.
Aujourd'hui, nous avons une chance à saisir: l'amélioration de la situation économique du pays, le recul du chômage, les premiers effets qui se font sentir sur ceux qui ont, parfois pendant de longues années, été exclus du marché du travail, tout ceci contribue et va contribuer encore à desserrer les contraintes. Profitons de cette situation favorable pour, ensemble, adapter aux mutations sociales le travail social.
Je souhaite pour terminer vous livrer une phrase de René Char
"La lucidité est la blessure la plus proche du soleil"Le travail social, c'est aussi quelques éclats de soleil, lumières fugitives, qui laissent entrevoir d'autres possibles. et là l'espoir naît..
(Source http://www.social.gouv.fr, le 22 décembre 2000)
le CSTS regroupe les principaux partenaires du champ social et représente ainsi le lieu pertinent pour émettre des avis autorisés sur de nombreuses questions
les travaux du CSTS durant ses divers mandats sont d'une qualité reconnue et participent à l'émergence d'une culture commune. Vous portez l'évolution du contenu et de la qualité des pratiques du travail social
Je tiens à remercier Mme Sylviane LEGER, directrice générale de l'action sociale ainsi que M. Jacques LADSOUS, vice-président du CSTS, autorité reconnue dans le secteur du travail social et qui a bien voulu être associé au groupe de travail "famille et pauvreté" que j'ai mis en place. Ma présence témoigne de l'importance que j'attache aux missions dévolues aux travailleurs sociaux.
Je souhaite profiter de l'occasion qui m'est donnée de m'entretenir avec vous pour vous présenter la politique du gouvernement en matière d'enfance et de famille: les travailleurs sociaux ont un rôle central à jouer dans sa mise en uvre.
Cet échange doit aussi être l'occasion pour moi de préciser l'approche qui est la mienne quant à vos pratiques. Je sais que ces professionnels exercent un travail complexe et sensible dont l'importance n'est pas toujours reconnue à sa juste valeur. Au-delà d'un problème de reconnaissance, il convient de s'interroger sur le sens et les missions du travail social.
La politique de la famille et de l'enfance du gouvernement
La politique que j'entends conduire s'organise autour de cinq idées qui fondent, à mes yeux, une politique moderne et durable pour les familles.
D'abord, il s'agit de faciliter la conciliation entre la vie familiale et la vie professionnelle, pour les femmes - vous connaissez mes préoccupations dans ce domaine - mais aussi pour les hommes, et d'encourager la parité parentale. Si des mesures sont prises aujourd'hui en faveur des crèches et de la garde par des assistantes maternelles, c'est parce que, parallèlement, nous avons engagé un travail considérable pour alléger, par la voie réglementaire, le fonctionnement des structures d'accueil collectives, avec le décret sur les crèches qui a été publié cet été, et je crois que nous en reparlerons tout à l'heure. En tant que professionnels, vous pouvez activement participer à cet effort en direction de la petite enfance.
Deuxième idée : il s'agit d'accompagner le retour vers l'emploi des femmes qui désirent retravailler. Nous avons maintenu en France un taux élevé de fécondité, précisément parce que nous concevons la politique familiale de façon féministe. On ne peut opposer les droits des femmes et ceux de la famille, ils doivent aller de pair. C'est pourquoi le Gouvernement a créé une aide à la reprise d'activité et vous propose le maintien de l'allocation parentale d'éducation pendant deux mois avec le salaire en cas de reprise d'activité.
La troisième piste très forte, qui représentent des investissements publics considérables, c'est la réforme des aides au logement, qui représente 6,5 milliards de francs. Elle est très importante parce que le droit de se loger est un droit fondamental des familles. Lorsque nous harmonisons les barèmes de l'aide au logement en les alignant vers le haut, c'est un geste très fort pour les familles.
Quatrième idée : il s'agit d'aider les parents à partager la responsabilité parentale. Je souhaite développer l'autorité parentale conjointe et plus particulièrement faire évoluer le regard des institutions sur le rôle des pères. Un groupe de travail a été mis en place pour faire l'inventaire de toutes les mesures législatives et réglementaires qui doivent permettre à la paternité de mieux s'exercer dans notre pays.
Par ailleurs, nous poursuivons le travail assuré par les réseaux d'aide et d'accompagnement des parents.
Le congé enfant malade a été récemment créé. Ce nouveau droit participe de l'exercice d'une responsabilité parentale partagée.
Le dernier élément, c'est la réforme du droit de la famille. Adapter le droit à l'évolution des familles, qu'il s'agisse de la possibilité pour tout enfant d'accéder à ses origines ou de la réforme permettant d'assurer une certaine stabilité à l'enfant en termes de filiation, c'est le cur de la réforme du droit de la famille sur laquelle je travaille actuellement avec Marylise Lebranchu.
Ces importantes décisions ont été prises en coopération avec l'ensemble des partenaires de la politique familiale. La famille doit être pour chaque enfant un lieu d'affection, de solidarité et d'éducation.
Mon ministère est celui de la famille et de l'enfance, ce n'est pas un hasard, l'une et l'autre sont étroitement liées, leurs droits ne sauraient être dissociés. Il n'est pas question pour moi de jouer les droits de l'enfant contre ceux des familles.
Le premier droit de l'enfant est celui d'être aimé et de vivre dans sa famille.
Si les attentes des parents par rapport au bonheur et à la réussite de leurs enfants sont peut-être plus prégnantes que par le passé, c'est parce que cela s'inscrit dans une plus grande diversité des parcours familiaux et conjugaux. La politique du gouvernement s'adresse aujourd'hui à toutes les familles, je le répète, dans leur diversité, qu'elles soient dans le mariage ou hors du mariage, monoparentales ou recomposées. La famille contemporaine offre de multiples visages, et ma conception de la politique familiale, c'est d'accompagner cette pluralité des formes familiales en étant respectueuse des libertés conquises, attentive aux fragilités nouvelles qui en résultent parfois, et fidèle à un certain nombre de valeurs partagées, l'universalité, mais aussi la solidarité, qui consiste à donner plus aux familles qui en ont le plus besoin, et une responsabilité parentale équitablement assumée.
Les pratiques du travail social
Si j'ai souhaité vous présenter les grandes lignes de la politique de la famille et de l'enfance que je conduis, c'est que je considère que le conseil supérieur du travail social peut jouer un rôle important dans sa mise en uvre. Ceci du fait de sa composition, de la qualité des débats et des travaux que vous menez et de la nécessité pour les travailleurs sociaux qui sont éclatés entre une pluralité de métiers, d'employeurs, de statuts différents de mener une réflexion commune sur leurs missions.
Je crois que c'est aussi parce que, dans leur ensemble, les travailleurs sociaux par leurs pratiques sont des leviers importants de la politique de la famille et de l'enfance.
Ils anticipent souvent sur cette politique. Ils sont à l'avant-garde de cette politique.
A/ En effet, quel est le rôle aujourd'hui des travailleurs sociaux?
Face aux difficultés auxquelles sont confrontées les familles, il n'est pas de devoir faire face à toute la misère du monde. A mes yeux, il estd'aider, sans disqualifier, d'aider sans démobiliser.
En réalité, votre rôle est de mettre en uvre les solidarités que la Nation définit pour les siens. C'est une mission essentielle de service public dans laquelle les travailleurs sociaux sont confrontés à des situations difficiles, complexes et sensibles. Dans ce cadre, vous accomplissez un travail difficile d'aide, de soutien et d'accompagnement des personnes et des enfants en situation de fragilité sociale.
Ma priorité c'est la prévention que je considère toujours comme préférable.
Cette action, depuis ces vingt dernières années a permis, sans nul doute, d'atténuer fortement les effets dévastateurs du chômage et de ses résultantes parfois dramatiques pour un nombre élevé de personnes, en raison de la difficulté pour une partie de la population à garder des repères alors que le lien social s'est étiolé.
Il est clair que les professionnels du travail social méritent, à cet égard, qu'un hommage leur soit rendu. Ceci est d'autant plus vrai que les moyens qui leur ont été donnés pour exercer leur mission n'ont pas toujours été suffisants et qu'ils devaient souvent faire face à un manque crucial de référentiels sur lesquels ils pouvaient s'appuyer dans l'exercice de leur travail quotidien.
B/ Au-delà de ces principes, j'ai cependant le sentiment que les missions qui vous sont confiées ne sont pas toujours empreintes de clarté.
De plus, lorsque des objectifs vous sont malgré tout assignés, vous êtes souvent confrontés à des discours contradictoires:
La demande de protection de l'enfant mineur, d'un côté, et la dénonciation de l'agressivité des jeunes délinquants, de l'autre;
Le souci de renforcer l'autorité et la responsabilité parentales, d'un côté, et la critique des familles qui seraient démissionnaires, de l'autre.
Ces exemples illustrent toute la difficulté du travail que vous accomplissez
C/ C'est pourquoi, il me paraît vivement souhaitable d'inviter les travailleurs sociaux à mener une réflexion sur l'évolution de leurs modalités d'exercice afin qu'ils puissent accompagner au mieux les mutations de la société. Ceci est particulièrement vrai dans le domaine de la famille et de l'enfance même si cet effort peut intéresser l'ensemble de vos secteurs d'intervention.
L'enjeu de votre pratique, c'est d'abord la qualité de votre intervention. Qualité dictée non pas par des considérations économiques mais par simple nécessité démocratique.
A cet égard, vous recherchez la participation active des usagers aux projets qui les concernent.
Les travailleurs sociaux ont le souci d'aller à la rencontre des usagers pour appréhender leur environnement de manière à agir sur celui-ci et à aider la personne à s'y insérer. Cet objectif rejoint le projet plus global de modernisation de l'Etat dans ses rapports avec les citoyens.
Vous privilégiez une approche globale des situations des usagers.
De même, il est important, à mon sens, de développer une action collective et partagée dans une approche par projet : échanges d'expériences entre les travailleurs sociaux, élaboration de projets communs tendant à décloisonner les institutions. Vous savez bien que pour être efficace votre intervention doit prendre les familles dans leur globalité. Il importe donc de mutualiser les éléments dont vous disposez pour assurer un meilleur service public.
D/ Ces questions sont complexes, tout comme les situations auxquelles vous êtes confrontés. Aussi, je souhaite que le CSTS puisse activement participer à la préparation d'un travail commun sur ces aspects du travail social.
En effet, je vais réunir dans les prochains mois des Assises nationales sur l'évolution des pratiques du travail social face aux mutations des familles, car il me paraît important que l'ensemble des acteurs puisse s'appuyer sur les expériences et bonnes pratiques.
Je souhaite vivement que le conseil supérieur du travail social prenne une part active à ce projet.
Cette journée de réflexion doit permettre de mieux faire connaître et de valoriser l'action des travailleurs sociaux.
E/ Avant d'évoquer la question de la formation, je tiens à attirer votre attention sur la politique de bientraitrance de l'enfance que j'entends conduire, notamment contre la maltraitance en institutions, parce que, là encore, vous avez un rôle primordial à jouer.
Lors de la journée nationale de l'enfance maltraitée du 26 septembre 2000, j'ai annoncé un plan d'actions en faveur de la bientraitance des enfants. Un effort particulier doit être accompli en direction des institutions.
Un conseil de sécurité intérieure présidé par le Premier ministre a également été consacré à la question des atteintes et violences sexuelles à l'égard des mineurs.
Je me suis adressée aux Préfets pour leur présenter la circulaire interministérielle qui leur sera prochainement adréssée. Celle ci a pour objectif de mobiliser l'ensemble des services de l'Etat (éducation nationale, justice, DDASS) que les préfets seront invités à réunir en coordination afin de renforcer les dynamiques locales, la mutualisation des moyens, et d'élaborer des outils de coordination de l'intervention publique en partenariat avec les départements et les autres acteurs intervenants dans ces secteurs.
De ce point de vue, les travailleurs sociaux ont pu se sentir fragilisés. Les réalités locales, les craintes d'un licenciement peuvent faire obstacle au signalement. C'est une question importante pour l'éthique des travailleurs sociaux. Sur ma proposition,l'Assemblée Nationale a adopté en première lecture en octobre dernier un amendement de M. Vuilque organisant la protection contre le licenciement des salariés qui signalent des faits de maltraitance.
Au-delà, je tiens à vous dire ma détermination à ce que les cas de maltraitance en institutions ne soient plus tolérés, mais poursuivis et sanctionnés. Je sais compter sur le soutien des professionnels, qu'ils soient comme vous travailleurs sociaux, ou qu'ils occupent au sein des institutions concernées d'autres fonctions. J'ai demandé aux préfets, avec mes collègues concernés, de conduire une politique de prévention, de prise en charge et de traitement de l'enfance en danger qui contribue à briser la loi du silence.
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J'en viens maintenant à la formation.
Pour que les pratiques évoluent et que le travail social puisse s'exercer dans toutes ses dimensions, nous devons accorder ensemble à la formation une place toute particulière.
La formation
La formation est un levier majeur et déterminant pour adapter les pratiques. Formation initiale, bien sûr, mais aussi formation continue.
A) Compte tenu des responsabilités de l'Etat en matière de formation initiale, vous comprendrez que je détaille plus longuement devant vous mes choix en la matière.
La formation initiale doit tenir compte des évolutions et des mutations que j'ai déjà décrites. Pour constituer une véritable "caisse à outils", la formation initiale doit pouvoir permettre à chaque travailleur social de faire face aux situations qu'il rencontre dans l'exercice de sa pratique.
Le schéma national des formations sociales va constituer à cet égard un élément de progrès très important. Vous aurez à en délibérer en janvier prochain avant que le gouvernement ne le valide. Ce schéma, vous le savez, définit les grands principes qui doivent guider la conception et la réalisation des programmes de formation.
En outre, le rôle des schémas régionaux, en respectant la cohérence générale définie par le schéma national, doivent participer à son enrichissement en établissant un diagnostic de l'existant en matière de postes, de métiers et des besoins à satisfaire dans une démarche prospective. Ce relevé doit être mené à partir des expériences et des évolutions perceptibles au plus près des réalités locales en intégrant des données socio- démographiques et économiques.
Cet ensemble peut constituer, à mon sens, un levier susceptible de permettre d'assurer la refonte de l'architecture des formations et la définition de référentiels professionnels satisfaisants. Il doit aussi permettre d'améliorer les capacités de veille sur l'évolution des besoins qui pourront être appréhendés de façon transversale et garantir un meilleur lien entre le sanitaire et le social.
En ce qui me concerne, je souhaite que nous saisissions cette occasion pour bien prendre en compte les dimensions importantes de la politique familiale que je promeus:
soutenir l'exercice des responsabilités parentales;
aider une famille en évitant de la disqualifier lors de l'intervention auprès des enfants et des jeunes en grande difficulté;
renforcer les solidarités pour mieux garantir l'accès effectif de toutes les familles au droit commun et notamment pour assurer l'accessibilité de tous aux prestations familiales et améliorer les relations des familles populaires avec les institutions. Pour moi,les familles pauvres ne sont pas de pauvres familles.
B) Toujours en ce qui concerne la formation initiale, vous avez été nombreux a attiré mon attention sur la procédure d'agrément et le nombre des places offertes dans les centres de formation.
En ce qui concerne le régime juridique d'attribution des agréments, je tiens à vous indiquer que j'ai souhaité accélérer sa publication: pour que les DRASS puissent rapidement exercer cette nouvelle responsabilité, le gouvernement veillera à publier dans les prochaines semaines le décret qui définit les modalités de la déconcentration de ces agréments.
S'agissant du nombre des places offertes dans les centres de formation, j'ai bien entendu les demandes qui ont été formulées par de nombreuses organisations qui siègent autour de cette table pour que les quotas de places soient relevés.
Nous voyons bien la nécessité d'accroître le volume des formations: développement de nouveaux services, prise en compte de la pyramide des âges, adaptation de l'organisation du travail et amélioration des qualifications, enfin pourvoi des postes vacants.
Je relève d'ailleurs que la loi d'orientation et de lutte contre les exclusions a permis au cours des dernières années d'accroître de l'ordre de 1.000 places par an le volume des formations initiales.
Pour poursuivre cet effort et répondre aux besoins que je viens d'identifier, je souhaite que l'Etat puisse, dès 2002, mettre en place un effort au moins aussi important que celui accompli au cours des dernières années.
C) Cet effort de formation doit aussi porter sur la formation continue.
Il est vain de penser qu'une formation initiale, quelle que soit sa qualité, puisse permettre aux professionnels d'appréhender l'ensemble des situations qu'ils seront amenés à gérer au cours de leur carrière. La société évolue sans cesse et sans doute de plus en plus vite et le travailleur social doit impérativement être soutenu par des apports de recherches et pratiques nécessaires pour accompagner ces évolutions.
De la même façon qu' en matière de formation initiale, l'Etat se mobilise, je pense qu'il convient que les partenaires en charge de la formation continue se saisissent eux aussi de ce dossier que nous les y aidions, et fassent que l'ensemble des travailleurs sociaux puisse bénéficier d'une formation adaptée à l'évolution des besoins.
Celle-ci peut être conduite grâce à des outils nouveaux et doit permettre une clarification des missions pour chacun permettant une meilleure articulation des différents champs d'intervention entre eux.
Vous savez que le gouvernement a, dans le cadre du projet de loi de modernisation sociale, qui vous a été présenté en mai dernier, fait le choix d'instaurer un dispositif innovant de valorisation des acquis dont l'Assemblée Nationale débattra dans les premiers jours de janvier prochain.
Vous le voyez, la formation des travailleurs sociaux est un enjeu important pour le gouvernement. Les travailleurs sociaux sont au fait du maintien du lien social /du lien familial. Dans ce sens il me semble essentiel que les nombreuses recherches /actions menées par les travailleurs sociaux de terrain puissent être valorisées et connues. Je viens d'ouvrir un site qui permettra de mutualiser les travaux, les savoirs, les projets, les expérimentations qui concourent à enrichir l'intervention en faveur des familles et des enfants.
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Aujourd'hui, nous savons que le travail social a évolué.
Les années soixante étaient marquées par l'éclosion de nouvelles tâches, l'idée du progrès qui dominait et la perspective de pouvoir accompagner chacun dans cette voie.
Les années soixante-dix ont été celles des premières critiques, des premiers doutes, des premiers débats sur la nature de l'intervention du travailleur social et la crainte d'un contrôle social.
Les années quatre-vingt et quatre-vingt-dix ont été celles de la maturité, dans un contexte économique et social qui s'est durci. Le rôle des travailleurs sociaux s'est affirmé, face à une demande sociale plus forte.
Aujourd'hui, nous avons une chance à saisir: l'amélioration de la situation économique du pays, le recul du chômage, les premiers effets qui se font sentir sur ceux qui ont, parfois pendant de longues années, été exclus du marché du travail, tout ceci contribue et va contribuer encore à desserrer les contraintes. Profitons de cette situation favorable pour, ensemble, adapter aux mutations sociales le travail social.
Je souhaite pour terminer vous livrer une phrase de René Char
"La lucidité est la blessure la plus proche du soleil"Le travail social, c'est aussi quelques éclats de soleil, lumières fugitives, qui laissent entrevoir d'autres possibles. et là l'espoir naît..
(Source http://www.social.gouv.fr, le 22 décembre 2000)