Texte intégral
Je me félicite que l'organisation de ce séminaire semestriel m'offre l'occasion de vous retrouver pour faire avec vous le point sur l'actualité des sujets relatifs à la sécurité alimentaire et à la protection des végétaux, sur les conditions d'exercice de vos missions, et sur la situation dans les services que vous dirigez.
Vous avez assumé, cette année, plus encore que les années précédentes, une charge de travail particulièrement lourde dans l'exercice de vos missions permanentes comme dans la mise en oeuvre des mesures nouvelles prises par le Gouvernement, notamment dans la gestion de la crise de l'ESB. C'est aussi le cas des SRPV dans le suivi de la question des OGM ou celui des pollutions induites par les produits phytosanitaires.
Je salue, aujourd'hui encore, comme je le fais d'ailleurs régulièrement dans mes interventions publiques, votre réactivité, votre disponibilité, votre efficacité tout simplement, que vous avez, une nouvelle fois démontré, au cours des dernières semaines ; je pense encore récemment à votre investissement décisif, aux côtés des préfets, dans la gestion de l'interdiction de toutes les farines animales ; je pense aussi à la solidité dont vous faites preuve dans la gestion de situations humaines très difficiles ou dans l'exercice de missions éprouvantes, je pense à l'abattage des troupeaux.
Je sais pour autant que cet accroissement de charges a accentué encore davantage les problèmes de moyens que vous rencontrez dans l'exercice de vos missions. J'ai entendu, depuis quelques semaines, l'expression de demandes fortes de la part des vétérinaires-inspecteurs mais aussi des techniciens supérieurs et des préposés sanitaires.
Il m'appartient aujourd'hui de vous apporter des réponses, qu'ils s'agisse de décisions immédiates - et je suis en mesure de vous en annoncer ou confirmer plusieurs ce matin - ou qu'il s'agisse de chantiers de travail à ouvrir ensemble.
Avant de les évoquer avec vous, je souhaiterais cependant revenir sur le dernier conseil agricole et sur les décisions qu'il va nous appartenir de mettre en oeuvre dans les prochaines semaines.
Je viens de terminer une réunion du Conseil des Ministres de l'Agriculture qui s'est terminée fort tard la nuit précédente. Des décisions importantes y ont été prises. Ces décisions, dont vous avez déjà eu l'écho dans les médias, vont vous concerner, vous-mêmes et vos équipes.
En effet, comme je l'ai proposé à mes collègues européens, la décision a été arrêtée de mettre en place rapidement des tests de dépistage ESB pour tous les bovins de plus de trente mois entrant dans la chaîne alimentaire. Cette mesure était attendue par l'opinion publique et par les professionnels pour rétablir la confiance des consommateurs dans la viande bovine.
Cette une mesure difficile à mettre en oeuvre à plus d'un titre ; comparée au programme des 48.000 tests qui a été lancé en juin dernier, nous passons à une autre échelle de réalisation puisque le nombre de bovins concernés en année pleine devrait tourner autour de 2,5 millions. De plus elle interfère en profondeur avec les processus industriels.
Nous avons donc un défi à relever : il va s'agir de définir ensemble les modalités de réalisation de ces tests : organisation des procédures au niveau des abattoirs, des laboratoires, de l'AFSSA. Les professionnels vont avoir à repenser de leur côté l'organisation de leur chaîne d'abattage et prévoir des systèmes de stockage permettant de gérer les flux en attente des résultats des tests.
Il nous va falloir également réfléchir ensemble à l'impact que cette mission va avoir sur les services vétérinaires afin d'estimer les moyens qui seront nécessaires pour mener à bien cette opération. Je demande à cet effet aux services de la DGAL et de la DGA de s'engager sans délai dans la définition des modalités par lesquelles nous nous mettrons en mesure de mettre en uvre ce programme.
C'est une bonne décision même si elle est lourde à mettre en oeuvre. Je la crois de nature à favoriser la sortie de la crise de confiance à laquelle nous faisons face depuis plusieurs semaines. Je suis sûr que tous ensemble nous résoudrons toutes les questions pratiques que soulève maintenant sa mise en place.
Les emplois
Le ministère de l'agriculture a subi depuis une dizaine d'années une déflation de ses effectifs. Les services déconcentrés en ont pris leur part. Pour ce qui concerne les services vétérinaires, la baisse des effectifs a touché, pour une large part, les agents de la filière administrative et, dans une moindre mesure, les techniciens supérieurs.
Les créations d'emplois inscrites au titre des budgets 1998 et 1999 ont amorcé un début de redressement, notamment pour la filière technique. Il reste que celui-ci s'avère aujourd'hui insuffisant au regard de la charge croissante que vous devez assumer. C'est pourquoi, à ma demande, le premier ministre a retenu et annoncé la création de 300 emplois, au cours des deux prochaines années, pour renforcer les services vétérinaires. En 2001, ce sont ainsi 150 emplois supplémentaires qui s'ajouteront aux 64 (dont 44 au titre de la déprécarisation) déjà inscrits dans le projet de loi de finances.
Globalement, ces 300 emplois se répartiront en 68 vétérinaires inspecteurs, 36 ITA, 134 techniciens, 2 attachés administratifs, 35 secrétaires administratifs et 25 adjoints aministratifs.
J'ai demandé aux services de la DGAL et de la DGA que, pour l'année 2001, tout soit fait pour organiser les concours de recrutement dans les meilleurs délais et que l'arrivée dans vos services des nouveaux agents soit accélérée, notamment, concernant les techniciens, par le recours à des concours exceptionnels directs suivis d'une formation échelonnée dans le temps.
Avec ces 300 créations d'emploi sur 2 ans, nous saturons nos capacités d'absorption, notamment en termes de formation initiale. Je sais que d'aucuns trouve ce chiffre insuffisant et demandent 1000 emplois sur 5 ans. Je répondrai qu'il faut savoir aussi parfois ne pas bouder notre plaisir car je ne me souviens pas qu'un tel effort ait été fait dans l'histoire récente de notre ministère. Nous verrons cependant comment, à la lumière des deux prochaines années, nous pourrons poursuivre cet effort.
Pour les SRPV, j'ai aussi souhaité accompagner, au titre des créations d'emplois inscrites dans le PLF 2001, la montée en puissance de vos missions dans le domaine de la biovigilance.
La répartition des moyens
Ayant ainsi enregistré une première avancée notable dans le domaine des emplois, il est également nécessaire de mieux en organiser le suivi et la l'allocation entre les services.
Tel est le sens de la mission que j'ai confiée à Paul Boiteux, Contrôleur Général Vétérinaire. Il m'a rendu ses conclusions, le 1er septembre dernier, au terme d'un travail fouillé qui s'appuie notamment sur une enquête conduit avec votre concours.
Il nous reste maintenant à nous en inspirer :
- pour déterminer précisément les dotations d'objectif de chaque service vétérinaire au 1er janvier 2002 ;
- pour définir un dispositif souple et équitable qui vous apporte de nouvelles marges de manoeuvre ;
De ce dispositif qui vous a été présenté hier par la DGA et la DGAL, je retiendrais deux idées - force :
Comme pour les DDAF, la dotation d'objectif qui vous sera attribuée sera une dotation globalisée. Chaque directeur aura ainsi la liberté de faire évoluer la structure de son effectif, dans le cadre d'un volume d'ETP fixé au titre de sa dotation d'objectif
Les effectifs affectés dans les services vétérinaires, et leur évolution, feront l'objet dun suivi précis par la DGA et la DGAL. Ainsi, les dotations d'objectif seront réajustées chaque année en tenant compte de l'évolution des missions et des moyens disponibles.
Le recours aux vacataires
L'explosion de nos missions liées à la crise de l'ESB nous a conduit à faire appel chaque année davantage à des vacataires, qu'ils s'agissent de vétérinaires ou de préposés sanitaires.
Pour ce qui concerne les vétérinaires, deux difficultés sont clairement identifiées :
- La première porte sur les bases de leur rémunération fixé par un arrêté interministériel à 85 F brut de l'heure ; cette base que je qualifierai de " modique " est à l'origine de difficultés multiples, soit que vous ne parveniez pas à recruter, ce que l'on constate dans certains départements, soit que certains d'entre vous aient été amenés à prendre certains risques d'ordre administratif, ce qui n'est pas acceptable. J'ai donc demandé il y a près d'un mois et obtenu tout récemment une revalorisation de 40 % de ce taux horaire. Il entrera en vigueur au 1er janvier prochain. De même, pour les préposés sanitaires, une revalorisation a été décidée à hauteur de 10 %. Le Gouvernement déposera demain, lors de l'examen du budget 2001 du ministère, un amendement en ce sens.
- La deuxième difficulté porte sur les perspectives de déprécarisation, notamment pour ceux qui travaillent depuis un certain nombre d'années à 135 heures. Tous ceux qui effectuent des missions permanentes à temps complet ou quasi complet (+ 70 % d'un temps plein) devront être titularisés par le concours. Une possibilité d'intégration au niveau A sera offerte en application de la loi Sapin. Mais nous avons prévu, hors champs de cette loi, une nouvelle voie d'accès au concours de vétérinaire inspecteur, c'est-à-dire au niveau A+, par création d'un concours interne offert aux agents de droit public, titulaires de diplômes de vétérinaire concernant pour l'essentiel les vétérinaires vacataires.
Pour ceux qui ne pourraient être rapidement intégrés, je suis prêt à poursuivre la réflexion sous la forme d'un groupe de travail que je demande à la DGA et à la DGAL de piloter en y associant le groupement des DSV et les organisations syndicales représentatives. Ce travail portera sur la possibilité de mieux asseoir leur statut dans l'attente d'une éventuelle titularisation par la voie d'un concours. J'appelle toutefois votre attention sur le fait que ces réflexions s'inscriront nécessairement dans un cadre juridique qui va plutôt en se durcissant.
J'ai dit quelques mots des vétérinaires vacataires, je souhaiterais aussi que nous progressions aussi concernant les conditions d'emploi des préposés sanitaires :
- d'abord, je l'ai dit, par une revalorisation de leur rémunération (10 %) ;
- ensuite, en regardant comment vous permettre de conserver ceux que vous avez formés et qui donnent satisfaction, en vous autorisant à aller au-delà de la durée qui ouvre droit à des indemnités chômage.
Ayant parlé des préposés sanitaires, je voudrais élargir mon propos aux techniciens supérieurs. M'adressant à des directeurs et chefs de service, je voudrais vous dire combien j'attache d'importance à la dimension " encadrement " de votre fonction, particulièrement au moment où les équipes sont si fortement sollicitées.
Je vous demande de porter une attention toute particulière à l'encadrement des agents affectés à l'inspection, ce d'autant plus que cet encadrement est souvent confié à un collaborateur à temps partiel du service public. J'insiste notamment sur l'intérêt pour les cadres intermédiaires d'associer notamment les techniciens et les préposés aux réflexions conduites sur l'organisation du service. Les techniciens et les préposés prennent une part importante dans son fonctionnement. Ils sont donc bien placés pour formuler des avis ou des propositions.
Notre témoignage de reconnaissance des services accomplis passe aussi par la communication interne et externe. L'opinion publique doit savoir que la surveillance exercée par les services de contrôle est une uvre collective, d'équipes compétentes et dévouées ; que tous les agents sans exception y apportent leur contribution individuelle, chacun à son poste. Il nous faut y veiller car il y va de la cohésion de nos équipes.
La revalorisation des corps A+ du ministère
Quelques mois après qu'ait été engagé un processus de travail en vue de la fusion des deux corps d'ingénieurs A+ relevant du ministère de l'agriculture, les vétérinaires inspecteurs ont exprimé le souhait, à la fin de l'année dernière, de rejoindre ce futur corps. J'en ai accepté le principe en me félicitant de cette perspective mais en souhaitant cependant que l'on en étudie préalablement la faisabilité, notamment sur trois des principales difficultés susceptibles de se présenter : celles de la formation, des parcours de carrière et des contraintes du titre de vétérinaires-inspecteurs.
Des groupes de travail ont examiné ces questions depuis quelques mois. Ils m'ont remis leurs premières conclusions hier, sous la forme d'un rapport d'étape. J'attends le rendu définitif à la fin de l'année.
Ces trois rapports ne font apparaître aucun obstacle dirimant sur un plan technique, invalidant le principe même d'une fusion. Ils appellent cependant l'attention sur le fait que :
- tout d'abord, certains points techniques doivent être approfondis afin de pouvoir finaliser le projet ;
- ensuite, qu'il est nécessaire de réviser un certain nombre de textes législatifs dans la mesure où la réglementation nationale faisant souvent référence au corps des vétérinaires-inspecteurs, leur intégration dans un nouveau corps imposerait une modification de ces textes.
La note d'étape souligne également la difficulté de devoir procéder à cette intégration en réduisant le gabarit du corps actuel des vétérinaires inspecteurs, comme le projet de fusion le prévoit pour les ingénieurs du GREF et les ingénieurs d'agronomie. On voit mal, en effet, comment nous pourrions évoluer dans ce sens, au moment même où, de par les missions actuellement exercées par les vétérinaires inspecteurs et l'évolution des obligations sanitaires, nous travaillons, à l'inverse, à obtenir des augmentations d'effectifs.
Sur la base des constatations qui me sont faites, nous nous retrouvons face à l'alternative suivante :
- soit, nous décidons de nous engager dans la création d'un nouveau corps à trois, avec, en 2001, une première phase de fusion des corps du GREF et de l'agronomie, et une deuxième phase, au plus tôt l'année suivante, d'intégration des vétérinaires inspecteurs ;
- soit, nous recherchons une revalorisation simultanée des trois corps, dès 2001, par un alignement du statut des vétérinaires inspecteurs sur celui du nouveau corps, accompagné de mesures de rapprochement, laissant ainsi tout à fait ouverte la perspective de l'intégration à terme.
Mon souci est aujourd'hui de travailler activement à la revalorisation des trois corps techniques supérieurs du ministère sans donner le sentiment à l'un de ces trois corps qu'il serait renvoyé à une seconde phase. C'est pourquoi j'ai demandé à mes collaborateurs et aux services du ministère de travailler à cette deuxième hypothèse visant à aboutir, en 2001, à une revalorisation statutaire des vétérinaires inspecteurs qui se fasse en même temps et sur les mêmes bases que celle des ingénieurs. Cette première étape nous permettra d'approfondir, dans un climat plus serein, l'intérêt et les modalités d'une fusion entre les trois corps techniques d'encadrement supérieur du ministère en donnant ainsi la possibilité à chacun de confirmer son adhésion à cette perspective.
Les missions
Je voudrais terminer mon propos sur deux points, l'un relatif à l'évolution des missions des services vétérinaires, l'autre sur l'actualité de celles exercées par les services régionaux de la protection des végétaux.
Pour ce qui concerne les missions des services vétérinaires, l'évolution rapide et forte de celles-ci doit nous conduire à réfléchir ensemble à la manière dont nous pouvons y faire face, nous interroger sur leur degré de priorité et sur la manière de les exercer. Je pense notamment, mais pas seulement, à la fonction des contrôles en abattoirs qui constitue un bon exemple.
Plusieurs pistes de réflexion méritent ainsi d'être explorées afin de :
- faire évoluer nos méthodes de contrôles afin de mieux les adapter aux enjeux actuels de la sécurité alimentaire ;
- deuxième piste, mieux organiser nos interventions notamment en identifiant mieux le rôle respectif des différents maillons de la chaîne de contrôle qui fait également intervenir, sous l'autorité du vétérinaire, les ITA et les techniciens ;
- troisième piste, sans être limitatif, clarifier, parmi les missions confiées aux vétérinaires inspecteurs, celles qui relève du personnel titulaire et de celles qui peuvent légitimement être confiées à des vacataires.
Ces réflexions devront intégrer l'identification des responsabilités juridiques liées à l'exercice des missions et l'analyse préventive des éventuels risques qui s'y attachent.
C'est ainsi à une réflexion globale sur nos missions, notre organisations et nos moyens qu'il me semble utile de nous engager dès les prochains mois. L'observatoire des métiers et des missions devra être pleinement associé à ce travail auquel il a déjà prévu de contribuer en retenant dans son programme 2001 la fonction des techniciens.
J'en viens maintenant aux SRPV : dans le cadre de la Loi d'orientation agricole, j'ai souhaité un renforcement de la surveillance exercée sur les organismes génétiquement modifiés et sur les produits phytosanitaires.
En raison des enjeux de santé publique et de préservation de l'environnement, cette mission de biovigilance nécessite des agents ayant fait la preuve de leur compétence réglementaire et de leur expertise technique. Afin de donner aux contrôleurs les moyens d'action appropriés, j'ai voulu un accroissement des pouvoirs de police judiciaire et de police administrative des agents des Services de la protection des végétaux.
Les contrôles sur les organismes génétiquement modifiés ont permis de vérifier le respect des exigences sur les essais de recherche et de développement, et d'exercer une surveillance sur les cultures présentant des présences fortuites d'OGM.
Le renforcement des contrôles sur l'utilisation des produits phytosanitaires participe à la politique interministérielle de réduction des risques liés aux pesticides. C'est pourquoi j'ai souhaité que cette mission soit inscrite dans le programme d'actions de réduction des pollutions commun avec le ministère chargé de l'environnement. Les Services régionaux de la protection des végétaux devront participer à la mise en uvre des moyens réglementaires, et à l'évolution de l'utilisation des pesticides, destinées à surmonter les problèmes détectés.
En conclusion, je voudrais vous convaincre de ma détermination à ce que nous aboutissions à de réelles avancées dasn l'exercice des missions des services vétérinaires et les SRPV. Je vous ai aujourd'hui apporté un certain nombre d'éléments en ce sens, certains très concrets. Ce processus doit se poursuivre dans la durée, notamment en engageant les chantiers de travail dont je souhaite le lancement.
Je voudrais enfin vous redire qu'au-delà des difficultés réelles que vous rencontrez pour faire face à l'accroissement de vos missions, vous-mêmes et vos services assurez une fonction passionnante qui répond aux préoccupations essentielles de nos concitoyens. De notre capacité à répondre à cette demande forte de la société dépend plus largement notre premier défi, celui de redonner confiance aux français dans leur alimentation.
Je vous remercie.
(Source http://www.agriculture.gouv.fr, le 11 décembre 2000)