Texte intégral
(Extraits)
Q - Quels sont vos sentiments sur la reprise des essais ?
R - Le président de la République avait annoncé sa décision. Elle vient d'être mise en oeuvre dans des conditions parfaitement conformes à ce qui était prévu sur le plan technique. Il y a des circonstances où la grandeur de l'homme d'Etat, c'est d'affronter une impopularité passagère pour préserver à moyen et long terme les intérêts essentiels du pays. C'est ce qu'a fait Jacques Chirac. C'est à mettre à son crédit.
J'ai entendu un certain nombre de réactions internationales. Elles ne sont pas surprenantes. Je trouve que, parfois, elles frisent un peu l'hystérie. On aurait aimé qu'en d'autres circonstances, pour d'autres puissances nucléaires, il y ait eu la même vivacité dans la réaction.
De quoi s'agit-il ?
De la sécurité. Tout le monde sait aujourd'hui - et les experts australiens eux-mêmes l'ont dit - que l'environnement n'est pas en cause. L'innocuité des essais sur l'environnement a été prouvée à de multiples reprises. On nous dit que cet essai met en jeu le respect de la non-prolifération. C'est un argument tout à fait faux. La non prolifération, cela veut dire que les pays qui n'ont pas aujourd'hui officiellement la bombe atomique s'engagent à ne pas s'en doter. Or, je voudrais rappeler qu'en mai dernier un traité, le TNP, a été signé par plus de 160 pays qui ont apposé leur signature sur un engagement qu'ils tiendront.
Q - Vous êtes le seul Premier ministre au monde, avec le Premier ministre chinois, à diriger un gouvernement qui fait procéder à des essais nucléaires. N'est-ce pas un voisinage et une solitude un peu lourds à porter ?
R - Je ne doute pas que l'intérêt supérieur de la France soit d'achever ces essais qui ont été prématurément arrêtés en 1992. Jacques Chirac a dit quelque chose, hier, qui m'a beaucoup frappé. Il disait que, si en 1930, on avait, par sondage, demandé aux Français s'ils étaient favorables à la modernisation de leur armée et à sa mécanisation, ils auraient sans doute répondu "non". On en reparlera peut-être de tout cela, dans cinq ou dix ans. Sans doute se réjouira-t-on que la France se soit dotée des moyens de préserver ses intérêts essentiels.
Q - Avez-vous la sensation que les Français sont gagnés par un état d'esprit un peu
démissionnaire ?
R - Je ne pense pas cela. On ne gouverne pas à partir des sondages. Il faut prendre ses responsabilités. Le chef de l'Etat l'a fait, le gouvernement aussi. Je suis intimement convaincu qu'à moyen terme, la décision du Président Chirac préserve les intérêts vitaux de la France
Q - Cette réaction internationale se calmera-t-elle avec la déclaration, hier, de Jacques Chirac sur la réduction du nombre d'essais et de leur arrêt avant 1996 ?
R - Nous ferons ce qui est nécessaire. J. Chirac en a fixé les limites de temps et de
nombre.
Q - Il parlait, hier, de six à huit essais, au lieu de sept à huit ?
R - Nous déciderons en fonction du déroulement de la campagne d'essais. Je souhaiterais que les Français ne se laissent pas complètement intoxiquer par une campagne internationale dont on voit clairement que l'environnement n'est pas la source : le commerce y tient une beaucoup plus large part. Je souhaite qu'il y ait une sorte de sursaut national autour de ce qui est l'intérêt essentiel de notre pays.
Q - Vous, politiques, le président de la République et le Premier ministre, n'êtes-vous pas prisonniers de deux ou trois experts qui décident et disent ce qu'ils veulent ?
R - Non. Ce ne sont pas les experts qui ont décidé. C'est une présentation qui ne correspond pas à la réalité. J'ai assisté comme il se doit aux entretiens que le président de la République a eus avec les personnalités qu'il a consultées. C'est lui qui a pris en son âme et conscience sa décision. Il m'a naturellement demandé mon avis, comme les institutions le prévoient. J'étais du même avis.
Q - Connaissez-vous des experts qui prétendent qu'il n'est pas nécessaire de procéder à des essais ?
R - Oui, il y en a. Mais la majorité ne pense pas cela. C'est le politique qui a décidé parce que c'est aux politiques qu'il appartient de juger de ce qu'est l'intérêt national de la France. Pouvez-vous me dire aujourd'hui que nous sommes entrés dans un monde serein, stable et sans danger ?
Avons-nous le droit de prendre le risque dans l'avenir proche et lointain de voir la France incapable d'assurer la sécurité de ses intérêts vitaux ? Le président de la République a décidé qu'il ne prendrait pas ce risque. Il a eu raison. Les Français lui en seront reconnaissants.
Q - En Europe, la solidarité a-t-elle été mise à mal ? Quelles conséquences en tirerez- vous ?
Q - Je voudrais d'abord parler de ceux qui se sont bien comportés. Nous avons, en la personne du chancelier Kohl, et des dirigeants britanniques des amis et des alliés qui peuvent ne pas partager au fond la décision que nous avons prise, mais qui ont fait preuve d'esprit de solidarité. Pour le reste, il est vrai qu'il y a des nouveaux venus dans l'Union européenne qui ont peut-être été marqués par des décennies de neutralité. J'en tire une conclusion : la politique extérieure et de sécurité communes de l'Union européenne a encore de beaux jours devant elle avant de se concrétiser réellement. Il va falloir créer dans les prochaines années un vrai esprit européen qui n'existe pas encore. Il faut bien le constater.
Q - La dissuasion française dans le cadre de la défense européenne : Qu'avez-vous de
précis à proposer à nos partenaires ? Ce débat va-t-il commencer bientôt ?
R - J'en ai parlé à plusieurs reprises. Nous avons amorcé la discussion avec nos amis allemands et britanniques. C'est une question extrêmement difficile sur laquelle je ne vais pas, aujourd'hui, donner des détails. Mais je suis convaincu que la force de dissuasion française comme la force de dissuasion britannique peuvent travailler à la paix sur notre continent et participer à la sécurité de l'Union européenne, à une condition : qu'il y ait une volonté politique derrière tout cela. La dissuasion n'est jamais qu'une arme ; il faut que nous arrivions à créer en Europe au titre de la politique extérieure et de sécurité communes une vraie entité européenne. Elle n'existe pas aujourd'hui, on l'a bien vu en Bosnie, on est en train de le voir aujourd'hui. Il y a beaucoup de travail à faire.
Q - En parlera-t-on dans la conférence inter-gouvernementale de 1996 ?
R - Dans la conférence intergouvernementale, on parlera de la politique extérieure et de sécurité communes. La France a l'intention de faire des propositions pour renforcer l'UEO.
Q - En parlant du nucléaire ?
R - Nous parlerons de ces sujets avec nos partenaires plus précisément concernés que j'ai évoqués tout à l'heure.
Q - Redoutez-vous le boycott économique de la France ?
R - Certains vont même faire des campagnes à l'étranger de dénigrement des positions françaises. C'est très rare. Je n'en ai entendu qu'un jusqu'à présent, en Allemagne. Pour l'essentiel, il y a certes vigilance, mais là encore, ne créons pas une sorte de psychose sur la base de fait qui ne le justifient pas. Il n'y a pas à l'heure actuelle de boycott important.
Q - Même Air France a des problèmes en Australie ?
R - Il n'y a pas de mouvement de boycott généralisé. De toute façon, ces pratiques sont tout à fait contraires au droit international. La France a respecté scrupuleusement tous ses engagements internationaux. Il n'y a aucun acte international qui interdise à la France de faire ce qu'elle fait aujourd'hui. En revanche, il y a des règles du commerce international qui proscrivent le boycott. Nous les ferons jouer. Il y a une décision qui a été prise parce qu'il y va de l'intérêt supérieur du pays. Il faut assumer. Quand on est un gouvernant, on ne frémit pas à la moindre critique.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 24 septembre 2002)
Q - Quels sont vos sentiments sur la reprise des essais ?
R - Le président de la République avait annoncé sa décision. Elle vient d'être mise en oeuvre dans des conditions parfaitement conformes à ce qui était prévu sur le plan technique. Il y a des circonstances où la grandeur de l'homme d'Etat, c'est d'affronter une impopularité passagère pour préserver à moyen et long terme les intérêts essentiels du pays. C'est ce qu'a fait Jacques Chirac. C'est à mettre à son crédit.
J'ai entendu un certain nombre de réactions internationales. Elles ne sont pas surprenantes. Je trouve que, parfois, elles frisent un peu l'hystérie. On aurait aimé qu'en d'autres circonstances, pour d'autres puissances nucléaires, il y ait eu la même vivacité dans la réaction.
De quoi s'agit-il ?
De la sécurité. Tout le monde sait aujourd'hui - et les experts australiens eux-mêmes l'ont dit - que l'environnement n'est pas en cause. L'innocuité des essais sur l'environnement a été prouvée à de multiples reprises. On nous dit que cet essai met en jeu le respect de la non-prolifération. C'est un argument tout à fait faux. La non prolifération, cela veut dire que les pays qui n'ont pas aujourd'hui officiellement la bombe atomique s'engagent à ne pas s'en doter. Or, je voudrais rappeler qu'en mai dernier un traité, le TNP, a été signé par plus de 160 pays qui ont apposé leur signature sur un engagement qu'ils tiendront.
Q - Vous êtes le seul Premier ministre au monde, avec le Premier ministre chinois, à diriger un gouvernement qui fait procéder à des essais nucléaires. N'est-ce pas un voisinage et une solitude un peu lourds à porter ?
R - Je ne doute pas que l'intérêt supérieur de la France soit d'achever ces essais qui ont été prématurément arrêtés en 1992. Jacques Chirac a dit quelque chose, hier, qui m'a beaucoup frappé. Il disait que, si en 1930, on avait, par sondage, demandé aux Français s'ils étaient favorables à la modernisation de leur armée et à sa mécanisation, ils auraient sans doute répondu "non". On en reparlera peut-être de tout cela, dans cinq ou dix ans. Sans doute se réjouira-t-on que la France se soit dotée des moyens de préserver ses intérêts essentiels.
Q - Avez-vous la sensation que les Français sont gagnés par un état d'esprit un peu
démissionnaire ?
R - Je ne pense pas cela. On ne gouverne pas à partir des sondages. Il faut prendre ses responsabilités. Le chef de l'Etat l'a fait, le gouvernement aussi. Je suis intimement convaincu qu'à moyen terme, la décision du Président Chirac préserve les intérêts vitaux de la France
Q - Cette réaction internationale se calmera-t-elle avec la déclaration, hier, de Jacques Chirac sur la réduction du nombre d'essais et de leur arrêt avant 1996 ?
R - Nous ferons ce qui est nécessaire. J. Chirac en a fixé les limites de temps et de
nombre.
Q - Il parlait, hier, de six à huit essais, au lieu de sept à huit ?
R - Nous déciderons en fonction du déroulement de la campagne d'essais. Je souhaiterais que les Français ne se laissent pas complètement intoxiquer par une campagne internationale dont on voit clairement que l'environnement n'est pas la source : le commerce y tient une beaucoup plus large part. Je souhaite qu'il y ait une sorte de sursaut national autour de ce qui est l'intérêt essentiel de notre pays.
Q - Vous, politiques, le président de la République et le Premier ministre, n'êtes-vous pas prisonniers de deux ou trois experts qui décident et disent ce qu'ils veulent ?
R - Non. Ce ne sont pas les experts qui ont décidé. C'est une présentation qui ne correspond pas à la réalité. J'ai assisté comme il se doit aux entretiens que le président de la République a eus avec les personnalités qu'il a consultées. C'est lui qui a pris en son âme et conscience sa décision. Il m'a naturellement demandé mon avis, comme les institutions le prévoient. J'étais du même avis.
Q - Connaissez-vous des experts qui prétendent qu'il n'est pas nécessaire de procéder à des essais ?
R - Oui, il y en a. Mais la majorité ne pense pas cela. C'est le politique qui a décidé parce que c'est aux politiques qu'il appartient de juger de ce qu'est l'intérêt national de la France. Pouvez-vous me dire aujourd'hui que nous sommes entrés dans un monde serein, stable et sans danger ?
Avons-nous le droit de prendre le risque dans l'avenir proche et lointain de voir la France incapable d'assurer la sécurité de ses intérêts vitaux ? Le président de la République a décidé qu'il ne prendrait pas ce risque. Il a eu raison. Les Français lui en seront reconnaissants.
Q - En Europe, la solidarité a-t-elle été mise à mal ? Quelles conséquences en tirerez- vous ?
Q - Je voudrais d'abord parler de ceux qui se sont bien comportés. Nous avons, en la personne du chancelier Kohl, et des dirigeants britanniques des amis et des alliés qui peuvent ne pas partager au fond la décision que nous avons prise, mais qui ont fait preuve d'esprit de solidarité. Pour le reste, il est vrai qu'il y a des nouveaux venus dans l'Union européenne qui ont peut-être été marqués par des décennies de neutralité. J'en tire une conclusion : la politique extérieure et de sécurité communes de l'Union européenne a encore de beaux jours devant elle avant de se concrétiser réellement. Il va falloir créer dans les prochaines années un vrai esprit européen qui n'existe pas encore. Il faut bien le constater.
Q - La dissuasion française dans le cadre de la défense européenne : Qu'avez-vous de
précis à proposer à nos partenaires ? Ce débat va-t-il commencer bientôt ?
R - J'en ai parlé à plusieurs reprises. Nous avons amorcé la discussion avec nos amis allemands et britanniques. C'est une question extrêmement difficile sur laquelle je ne vais pas, aujourd'hui, donner des détails. Mais je suis convaincu que la force de dissuasion française comme la force de dissuasion britannique peuvent travailler à la paix sur notre continent et participer à la sécurité de l'Union européenne, à une condition : qu'il y ait une volonté politique derrière tout cela. La dissuasion n'est jamais qu'une arme ; il faut que nous arrivions à créer en Europe au titre de la politique extérieure et de sécurité communes une vraie entité européenne. Elle n'existe pas aujourd'hui, on l'a bien vu en Bosnie, on est en train de le voir aujourd'hui. Il y a beaucoup de travail à faire.
Q - En parlera-t-on dans la conférence inter-gouvernementale de 1996 ?
R - Dans la conférence intergouvernementale, on parlera de la politique extérieure et de sécurité communes. La France a l'intention de faire des propositions pour renforcer l'UEO.
Q - En parlant du nucléaire ?
R - Nous parlerons de ces sujets avec nos partenaires plus précisément concernés que j'ai évoqués tout à l'heure.
Q - Redoutez-vous le boycott économique de la France ?
R - Certains vont même faire des campagnes à l'étranger de dénigrement des positions françaises. C'est très rare. Je n'en ai entendu qu'un jusqu'à présent, en Allemagne. Pour l'essentiel, il y a certes vigilance, mais là encore, ne créons pas une sorte de psychose sur la base de fait qui ne le justifient pas. Il n'y a pas à l'heure actuelle de boycott important.
Q - Même Air France a des problèmes en Australie ?
R - Il n'y a pas de mouvement de boycott généralisé. De toute façon, ces pratiques sont tout à fait contraires au droit international. La France a respecté scrupuleusement tous ses engagements internationaux. Il n'y a aucun acte international qui interdise à la France de faire ce qu'elle fait aujourd'hui. En revanche, il y a des règles du commerce international qui proscrivent le boycott. Nous les ferons jouer. Il y a une décision qui a été prise parce qu'il y va de l'intérêt supérieur du pays. Il faut assumer. Quand on est un gouvernant, on ne frémit pas à la moindre critique.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 24 septembre 2002)