Texte intégral
Il y a de cela un peu plus de deux ans, ceux d'entre vous qui étaient déjà ministres en charge du sport s'en souviennent, je vous recevais au pied du Stade de France, sous un chapiteau, dans des conditions assez inconfortables, et pourquoi ne pas le dire, un peu précaires.
C'était l'époque où à quelques-uns, alertés par les dérives du sport, nous allions frapper à la porte de la Commission, à celle, plus précisément, de Monsieur Van Miert qui, parce qu'il était en charge de la concurrence, avait compétence pour nous parler au nom de la Commission européenne. Sans être, alors, vraiment entendus, il faut le dire.
Aujourd'hui, je vous reçois sous ces lambris chargés d'histoire, avec un vrai protocole, et notre réunion est traduite dans les onze langues communautaires.
Madame Reding, à coté de sa charge dans les domaines de la culture, de l'éducation et de la jeunesse, est désormais chargée des sports.
Plus qu'un changement symbolique, c'est le reflet de ce qui a commencé à bouger, et je tiens à vous rendre, Madame la Commissaire, l'hommage que mérite votre action et votre pugnacité dans le domaine du sport.
Entre temps, il y a eu le Conseil de Vienne, et l'affirmation de la nécessaire sauvegarde des structures sportives actuelles ;
Puis notre rencontre de Paderborn, qui a constitué le tournant majeur dans l'intervention des Etats de l'Union européenne dans la lutte contre le dopage ;
Il y a eu le rapport d'Helsinki sur le sport ;
Et tout récemment, les conclusions du Conseil européen de Feira, qui pour la première fois a explicitement demandé que la Commission et le Conseil tiennent compte des caractéristiques spécifiques du sport dans la mise en uvre des politiques communes.
Ce chemin parcouru est - je crois - à l'image de la place qu'occupe aujourd'hui le sport dans nos sociétés.
Le sport, en effet, mobilise chaque semaine des dizaines de milliers de bénévoles, rassemble des millions de pratiquants, et fait rêver les hommes et les femmes de nos pays.
Il y a à peine un mois, les jeux olympiques de Sydney ont émerveillé le monde et réveillé des émotions que seul le sport est capable de générer à l'échelle planétaire.
Les jeux paralympiques, où j'ai également tenu à me rendre pour soutenir les athlètes, ont témoigné que la pratique sportive est vraiment le bien de tous et toutes, valides ou touchés par un handicap, et peut être source de plaisir pour tous et toutes, au même degré.
Le sport a acquis une dimension sociétale, à la fois de proximité, mais également planétaire.
Personne ici n'est donc surpris que cette activité humaine suscite des appétits.
Je crois que l'on peut même dire qu'en Europe comme à l'échelle planétaire, le sport se trouve aujourd'hui à un tournant.
Le sport est en effet confronté à des enjeux considérables liés à son développement, à la diversification des pratiques, mais aussi à sa médiatisation, à sa professionnalisation, à l'arrivée massive d'argent dans certaines disciplines.
Vous savez que je n'ai pas la volonté de diaboliser l'argent dans le sport. Le sport a besoin de moyens et ces moyens ne peuvent pas être uniquement publics.
Je me refuse ainsi à délimiter un sport sans argent qui serait " pur " et un sport bénéficiant d'argent qui serait " perdu " .
Je préfère poser la question autrement : le mouvement sportif dispose-t-il des moyens, des espaces, des bases légales pour préserver le sens, les valeurs du sport en maîtrisant l'argent qui lui arrive et ainsi éviter que cet argent dicte sa loi au sport ?
Le spectacle sportif est devenu si attractif que des intérêts financiers veulent s'en servir dans un but uniquement de rentabilité, quitte à sacrifier son éthique et à considérer les sportifs comme des marchandises.
Quel sport voulons-nous pour le XXIe siècle ? La réponse à cette question globale, fondamentale, découle des réponses que nous pouvons, États et mouvement sportif, apporter au quotidien.
Deux choix sont possibles. Soit à partir du constat de ces dérives, nous considérons que le sport ne dépend plus que du marché, les sportifs de leur valeur ajoutée ; alors, il faut leur appliquer les règles de la concurrence, et ajouter de la déréglementation aux folies actuelles.
Soit, à partir de ce que fut la construction du sport moderne en Europe, avec ses valeurs humanistes, ses structures associatives, nous décidons, dans le contexte actuel, de redonner en Europe aux mouvements sportifs les moyens juridiques et institutionnels de protéger les pratiques sportives dans leur diversité au sein des structures fédératives.
Cette dernière option, qui est celle de la présidence française, ne signifie pas le statu quo mais au contraire appelle des propositions innovantes et alternatives du mouvement sportif - et je souhaite profondément que ce sera le cas sur la question des transferts et que la famille du football se mettra d'accord sur des propositions précises - et des États pour ce qui est de leur responsabilité.
En ce qui concerne les pouvoirs publics je crois qu'il est de notre responsabilité de créer les conditions pour que ces associations sportives, autonomes par essence, puissent mener à bien leurs missions sans voir leur rôle remis en cause par des groupes extérieurs au monde associatif, et dont les objectifs sont d'utiliser le sport à des fins d'intérêts privés.
De ce point de vue, je voudrais vous redire que la création, cette saison, d'une ligue européenne privée de basket constitue à mes yeux un précédent inquiétant.
Je ne crois pas que c'est le prix à payer par le mouvement sportif pour continuer à exister dans un monde concurrentiel.
Je considère au contraire que soumettre le sport à cette concurrence, c'est compromettre son éthique, ses finalités sociales et éducatives, son indépendance et qu'il faut s'y opposer.
Le moment est venu pour nous de répondre à l'appel de Feira et de prendre en compte les caractéristiques spécifiques du sport dans la mise en uvre des politiques communes.
C'est le sens de l'initiative prise par la présidence française avec le projet de déclaration, dont nous allons discuter dans un instant.
Mais avant que nous n'entrions véritablement dans le vif du sujet, je voudrais vous exprimer mes remerciements les plus chaleureux pour votre présence ici, à cette réunion qui, je l'espère, fera date.
Car je souhaite que le sport européen continue à nous donner du rêve, tout comme je souhaite qu'il continue à offrir aux jeunes le cadre éducatif et d'insertion dont ils ont besoin.
Qu'il demeure pour nos enfants, en somme, une école de la vie.
(Source http://www.jeunesse-sports.gouv.fr, le 9 novembre 2000)
C'était l'époque où à quelques-uns, alertés par les dérives du sport, nous allions frapper à la porte de la Commission, à celle, plus précisément, de Monsieur Van Miert qui, parce qu'il était en charge de la concurrence, avait compétence pour nous parler au nom de la Commission européenne. Sans être, alors, vraiment entendus, il faut le dire.
Aujourd'hui, je vous reçois sous ces lambris chargés d'histoire, avec un vrai protocole, et notre réunion est traduite dans les onze langues communautaires.
Madame Reding, à coté de sa charge dans les domaines de la culture, de l'éducation et de la jeunesse, est désormais chargée des sports.
Plus qu'un changement symbolique, c'est le reflet de ce qui a commencé à bouger, et je tiens à vous rendre, Madame la Commissaire, l'hommage que mérite votre action et votre pugnacité dans le domaine du sport.
Entre temps, il y a eu le Conseil de Vienne, et l'affirmation de la nécessaire sauvegarde des structures sportives actuelles ;
Puis notre rencontre de Paderborn, qui a constitué le tournant majeur dans l'intervention des Etats de l'Union européenne dans la lutte contre le dopage ;
Il y a eu le rapport d'Helsinki sur le sport ;
Et tout récemment, les conclusions du Conseil européen de Feira, qui pour la première fois a explicitement demandé que la Commission et le Conseil tiennent compte des caractéristiques spécifiques du sport dans la mise en uvre des politiques communes.
Ce chemin parcouru est - je crois - à l'image de la place qu'occupe aujourd'hui le sport dans nos sociétés.
Le sport, en effet, mobilise chaque semaine des dizaines de milliers de bénévoles, rassemble des millions de pratiquants, et fait rêver les hommes et les femmes de nos pays.
Il y a à peine un mois, les jeux olympiques de Sydney ont émerveillé le monde et réveillé des émotions que seul le sport est capable de générer à l'échelle planétaire.
Les jeux paralympiques, où j'ai également tenu à me rendre pour soutenir les athlètes, ont témoigné que la pratique sportive est vraiment le bien de tous et toutes, valides ou touchés par un handicap, et peut être source de plaisir pour tous et toutes, au même degré.
Le sport a acquis une dimension sociétale, à la fois de proximité, mais également planétaire.
Personne ici n'est donc surpris que cette activité humaine suscite des appétits.
Je crois que l'on peut même dire qu'en Europe comme à l'échelle planétaire, le sport se trouve aujourd'hui à un tournant.
Le sport est en effet confronté à des enjeux considérables liés à son développement, à la diversification des pratiques, mais aussi à sa médiatisation, à sa professionnalisation, à l'arrivée massive d'argent dans certaines disciplines.
Vous savez que je n'ai pas la volonté de diaboliser l'argent dans le sport. Le sport a besoin de moyens et ces moyens ne peuvent pas être uniquement publics.
Je me refuse ainsi à délimiter un sport sans argent qui serait " pur " et un sport bénéficiant d'argent qui serait " perdu " .
Je préfère poser la question autrement : le mouvement sportif dispose-t-il des moyens, des espaces, des bases légales pour préserver le sens, les valeurs du sport en maîtrisant l'argent qui lui arrive et ainsi éviter que cet argent dicte sa loi au sport ?
Le spectacle sportif est devenu si attractif que des intérêts financiers veulent s'en servir dans un but uniquement de rentabilité, quitte à sacrifier son éthique et à considérer les sportifs comme des marchandises.
Quel sport voulons-nous pour le XXIe siècle ? La réponse à cette question globale, fondamentale, découle des réponses que nous pouvons, États et mouvement sportif, apporter au quotidien.
Deux choix sont possibles. Soit à partir du constat de ces dérives, nous considérons que le sport ne dépend plus que du marché, les sportifs de leur valeur ajoutée ; alors, il faut leur appliquer les règles de la concurrence, et ajouter de la déréglementation aux folies actuelles.
Soit, à partir de ce que fut la construction du sport moderne en Europe, avec ses valeurs humanistes, ses structures associatives, nous décidons, dans le contexte actuel, de redonner en Europe aux mouvements sportifs les moyens juridiques et institutionnels de protéger les pratiques sportives dans leur diversité au sein des structures fédératives.
Cette dernière option, qui est celle de la présidence française, ne signifie pas le statu quo mais au contraire appelle des propositions innovantes et alternatives du mouvement sportif - et je souhaite profondément que ce sera le cas sur la question des transferts et que la famille du football se mettra d'accord sur des propositions précises - et des États pour ce qui est de leur responsabilité.
En ce qui concerne les pouvoirs publics je crois qu'il est de notre responsabilité de créer les conditions pour que ces associations sportives, autonomes par essence, puissent mener à bien leurs missions sans voir leur rôle remis en cause par des groupes extérieurs au monde associatif, et dont les objectifs sont d'utiliser le sport à des fins d'intérêts privés.
De ce point de vue, je voudrais vous redire que la création, cette saison, d'une ligue européenne privée de basket constitue à mes yeux un précédent inquiétant.
Je ne crois pas que c'est le prix à payer par le mouvement sportif pour continuer à exister dans un monde concurrentiel.
Je considère au contraire que soumettre le sport à cette concurrence, c'est compromettre son éthique, ses finalités sociales et éducatives, son indépendance et qu'il faut s'y opposer.
Le moment est venu pour nous de répondre à l'appel de Feira et de prendre en compte les caractéristiques spécifiques du sport dans la mise en uvre des politiques communes.
C'est le sens de l'initiative prise par la présidence française avec le projet de déclaration, dont nous allons discuter dans un instant.
Mais avant que nous n'entrions véritablement dans le vif du sujet, je voudrais vous exprimer mes remerciements les plus chaleureux pour votre présence ici, à cette réunion qui, je l'espère, fera date.
Car je souhaite que le sport européen continue à nous donner du rêve, tout comme je souhaite qu'il continue à offrir aux jeunes le cadre éducatif et d'insertion dont ils ont besoin.
Qu'il demeure pour nos enfants, en somme, une école de la vie.
(Source http://www.jeunesse-sports.gouv.fr, le 9 novembre 2000)