Texte intégral
Q- Les négociations Unedic se poursuivent à l'heure où nous parlons et ce, depuis hier après-midi. Il s'y décide le sort, en particulier du régime spécifique d'indemnisation des intermittents du spectacle. Le dossier est-il bouclé, en voie de l'être ? De quelles nouvelles disposez-vous ?
R- Je n'ai pas d'information sur le contenu de la négociation. En tous cas, je suis extrêmement vigilant, parce que j'ai dit, lorsque j'ai pris mes fonctions, que je voulais être le ministre de l'emploi culturel. C'est-à dire de montrer à quel point la culture, pour notre pays, n'est pas uniquement un supplément d'âme sympathique, mais est essentiel pour l'attractivité française. C'est une source d'emplois absolument considérable et donc le Gouvernement de D. de Villepin cherche à pousser au maximum tous les emplois possibles.
Q- Vous étiez aussi engagé à ce qu'un nouveau régime voit le jour !
R- Nous voulons bien sûr qu'il y ait un système juste et équitable d'assurance chômage pour l'ensemble des français, pour les artistes et les techniciens, avec un système spécifique auquel ils ont droit en raison de leurs conditions de travail spécifiques. Et là-dessus, il faut expliquer très clairement les choses aux français, parce que sinon ils peuvent être choqués et se dire au fond : pourquoi un système spécifique pour les artistes et les techniciens ? C'est que la situation de chômage pour eux n'est pas liée à la crise, n'est pas liée à un changement d'un secteur d'activité, mais au mode de vie, au fait des tournées, des spectacles, de la manière d'organiser son travail. Et donc je suis un partenaire attentif et vigilant. Le Premier ministre lui-même, devant les partenaires sociaux, il y a quelques jours, a dit très clairement que l'Etat continuerait à s'engager. Nous attendons bien sûr les résultats de cette négociation pour voir de quelle manière nous allons continuer à nous engager. En tout cas, je souhaite qu'il y ait un système équitable, c'est l'engagement que nous avons pris.
Q- Quelle serait la bonne solution ? Proroger le protocole qui avait été signé en 2003 ?
R- Je n'ai pas d'éléments aujourd'hui. Au moment où nous parlons, je ne connais pas la décision des partenaires sociaux. Je sais en tout cas que je suis le défenseur passionné des artistes et des techniciens et que je ne veux pas que se rouvre la crise de confiance qui avait pu naître à un moment. Je crois qu'elle est maintenant loin derrière nous, parce qu'encore une fois, nous avons mené une politique très volontariste d'emploi, de soutien à l'activité. La relocalisation des tournages, c'est une réalité dans la France d'aujourd'hui, grâce à des mesures par exemple de crédits d'impôt que nous avons prises pour le cinéma et pour l'audiovisuel. L'accord qui a été signé, hier, entre les fournisseurs d'accès à Internet, le monde du cinéma et le monde de la télévision, est une fantastique nouvelle pour l'emploi, pour toute la filière du cinéma, parce que ce sont donc des investissements d'Internet vers le soutien au cinéma. Donc je suis résolu dans le soutien à l'activité.
Q- Avez-vous l'impression d'avoir une pression continuelle des intermittents du spectacle ?
R- Je n'ai pas besoin de "pression" pour me sentir mobilisé et responsable. J'ai pris des engagements. Je suis - j'espère en tout cas l'être ? un ministre de la Culture et de la Communication très actif sur tous les fronts qui sont les miens, sur tous les enjeux. Encore une fois, j'ai comme objectif de faire que chacun perçoive à quel point, la culture dans notre pays est source d'emplois. Ce ne sont pas les marginaux sympathiques, c'est l'attractivité française. Vous voyez bien aujourd'hui que ce qui se passe dans chacune de nos villes et globalement pour notre pays, c'est ce qui fait que nous sommes la première destination touristique mondiale, qui fait aussi que les habitants, en France, peuvent parfois sortir d'eux-mêmes de leur haine, de leurs difficultés, de leur mal être, pour vivre des moments de magie et de liberté.
Q- Et s'il n'y a pas d'accord à l'Unedic, quelle est la marge de man?uvre de l'observateur qu'est l'Etat et le ministre ?
R- Je ne peux pas penser un seul instant qu'il n'y aura pas d'accord. Ce qui m'importe, c'est de savoir le contenu de l'accord évidemment. Et encore une fois, le Premier ministre lui-même a annoncé que l'Etat était un partenaire actif et que sur le plan financier, nous sommes amenés à intervenir. Il a annoncé que le fonds qui avait été envisagé pour 2005, selon des modalités à déterminer, qui ne le sont pas encore, serait très vraisemblablement reconduit en 2006, avec une vocation peut-être différente. Tout ça est sur la table. En tout cas dire que je suis mobilisé n'est rien par rapport à la réalité.
Q- Autre dossier pour vous en cette fin d'année : les droits d'auteurs et leur évolution dans un univers marqué par Internet, la circulation numérique des ?uvres, les téléchargements en ligne. Qu'est-ce qui coince pour provoquer, côté gauche et à l'UDF, l'absence de consensus sur un sujet pareil ?
R- Il y a des polémiques dont on aurait pu se passer. J'aurais préféré que cela rassemble vraiment tout le monde, parce qu'il y a des enjeux très importants. Internet est une chance et une liberté fantastique, à partir du moment où il y a un comportement responsable et où on fait en sorte que le principe de la rémunération des artistes, des auteurs, la propriété intellectuelle soient rémunérées. Et j'ai donc comme objectif de faire en sorte qu'Internet permette le maximum de diffusion de musique et de cinéma. Lorsque j'ai pris mes fonctions, il n'y avait aucune rencontre, d'aucune sorte, entre les fournisseurs d'accès à Internet, le monde du cinéma et de la musique et le monde de la diffusion, c'est-à-dire les radios et les télévisions. C'est l'esprit "table ronde" qui a fait qu'aujourd'hui, il y a des offres légales et de musique et de cinéma, qui viennent d'être paraphées hier. Et donc cela me semble évidemment très important. C'est le règne en ce moment de la manipulation, c'est-à-dire que là aussi, il y avait parfois des comportements excessifs. Soit d'un côté, les tenants de la gratuité, de la dérégulation ultralibérale, qui font le jeu d'un certain nombre de sociétés multinationales ou du monde américain. De l'autre côté, ceux qui pensaient que la prison était le seul élément de régulation. Je suis pour une troisième voie, ce que j'ai baptisé la "réponse graduée", faite d'information, de prévention. La réponse graduée, c'est que si vous allez pirater de manière illégale une ?uvre, vous ne serez pas traduit immédiatement devant les tribunaux. On vous préviendra de ce qu'est l'enjeu, que vous êtes en train de pirater une ?uvre illégale, alors que vous pouvez l'acheter de manière légale, soutenir un artiste et soutenir le travail des techniciens de celles et ceux qui travaillent dans le monde culturel et artistique... Bref dire que les internautes sont promis à la prison s'ils piratent, c'est désormais faux. Dire que la copie privée, c'est-à-dire que si vous avez aimé un tube de rock que vous venez de découvrir ou un film que vous venez de télécharger légalement, vous avez le droit dans ce qu'on appelle le cercle de famille, c'est-à-dire à peu près cinq personnes, de vouloir le faire connaître, le transmettre, le diffuser, en parler et en assurer la circulation : c'est légal ! C'est ce qu'on appelle la copie privée, avec d'ailleurs la rémunération pour copie privée, ce qui est très important pour les artistes eux-mêmes. On est donc dans une période où on joue sur les fantasmes et les peurs. Je suis pour Internet, pour l'offre légale et pour ce que j'appelle la dépénalisation pour les Internautes eux-mêmes, et que ce soient les vrais responsables, c'est-à-dire ceux qui ont parfois abusé financièrement de la situation, qui soient, le cas échéant, pénalement jugés et responsables. C'est donc un très beau principe que de défendre le droit d'auteur.
Q- Et pourquoi vous attribue-t-on des pensées liberticides et une volonté répressive ?
R- Parce que c'est de la polémique politique et je trouve ça dommage. Parce qu'il y a des sujets qui devraient réunir... Et d'ailleurs, je sens que là-dessus, les socialistes sont très divisés, parce qu'il y a un certain nombre de grands responsables du Parti socialiste qui pensent exactement comme moi. Il faut avoir un peu de courage dans la vie, il ne faut pas faire que de la démagogie. Et dire tout simplement qu'on veut que les artistes et les auteurs puissent être rémunérés de leur travail, c'est normal. On ne va pas revenir à Louis XIV, on ne va pas revenir à la Cour, où il fallait implorer le roi pour pouvoir vivre de son travail. Les artistes et les techniciens aussi ont le droit de vivre de leur travail.
Q- J'ai lu quelque part que vous ne pensiez pas aux bibliothécaires, qui veulent faire avec Internet ce qu'ils ont toujours fait avec du papier...
R- Mais là aussi, c'est de la caricature ! J'essaye de trouver des bons points d'équilibre, pour faire en sorte que la diffusion des ?uvres soit facile et soit largement accessible. Et par ailleurs, il est normal qu'un auteur veuille être rémunéré, sinon on va assister uniquement à la concentration de quelques grands auteurs. Et ceux qui veulent se lancer, comment va-t-on les soutenir ? Bref, il faut tenir, sur ces sujets, des propos équilibrés, loin de la caricature. Je dis : vive Internet ! Mais je dis : vive un certain nombre de principes et de valeurs !
Q- Et l'idée de faire payer quelques euros en plus par mois, en plus de l'abonnement Internet, pour avoir accès à tous les fichiers musicaux du Web par exemple, ce n'est pas une bonne idée ?
R- C'est ce qu'on appelle la "licence légale" ou la "licence globale". Je crois tout simplement que cela pose un problème énorme : c'est de savoir ensuite comment on rémunère les artistes. C'est-à-dire sur quelle base est-ce que vous allez rémunérer différemment un artiste qui aura vendu un million de fois son titre et celui qui l'aura vendu cinq fois. Comment allez-vous faire les calculs ? Donc cela n'apparaît pas comme aujourd'hui opératoire. Et d'ailleurs, l'ensemble des artistes, qui pour certains y avaient été intéressés, se sont détournés de cette proposition. Deuxièmement, le chiffre d'affaires global de ce que cela représenterait est très inférieur à celui du paiement des droits. Donc cela pose des problèmes pour la rémunération des artistes.
Q- Quelques petites questions de politique. Le PC et le PS qui envisagent de se remettre en ménage, cela vous fait quoi ?
R- Je pense qu'il ne faut pas que la majorité présidentielle et la droite république soient aveugles. La gauche sera très mobilisée pour la prochaine élection présidentielle et ils veulent tourner, ce qui est compréhensible, la page de 2002, la page de cette situation absolument extraordinaire où, au deuxième tour de l'élection présidentielle, il n'y avait personne de la gauche. Donc la droite doit être unie et mobilisée parce que la gauche le sera...
Q- A. Juppé ne donne pas l'impression de revenir, mais d'être disponible : un commentaire ?
R- C'est une voix qui manque à la France, parce que c'est quelqu'un d'une intelligence absolument exceptionnelle. Et selon les moyens qu'il déterminera lui-même, je pense que ses analyses de la conjoncture, les conseils, les recommandations, les critiques le cas échéant qu'il peut formuler, sont tout simplement utiles. On ne gagnera en 2007 que si on n'est pas une addition de chiens de faïence qui veulent régler des comptes les uns contre les autres, mais si on s'additionne tous ensemble. Cela a été la décision du bureau politique de l'UMP, il y a une quinzaine de jours : il y aura un candidat de l'UMP et je souhaite que derrière lui, tous les talents soient là et toutes les générations soient là.
Q- Des personnalités du monde artistique se mobilisent pour inciter les jeunes de banlieues et les autres à s'inscrire sur les listes électorales. Sont-ils dans leur rôle ?
R- Mais bien sûr, vive la démocratie, que chacun s'engage ! Aujourd'hui je pense qu'il faut que les élus, les ministres, vous, chacun ait à c?ur d'aller partout. D'aller tendre la main, d'aller dire aux gens quand ils font une erreur, quand ils sont en plein dérapage, quand ils sont dans de mauvaises spirales, de les dénoncer et, le cas échéant, de les sanctionner - mais de tendre la main ! La démocratie est le lieu où s'arbitrent les conflits, où l'on fait des choix. Et donc je souhaite effectivement que chacun dans ce pays, quelle que soit la couleur de sa peau, quelle que soit sa religion, quel que soit son âge, aille voter. Tout simplement parce que c'est un acte civique et on ne peut pas ensuite se plaindre, le lendemain, de ne pas être reconnu. Je crois que c'est une très belle démarche, vive cette participation des citoyens !
Q- L'année 2005 se termine aussi sous le signe de la restauration du patrimoine, celui de la moitié de la Galerie des Glaces, la restauration du Grande Palais. C'est le bon côté du job ?!
R- Bien sûr, c'est magnifique, parce que pour moi, le patrimoine n'est pas une nostalgie, c'est un capital fantastique qu'on a entre les mains. C'est l'addition de savoir-faire d'ailleurs : toutes ces entreprises, ces artisans, ces métiers d'art qui font la rénovation du patrimoine, c'est la responsabilité de l'Etat, celle aussi des collectivités locales, avec le partenariat de grandes entreprises privées. Et pour moi, ministre d'Etat de la Culture et de la Communication, remercier une grande entreprise privée pour le mécénat qu'elle apporte pour le Château de Versailles, ce n'est pas annoncer un désengagement, mais c'est souhaiter tout simplement la conjugaison là aussi des énergies. Et c'est quelque chose de très bien.(Source: premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 27 décembre 2005)
R- Je n'ai pas d'information sur le contenu de la négociation. En tous cas, je suis extrêmement vigilant, parce que j'ai dit, lorsque j'ai pris mes fonctions, que je voulais être le ministre de l'emploi culturel. C'est-à dire de montrer à quel point la culture, pour notre pays, n'est pas uniquement un supplément d'âme sympathique, mais est essentiel pour l'attractivité française. C'est une source d'emplois absolument considérable et donc le Gouvernement de D. de Villepin cherche à pousser au maximum tous les emplois possibles.
Q- Vous étiez aussi engagé à ce qu'un nouveau régime voit le jour !
R- Nous voulons bien sûr qu'il y ait un système juste et équitable d'assurance chômage pour l'ensemble des français, pour les artistes et les techniciens, avec un système spécifique auquel ils ont droit en raison de leurs conditions de travail spécifiques. Et là-dessus, il faut expliquer très clairement les choses aux français, parce que sinon ils peuvent être choqués et se dire au fond : pourquoi un système spécifique pour les artistes et les techniciens ? C'est que la situation de chômage pour eux n'est pas liée à la crise, n'est pas liée à un changement d'un secteur d'activité, mais au mode de vie, au fait des tournées, des spectacles, de la manière d'organiser son travail. Et donc je suis un partenaire attentif et vigilant. Le Premier ministre lui-même, devant les partenaires sociaux, il y a quelques jours, a dit très clairement que l'Etat continuerait à s'engager. Nous attendons bien sûr les résultats de cette négociation pour voir de quelle manière nous allons continuer à nous engager. En tout cas, je souhaite qu'il y ait un système équitable, c'est l'engagement que nous avons pris.
Q- Quelle serait la bonne solution ? Proroger le protocole qui avait été signé en 2003 ?
R- Je n'ai pas d'éléments aujourd'hui. Au moment où nous parlons, je ne connais pas la décision des partenaires sociaux. Je sais en tout cas que je suis le défenseur passionné des artistes et des techniciens et que je ne veux pas que se rouvre la crise de confiance qui avait pu naître à un moment. Je crois qu'elle est maintenant loin derrière nous, parce qu'encore une fois, nous avons mené une politique très volontariste d'emploi, de soutien à l'activité. La relocalisation des tournages, c'est une réalité dans la France d'aujourd'hui, grâce à des mesures par exemple de crédits d'impôt que nous avons prises pour le cinéma et pour l'audiovisuel. L'accord qui a été signé, hier, entre les fournisseurs d'accès à Internet, le monde du cinéma et le monde de la télévision, est une fantastique nouvelle pour l'emploi, pour toute la filière du cinéma, parce que ce sont donc des investissements d'Internet vers le soutien au cinéma. Donc je suis résolu dans le soutien à l'activité.
Q- Avez-vous l'impression d'avoir une pression continuelle des intermittents du spectacle ?
R- Je n'ai pas besoin de "pression" pour me sentir mobilisé et responsable. J'ai pris des engagements. Je suis - j'espère en tout cas l'être ? un ministre de la Culture et de la Communication très actif sur tous les fronts qui sont les miens, sur tous les enjeux. Encore une fois, j'ai comme objectif de faire que chacun perçoive à quel point, la culture dans notre pays est source d'emplois. Ce ne sont pas les marginaux sympathiques, c'est l'attractivité française. Vous voyez bien aujourd'hui que ce qui se passe dans chacune de nos villes et globalement pour notre pays, c'est ce qui fait que nous sommes la première destination touristique mondiale, qui fait aussi que les habitants, en France, peuvent parfois sortir d'eux-mêmes de leur haine, de leurs difficultés, de leur mal être, pour vivre des moments de magie et de liberté.
Q- Et s'il n'y a pas d'accord à l'Unedic, quelle est la marge de man?uvre de l'observateur qu'est l'Etat et le ministre ?
R- Je ne peux pas penser un seul instant qu'il n'y aura pas d'accord. Ce qui m'importe, c'est de savoir le contenu de l'accord évidemment. Et encore une fois, le Premier ministre lui-même a annoncé que l'Etat était un partenaire actif et que sur le plan financier, nous sommes amenés à intervenir. Il a annoncé que le fonds qui avait été envisagé pour 2005, selon des modalités à déterminer, qui ne le sont pas encore, serait très vraisemblablement reconduit en 2006, avec une vocation peut-être différente. Tout ça est sur la table. En tout cas dire que je suis mobilisé n'est rien par rapport à la réalité.
Q- Autre dossier pour vous en cette fin d'année : les droits d'auteurs et leur évolution dans un univers marqué par Internet, la circulation numérique des ?uvres, les téléchargements en ligne. Qu'est-ce qui coince pour provoquer, côté gauche et à l'UDF, l'absence de consensus sur un sujet pareil ?
R- Il y a des polémiques dont on aurait pu se passer. J'aurais préféré que cela rassemble vraiment tout le monde, parce qu'il y a des enjeux très importants. Internet est une chance et une liberté fantastique, à partir du moment où il y a un comportement responsable et où on fait en sorte que le principe de la rémunération des artistes, des auteurs, la propriété intellectuelle soient rémunérées. Et j'ai donc comme objectif de faire en sorte qu'Internet permette le maximum de diffusion de musique et de cinéma. Lorsque j'ai pris mes fonctions, il n'y avait aucune rencontre, d'aucune sorte, entre les fournisseurs d'accès à Internet, le monde du cinéma et de la musique et le monde de la diffusion, c'est-à-dire les radios et les télévisions. C'est l'esprit "table ronde" qui a fait qu'aujourd'hui, il y a des offres légales et de musique et de cinéma, qui viennent d'être paraphées hier. Et donc cela me semble évidemment très important. C'est le règne en ce moment de la manipulation, c'est-à-dire que là aussi, il y avait parfois des comportements excessifs. Soit d'un côté, les tenants de la gratuité, de la dérégulation ultralibérale, qui font le jeu d'un certain nombre de sociétés multinationales ou du monde américain. De l'autre côté, ceux qui pensaient que la prison était le seul élément de régulation. Je suis pour une troisième voie, ce que j'ai baptisé la "réponse graduée", faite d'information, de prévention. La réponse graduée, c'est que si vous allez pirater de manière illégale une ?uvre, vous ne serez pas traduit immédiatement devant les tribunaux. On vous préviendra de ce qu'est l'enjeu, que vous êtes en train de pirater une ?uvre illégale, alors que vous pouvez l'acheter de manière légale, soutenir un artiste et soutenir le travail des techniciens de celles et ceux qui travaillent dans le monde culturel et artistique... Bref dire que les internautes sont promis à la prison s'ils piratent, c'est désormais faux. Dire que la copie privée, c'est-à-dire que si vous avez aimé un tube de rock que vous venez de découvrir ou un film que vous venez de télécharger légalement, vous avez le droit dans ce qu'on appelle le cercle de famille, c'est-à-dire à peu près cinq personnes, de vouloir le faire connaître, le transmettre, le diffuser, en parler et en assurer la circulation : c'est légal ! C'est ce qu'on appelle la copie privée, avec d'ailleurs la rémunération pour copie privée, ce qui est très important pour les artistes eux-mêmes. On est donc dans une période où on joue sur les fantasmes et les peurs. Je suis pour Internet, pour l'offre légale et pour ce que j'appelle la dépénalisation pour les Internautes eux-mêmes, et que ce soient les vrais responsables, c'est-à-dire ceux qui ont parfois abusé financièrement de la situation, qui soient, le cas échéant, pénalement jugés et responsables. C'est donc un très beau principe que de défendre le droit d'auteur.
Q- Et pourquoi vous attribue-t-on des pensées liberticides et une volonté répressive ?
R- Parce que c'est de la polémique politique et je trouve ça dommage. Parce qu'il y a des sujets qui devraient réunir... Et d'ailleurs, je sens que là-dessus, les socialistes sont très divisés, parce qu'il y a un certain nombre de grands responsables du Parti socialiste qui pensent exactement comme moi. Il faut avoir un peu de courage dans la vie, il ne faut pas faire que de la démagogie. Et dire tout simplement qu'on veut que les artistes et les auteurs puissent être rémunérés de leur travail, c'est normal. On ne va pas revenir à Louis XIV, on ne va pas revenir à la Cour, où il fallait implorer le roi pour pouvoir vivre de son travail. Les artistes et les techniciens aussi ont le droit de vivre de leur travail.
Q- J'ai lu quelque part que vous ne pensiez pas aux bibliothécaires, qui veulent faire avec Internet ce qu'ils ont toujours fait avec du papier...
R- Mais là aussi, c'est de la caricature ! J'essaye de trouver des bons points d'équilibre, pour faire en sorte que la diffusion des ?uvres soit facile et soit largement accessible. Et par ailleurs, il est normal qu'un auteur veuille être rémunéré, sinon on va assister uniquement à la concentration de quelques grands auteurs. Et ceux qui veulent se lancer, comment va-t-on les soutenir ? Bref, il faut tenir, sur ces sujets, des propos équilibrés, loin de la caricature. Je dis : vive Internet ! Mais je dis : vive un certain nombre de principes et de valeurs !
Q- Et l'idée de faire payer quelques euros en plus par mois, en plus de l'abonnement Internet, pour avoir accès à tous les fichiers musicaux du Web par exemple, ce n'est pas une bonne idée ?
R- C'est ce qu'on appelle la "licence légale" ou la "licence globale". Je crois tout simplement que cela pose un problème énorme : c'est de savoir ensuite comment on rémunère les artistes. C'est-à-dire sur quelle base est-ce que vous allez rémunérer différemment un artiste qui aura vendu un million de fois son titre et celui qui l'aura vendu cinq fois. Comment allez-vous faire les calculs ? Donc cela n'apparaît pas comme aujourd'hui opératoire. Et d'ailleurs, l'ensemble des artistes, qui pour certains y avaient été intéressés, se sont détournés de cette proposition. Deuxièmement, le chiffre d'affaires global de ce que cela représenterait est très inférieur à celui du paiement des droits. Donc cela pose des problèmes pour la rémunération des artistes.
Q- Quelques petites questions de politique. Le PC et le PS qui envisagent de se remettre en ménage, cela vous fait quoi ?
R- Je pense qu'il ne faut pas que la majorité présidentielle et la droite république soient aveugles. La gauche sera très mobilisée pour la prochaine élection présidentielle et ils veulent tourner, ce qui est compréhensible, la page de 2002, la page de cette situation absolument extraordinaire où, au deuxième tour de l'élection présidentielle, il n'y avait personne de la gauche. Donc la droite doit être unie et mobilisée parce que la gauche le sera...
Q- A. Juppé ne donne pas l'impression de revenir, mais d'être disponible : un commentaire ?
R- C'est une voix qui manque à la France, parce que c'est quelqu'un d'une intelligence absolument exceptionnelle. Et selon les moyens qu'il déterminera lui-même, je pense que ses analyses de la conjoncture, les conseils, les recommandations, les critiques le cas échéant qu'il peut formuler, sont tout simplement utiles. On ne gagnera en 2007 que si on n'est pas une addition de chiens de faïence qui veulent régler des comptes les uns contre les autres, mais si on s'additionne tous ensemble. Cela a été la décision du bureau politique de l'UMP, il y a une quinzaine de jours : il y aura un candidat de l'UMP et je souhaite que derrière lui, tous les talents soient là et toutes les générations soient là.
Q- Des personnalités du monde artistique se mobilisent pour inciter les jeunes de banlieues et les autres à s'inscrire sur les listes électorales. Sont-ils dans leur rôle ?
R- Mais bien sûr, vive la démocratie, que chacun s'engage ! Aujourd'hui je pense qu'il faut que les élus, les ministres, vous, chacun ait à c?ur d'aller partout. D'aller tendre la main, d'aller dire aux gens quand ils font une erreur, quand ils sont en plein dérapage, quand ils sont dans de mauvaises spirales, de les dénoncer et, le cas échéant, de les sanctionner - mais de tendre la main ! La démocratie est le lieu où s'arbitrent les conflits, où l'on fait des choix. Et donc je souhaite effectivement que chacun dans ce pays, quelle que soit la couleur de sa peau, quelle que soit sa religion, quel que soit son âge, aille voter. Tout simplement parce que c'est un acte civique et on ne peut pas ensuite se plaindre, le lendemain, de ne pas être reconnu. Je crois que c'est une très belle démarche, vive cette participation des citoyens !
Q- L'année 2005 se termine aussi sous le signe de la restauration du patrimoine, celui de la moitié de la Galerie des Glaces, la restauration du Grande Palais. C'est le bon côté du job ?!
R- Bien sûr, c'est magnifique, parce que pour moi, le patrimoine n'est pas une nostalgie, c'est un capital fantastique qu'on a entre les mains. C'est l'addition de savoir-faire d'ailleurs : toutes ces entreprises, ces artisans, ces métiers d'art qui font la rénovation du patrimoine, c'est la responsabilité de l'Etat, celle aussi des collectivités locales, avec le partenariat de grandes entreprises privées. Et pour moi, ministre d'Etat de la Culture et de la Communication, remercier une grande entreprise privée pour le mécénat qu'elle apporte pour le Château de Versailles, ce n'est pas annoncer un désengagement, mais c'est souhaiter tout simplement la conjugaison là aussi des énergies. Et c'est quelque chose de très bien.(Source: premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 27 décembre 2005)